Le Front de Gauche à l’épreuve de la monnaie.

, par  citoyen lambda , popularité : 3%

Une contribution précise sur la question décisive des conditions d’une autre politique monétaire, dans les réalités des institutions européennes.

Le projet monétaire du Front de Gauche est résumé en 12 pages dans l’opuscule "l’Humain d’abord" (§ 2, pages 29 à 36, et § 7, pages 67 à 71), largement diffusé par les militants.

- Le paragraphe 2 s’intitule : Reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers.

- En page 29 nous lisons : Nous agirons pour changer les missions de la Banque Centrale Européenne…

- En page 30 nous lisons : Adoption d’une loi portant création d’un pôle public financier transformant la politique et les critères du crédit.
Blocage des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux.

Transformation des missions, de la politique monétaire et de la gouvernance de la Banque Centrale Européenne (BCE) et de la Banque de France et création d’un Fonds européen de développement social, écologique et solidaire pour l’expansion des services publics et des qualifications.

- En page 32 nous lisons : reprise du contrôle des mouvements de capitaux aux frontières de l’Union Européenne ; possibilité que les banques centrales contribuent directement au financement des biens et des services publics ; obligation de détention de titres de la dette publique par les institutions financières ; …

Nous proposons que la BCE (…) finance directement par création monétaire, un fond de développement social, solidaire et écologique européen.

- En page 33 nous lisons : Des titres publics pour le développement social seront rachetés directement par la BCE et les banques centrales nationales.

- En page 35 nous lisons : Nous combattrons la spéculation et la financiarisation de notre économie en interdisant les ventes de gré à gré, les ventes à découvert et les produits spéculatifs et en bloquant les échanges de capitaux avec les paradis fiscaux, ce qui contribuera à leur disparition.

- En pages 35 et 36 nous lisons : Les mouvements internationaux de capitaux à des fins de spéculation et de placement financier seront contrôlés et taxés.
En page 36 nous lisons : Nous agirons en même temps pour changer les traités européens…

Tous ces points contreviennent aux dispositions des traités européens, et en particulier à celui de Lisbonne.

Les institutions européennes, dont la BCE, sont ainsi faites, qu’il faut l’unanimité des 17 membres de la zone Euro pour modifier les statuts de la BCE, et l’unanimité des 27 membres de l’Union Européenne pour modifier un traité européen.

Alors évidemment, les rédacteurs du programme du Front de Gauche, ne peuvent pas nier l’obstacle, d’où le chapitre 7 (pages 67 à 71) : S’affranchir du traité de Lisbonne et construire une autre Europe.

Que veut dire "affranchir" ? Pourquoi ce verbe, et non pas simplement "sortir" du traité de Lisbonne. Quand on affranchit un esclave, on n’abolit pas l’esclavage…

- En page 69 nous lisons : Sans attendre cette échéance, nous agirons pour développer des politiques européennes nouvelles libérées des marchés financiers.

… nous refuserons d’appliquer des directives contradictoires à nos engagements, notamment en ce qui concerne la dérégulation des services publics.

Le maître mot est donc "désobéissance".

Notre opinion est très simple finalement.

Si, comme le prétend le Front de Gauche, il veut réellement reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers, nous pensons que la voie prise est une très mauvaise voie. Elle consiste en effet à attendre que 17 ou 27 pays soient d’accord avec ce que propose le Front de Gauche français, et donc à espérer que la désobéissance française fasse tache d’huile, comme cela est clairement dit page 69.

Ce disant, ce faisant, le Front de Gauche n’est pas du tout à la hauteur de l’urgence sociale que par ailleurs il décrète. Pire que ça, il envoie ses troupes et ses électeurs à l’assaut de l’Everest, en leur disant qu’il s’agit de la Butte Chaumont.

Abordons le fond des solutions préconisées.

Le programme du Front de Gauche prétend vouloir reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers, mais :
- Il ne dit mot sur les mécanismes de la création monétaire ;
- Il n’envisage pas de toucher au prêt à intérêt ;
- Il n’envisage les dettes que comme "publiques" et en fait une analyse budgétaire (page 33), tombant ainsi dans le piège tendu par la droite et le PS ;
- Il préconise de payer, aux créanciers privés, la plus grosse partie des dettes dues à la création monétaire publique et privée-devenue-publique, suite aux "renflouements divers" depuis 2007 (page 70) ;
- Il est confus et contradictoire à propos des mouvements de capitaux, parlant tantôt de contrôle et de taxation, tantôt de blocage (comme souligné ci-dessus).
- Il ne chiffre rien, et reste très vague sur l’essentiel (il n’y est par exemple question que "de nationalisations de banques et de compagnies d’assurance" (page 35). Combien ? Lesquelles ?) ;
- Etc.

Dans la situation européenne et mondiale actuelle de la finance et des monnaies, nous pensons que les rédacteurs du programme du Front de Gauche sont passés à coté de leur sujet.

Si l’on reste sur le sujet qui est le nôtre, c’est-à-dire la politique monétaire, comment le Front de Gauche entend-il reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers, tout en demeurant sous la férule du FMI et de la Banque Mondiale ?...

Inversement, dans le chapitre 8, page 74, nous lisons : Nous mettrons un terme à une politique étrangère de la France basée sur les relations néocoloniales et la Françafrique. Mais alors pourquoi, encore et toujours, éluder la question du Franc CFA ?

Est-ce que l’intention de mettre un terme aux relations néocoloniales est compatible avec le fait de garder la mainmise sur la monnaie de l’Afrique francophone ?

Nous pensons que les rédacteurs du programme du Front de Gauche ne se sont pas encore assez "affranchis", eux, des cogestions désastreuses avec les Partis Socialistes européens depuis 40 ans, et que ce programme en porte encore les plaies. L’enthousiasme de certains militant(e)s, sincères, fera donc encore place à de cruelles déceptions, mais c’est peut-être ça "le programme"...

Approfondir le sujet : Citoyen-lambda

Voir en ligne : un site pédagogique sur la monnaie

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