Sur l’affaire de corruption qui secoue le parlement européen et la confédération internationale des syndicats Par Jean-Pierre-Page

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Commentaire au sujet de l’implication de Luca Visentini nouveau secrétaire général de la CSI et ancien secrétaire général de la CES. Cette information importante et révélatrice des compromissions des dirigeants de la CES vient d’être révélée par le journal belge Le Soir.

Laurent Berger et Luca Visentini. Bruxelles, 26 avril 2019. Euro-manifestation syndicale à l’appel de la CES.

La mise en cause par la justice belge et dans une affaire de corruption de Luca Visentini, ex-secrétaire général de la Confédération Européenne des Syndicats CES) et nouveau secrétaire général de la Confédération Syndicale Internationale (CIS, ex CISL) est très grave. Elle est aussi révélatrice ! Elle met en évidence les complicités politiques et financière directes dans les rouages européens, d’organisations syndicales, de partis, d’ONG avec les institutions. Autant dire avec la commission de Bruxelles comme avec le parlement. Cela renvoie à l’indépendance et au fonctionnement de la CES dont le budget est assuré à plus de 75% par l’Union Européenne et dont les dirigeants bénéficient d’avantages identiques aux fonctionnaires de l’UE, en matière de rémunérations, de conditions de travail, de promotions et ou le système de "pantouflage" existe depuis longtemps permettant de passer des bureaux de la CES à ceux de l’Union Européenne afin de poursuivre une carrière dans les meilleures conditions possibles. Évidemment ce système n’est pas sans contrepartie. Cette affaire ci est dans les mains de la justice, celle-ci doit jouer son rôle.

Mais dans ce cas, sa particularité est qu’elle est liée au Mondial de Football qui se tient au Qatar. Ce n’est pas innocent ! Car dans les conditions scandaleuses que l’on sait, entre autre les plus de 6.000 morts officiels sur les chantiers de constructions des infrastructures sportives, il faut bien reconnaître que la CSI et la CES ont laissé faire et qu’elles portent avec leurs affiliés une responsabilité dans l’immobilisme et l’impuissance de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) comme dans la non-interpellation des autorités qataris et internationales. Bien avant cet événement, j’avais personnellement dans mon livre « CGT : pour que les choses soient dites » mis en question cette corruption dans les rangs du mouvement syndical et j’avais également contesté le rapport d’une mission au Qatar de la CSI (CISL) et d’administrateurs de l’OIT dont l’ancien secrétaire général de la CGT ou dans la perspective du Mondial de foot, l’on se congratulait devant les progrès sociaux enregistrés par cette pétromonarchie. On y annonçait même la reconnaissance du droit syndical pour bientôt. La réalité était et est tout autre. Les travailleurs migrants y sont toujours soumis à des conditions de travail de quasi esclavage, des journées de 14 et 16h, 7 jours sur 7, sans congés, de promiscuité, sans regroupement familial, de pressions et de violences dont la pratique de la kafala, c’est à dire la détention par l’employeur des tous les documents d’identité du travailleur, est un des exemples les plus accablants. La question se pose donc de savoir si cette affaire de corruption n’est pas en fait le prix du silence payé par des syndicalistes complices et sans honneur.

Je dois avouer que pour moi cette affaire n’est pas franchement une surprise. Luca Visentini vient d’être élu secrétaire général de la CSI (CISL), il remplace l’australienne Sharan Burrow qui il y a quelques années a établi des relations privilégiés avec le groupe Danone. Bill Jordan un des prédécesseurs de Visentini et Burrow ne fût-il pas anoblit par la Reine d’Angleterre, tout comme d’autres dirigeants de cette organisation représentants inamovibles des travailleurs au conseil d’administration de l’OIT. De trop nombreuses affaires de corruption impliquent les confédérations syndicales affiliées à la CSI qui a succédé à la CISL. Je pense à la Histadrout israélienne qui rackette les travailleurs palestiniens ou actuellement autre exemple l’UAW, la puissante fédération de l’automobile de l’AFL-CIO dont les principaux dirigeants sont publiquement mis en cause pour le grand train de vie qu’ils menaient en détournant les cotisations des adhérents. Au récent congrès de la CSI, l’invité d’honneur y était Joe Biden qui lui a exprimé son soutien alors qu’il encourage la répression de 100 000 cheminots en grève aux USA. Il est vrai qu’au congrès de la CES, Luca Visentini avait quant à lui salué Jean-Claude Junker, ancien premier ministre libéral Luxembourgeois et Président de la Commission de Bruxelles pour « avoir sauvé l’Europe sociale ». Là, à travers ces pratiques et cette absence d’indépendance, ce sont les causes véritables de ces dérives qu’il faut dénoncer avec fermeté car elles sont étrangères au syndicalisme.

Ces faits condamnables sont en profondes contradictions avec les principes du mouvement syndical international. Ils sont incompatibles avec les valeurs de dévouement, de désintéressement, de solidarité qui sont celles de militants syndicaux qui souvent connaissent la répression et même payent de leur vie leurs engagements en faveur de la justice sociale, de l’égalité et de la paix. Je pense à nos camarades colombiens, brésiliens, philippins, canadiens, étasuniens, ukrainiens et combien en France et en Europe. On ne saurait mettre dans le même sac cette petite minorité de syndicalistes qui décrédibilisent l’action syndicale et dont les orientations en faveur d’un syndicalisme de partenariat social, d’accompagnement et de collaboration avec le patronat s’expliquent à travers leurs complicités, leur bureaucratie et leur professionnalisation avec les institutions européennes, les sociétés transnationales et financières.

Ce sont ces orientations et ces stratégies que préconisent la CES et la CSI qui sont les causes véritables d’une situation qui tourne le dos aux intérêts du monde du travail. Pour cette raison, le syndicalisme a besoin de militants intègres et d’une activité transparente, d’une démocratie syndicale et ouvrière vivante. Cela ne peut être qu’à travers un syndicalisme de classe de masse, démocratique, indépendant, comme le soutient internationalement la FSM (Fédération Syndicale Mondiale).

Jean-Pierre Page

Tiré du site Investigaction

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