Une analyse instantanée de la situation grecque
Le gouvernement grec a-t-il le choix ? Syriza l’impossible espoir. par Charles Hoareau, lundi 13 juillet 2015

, par  Charles Hoareau , popularité : 2%

Relevé sur le site" Rouge Midi"

Le gouvernement grec a-t-il le choix ?

Syriza l’impossible espoir

La situation en Grèce et l’évolution des positions du gouvernement Tsipras ont de quoi en dérouter plus d’un… ou confirmer les propos d’autres… Ce qui est sûr c’est que le score du mois de janvier a montré que Syriza a su capter l’aspiration d’un peuple à en finir avec l’austérité. Cela a donné un souffle d’espoir à l’Europe entière et au-delà, souffle amplifié par le référendum qui semblait aller dans le même sens.

La victoire du Non a été vécue par des progressistes du monde entier comme une révolte d’un peuple et de son gouvernement contre le diktat financier des dirigeants de l’UE.
- Enfin un État tenait tête et refusait les politiques d’austérité.
- Un peu partout fleurissait le slogan « Nous sommes grecs ».

Bien sûr il y avait bien quelques mauvais coucheurs (ou attardés sectaires c’est selon) du KKE qui alertaient en disant que ce référendum était un piège.

Bien sûr il y avait le PAME qui avait publié à la veille du scrutin un comparatif des propositions de Syriza et de l’UE, montrant à quel point elles se ressemblaient. Mais qui en était informé et qui même en tenait compte ?

Donc, un peu partout en Europe, des hommes et des femmes sincères fêtaient le NON sans voir ce qu’il n’était pas et surtout en restant sourds et aveugles aux propositions réelles de Syriza. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas se réjouir de ce qu’il est : un acte de résistance populaire dans lequel s’ajoutent nombre de voix du NON et les doubles NON ou les refus de vote.

Au lendemain de ce moment fort, la question n’est pas de savoir si Syriza a capitulé après un coup d’esbroufe, mais celle de la nature réelle de ce gouvernement et de son programme présenté ici ou là comme « d’extrême gauche » et partant de là ce qu’il pouvait (et peut toujours) faire de ce vote.

Non le gouvernement Tsipras qui a accepté une croissance des bases américaines sur son territoire, qui n’a jamais remis en cause l’OTAN (bien au contraire), qui refuse de diminuer de façon conséquente son budget militaire, de taxer l’église ou de nationaliser les banques (comme le réclame, outre le KKE, l’aile gauche de Syriza), mais qui envisage au contraire un vaste programme de privatisations, qui s’attaque aux droits sociaux… etc (et la liste est longue), ce gouvernement n’est pas « radical de gauche » ou alors s’il l’est c’est à la manière de cette formation politique française, supplétif du PS.

Quand on apprend aujourd’hui que c’est le gouvernement Hollande qui a conseillé le gouvernement grec on mesure le caractère progressiste de ce qu’il peut sortir d’une telle coopération…

De plus la situation nouvelle créée par les dissensions dans la majorité et l’alliance lors du vote au parlement [1], ne laisse guère planer de doutes sur l’avenir du volet social des réformes promises pendant la campagne électorale si le peuple ne résiste pas.

Le pire de ce qu’on peut reprocher au gouvernement Syrisa /Anel à l’extérieur de la Grèce (à l’intérieur laissons les grecs faire eux-mêmes la classification), c’est cet espoir déçu pour toutes celles et tous ceux qui se disaient : « Enfin un État qui remet en cause la logique capitaliste à l’œuvre en Europe ». Et cela a de graves conséquences.

La première c’est que celles et ceux qui défendent coûte que coûte les choix du gouvernement grec en viennent à justifier ce qu’ils sont censés combattre en France, insufflant par là-même la fatalité à celles et ceux qu’ils sont censés appeler à la révolte. Ainsi Jean-Luc Mélenchon qui écrit sur son blog :« Je partage l’avis de mon camarade Guillaume Etievant [2] lorsqu’il écrit : "J’irais même plus loin en affirmant que les choses vont dans le bon sens si on reprend l’historique des négociations depuis le début : on est maintenant proche d’un accord sur trois ans avec rééchelonnement de la dette, sans aucune attaque contre le droit du travail - bien au contraire, il sera amélioré sur la base des recommandation de l’OIT – [3], aucune attaque contre les salaires ni les pensions de retraites [4], ni la protection sociale". Et toute la progression de l’excédent budgétaire vient de nouvelles recettes fiscales et non pas d’une baisse des dépenses ! Rappelons-nous d’où on est partis ! Au départ, les créanciers voulaient tout décider et imposer toutes leurs réformes structurelles. Certes, on est loin du programme de Syriza, mais vu la situation d’étranglements financiers, et la faiblesse d’un petit pays comme la Grèce dans les négociations, et du fait que, contrairement à ce qu’on pensait, l’Allemagne souhaite la sortie de la Grèce de l’euro, le rapport de force mené par Tsipras est considérable. ».

Et que dire de ces lignes lues dans l’Humanité du 11 juillet ? « Après les lourdes concessions faites par le gouvernement Tsipras, l’heure des contreparties a sonné. Restructuration de la dette, déblocage des fonds dont le versement a été suspendu pour faire pression sur le peuple grec, arrêt immédiat de l’asphyxie financière du pays planifiée par la BCE... De nombreuses revendications grecques sont désormais sur la table et, avec la victoire écrasante du OXI dimanche dernier, elles ont pris toute leur consistance. Les lignes ont bougé sur toutes ces questions, mais la tentation de l’expulsion pure et simple de la Grèce de la zone euro persiste... ».

