Le déni démocratique

, par  Pierre Lévy , popularité : 3%

Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Bastille-République-Nations mais qui écrit ici à titre personnel.

Le compte à rebours électoral emplit désormais l’espace médiatique d’un tintamarre assourdissant. Depuis quinze mois il est vrai, le bruit de fond de la « campagne » est allé croissant, sans guère de répit. Le message implicite est que la course à l’Elysée constitue une échéance capitale – « la mère de toutes les batailles » selon la bulle médiatico-politique, qui s’y prépare en réalité depuis cinq ans.

On peut cependant douter de cette importance, si l’on se place du point de vue du peuple, et des conséquences, directes ou indirectes, que ce dernier peut raisonnablement attendre des résultats des uns ou des autres.

S’il n’y avait qu’une seule remarque à faire quant au scrutin qui s’approche, elle tiendrait en un rappel de principe : l’élection présidentielle est, dans son essence même, un événement intrinsèquement anti-démocratique, tant par son statut que par ses effets. L’analyse est loin d’être nouvelle. Elle avait été produite dès 1962, lorsque le Général de Gaulle décida de modifier en ce sens la constitution alors vieille de quatre ans.

Le moins qu’on puisse dire est que les dangers alors dénoncés se sont confirmés, en réalité bien au-delà de ce qui avait été prédit. Quoiqu’on pense du chef de l’Etat de l’époque, au moins avait-il taillé cette réforme à sa mesure. Avec ses successeurs, la pérennité de l’élection présidentielle au suffrage universel a institutionnalisé l’effacement progressif de la démocratie, réduite désormais à un simulacre pervers.

Ainsi, si l’on prend l’exemple des deux candidats actuels jugés susceptibles d’accéder (ou de rester) à la magistrature suprême, l’on assiste à un spectacle burlesque ou affligeant, qui voit les équipes de campagne transformées en laboratoires marketing lançant « une proposition par jour », dont chacun sait, y compris une large part de leurs partisans respectifs, qu’aucune n’a quelque rapport que ce soit avec ce qui sera fait au lendemain du scrutin. En fait de « pouvoir du peuple », on nous sert plutôt les jeux du cirque – mais sans le pain.

Plus précisément : quelque soit le nom du vainqueur au soir du second tour, celui-ci n’aura été choisi, lors du premier tour, que par moins du quart des électeurs inscrits (dans l’hypothèse, très loin d’être acquise, où le score du champion aura atteint les 30%, et la participation 80%). Ce premier tour est en effet celui où l’on est censé exprimer une préférence politique. Encore cette proportion d’un sur quatre ne tient elle pas compte des votes « tactiques », ou déterminés par des circonstances (on vote pour tel ou tel, non qu’on le préfère, mais pour le mettre en meilleure position pour la course finale, ou pour « dégager » tel autre).

Bref, dans le « meilleur » des cas, plus de trois citoyens sur quatre, en réalité certainement beaucoup plus, ne seront pas « représentés » à l’Elysée. On aurait tort de considérer ce constat comme seulement « théorique » ou abstrait, car le scrutin présidentiel détermine la vie politique nationale, bien au-delà de la présidence de la République. A fortiori depuis que Lionel Jospin a aggravé jusqu’à la caricature cette dérive institutionnelle en introduisant le quinquennat à la place du septennat, avec comme conséquence d’installer les législatives dans la foulée de la présidentielle, réduisant la désignation des « représentants du peuple » à un sous-produit de la bataille suprême.

Le « vice » du système n’est donc pas seulement qu’il encourage le « pouvoir personnel », comme l’on disait en 1962. Plus fondamentalement, le déni démocratique que constitue la course à l’Elysée structure et contamine toute la vie politique nationale sur une base frelatée. Précisons que la règle qui n’autorise que deux candidats pour le second tour a joué un rôle crucial dans la « bipolarisation », une « bipolarisation » d’autant plus redoutable que les deux forces majeures partagent désormais des conceptions politiques communes, conformément au schéma européen dominant.

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Parmi les citoyens de sensibilité ou d’engagement progressiste, il en est de nombreux qui partagent peu ou prou cette critique du scrutin. Bien souvent cependant, une fois cette pétition de principe affirmée ou admise, l’étape suivante du raisonnement s’énonce ainsi : les choses étant ce qu’elles sont, autant profiter de l’occasion pour « peser ».

