Pour un parti du prolétariat en France en 2016 Rédigé par Réveil Communiste

, par  Gilles Questiaux , popularité : 3%

1°) Surmonter les divisions

Les rencontres entre militants communistes continuent d’année en année mais n’aboutissent qu’à peu de résultats concrets.

A/ Une raison à cela : nul ne veut commander, mais nul ne veut être commandé non plus. Tous ces scrupules démocratiques cachent mal un manque évident de détermination.
Gramsci le dit : il y a des gouvernés et des gouvernants. Les communistes veulent devenir des gouvernants, pour supprimer différence entre gouvernants et gouvernés. Sinon quoi ?

B/ Et une autre : il existe des clivages idéologiques exogènes qui les déstabilisent. Sommairement, le camp de ceux qui se revendiquent comme "communiste" se divise en deux ailes composées des "patriotes" et des "internationalistes", qui prennent des positions opposées dans la plupart des débats sociétaux.
Dans ce genre de débat plus on pense avoir de raisons et moins on se sert de la raison. Mais leur prégnance, sans autre issue que l’hystérisation réciproque, est caractéristique du nouvel âge de la politique bourgeoise.

Pour éviter de s’engager dans ces impasses, il faut sacrifier ou mettre au second plan par un accord tacite des campagnes et des thèmes d’action qui sont chers à beaucoup au point qu’ils y consacrent l’essentiel de leur temps militant.

Ce qui rassemble les communistes tels que je les entends :

A/ c’est le rejet de l’UE et de l’OTAN. C’est la solidarité au Donbass antifasciste, à la Syrie martyrisée par l’impérialisme, à l’Afrique néocolonisée.

B/ Les rejets définitifs et sans retour possible des "socialistes" français et européens à placer au rang d’ennemi majeur.

C/ Le jugement positif et critique, mais d’abord positif, sur l’expérience du socialisme réel.

D/ Mais il faut pratiquer la suspension ou la mise entre parenthèse des faux débats suscités par la bourgeoise pour détourner l’attention, diviser le prolétariat, et pour cela convenir que nous ne prenons pas position sur les "questions à la mode".
Par exemple :

- Les "patriotes" devraient mettre au second plan la laïcité et les problématiques qui lui sont liées (voile, caricatures, etc.). Pour ce que ça vaut on en a bien assez parlé comme ça, et ces causes ont trouvé d’autres défenseurs dont elles se passeraient bien. Caroline Fourest et consorts ont réussi a polluer complètement ce combat.

Les "internationalistes" devraient remettre en question leurs certitudes concernant l’immigration : notamment la question de la régularisation globale des sans-papiers.
(Au fait combien de sans-papiers aidés par des militants sont-ils devenus des communistes ?). Car s’il s’agit seulement d’une œuvre pieuse, la paroisse le fait déjà très bien !
Le soutien de facto à une totale mobilité internationale de la main d’œuvre est en effet rédhibitoire pour s’éloigner définitivement du prolétariat.
La mobilité internationale des travailleurs pour leur mise en concurrence maximale est une revendication logique du MEDEF, et les travailleurs en sont parfaitement conscients.

E/ Il n’y a par ailleurs aucune raison que les communistes prennent une position particulière sur d’autres questions moins importantes sans doute mais dévoratrices d’énergie et de temps :

-  Famille, mariage homosexuel, reproduction assistée, etc.

-  Mémoire et concurrence de mémoire. Incidemment nous sommes sortis du culte des héros pour tomber dans celui des victimes et nous n’y avons pas gagné au change.

-  Questions d’identité : pour un marxiste je pense que le concept d’identité n’a aucune valeur.

-  Religions : les communistes n’ont pas de religion, et n’ont pas celle de ne pas en avoir. Mais les religions véhiculent des discours politiques et en cas de conflit entre ces discours et le matérialisme historique, ce dernier doit l’emporter absolument.

-  Genre, parité, féminisme etc. L’oppression des femmes bourgeoises est un fait du passé. L’oppression des femmes du prolétariat continue pourtant bien tranquillement.

Cette suspension ne signifie pas que ces débats sont complètement dépourvus d’intérêt, et de fait ils passionnent les foules, mais qu’ils sont dans le contexte capitaliste autant de pièges qui font disparaitre le prolétariat de la scène et travaillent à le dissoudre en l’enfermant dans des communautés opposées. L’opposition bourgeoise au communautarisme finit d’ailleurs par former un communautarisme de plus.

Le cadre de tous ces débats est au fond la Déclaration des Droits de l’homme de 1789, et leur horizon est bien en deçà de la déclaration universelle de 1948. (C’est dire qu’il s’agit de débats d’avocats complètement englobés dans la conception du monde de la bourgeoisie. La Déclaration de 1789, ce sont les ’Dix Commandements’ de la bourgeoisie).

Fondamentalement dans le nouvel âge du capitalisme sont opprimés les femmes prolétaires, les homosexuels prolétaires, les musulmans prolétaires, les noirs prolétaires, les juifs prolétaires, et les prolétaires sans qualité ne relevant d’aucune pseudo-communauté. Le reste est littérature.

