Un partenariat avec l’Est ou l’expansion à l’Est ?
La lutte pour la domination de l’Ukraine Analyse marxiste-léniniste par le professeur Anton Latzo

, par  Gudrun Stelmaszewski , popularité : 2%

Paru au cahier « L’histoire et la société » n° 1/2014 de la Commission d’histoire de la présidence du Parti communiste allemand (DKP)

[Remarques en crochet par le traducteur]

La lutte des puissances impérialistes pour l’Ukraine n’a lieu ni seulement depuis aujourd’hui, ni depuis hier. Pendant la Première Guerre mondiale, la « politique des États marginaux » de l’Allemagne qui prévoyait de « repousser la Russie » en formant une zone tampon depuis la Finlande jusqu’à l’Ukraine, constituait une axe essentiel de ses ambitions expansionnistes à l’Est de l’Europe.

25 ans après la défaite du socialisme en Europe, les États impérialistes poursuivent toujours le processus de la nouvelle répartition des sphères de pouvoir et d’influence en Europe de l’Est et du Sud-Est, et ambitionnent particulièrement d’augmenter leurs positions envers la Russie en renforçant l’encerclement de ce pays. Ainsi, une continuité dans la politique contre-révolutionnaire de l’impérialisme est évidente.

En même temps, cette procédure diverge. L’attaque principale est dirigée contre la Russie, où il y a vraisemblablement volonté de faire revivre la politique de l’endiguement. Le vieux rêve de l’impérialisme doit devenir réalité : encercler les frontières de la Russie de la Baltique à la Mer noire et jusqu’à l’Asie centrale. En direction des États d’Europe de l’Est qui étaient jusqu’en 1990 membres du Traité de Varsovie, l’impérialisme préfère une politique de l’embrassement, un étranglement par l’embrassement, ce que ses représentants appellent « le Partenariat de l’Est ».

Ce groupe d’États est devenu, au cours de l’élargissement de l’Otan et de l’UE vers l’Est, de nouveau une zone tampon – d’un côté avec l’Otan et l’UE et de l’autre avec la Russie. En même temps, cette zone tampon est devenue un objet de lutte pour la réorganisation des sphères d’intérêt et d’influence de chaque grande puissance impérialiste.

Caractéristique principale de la politique de l’impérialisme après 1989

Après que, dans les anciens États membres du Traité de Varsovie, le pouvoir politique du socialisme ait été démantelé par la suspension des constitutions dans chaque pays et par l’installation de gouvernements convenables politiquement, le modèle dit « néolibéral » de la dictature de l’argent sous la direction et le contrôle des États-Unis et de l’UE et de leurs puissances principales, a été établi. L’économie a été « libéralisée », la propriété socialisée a été diabolisée et liquidée. La privatisation a eu lieu de façon que les individus, venus aux leviers du pouvoir ou s’y étant installés, se sont appropriés la propriété socialisée démantelée pour eux et leurs partisans, en se transformant en oligarques.

Le rôle et les fonctions de l’État ont été systématiquement démontés et son travail a été radicalement « dérégulé ». Des états-majors entiers avec des « conseillers » venus des États-Unis et des puissances principales de l’UE, surtout de la RFA [République fédérale allemande], ont apporté leur « aide » en dirigeant et contrôlant la restauration du capitalisme « en bonne et due forme ».

De cette manière, la soumission de chaque pays au contrôle du capital étranger a été mise en place, mais d’après un plan unique, déjà pratiqué dans les autres régions du monde par le FMI.

Ces États ont aussi été soumis à un changement d’orientation de leur politique internationale et de sécurité, et au contrôle permanent du fait de leur incorporation politique et économique dans le système capitaliste international, avant tout dans l’UE et l’Otan. Les intérêts nationaux réels de ces États ont été niés. C’est ainsi que les contradictions entre les États de l’Europe de l’Est, ainsi qu’entre eux et la Russie, ont été attisées et sont devenues toujours plus grandes.

Ces « réformes » ne sont pas dirigées seulement directement par les grandes puissances impérialistes, mais elles sont aussi contrôlées par le Fond monétaire international et le Banque mondiale, et qui plus est, sont liés aux conditions politiques allant dans le sens de la restauration du capitalisme.