Raisonner ainsi revient à considérer que le déni démocratique est irréversible, qu’on ne reviendra pas « en arrière », et qu’il faut bien se contenter de « faire avec ». D’ailleurs, ne nous serine-t-on pas que « les Français sont particulièrement attachés à cette élection » ? Peu contestent cette affirmation puisque désormais ici-bas, les sondages d’opinion valent certitude sans réplique.

On pourrait pourtant attirer l’attention sur un point : cette fois à nouveau, glisser un bulletin dans l’urne le 22 avril reviendra, qu’on le veuille ou non, à conforter l’ancrage, l’apparence de légitimité, et finalement la pérennité de ce type de scrutin, avec les conséquences délétères évoquées. A chacun de juger si ce raisonnement de principe est négligeable au regard des résultats attendus du vote. Il faut que ceux-ci soient bien considérables pour assumer cette récurrente schizophrénie qui pourrait ainsi s’énoncer : cette élection est inepte, mais j’y participe cependant.

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Mais quels sont donc ces résultats espérés ? Selon l’expérience, la sensibilité ou l’humeur de chacun, les espoirs peuvent être immenses ou fort modestes, les illusions prégnantes, ou lucidement écartées.

C’est dans ce contexte qu’on peut s’intéresser à ce que de très nombreux médias ont nommé « le phénomène Mélenchon ». Ce n’est pas faire injure à l’ancien sénateur que de constater qu’en l’espace de quelques semaines, il s’est vu accorder les privilèges des feux de la rampe. Cette surexposition médiatique soudaine n’est sans doute pas étrangère à quelques arrière-pensées tactiques (ou stratégiques) de grands patrons de presse jusqu’à présent peu adeptes de « l’insurrection citoyenne ». Mais il serait absurde de négliger une dynamique bien réelle.

Incontestablement, différents facteurs ont concouru à enclencher celle-ci. La personnalité du candidat, et ses talents : oratoire, certes, mais aussi d’intelligence politique et de capacité à entendre et exprimer (fût-ce partiellement et à éclipse) une vraie sensibilité populaire (en la matière, le contraste avec la dernière décennie de ses alliés actuels ne pouvait jouer qu’en sa faveur…).

D’autre part, ce qui paraît émerger de sa campagne est une opposition radicale au capitalisme ultralibéral, un refus de se soumettre aux « contraintes » économiques érigées en dogme sacré depuis un quart de siècle, une ambition sociale proclamée. Si l’on voulait être taquin, on remarquerait qu’il est encore loin d’atteindre la tonalité quasi-insurrectionnelle que déploya François Mitterrand au congrès d’Epinay (1971). Plus sérieusement, il est incontestable que ce langage mobilise une partie, certes encore modeste mais manifestement grandissante, de la colère voire de l’exaspération populaires.

Cependant, il faut aussi citer l’envers de la médaille. Trois aspects retiennent en particulier l’attention.

D’abord, la sensibilité écologique est de plus en plus affirmée, et son opposition personnelle à l’énergie nucléaire, dramatique en elle-même, n’est que la partie immergée de l’iceberg, si l’on ose dire.

Certes, des considérations tactiques peuvent entrer en ligne de compte, mais, hélas, il est probable qu’il s’agisse bien des convictions réelles : intégration du discours consensuel vantant le « développement durable », la préservation des ressources de la planète, la sauvegarde de l’environnement – et pourquoi pas l’harmonie homme-nature, tant qu’on y est. Il affirme même : « je m’interdis le mot croissance ». Le candidat a en outre fièrement inventé le concept de « règle verte », transposition écologique de ladite « règle d’or » des économistes libéraux prônant la réduction de la dette : l’axiome consiste ici à asséner qu’il faut minimiser (voire « rembourser ») l’empreinte écologique de l’activité humaine. Règle d’or, règle verte – dans les deux cas, l’argument est le même : il faudrait « préserver les générations futures », « ne pas faire peser sur nos enfants nos comportements irresponsables d’aujourd’hui ».

On ne dira jamais assez à quel point cette idéologie postmoderne concentre les dimensions les plus régressives et réactionnaires de la pensée dominante. La démonstration sort cependant du cadre de ces quelques remarques.