F/ Sur la question nodale de l’immigration, un seul objectif : l’unité de la classe ouvrière en France et l’organisation de la classe dans le monde.
- ni fermer les frontières pour préserver une identité nationale largement mythique,
- ni les ouvrir en grand pour faire pression à la baisse sur les salaires…
…ne peuvent s’inscrire dans un programme communiste.
Il faut cesser d’osciller sans vouloir l’admettre entre le programme chauvin et le programme libéral. Leur programme doit transcender ces oppositions fomentées par la bourgeoisie.
Pour retrouver la légitimité du prolétariat, il faut lutter pour restreindre l’immigration de l’ère capitaliste qui est une arme contre lui, en se préparant à faire appel après la révolution à une gigantesque immigration socialiste pour compenser la fuite de la bourgeoisie (ceci n’est pas un souhait mais un fait : à chaque révolution réelle, il y a toujours émigration massive de la bourgeoisie).

Il n’y a plus que deux contradictions antagoniques qui jouent dans le monde : capital/travail, et Occident néocolonialiste/monde.

2°) Se tourner vers les travailleurs

S’il faut reconstituer un vrai parti des exploités c’est sur eux qu’il faut s’appuyer, pour former son ossature.

Le caractère de classe du parti doit s’affirmer concrètement dans son recrutement ; ce qui signifie qu’il ne doit pas recruter en priorité dans les groupes qui sont spontanément attirés par le discours politicien, (et singulièrement parmi les étudiants en pseudo-sciences politiques).

Cela ne signifie pas qu’il faut attendre que les militants salariés élaborent seuls la théorie et les objectifs, mais qu’il faut leur présenter la théorie de manière concrète. Que leur langage doit prédominer, pour le parti soit représentatif.
La classe ouvrière n’est pas porteuse spontanément d’une politique révolutionnaire, mais seul un parti révolutionnaire avec de nombreux cadres formés parmi les travailleurs et parlant leur langage peut devenir légitime dans le prolétariat.
Seuls des militants d’entreprises sont à l’abri de la plupart des tentations opportunistes du spectacle électoral et médiatique de la democracy de marché.

Un vrai parti des exploités doit se plonger dans le peuple des travailleurs et sortir de la fausse sécurité de l’entre-soi militant et de son langage, fût-il radical, révolutionnaire ou bolchevik. Les militants d’entreprise sont l’interface entre le monde militant et les masses.
Les élus, dans la mesure où ils ne doivent pas leur élection au PS peuvent l’être également, mais le cas est comme on le sait de plus en plus rare.

3°) Produire un manifeste actualisé

Rédigé en langage clair, et qui servirait de ressource virale à la formation de groupes communistes en France (et tant qu’à faire partout dans le monde).

Ce texte bref, sans avoir peur d’aller à contre-courant de la mode, mais en évitant aussi le repli sur des formes langagières dépassées affirmerait :

-  La volonté de réaliser le socialisme, défini comme la propriété collective des grands moyens de production, en expliquant pourquoi c’est souhaitable et nécessaire.

-  L’expropriation des oligarques et des super-riches, le ressentiment à leur égard étant assumé, car légitime et vertueux.

-  La nécessité de quitter immédiatement l’UE et l’OTAN. Il indiquerait la nécessité de la souveraineté nationale comme cadre démocratique incontournable, et de l’appuyer sur une alliance intercontinentale anti-impérialiste.

-  L’objectif de la refondation d’une sécurité sociale étendue au logement, à l’alimentaire et aux services publics gratuits, contre l’invasion de l’humanitaire ;

- un monde des droits opposables (à commencer par celui du travail) et non du don caritatif, un monde où tout le nécessaire est gratuit.

-  Le pouvoir populaire, et l’initiative populaire pour reconstruire la république de la base au sommet.

-  Il montrerait que l’expérience soviétique fut une expérience positive de socialisme réel, et affirmerait ne rien renier du passé des expériences socialistes et des révolutions : que rien n’a pu les rendre mauvaises !

- Le discours antisoviétique étant à classer dans sa totalité comme propagande bourgeoise, et la chute de l’Union Soviétique étant présentée pour ce qu’elle est : un recul de civilisation aux conséquences dramatiques dans le monde entier.

-  Il se rangerait dans le camp anti-impérialiste, le camp de la paix et du respect de souveraineté des peuples, et non dans celui de l’altermondialisation ambigüe et de l’ingérence morale.

-  Placerait le socialisme en préalable à la solution des problèmes écologiques qui menacent la survie de l’espèce, sans minimiser ces problèmes, au contraire, en défendant l’écologie scientifique (contre l’écologie mythique des petits bourgeois).

-  Négativement il doit utiliser le marxisme comme science et méthode et non comme idéologie, et sans se complaire en aucune façon dans le jargon militant.

-  Il doit éviter le bolchevisme théâtral des symboles qui ne choque ni n’intéresse personne (à part quelques zombies des pays de l’Es)t.