Au début du processus, les États-Unis et l’UE, notamment les puissances principales comme par ex. la RFA, sont parvenues à un très haut niveau de consensus, au moins d’un point de vue extérieur. Cette situation résultait d’un intérêt commun à créer le processus d’arrêt du socialisme et de la restauration du capitalisme pour qu’il soit irréversible.

Depuis, les contradictions sont apparues, s’agissant de l’influence de chaque puissance impérialiste sur ces pays, par exemple du pouvoir de disposer des ressources économiques et de profiter de la situation pour faire aboutir les intérêts expansionnistes d’une seule puissance impérialiste. Un grand rôle, même un rôle décisif, est joué par les objectifs des puissances impérialistes envers la Russie.

Chaque puissance était et est avant tout intéressée par les états de l’Europe de l’Est pour ses propres intérêts. Les États-Unis ont voulu utiliser ces états comme instrument pour établir un « nouvel ordre mondial », ce que le président Bush demandait au congrès des États-Unis en septembre 1990. Mais il devait être, comme Bush l’avait dit, « un nouvel ordre mondial sous la direction des États-Unis ». La RFA et l’UE, à cette époque, s’intégraient à cette orientation en espérant qu’ils puissent réaliser leurs propres objectifs en partie contradictoires avec les intérêts des États-Unis. Pour les États-Unis et l’UE (RFA), il était important qu’une Russie après Gorbatchev et sous la présidence de Eltsine offre des conditions favorables pour aboutir aux efforts impérialistes.

Au début de ce nouveau siècle, la configuration internationale changeait aussi, parce que la Russie engageait une politique qui consacrait plus d’attention à ses intérêts nationaux et devait augmenter son autonomie dans les relations internationales.
En même temps, les États-Unis renforçaient leur politique d’agressions militaires, par ex. en Irak (à voir aussi la Yougoslavie, la Libye, l’Afghanistan, le Proche Orient… !).

Dans ce contexte, il y avait aussi un changement visible des rapports entre les États-Unis et les grandes puissances capitalistes européennes. Ces dernières refusaient de plus en plus de poursuivre les prescriptions politiques des États-Unis et tenaient particulièrement à leurs propres intérêts. En conséquence, les États-Unis parlaient d’une « vieille Europe » (Russel) en visant la RFA, la France etc. L’Europe de l’Est et la Pologne faisaient partie de la « nouvelle Europe ». Avec ce jugement nuancé, ils montraient leur intention d’imposer leur influence dans les États de l’Europe de l’Est même contre la volonté et les intentions des États de l’UE. Non seulement, cela se dirigeait contre les intérêts des grandes puissances de l’UE dans les pays de l’Europe de l’Est, mais aussi contre leur politique envers la Russie. La mise en œuvre des relations de l’UE aux États de l’Europe de l’Est et de la Russie auraient mené à un contrôle direct par les États-Unis.

Parallèlement, l’élargissement de l’Otan et ensuite de l’UE vers l’Est avait été préparé et engagé. Il se profilait qu’une zone tampon devrait constituer une chaîne importante depuis les pays de la Baltique jusqu’à la Mer noire, entre les États-Unis et l’UE d’un côté, et la Russie de l’autre. Mais même cette mise en place est devenue l’objet de la lutte pour la réorganisation des sphères d’intérêts et d’influence entre les puissances impérialistes. D’un autre côté, elles étaient unies par le rêve commun d’encercler directement la Russie à ses frontières de la Baltique à l’Asie centrale.

La vision des États-Unis

La vision des États-Unis est caractérisée par les lois propres du capitalisme. Mais elle est aussi formée par la uni-polarisation sur les États-Unis qui touche à sa fin, ce qui est issu de la réorganisation du pouvoir après 1989. Les États-Unis s’appuient contre cette tendance avec leur stratégie internationale, ce qu’augmente l’agressivité de la politique extérieure [us-] américaines.

Dans le cadre de leur politique envers l’Europe de l’Est en tant que région stratégique entre l’UE et la Russie, l’Ukraine est pour eux un « nouveau terrain important sur l’échiquier eurasien », une « question centrale géopolitique » (Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier, p. 74/75 en all.). Ils sont conscients du fait que « l’Ukraine est le point essentiel, dès qu’il s’agit du développement propre de la Russie » (en all. p. 216).