Le deuxième élément a trait à la politique internationale. Certes, le champion du Front de gauche avait fait preuve de courage en refusant de s’associer à l’hystérie droit-de-l’hommiste lorsque la Chine était visée, notamment sur l’affaire tibétaine. Certes, son refus de diaboliser le socialisme cubain, et sa sympathie pour les régimes progressistes latino-américains étaient plutôt de bon augure. Las, là où Hugo Chavez et ses pairs ont dénoncé d’emblée et à juste titre hier l’agression occidentale en Libye, et aujourd’hui l’ingérence brutale en Syrie, force est de constater que le candidat n’a pas vraiment échappé aux poncifs dénonçant les « massacres ».

Le 18 mars 2011, il affirmait ainsi, à l’unisson de la quasi-totalité de la classe politique : « je soutiens la révolution libyenne » ; et rappelait son vote en faveur d’une motion au parlement européen demandant à l’ONU d’« intervenir militairement pour aider la révolution libyenne » (en réalité, une véritable contre-révolution). On sait (et on pouvait d’emblée prévoir) que le bras armé de ce sauvetage révolutionnaire engagé par Nicolas Sarkozy et David Cameron fut l’OTAN – une organisation dont le candidat propose, à bon droit, qu’on en sorte.

Notons enfin – et c’est le troisième aspect – qu’il ne propose nullement, en revanche, que la France se retire de l’organisation siamoise de l’OTAN (par sa naissance, ses inspirateurs, ses principes, son périmètre, et l’interchangeabilité constante de ses dirigeants) que constitue l’Union européenne. Même la sortie de l’euro est violemment rejetée, une position qui fait s’effondrer la cohérence opérationnelle du projet « antilibéral » qu’il promeut (cf. infra).

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Mais en réalité, au risque de surprendre, tout cela est sans grande importance quant à la question : si je veux absolument passer par l’isoloir, qui choisir, qui ne pas choisir ? Si l’on tient vraiment à se poser cette question, alors il faut au moins tenter une réponse hors de tout affect, autrement dit qui exclut de soupeser les « bons » et les « mauvais » points, les aigreurs ou les indulgences, les sympathies ou les antipathies, les avals ou les griefs.

D’un point de vue matérialiste, la seule question qui vaille serait : quelles sont les conséquences prévisibles découlant du renforcement de tel ou tel mouvement électoral ? Il est alors nécessaire de suivre un raisonnement le plus rigoureux possible.

Que se passera-t-il au lendemain des élections ? Si le suspense est insoutenable quant au nom du futur vainqueur, on se console en sachant que la politique qu’il mènera ne comporte, elle, aucune incertitude : le nouvel élu lancera un plan d’austérité de bien plus grande ampleur que ceux déjà administrés.

Il ne s’agit pas là d’une prévision ou d’une hypothèse probable. Mais d’une certitude, inscrite dans les chiffres du déficit budgétaire français, et dans la lettre des dispositions européennes déjà en vigueur – en particulier les sanctions du Pacte de stabilité renforcé (« six-pack »). Cette perspective vaut quelque soit le verdict des électeurs (ainsi que l’avait aimablement précisé la Commission européenne aux électeurs irlandais, puis portugais ; pour la France, par délicatesse, c’est seulement implicite).

Dans l’hypothèse où l’actuel maître de l’Elysée est reconduit, nul ne peut avoir de doute sur la suite de ses intentions.

Mais si c’est « la gauche » ? La suite est la même, que les amis de Jean-Luc Mélenchon participent au gouvernement désigné par François Hollande, qu’ils n’y participent pas (hypothèse peu vraisemblable eu égard à la fascination qu’exercent les ors de la République sur la Place du Colonel Fabien, au prétexte qu’il faut être « à l’intérieur » pour influer sur les événements), voire que l’ancien sénateur accède lui-même à la magistrature suprême (hypothèse à peine plus vraisemblable que la précédente). Car personne ne peut imaginer un instant que la Commission européenne, fût-ce en maugréant, tienne un discours du genre : puisque les électeurs français l’ont décidé, et que, même, certains l’ont fait de manière plus massivement radicale que prévu, nous acceptons ne serait-ce que d’assouplir les exigences inscrites dans les traités et les directives.

Et du côté du Conseil européen ? Les vingt-six chefs d’Etat ou de gouvernement « partenaires » de la France, seront-ils tentés par un sursaut démocratique donnant acte au peuple français de son verdict électoral ? Poser la question, c’est y répondre. Dans le meilleur des cas, les pays actuellement dirigés par un socialiste – c’est-à-dire les poids lourds de l’UE : la Belgique, le Danemark et qui sait la Slovaquie – oseront suggérer à leurs pairs, indulgence suprême, d’accorder à Paris deux mois supplémentaires pour « tenir ses engagements ».

