La solidarité grandit une culture
Belgique, pas en notre nom... 200 artistes du Nord du pays contre le nationalisme borné

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Le 11 juillet dernier, le président du Parlement flamand, Jan Peumans (N-VA), s’inquiétait du « manque d’identité » dont souffre la Flandre. Car c’est cette identité même qui doit « mener au devenir d’une nation ».

Selon lui, l’importance de ce devenir d’une nation « n’a pas encore été suffisamment intégrée pour convaincre toute la population ». Pour Peumans, la mission de la Région flamande est de combler ce vide. Et à côté de cela, il n’a pas hésité à critiquer vivement ces « milieux artistiques et intellectuels » qui « minimisent, voire nient les sentiments identitaires flamands ».

En tant que citoyens qui, chaque jour, baignons dans la culture au sens large, nous rejetons le discours sur la culture et l’identité qu’on nous propose ici. Il vide de leur contenu les notions de culture et d’identité et les transforme en instruments de manipulation à des fins politiques. Nous avons déjà une culture et une identité. Elles sont également flamandes, mais pas « exclusivement ». Nous ne voulons pas qu’elles soient « comblées » d’un concept nationaliste flamand. Cela signifierait un appauvrissement et une attaque contre ce que nous sommes aujourd’hui.

1. Parce qu’il s’agit d’un processus d’exclusion et d’aliénation

En tant que ministre chargé entre autres des médias, Geert Bourgeois (N-VA) a fait tout un tintouin pour une chanson du groupe Clouseau : « Une chanson de propagande belgiciste, un plaidoyer en faveur d’une gouvernance malsaine. » En 2009, lorsque la VRT a retransmis le concert Belgavox, Bourgeois a réagi furieusement : « Je trouve cela absolument inadmissible. Il s’agit d’une initiative visant à renforcer l’identité belge. » Ces déclarations illustrent clairement une caractéristique condamnable de la « formation de l’identité flamande » : une identité est glorifiée, l’autre – ici, l’identité belge – est maudite. À nos yeux, c’est inacceptable. Nous nous opposons à la création d’une image qui dresse les uns contre les autres les gens de notre pays en tant que groupes culturels inconciliables. Nous n’acceptons pas que nos compatriotes francophones soient présentés comme porteurs d’une culture caractérisée par une absence de sens des responsabilités, par la paresse et le « profitariat », par une manie du vol et une tendance à l’expansionnisme.

2. Parce que cela cache un agenda antisocial

Le nationalisme flamand qui, il y a longtemps, exprimait une résistance légitime à la discrimination s’est aujourd’hui mué en « nationalisme économique ». Il se traduit par des thèmes comme les transferts, les prétendus « chèques en blanc remis aux Wallons », le « fédéralisme de l’argent de poche », etc. Bart De Wever a donné un contenu socioéconomique à l’identité et la culture flamande. Par exemple, lors des négociations, lorsqu’il à déclaré que l’organisation patronale flamande, le Voka, était son patron et qu’il n’était satisfait que lorsque le Voka l’était aussi. Lorsqu’on lit de près le programme socioéconomique de la N-VA, on voit que De Wever a fait de l’agenda du Voka celui de son propre parti. Cela ouvre la perspective peu attrayante d’une Flandre où les bénéfices économiques primeront et où les acquis sociaux seront détruits. Les soins de santé, les pensions, les indemnités de chômage, l’aide sociale, passeront à la casserole. Les personnes qui voudront s’assurer contre la maladie ou la perte de revenu, ou qui voudront s’assurer une pension décente, devront se tourner vers le marché privé.

Le discours tel que « ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux » ou de « la culture et l’identité flamandes » fonctionne comme un lubrifiant afin de rendre acceptable cet agenda antisocial, et ce au nom de la compétitivité et d’une « Flandre, première région d’Europe ».

3. Parce que cela affaiblit la résistance du citoyen

Outre leur drapeau jaune et noir, les nationalistes flamands agitent volontiers aussi l’étendard européen. Cela semble peut-être contradictoire, mais ce ne l’est pas du tout. Les nationalistes flamands entendent dissocier la Flandre d’une Wallonie économiquement plus faible. Le niveau national est ce qui rattache les deux régions et qui fait obstacle à l’agenda nationaliste flamand. C’est pourquoi, on utilise le niveau supranational, l’Europe, pour « estomper » le niveau national qu’est la Belgique.

L’Europe supranationale mène une politique à laquelle correspond parfaitement l’agenda socioéconomique des nationalistes flamands. L’opposition à cet agenda antisocial est principalement menée à un niveau national : en Grèce, au Portugal, en France. C’est à ce niveau de politique que les « conquêtes » sociales ont été réalisées et que, pour l’instant, elles peuvent être le mieux garanties. Si les citoyens entendent défendre efficacement leurs intérêts sociaux, la meilleure façon de s’y prendre passera par une solidarité réciproque. Le repli sur des « communautés culturelles » de plus en plus minuscules et strictement délimitées va à l’encontre des possibilités de développement vers une Europe sociale et une solidarité au niveau européen. C’est précisément en raison de son multilinguisme, de sa diversité de langues et de cultures et du cosmopolitisme de Bruxelles, capitale de l’Europe, que, sur ce plan, notre pays présente les possibilités de s’ériger en exemple d’unité et de solidarité, en modèle pour la société de demain.

L’idée sous-jacente à l’appel de Peumans est qu’un État flamand homogène sur le plan culturel constituera une meilleure société que la Belgique multilingue et interculturelle. Mais ce sera précisément le caractère cosmopolite et interculturel qui sera déterminant dans le monde de demain. Au lieu de le nier, nous devons nous demander ce qui se passera si nous mettons en avant le multiculturalisme. Cela ne se fera pas aux dépens des particularismes et de la créativité. Au contraire. Cela exigera un regard critique sur la relation entre culture et pouvoir.

« La culture et l’identité flamandes » dont nous devrions, selon Peumans, être imprégnés, est une aberration que n’espère aucun citoyen. Sans cesse, de nouvelles enquêtes confirment que la plupart des Flamands sont partisans du maintien de la Belgique et souhaitent une entente vivable entre les Régions et les Communautés. À Bruxelles, de plus en plus de francophones envoient leurs enfants dans une école néerlandophone : « Il est utile de connaître plusieurs langues », estiment-ils, quelle que soit leur origine. Ils voient dans le multilinguisme un moyen de progresser. Une éternelle « pollinisation », des contacts mutuels, une internationalité, voilà la richesse et la force de la culture.

La Belgique représente bien plus que la vieille « Belgique de papa ». La Belgique, c’est le prêtre Daens, ou Anseele, qui fut élu à Liège, ou Julien Lahaut. La Belgique, c’est la mise sur pied de la sécurité sociale. « La plus belle cathédrale du pays », disent les syndicalistes. Une cathédrale qui fut bâtie par des Flamands, des Wallons, des Bruxellois et des immigrés : le mouvement social belge.

Ce qui fait défaut dans le discours nationaliste flamand, c’est la solidarité. Cette valeur humaine est tout le contraire de l’égoïsme, de la cupidité et de l’intolérance. Aujourd’hui, au nom de notre culture et de notre identité, on tire à boulets rouges sur cette solidarité. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Une culture riche et ouverte est une culture qui ne laisse pas de place l’intérêt personnel et qui défend la solidarité comme principe fondamental.

Dirk Tuypens, acteur
Lieve Franssen, dirigente Brecht Eisler Koor – président Louis Paul Boon Kring
Lebuïn D’Haese, sculpteur

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