Du point de vue de la politique des États-Unis ainsi que celle d’autres puissances impérialistes, la frontière de l’ouest de la Russie est divisée en trois secteurs : la partie baltique, la partie centrale (la Biélorussie et l’Ukraine) et la partie Sud-Est (la Roumanie, la Bulgarie, la Mer Noire). Après que les positions des États-Unis (qui se trouvent en concurrence avec l’UE) semblaient être sûres dans le secteur balte depuis les années 1990, ils ont concentré leurs efforts sur le Sud-Est de l’Europe, pour donner ensuite la priorité au secteur central.

Dans ce contexte, les États-Unis ont élaboré entre autre un projet explicite pour la région de la Mer Noire, exposé dès le 9 mars 2005 devant le Comité de politique extérieure. Ils y partaient du principe qu’il serait compliqué d’atteindre le Nord du Moyen Orient élargi, sans coopérer avec les États riverains de la Mer Noire. Deuxièmement, il s’agissait de protéger les chemins de transport de l’énergie vers l’Europe de l’Ouest /l’UE, et en même temps de contrôler les activités commerciales et autres de l’UE dans cette région.

De plus en plus d’états de cette région ont été liés à l’UE, en conséquence, les États-Unis ont fait le nécessaire pour activer leurs efforts dans ces pays avec le but de les empêcher de tomber complètement sous la coupe de l’UE. Ainsi, il s’agissait de repousser l’influence toujours plus forte de l’UE. Enfin, il fallait s’attaquer à la « menace du nouvel impérialisme russe » (Bruce P. Jackson, le président du Project for Democracies in Transition, www.fpri.org/research).

Les États-Unis partaient et partent du principe qu’un développement dans leur sens serait fortement déterminé par le développement en Ukraine. « Sans une Ukraine démocratique » (ce qui veut dire Ukraine capitaliste, A. L.), « la paix en Moldavie resterait ambiguë, et les démocraties du Caucase du sud seraient isolées de l’Europe », a-t-il ainsi été justifié devant le Sénat. Avec cela, ils suivent la ligne élaborée et mise en scène en 2004 par German Marshal Fund of the United States dans le document « A New Euro-Atlantic Strategy for the Black Sea Region ». Selon lui, les États-Unis aspirent non seulement à l’encerclement de la Russie, mais aussi au détachement des anciennes républiques soviétiques de la Russie et au contrôle du développement de la politique intérieure de ces états.

En conséquence d’une telle orientation, les peuples de l’Europe sont confrontés au fait que les États-Unis ont formé un cercle politique autour de la Russie en soutenant les gouvernements qui leur conviennent politiquement. Entretemps, ils ont aussi construit leur présence militaire. Déjà en 2003, le gouvernement des États-Unis a pris les mesures pour une nouvelle orientation et restructuration de leurs bases militaires pour qu’elles deviennent plus rapidement utilisables. Pour contourner les partenaires insubordonnés, ils ont conclu, parallèlement à l’opération des structures de l’Otan, des accords bilatéraux ainsi que des partenariats stratégiques et des accords sur la coopération militaire avec les états de l’ancienne Union soviétique et de l’ancien Traité de Varsovie.

Après que les projets en Baltique touchaient à leurs fins et que les États-Unis s’approchaient de la frontière russe, suivait le projet en direction du secteur Sud-Est de l’Europe.

Un accord fut conclu avec la Bulgarie, le 28 avril 2006, qui a eu pour conséquence que désormais, un terrain d’exercice (Novo Selo), deux bases de l’armée de l’air (Bezmer et le Comte de Ignatjewo), une base marine à Burgas et un Centre logistique à Ajtos, sont à la disposition des États-Unis.

Avec la Roumanie, les États-Unis ont conclu un accord, le 6 décembre 2005. Une base de l’armée de l’air sur l’aéroport Kogălniceanu près de Constanta, des bases militaires à Babadag et Cincu (aussi au bord de la Mer noire) et à Smardan (près de Brasov) ont été installées.

En Hongrie, la base de l’armée de l’air Taszar avait déjà été utilisée en 1995 lors de l’agression contre la Yougoslavie.

Avec la Pologne, les États-Unis ont conclu le 12/12/2009, un accord sur le stationnement des troupes us-américains et des biens d’armement.