-  Ce texte devrait rompre avec le style commémoratif (qui sévit trop souvent chez les communistes, comme si notre âge d’or était derrière nous).

-  Il ne doit pas non plus comporter cette rhétorique de l’indignation (qui finit sans s’en apercevoir par présenter l’ennemi comme tout puissant).

- Il doit refléter la force et la confiance en soi des masses qui se mettent en mouvement.

Ce manifeste devrait s’accompagner d’une campagne de critique des médias et de la culture stipendiée par le capital, de Google à Louis Vuitton, et de l’idéologie artiste-bohème qui cimente la petite bourgeoisie française.

En conclusion, il nous faut enfin revenir dans le cœur du sujet, il nous faut parler de l’exploitation, du socialisme, de la révolution, et des moyens de la libération économique et politique du prolétariat.

4°) Construire un front patriotique

Quels alliés politiques envisageables des communistes voulant redevenir les représentants légitimes du prolétariat ? (eux-mêmes pour la plupart encore issus du long passé du PCF ou des courants marxistes-léninistes du monde ouvrier) :

- les sociaux démocrates véritables qui acceptent de rompre avec l’Europe et l’OTAN, admirateurs cohérents des mouvements sociaux et politiques latino américains. Ni le PS, toutes tendances confondues, ni l’appareil du PCF ne sont sociaux-démocrates, ils sont situé maintenant bien plus à droite que cela.

- tous les courants politiques tendant à préserver la souveraineté nationale, condition nécessaire de toute action politique, (mais jamais à la remorque d’aucun). Ils sont d’ailleurs très faibles.

Notons que le FN n’en fait pas partie, car il n’est pas fiable sur cette question : il cristallise les reliquats idéologiques de plusieurs traditions anti-patriotiques (plutôt Hitler que le Front Populaire).

Quels ennemis proches à démasquer ?

Approfondir et dialectiser la scission avec eux pour attirer à nous les jeunes militants trompés par leur langage : « la gauche », postcommunistes, gauchistes libéraux (NPA), et les idéologues des droits de l’homme quelque soit leur déguisement.

Adversaires stratégiques à combattre avec la dernière énergie : 

MEDEF, CFDT, PS, tous les européistes et atlantistes, séparatistes, écologistes mystico-arrivistes.

(Un vote de second tour pour les socialistes est manifestement exclu, et un ’vote révolutionnaire’ contre eux ne l’est plus).

Quant au FN, ce n’est qu’un épouvantail gonflé à bloc pour verrouiller la situation politique.

5°) Questions internationales

Sur la question palestinienne, recentrer la position en critique des États-Unis qui sont l’ennemi principal des peuples du monde et le donneur d’ordre d’Israël (et non l’inverse).

Exigence de l’arrêt de l’agression impérialiste contre la Syrie et soutien à l’armée nationale de ce pays pour la libération de son territoire. Même exigence au Yémen.

Soutien critique à la politique extérieure de la Russie et de la Chine, non à leur politique intérieure. Leur rôle étant positif dans la mesure où ils affaiblissent l’impérialisme occidental (le seul impérialisme effectif), mais négatif dans la mesure où ils oppriment leur prolétariat national.

Soutien sans failles à Cuba socialiste. Opposition résolue aux agressions de l’impérialisme en Corée. Soutiens aux socialistes anti-impérialistes d’Amérique latine.

Exigence de l’évacuation militaire par la France de l’Afrique. Soutien actif et renouvelé au panafricanisme.

Définition du terrorisme islamiste comme une forme de fascisme à éradiquer, mais exposition de ses manipulateurs : l’Occident, les pétro-monarchies.

6°) Organiser un congrès fondateur

Comme au congrès fondateur du Parti Communiste d’Italie, en 1921, à Livourne, provoquer une scission dans "la gauche" pour rassembler sur une base saine, en l’occurrence une base sociologique.

Le but n’étant pas de créer une organisation de militants d’accord sur tout mais de rassembler des voix diverses enthousiastes pour l’unité prolétarienne et l’action.

Pour valider le manifeste et pour désigner un groupe dirigeant réellement compétent et un petit nombre de porte-paroles médiatiques choisis sur leur capacité et leur conviction.

Un congrès de rassemblement sur une base claire, avec une scission claire avec les éléments dominés par l’idéologie protéiforme de la petite bourgeoise, dans sa "diversité", sa "pluralité", sa "multiplicité", sa "tolérance", sa vie privée et son individualisme de masse.

C’est moins sur des tactiques que doit se fonder la scission que sur l’appartenance de classe : en 1921 en Italie et en France celle-ci faisait partie de la réalité la plus tangible et évidente. Au pays des enfants-rois du capitalisme, au cerveau lessivé par la marchandise, c’est devenu beaucoup moins clair.

Le critère sera donc à chercher du côté de la volonté de l’engagement prolétarien du parti.

Proposé par Gilles Questiaux - décembre 2014 - févier 2016

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