Puisque cette réunion se passe dans le Rhône, je me permets quelques réflexions pour lancer la discussion.
Je rappelle le triple objectif de notre réunion : tirer le bilan du 36e congrès, créer les conditions d’un PCF utile dans la situation présente, agir dans le PCF -et en dehors du PCF- pour rassembler largement les communistes.
Il faut sans doute faire un bref rappel des conditions de préparation de ce congrès et de l’historique.
Depuis le congrès de Martigues, soit plus de 12 ans, un certain nombre de communistes mènent bataille contre les renoncements idéologiques au sein du PCF, pour préserver et développer l’existence de ce parti.
Cela s’est traduit par différents appels, notamment « Nous assumons nos responsabilités » au début, ainsi que plusieurs textes alternatifs aux congrès, puisque les statuts de Martigues ouvraient cette possibilité : le texte du Pas-de-Calais au 32e, "Fiers d’être communistes" au 33e (auquel il faut ajouter les "Rails de la lutte des classes"), "Faire vivre et renforcer le PCF" au 34éme, "Unir les communistes pour un PCF de combat marxiste populaire et rassembleur" au 36e.
Cette bataille qui a été identifiée par un très grand nombre de communistes a largement contribué à l’existence du PCF et au débat politique interne et externe, y compris dans la dernière période. Elle n’a cependant pas été suffisamment forte et large pour permettre un renversement de majorité, empêcher la stratégie FDG et la candidature de Mélenchon et tourner la page de Martigues.
L’unité de l’opposition ne s’est pas réalisée. D’une part, des camarades ont fait le choix de quitter le PCF et certains continuent de le faire. D’autre part, en interne, nous nous sommes heurtés au sectarisme du groupe du 15e.
Au 36e congrès, face à une base commune imprégnée des thèmes et du vocabulaire « Rallumer les étoiles » de Martigues, nous avons décidé collectivement et majoritairement de proposer au vote des communistes un texte alternatif avec l’objectif de créer les conditions d’un débat fraternel et constructif entre les communistes.
Nous disions que l’enjeu pour ce congrès était de tourner ensemble sur la base de notre expérience, la page de Martigues et d’affirmer au sein du PCF le choix de la révolution, de la lutte des classes et du marxisme.
Ce texte a recueilli dans des conditions difficiles (pas de débat, attaques et manque de démocratie) 11% des voix des communistes dans une situation de non participation au vote montrant que l’affaiblissement de l’organisation, les mises sur le côté et les départs se poursuivaient. La baisse régulière au fil des congrès du nombre de votants et de cotisants témoigne de l’affaiblissement de l’organisation.
Au total, les 3 textes alternatifs recueillaient plus de 25% des voix et nous étions le premier texte.
Un résultat insatisfaisant mais garantissant en même temps notre existence. D’autant qu’il faut prendre en compte au delà du résultat, le travail collectif qu’a représenté le texte, les plus de 600 signatures et le fait que bien des thèmes que nous abordions ont été au cœur des conférences de section et fédérales.
Sur la base de ce texte, la direction nous a proposé sur la liste unique 8 élus au CN.
Nous avons accepté cette proposition, car il nous paraissait difficile d’aller à une liste alternative dans les conditions de division de l’opposition et d’autre part nous voulions insister sur notre volonté de travailler à l’unité des communistes.
Dans les conférences départementales et de section, en fonction du rapport de force local, des débats positifs ont eu lieu et nous avons souvent fait passer des amendements (statuts et texte) modifiant sérieusement les projets de la direction.
Au niveau du congrès national, le verrou était trop fort (pour toute la diversité du parti d’ailleurs) et il faut bien dire que sur le texte comme sur les statuts la direction est arrivée à ses fins. Les textes s’oublient, les statuts restent.
Ceux là marquent une régression démocratique et l’abandon de l’organisation révolutionnaire, populaire et de masse au profit d’un parti de sommet, institutionnel, sacrifiant ces organisations de base (cotisations, cellules et sections).
L’abandon sur la carte de la faucille et du marteau au profit de l’étoile européenne en a fâché plus d’un (Pierre Laurent en a peut-être fait un peu trop sur ce point).
Cela témoigne surtout de la volonté de poursuivre dans la voie du PGE (intégration dans les forces réformistes européennes) et de construire l’avenir du parti en rupture, voire en opposition avec 1920, avec le communisme du 20e siècle. C’est la source de l’oukase sur le socialisme et du communisme messianique porté par le texte "Rallumer les étoiles".
Je souligne quelques enseignements de ce congrès, à valider ou pas :
– La direction est obligée de prendre en compte des éléments de notre bataille et l’approfondissement de la crise : existence du PCF, radicalité du discours, communisme, mais elle n’a pas renoncé à l’objectif de métamorphoser le PCF pour qu’il soit euro-réformiste compatible (Pierre Laurent président du PGE, une ligne qui s’élabore hors PCF).
– L’éloignement du PCF des milieux populaires se confirme dans la composition du congrès comme dans celle de la direction. Cela pèse dangereusement pour l’avenir. Quels intérêts défend le PCF ?
– La volonté d’autonomie des communistes par rapport au PS continue de s’affirmer. Pour l’instant, un très grand nombre de camarades ne voient pas d’autre issue à cette question que le FDG, porté comme le rassemblement de la gauche de la gauche. C’est une vision étriquée du rassemblement. Le risque d’une dérive gauchiste, nous éloignant du peuple, est fort.
L’autonomie du PCF n’est pas gagnée (PS, FDG, PGE). C’est une bataille essentielle qui conditionne l’avenir du parti, son existence même.