En plus, la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie sont activement impliquées dans la réalisation d’un bouclier antimissile, dont l’installation sera terminée en 2015 en Roumanie et en 2018 en Pologne.

Le parlement de la Géorgie a ratifié, le 21/3/2003, un accord militaire qui permet aux États-Unis l’utilisation du pays sans réserve.

Il faut aussi ajouter la base militaire des États-Unis au Kosovo et une autre en Albanie (Skoder).

Dans tous les cas, il ne s’agit en aucun cas de la protection, mais de l’abus de ces états en tant que bases militaires dans le voisinage de la Russie. Les moyens militaires ont été et seront utilisés pour menacer violemment la Russie et faire pression sur elle.

Parallèlement aux actions économiques, politiques et militaires des États-Unis envers la Russie, une grande importance est accordée à la subversion idéologique en Ukraine. L’objectif est le même : une Ukraine russophobe ou au moins une Ukraine avec des relations mauvaises à la Russie. Pour arriver à ce but, des fondations, instituts, associations etc. ont été fondées et mises en scène par les États-Unis pour créer et engager une ambition politique et psychique souhaitable, un monde émotionnel avec une vague de pensée, où le nationalisme et l’attitude antirusse prospèrent, afin que le pays puisse entrer dans les structures euro-atlantiques et que son économie soit liée à l’UE.

Dans ce but, les États-Unis ont « investi » – selon la sous-secrétaire de l’Etat, Victoria Nuland lors d’une conférence de presse le 13 décembre 2013 – cinq milliard de dollars pour soutenir l’opposition en Ukraine (www.nachdenkseiten.de). 3,5 million de dollars ont été transféré en 2012 à 60 institutions différentes en Ukraine avec l’aide de la fondation NED (National Endowment for Democracy in Washington D.C.). L’argent a été utilisé pour la création d’ONG chargées d’observer les « violations des droit de l’homme », d’installer des pages Web, et de créer un contre-public – tout cela sous le titre « démocratie et liberté » !

Les fondations George Soros jouent, comme dans les autres états est-européens, un rôle important. En Ukraine, la fondation internationale « Renaissance » a été particulièrement active pour former une nouvelle génération de forces politiques dans le pays. L’implication des institutions étrangères à l’activité des fondations en Ukraine se reconnaît clairement à celle [du ministre-président] d’Arsenij Jaseniuk, Open Ukraine Foundation. Elle compte en tant que partenaires étrangers :

- Black Sea Trust for Regional CooperationA Project of the German Marshall Fund, Chatham House (jusqu’en 2004 Royal Institute of International Affairs of London),
- International Renaissance Foundation (George Soros)
- NATO Information and Documentation Centre, Department of State, United States of America
- le gouvernement polonais
- NED (National Endowment for Democracy), fondé en 1983 par le Congrès américain
- Horizon Capital (un Hedge Fund), Swedbank.

(…) De cette façon, l’Ukraine est devenue l’objet de la politique des puissances impérialistes et du capital financier international. L’avenir des gens de ce pays ne compte pas. Une politique et une situation en Europe et dans cette région sont poursuivies, qui servent à la stabilisation du pouvoir de l’impérialisme et à l’encerclement de la Russie. (…)

Les objectifs de l’Union européenne

Le point commun entre les États-Unis et l’Union européenne consiste à partager des objectifs politiques de société dans cette région. Les deux sont aussi intéressés à pousser la Russie dans une attitude défensive permanente en politique étrangère. Mais l’UE veut être à égalité avec les États-Unis. Elle voudrait bien agir de plus en plus de façon autonome, mais elle ne peut pas encore se passer totalement de la prise en considération des intérêts des États-Unis.

Déjà au début des années 2000, en projetant et pratiquant sa politique étrangère, l’UE est partie du principe que ses intérêts économiques et sa politique de sécurité pour les années à venir donneront « de plus en plus la priorité à l’Eurasie ». Dans ce contexte, la Mer Noire pourrait « devenir la mer intérieure de l’UE » et la région Caspienne « se transférer en Europe de l’Est ».