Comme s’il pouvait y avoir un quelconque donnant donnant avec le capital et dont le peuple pourrait sortir gagnant ! Ça me rappelle, dans un autre domaine, quand la CFDT avait sorti, pour négocier avec le MEDEF, ce concept de contreparties : moyennant quoi au rythme des signatures, les reculs sociaux n’ont fait que s’accentuer et les profits augmenter !

Bien sûr ces propos, c’était avant que l’UE ne siffle la fin de la partie et considère que ce n’était pas encore assez, qu’il fallait aller plus loin dans l’austérité, ou autrement dit, dans l’augmentation des profits du capital européen au détriment du monde du travail. Mais quoi qu’il en soit ces propos sont bien en deçà de ceux de la présidente du parlement grec qui ne voit ni que « les choses vont dans le bon sens » ni que « de nombreuses revendications grecques sont désormais sur la table » et s’est abstenue en déclarant : « Cette Europe qui utilise la monnaie unique comme un outil d’asservissement plutôt que comme un outil au service du bien être des peuples devient cauchemardesque ! ».

La deuxième conséquence, c’est la progression de l’idée, et les dirigeants du FDG la confortent, que si le gouvernement a négocié le revolver sur la tempe, c’est qu’il n’avait pas le choix. Eh bien non ! Il avait le choix !

Comme le dit le héros de la Résistance anti-nazie, Manolis Glezos député de Syriza, Alexis Tsipras devait « obéir au mandat que le peuple grec lui avait donné en disant "non" aux créanciers. Pourquoi négocions-nous avec eux ? Voulons-nous nous coucher ? Pour quelle raison ? ».

Grexit ou non Grexit, est-ce bien la question ?

Quelqu’un qui pense qu’il faut en finir avec le capitalisme peut-il se réjouir, même si elles étaient acceptées par l’UE, des mesures proposées même avant ces derniers jours ? Même celles du gouvernement grec en date du 25 juin ? Laissons la parole au secrétaire général du KKE, Dimitri Koutsoumbas :
« Nous avons exprimé clairement, une fois de plus, les positions du KKE sur la signification du référendum, surtout en rapport avec les problèmes énormes vécus par le peuple grec au sein de l’alliance prédatrice qu’est l’UE. Cette dernière a une ligne politique qui aggrave continuellement les difficultés vécues par les gens, dans leur revenu, qui aggrave la situation du pays et la situation de notre peuple pris globalement. Il a été démontré, une fois de plus, qu’il ne peut y avoir aucune négociation qui se fasse dans l’intérêt du peuple et des travailleurs, à l’intérieur du carcan de l’UE, dans une voie capitaliste de développement.

Le KKE est en désaccord avec l’ensemble de la déclaration commune adoptée par les autres dirigeants et partis politiques. Notre désaccord repose sur notre analyse du vote du peuple grec hier. Il porte en particulier sur l’état des négociations et sur les tactiques que propose le gouvernement pour les poursuivre et que tous les autres partis acceptent, du moins dans le cadre et les orientations générales.

Personne n’a donné mandat à qui que ce soit pour signer de nouveaux mémorandums, de nouvelles mesures douloureuses pour notre peuple. Et ces mesures seront terribles ».

En réponse à une question d’un journaliste qui demandait s’il parlait d’une « solution par la sortie de l’euro », D. Koutsoumbas a insisté :
« Non. Nous nous sommes exprimés clairement sur ce sujet. Cette ligne politique peut aller dans deux directions. (…) Donc notre peuple doit se préparer. La position du KKE est que ces deux issues possibles, c’est-à-dire un accord avec un nouveau mémorandum et de dures mesures ou bien un grexit ou quelque chose comme ça, se feront aux dépens du peuple grec.

La rupture avec l’UE, avec le capital et leur pouvoir est la condition préalable à une stratégie totalement différente, avec un pouvoir véritablement aux travailleurs et au peuple, allant vers la socialisation des moyens de production, un détachement de l’UE et une dénonciation unilatérale de la dette. C’est la proposition globale, totalement différente, que porte le KKE. Elle n’a rien à voir avec différents points de vue conduisant à une nouvelle paupérisation de notre peuple. Et je veux parler des points de vue qui existent au sein d’autres partis (…) qui parlent de sortie uniquement de la monnaie unique ». Une fois n’est pas coutume c’est le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker qui lui donne raison quand il déclare : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

Dans ce contexte il est bon alors de se rappeler qu’une fois de plus l’intervention populaire sera déterminante. En Grèce aussi, comme le chante Jolie Môme, « c’est dans la rue que ça se passe ».

[1] Outre le KKE, 2 députés de Syriza ont voté contre, 15 – dont deux ministres – se sont abstenus et 15 autres ont voté OUI tout en disant qu’ils refuseraient toute mesure d’austérité, soient au total, ont voté pour, 145 sur 161 députés de la majorité Syriza / ANEL (droite nationaliste). Ont voté pour également le PASOK (PS grec) et les conservateurs, détails du vote qu’on a bien du mal à voir en lisant la presse ! Au sujet des retombées politiques du vote au parlement on peut lire dans Ouest France : Tsipras face à une crise politique, malgré le référendum http://www.ouest-france.fr/grece-tsipras-face-une-crise-politique-malgre-le-referendum-3556928

[2] Secrétaire du PG. Voir la lettre ouverte http://lepcf.fr/Lettre-ouverte-a-Guillaume que lui adressait Jacques Sapir en mai 2014.

[3] Sic ! On se demande où Guillaume Etievant est allé pêcher cet argument ! A l’en croire, il faudrait dire aux travailleurs grecs d’arrêter de manifester ! NDLR

[4] On croit rêver quand on sait que l’âge de la retraite est porté à 67 ans, contrairement à ce qui avait été promis pendant la campagne (NDLR).

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