Pas mal d’entre nous sont partis en colère de ce congrès, avec le sentiment d’une direction triomphante.
Mais il faut y regarder de plus près, car au regard de la situation politique et sociale et des échéances électorales qui s’annoncent, municipales et législatives, les promoteurs de la ligne "Rallumer les étoiles" sont face à leur contradiction.
La situation sociale continue de se dégrader en France et en Europe, comme en témoigne la situation à Chypre.
Le mesures gouvernementales anti-populaires s’alignent et le mécontentement grandit. Hollande est au plus bas, les résultats des partielles dans l’Oise confirment la dégringolade du PS et la crise de la politique. Le PS chute, cela ne profite pas au Front de gauche mais à l’abstention, au FN et à la droite... rappelons nous de 2002.
Il faut soumettre la France aux intérêts du capital relayé par Bruxelles. Le gouvernement a deux fers au feu : L’ANI pour finir de casser ce qui reste de protection des salariés et l’acte 3 de décentralisation qui vise à charcuter les institutions et le territoire national pour en finir avec la nation et soumettre les élus et le peuple à l’obscure gouvernance (Alsace, eurométropoles).
Face à cela, le PCF adopte une posture d’opposition plus radicale : bataille au sénat, retour de la république et même de la nation, affirmation du soutien aux luttes. C’est mieux que 1997.
Mais il reste frileux sur les nationalisations, continue de défendre l’Europe sociale, est resté sur la réserve concernant un certain nombre de luttes.
Au final, beaucoup d’agitation et de discours mais peu d’actions réelles ; de l’avis de nombreux camarades, notre visibilité reste faible.
Mais à moins d’un an des municipales, avons nous notre liberté d’action ?
Après avoir beaucoup vendu le Front de gauche au regard de la nécessité de s’affranchir du parti socialiste, les directions fédérales tentent de calmer le jeu et de persuader les camarades qu’il faut renouer les accords avec le PS.
Le PG tire évidemment pour des listes FDG. Deux logiques s’affrontent : celles du PG qui n’a rien à perdre et tout à gagner... des élus et des scores permettant à Mélenchon de se poser en recours incontournable pour les prochaines présidentielles, celle du parti qui a des villes et des élus à garder au risque sinon de disparaître.
Au plan européen, le rejet de l’euro (euromark) et de l’UE est devenu majoritaire, au point que cette question est maintenant abordée dans les débats TV par des économistes patentés.
L’UE apparaît de plus en plus ouvertement pour ce qu’elle est : une dictature sur les peuples. Et ne pas appeler à s’en libérer, c’est comme ne pas appeler à la résistance en juin 1940.
Mais la direction s’accroche à l’euro, à la réforme de la BCE et des institutions européennes. Et la nation reste un gros mot.
Allons nous être les derniers des mohicans ?
La direction refuse tout débat avec la gauche qui porte la sortie de l’UE et de l’euro.
Quelles visibilités auront nos listes aux élections européennes qui risquent d’ailleurs d’être estampillées PGE ?
– Le PCF a-t-il la force d’affirmer pour les municipales une ligne de rassemblement populaire bien au delà du FDG et du PS, pour construire des listes de résistance à l’austérité, des listes point d’appui pour les milieux populaires autour de contrats qui font vivre la citoyenneté, la solidarité, la défense des intérêts populaires ?
– Ou va-t-il au contraire comme aux régionales adopter une ligne à géométrie variable, d’un côté mise en avant du Front de gauche avec double négociation quand cela est possible avec le PS et perte d’élus communistes, de l’autre accord direct avec le PS sans affirmation d’un projet politique avec pour seule volonté celle de sauver nos élus ?
Nous voulons peser pour le premier terme évidemment.
Concernant les élections européennes, va-t-on enfin s’émanciper de la ligne PGE ? Va-t-on dire qu’il faut que le peuple reprenne sa souveraineté nationale et populaire ? Ou va-t-on continuer à ouvrir un boulevard au FN et à creuser le fossé avec le monde populaire ?
Pour nous, autour de ces deux thèmes :
– poursuivre et développer notre effort pour faire vivre les organisations de base du PCF : cellules et sections. C’est notre terreau et c’est la garantie de l’existence du PCF. Nous voulons le faire en ayant le souci de regagner des militants ouvriers, des militants des quartiers populaires, des jeunes.
– Développer nos actions de formation, de débats et de confrontations idéologiques : les rencontres internationalistes, les assises du communisme...
Faisons le avec esprit d’ouverture, d’autant qu’il y a une vraie écoute chez les communistes.
– Continuer à travailler pour l’unité d’analyse et d’action de tous les communistes dedans ou dehors. Des camarades peuvent être désespérés de la situation du PCF, ils n’en sont pas pour autant des ennemis. Les assises du communisme qui se tiendront les 28,29,30 juin seront un grand moment de rencontre de tous les communistes de France.
Il faut montrer à voir et à entendre que les communistes aujourd’hui, c’est beaucoup plus large et divers que ce que porte officiellement le PCF. En quelque sorte, nous voulons travailler à recentrer le PCF.
– Comment le réseau travaille-t-il ? Nous voulons être utiles au PCF et à l’unité des communistes, mais nous ne voulons surtout pas tirer les camarades en dehors de leurs organisations de base. Nous avions parlé d’un tour de France. Est-ce qu’on en est capable aujourd’hui ? Faut-il officialiser de manière plus claire un collectif de direction ? Faut-il se créer en association ? La question est posée.
– Plusieurs camarades ont évoqué un bulletin national ? C’est peut-être un premier objectif atteignable rapidement. Un collectif de travail pourrait se mettre en place à l’issue de cette réunion sur cette question.