L’UE part du principe que les « révolutions démocratiques en Ukraine et en Géorgie déborderont » aux autres états de la région. Cela donnerait la possibilité d’un « engagement plus fort de l’UE en aidant la Moldavie et le Caucase du Sud » et au-delà, permettrait de « surmonter les difficultés des conflits ethniques et territoriaux. Le secteur postsoviétique perdrait son importance politique et historique ».

Après l’expansion vers l’Est par l’admission de nouveaux membres, il s’agit maintenant de lier les états, construits après que l’Union soviétique ait été démantelée, par le moyen des Accords d’association à l’UE et les éloigner d’un côté de l’influence de la Russie et de l’autre des États-Unis. L’objectif de ces accords d’associations est de garantir que ces états soient établis comme marché d’investissement et de vente. Ils doivent être aménagés en tant que « prolongements » du capital de l’UE, intégrés dans le secteur économique de l’UE et en même temps dans sa zone d’influence. De cette manière, l’UE veut assurer son accès aux ressources naturelles de la région et garantir l’instauration et la défense de sa suprématie CONTRE les autres concurrents (États-Unis et Russie).

Vu sous cet angle, l’Ukraine est le pays le plus grand et le plus important de cette région pour l’UE. En plus, elle est un pays géopolitiquement important qui assure une entrée centrale à la Russie. Quant à la situation de l’Ukraine, elle est d’une grande importance dans le combat entre l’UE et les États-Unis pour le contrôle de cette région. En liant l’Ukraine au domaine économique et à la zone d’influence de l’UE, il faut l’empêcher qu’elle soit impliquée dans l’Union économique euro-asiatique. Ainsi, il s’agit de « réussir à attirer les anciennes républiques soviétiques de la région, dans son domaine d’influence. Il s’agit de géopolitique, du ‘grand design’, comme les experts aiment le dire » (Spiegel, 50/2013).

La position des autres anciennes républiques soviétiques de la région dépend aussi fortement de la position de l’Ukraine. La position négative et réservée de l’Ukraine [sous Ianukovitch] envers la signature de l’Accord d’association avec l’UE était d’autant plus grave que la politique de l’UE avait pu échouer, à cause de cette question et à cette période [1].

Il est facile de comprendre que les États-Unis et l’UE, s’ils réalisent leurs projets, qu’ils agissent ensembles ou séparément, ne provoqueront pas seulement une collision avec la politique extérieure de la Russie, mais se dirigeront aussi inéluctablement contre elle. Les intérêts objectifs de sa sécurité pris en considération, la Russie est de nouveau capable et résolue à faire efficacement front à ses concurrents, l’UE et les États-Unis.

En même temps, et au vu des développements inégaux des états et centres impérialistes, une telle politique mène à une augmentation des contradictions entre les puissances impérialistes elles-mêmes, et cela non seulement dans la région.
L’instabilité et les concurrences politiques, produits de cette façon dans la région, mènent pour tous les acteurs politiques à une insécurité latente dans la politique extérieure de sécurité et à des zones de tension et de guerre. Donc, la politique anti-russe des grandes puissances impérialistes n’est pas seulement une question du rapport entre ces puissances et la Russie, mais elle la dépasse largement.
Il ne s’agit plus et avant tout du management de la « transition », de l’échange de système, mais d’une nouvelle répartition des zones d’influence et de suprématie. Ces luttes ont lieu dans une zone géostratégique déterminante, mais elles ne sont pas indépendantes des luttes dans les autres régions du monde (en Asie centrale et de l’Afrique au Pacifique), ce que soulignent leur dangerosité et leur force explosive !

La RFA et l‘Ukraine

Quant à la politique allemande dans cette « lutte pour la domination de l’Ukraine », elle fait partie d’une orientation générale que, après l’annexion de la RDA, le ministre des affaires d’extérieurs Klaus Kinkel a formulé comme suit : il s’agit « d’accomplir quelque chose, là où nous avons échoué deux fois auparavant, de trouver un rôle en accord avec nos voisins, afin qu’il soit conforme à nos souhaits et à notre potentiel » (FAZ du 19 mars 1993).

Cette politique est pratiquée aujourd’hui en Ukraine, et sert « de test pour une nouvelle politique extérieure européenne qui s’immisce, prend des risques et détourne les yeux » (www.handelsblatt.com du 29/2/2014). Malgré des assurances contraires, c’est une politique imposée au détriment de la population là-bas et des conditions pacifiques en Europe.