Jean-Luc Mélenchon exigera alors du nouveau président français qu’il « désobéisse à l’Europe ». Même s’il était juché sur 15% des suffrages voire plus, on n’est pas absolument certain qu’il obtiendra gain de cause de la part de l’actuel maire de Tulle. Notons cependant que cette « désobéissance européenne », désormais évoquée par le candidat du Front de gauche, est nouvelle, et plutôt sympathique (d’ailleurs, elle inquiète et fait enrager les dirigeants du PCF, selon Jacques Nikonoff). Mais la vraie question reste : désobéir, mais jusqu’où ?

Car nul ne doit douter de la volonté de toutes les institutions européennes réunies – Conseil, Commission, « Parlement », et, in fine Cour de justice – de poursuivre le bras de fer jusqu’à la mise en place de sanctions financières croissantes. Les mécanismes ont été tout récemment renforcés, au point d’être quasi-automatiques, et d’application du reste bien plus large que le seul domaine budgétaire – et ce, sans même attendre l’entrée en vigueur aléatoire du projet de traité dit TSCG. Selon l’actuel droit européen, toute réforme économique et sociale susceptible d’avoir des conséquences « sur la zone euro dans son ensemble » (par exemple l’augmentation des salaires) est par exemple soumise à autorisation préalable de l’Union.

Que le carcan réglementaire européen ait récemment été resserré (dans la foulée de la crise des dettes) au point de ne laisser aucune marge de manœuvre à un gouvernement qui voudrait sortir de l’épure, voilà qui n’a guère été mis en avant par les grands médias. Or, nous en sommes là.

Il y a évidemment une ultime porte – et une seule : prendre la décision politique de s’affranchir des règles du club ; c’est-à-dire, en bon français, en sortir. Un jour ou l’autre, ce sera bien la voie qu’il faudra emprunter. Elle suppose cependant deux conditions : la volonté des dirigeants du pays de s’engager sur ce chemin ; et un mouvement populaire d’ampleur littéralement sans précédent pour appuyer ce choix et s’assurer de sa mise en œuvre.

Pour l’heure, ni le candidat du PS, ni son homologue du Front de gauche n’ont jamais ne serait-ce qu’évoqué cette perspective… si ce n’est pour la rejeter sur le mode vade retro Satanas. Quant au mouvement populaire, il est certainement potentiellement plus audacieux que les dirigeants cités. Il souffre cependant d’un petit handicap : aucun parti représenté à l’Assemblée nationale n’a jamais osé évoquer cette perspective, a fortiori accepté de porter politiquement cette exigence.

A l’évidence, aucune des deux conditions qui permettraient d’assumer jusqu’au bout ladite « désobéissance européenne » n’est donc remplie. La conclusion s’impose d’elle-même : à supposer que des velléités de s’échapper des contraintes imposées se manifestent, leurs initiateurs seront immanquablement « ramenés à la raison », de gré (le plus probablement) ou de force (le cas échéant).

C’était déjà l’Europe, via « la pressions des pairs » (en l’occurrence plus particulièrement de Berlin) qui avait supervisé la « pause » de 1982 décrétée par Jacques Delors, alors ministre de François Mitterrand ; le retour à l’orthodoxie d’un Jacques Chirac élu en mai 1995, après avoir, quelques semaines durant, flatté une politique volontariste contre la « fracture sociale » ; et la reddition de Lionel Jospin acceptant le Pacte de stabilité en octobre 1997, quatre mois après l’avoir dénoncé dans sa campagne.

Et pourtant à ces dates, l’UE ne disposait pas de moyens juridiques aussi précis, intrusifs et contraignants que ceux qui viennent d’être mis en place.

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La critique habituellement opposée à cette démonstration est qu’elle ferait l’impasse sur le possible développement d’un puissant mouvement populaire susceptible de changer la donne. Cette objection mérite d’être examinée.