Les objectifs politiques de la RFA dans cette région, sont dirigés par le projet de neutraliser et rendre définitivement inefficace l’influence de la Russie dans les anciennes républiques soviétiques. D’après le calcul de la RFA, le mieux serait de pousser totalement en dehors de ce territoire la Russie et de l’encercler dans ses frontières.

La création d’une atmosphère russophobe dans ces pays, lié au nationalisme et à une orientation de la vie intellectuelle et culturelle occidentalisée, doit rendre les conditions possibles pour la réalisation de cette politique. Les actions à mettre en oeuvre doivent permettre aux puissances impérialistes d’imposer leur influence sur la politique intérieure et extérieure de l’Ukraine conformément aux intérêts impérialistes. Elle est en passe de devenir le fardeau des grandes puissances impérialistes.

Déjà dans les années 1990, l’Ukraine est apparue dans le champ de vision de l’économie et de la politique allemande. Le 5 février 1999, le Forum allemand-ukrainien fut fondé par le ministère des Affaires étrangères et l’économie allemande, dans le but de travailler pour la « liaison à l’ouest » de l’Ukraine. En font partie des organisations influentes comme la fondation Bertelsmann ou le DAAD (le service d’échange académique), mais aussi beaucoup de groupes comme Ruhrgas (E.ON), Commerzbank, BMW, MBB, Siemens, Daimler etc. ainsi que des villes allemandes, des fonctionnaires de l’économie, des délégués du Bundestag et l’ambassadeur allemand en Ukraine. L’activité du Forum est axée sur une coopération étroite entre les élites allemandes et ukrainiennes et pour établir les liaisons nécessaires en Ukraine en faveur des représentants de l’économie allemande.

Lors de la fondation du Forum, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, attira l’attention sur le fait qu’un éloignement de l’Ukraine de l’UE serait contradictoire avec les intérêts allemands. En conséquence, « l’expansion de l’UE et de l’Otan devrait être complétée par un réseau de relations avec l’Ukraine qui deviendra toujours plus serré ».

Un tel « réseau de relations » doit renforcer la « société civile » en Ukraine. L’économie allemande y attache beaucoup d’importance. « Seulement si l’on arrive à établir une structure et culture fondées sur le droit, la démocratie et l’économie de marché pourront être stables à long terme. Les investisseurs pensants stratégiquement y tiendront aussi particulièrement » ainsi s’exprimait le ministre des Affaires étrangères Fischer (www.german-foreign-policy.com). Cela veut dire en clair : du profit et des rapports capitalistes !

La RFA considère la réalisation du projet du Partenariat européen de voisinage (PEV), projeté par l’UE en mai 2004, comme un instrument important pour faire avancer l’expansion vers l’Est. L’objectif stratégique consiste à « établir un cercle des états amis stables » autour de l’UE. Depuis 2008, la distanciation entre les états d’Europe de l’Est et ceux de la Mer méditerranée (Afrique du Nord) est faite. Ont été fondés l’Union pour la Méditerranée et le Partenariat de l’Est. Le Partenariat de l’Est s’adresse au cadre du PEV à l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie et au sud du Caucase à l’Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie. Alors, il s’agit d’un programme de raccordement de ces six états (tous des anciennes républiques soviétiques !) à l’UE, mais sans une perspective d’adhésion. Il s’agit de produire et de consolider le contrôle sur ces pays, sur leurs développements internes, leurs ressources et leurs politiques extérieures.

La RFA, principale puissance politique et économique de l’UE, considère les accords d’association comme instrument central de l’expansion allemande vers l’Est. Elle part du principe que la réalisation du projet envers l’Ukraine est la condition préalable et une étape intermédiaire importante pour la réalisation du projet de suprématie régionale et l’encerclement de la Russie. Il faut éliminer autant que possible l’influence de la Russie dans ces pays ou au moins la repousser.