Car il n’est pas niable que si se développaient, au lendemain des élections (et vite, car le plan d’austérité sera exigé avant la fin mai, le calendrier de la Commission n’est pas un secret), des grèves massives paralysant le pays, et des manifestations rassemblant des millions de salariés, cela ne serait pas sans peser sur le nouveau pouvoir, lui permettant (ou l’obligeant à) une certaine fermeté. Mais ce rapport de forces ne peut influer que dans le cadre national. Les dirigeants européens ne changeraient pas pour autant leur fusil d’épaule. C’est même la raison d’être la plus fondamentale de l’intégration européenne : déconnecter les centres de décision politique de la volonté des peuples (en niant la souveraineté de ceux-ci).

L’on est dès lors ramené à la problématique précédemment évoquée. Ou l’on se libère de la tutelle, ou l’on est condamné à être ramené dans le « droit chemin ». Faute de force ou de dirigeant politique assumant la première option de manière conséquente (permettant ainsi au peuple de s’en emparer), c’est hélas la seconde qui prévaudra. Car il n’y a dans ce contexte, aucune échappatoire, aucune voie médiane possible. Ne serait-ce que parce que les dirigeants européens eux-mêmes n’ont pas le choix. Seraient-ils tentés de transiger, de tolérer que la France tienne bon sur ses propres choix, ce serait tout l’édifice européen qui s’effondrerait. Accepter une exception reviendrait à tuer les règles qu’ils ont imposées avec tant de persévérance depuis cinq décennies

La brutalité avec laquelle les plans de régression à peine imaginables ont été imposés à la Grèce – malgré des mobilisations populaires massives, parfois quasi-insurrectionnelles – donne une idée de l’intransigeance avec laquelle l’oligarchie européenne accueillerait tout semblant de désobéissance de la France, dont la place dans l’économie communautaire est autrement plus stratégique.

En réalité, le plus probable est qu’une victoire de la « gauche », même avec une puissante dimension « radicale » (à supposer que ce qualificatif soit justifié), s’accompagne d’une forte attente, vite transformée en un certain attentisme.

Piège redoutable : plus la dynamique pré-électorale Mélenchon est forte, plus elle est porteuse de désenchantement dès lors que les espoirs se heurteront au mur européen évoqué. Ensuite, on ne connaît que trop les avatars successifs du désenchantement : désillusion, démobilisation, résignation. Un résultat très précisément inverse de celui tant rêvé à travers une sorte de pensée magique : celle-ci stipule qu’une dynamique croissante qui se cristalliserait dans les urnes pourrait enclencher un mouvement dont on espère – sans trop savoir comment, et pour cause – qu’il balaierait les obstacles sur son passage.

Certes, l’histoire ne se déroule jamais comme il est prévu. Il n’est en la matière aucun déterminisme qui permettrait d’édicter des certitudes absolues. Faute de mieux, la raison impose donc de réfléchir en termes de probabilités, et de se fonder sur l’expérience.

Cette dernière renvoie du reste un constat : dans l’histoire de la cinquième République (et l’on pourrait aisément élargir le propos), les mouvements sociaux les plus marquants (indépendamment même de leur succès ou non) se sont tous déroulés quand la droite était au pouvoir, de mai-juin 1968 jusqu’à la mobilisation de 2010 contre la réforme des retraites, en passant par 1995, le CIP, le CPE…

On ne peut certes en déduire qu’un mouvement d’ampleur est impossible sous la « gauche », et encore moins que la présence de la droite au pouvoir entrainerait automatiquement des résistances résolues. Mais on ne peut pour autant balayer ce constat d’un revers de main, voire refuser même de l’évoquer, au prétexte qu’il peut mener à des conclusions quelque peu inconfortables ou dérangeantes.

Sans doute faudrait-il en revanche s’interroger sur le lien élections-démocratie [1]. Plus ces deux notions s’éloignent dans la réalité, jusqu’à devenir étrangère l’une à l’autre, plus la pensée dominante tente d’imposer un signe d’égalité factice (en France et dans le monde). L’expérience populaire opère heureusement une dissociation. Montrer à quel point les deux termes tendent aujourd’hui à devenir antinomiques est probablement la meilleure contribution qui soit à la lucidité collective. Et donc la garantie la plus efficace contre de redoutables désillusions.

Pierre Lévy

Voir en ligne : Bastille République Nation

[1Du moins si l’on s’en tient au sens originel de ce concept, qui tend désormais, par glissements successifs à dériver vers des significations pour le moins surprenantes. Une très sérieuse analyse évoquait ainsi récemment « la démocratisation de l’usage de la cocaïne »…

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