Quand, fin 2013, le président ukrainien Victor Ianukovitch laisse tomber les plans d’accords avec l’UE en faveur de liaisons plus étroites avec la Russie et d’une union douanière, les États-Unis se sont mis en alerte. De fait, la RFA craignait que l’Ukraine échappe à son contrôle. Cette situation était l’occasion pour l’Allemagne de faire ses preuves comme « pouvoir dirigeant européen ». C’est le représentant suprême de la RFA qui justifia rapidement une telle politique d’ingérence dans les affaires intérieures d’un autre pays, lors de la Conférence de la sécurité à Munich, en 2014 : « Le principe de la souveraineté d’un état et le principe de la non-ingérence ne doivent pas rendre intouchables les régimes violents » (www.bundespraesident.de).

Si l’on examine ces propos par rapport à ceux du ministre des Affaires étrangères et de la ministre de la Défense, on peut en tirer la conclusion que non seulement le comportement dans et envers l’Ukraine doit être justifié, mais que cette idéologie fait partie du projet de politique extérieure de la Grande coalition [SPD/CDU/CSU] et des gouvernements qui la suivront.

Un des principaux aspects de l’intérêt allemand pour l’Ukraine, est que ce pays, de la superficie la plus grande en Europe après la Russie, est riche en ressources naturelles. Il existe des gisements en minerai de fer, houille, manganèse, gaz naturel, pétrole, mais aussi en graphite, titane, magnésium, nickel, mercure – et tout cela soi-disant devant la porte d’entrée. En outre, environ 30 % des sols de la terre noire du monde se trouvent en Ukraine. Elle a le potentiel pour devenir un but d’investissement lucratif pour le capital allemand et promettre la construction de sites de production pour les entreprises allemandes. L’Ukraine joue aussi un rôle important pour les projets et la politique de la RFA, car la RFA part du principe que celui qui contrôle l’Ukraine, contrôle en même temps les moyens de transport pour le pétrole, le gaz naturel et d’autres ressources qui viennent de l’Asie centrale (la Mer Caspienne), et l’accès à la région de la Mer Noire. [La Crimée est un poste stratégique antéposé.] Le marché ukrainien y joue un grand rôle comme secteur de vente pour les produits allemands. Mais il s’agit aussi de l’assurance des transports pour les marchandises allemandes vers les marchés des régions qui se trouvent géographiquement au-delà.

Ce qui agit contre les objectifs allemands et pose des problèmes, c’est l’effort des États-Unis qui se présentent pour l’essentiel de manière semblable : prendre pied dans la région, faire valoir sa propre influence à long terme. Il existe une unanimité dans la volonté de la RFA et des États-Unis de construire des rapports capitalistes en Ukraine et de repousser la Russie. Toutefois, la RFA n’a aucun intérêt à ce que la sortie de la crise en Ukraine mène au renforcement de la position et de l’influence des États-Unis dans ce pays et dans cette région.

La position de la RFA vis à vis de l’Ukraine est dirigée par les intérêts politiques et économiques et les objectifs géopolitiques du capital allemand. En même temps, l’Ukraine est vue d’un côté comme un nœud central pour établir et renforcer le processus capitaliste dans le pays et dans la région, et de l’autre pour affaiblir la Russie ainsi que sa position politique en Europe et dans la région euro-asiatique.

De toute façon, l’Allemagne veut empêcher l’adhésion de l’Ukraine dans l’Union douanière / Union eurasiatique, parce qu’elle y voit un renforcement de la position russe dans la région, mais aussi dans la politique mondiale.

Ces conflits sont en filigrane derrière la déclaration du ministre des Affaires étrangères Steinmeier lors de la Conférence de sécurité à Munich en 2014, au cours de laquelle il formula le crédo de la politique extérieure du gouvernement de la Grande coalition comme suit : « En fait, l’Allemagne est trop grande pour ne commenter la politique mondiale que de l’extérieur » (www.auswaertiges-amt.de). Donc, avec le temps, l’Allemagne a pour devise : « C’est à faire comme ça et basta ! ». Certes, le ministre des Affaires étrangères dit : « L’engagement militaire est le dernier moyen ». Mais il dit en même temps que c’est un moyen.

On dit souvent que nous avons aujourd’hui une situation internationale, dans laquelle la Guerre froide entre visiblement dans son deuxième round, malgré la victoire du capitalisme.

La politique des puissances impérialistes montre, entre autre dans la lutte contre l’Ukraine et la Russie, qu’il ne s’agit pas de la poursuite de la Guerre froide. Si l’on peut parler d’une poursuite, il faudra préciser qu’il s’agit de la poursuite d’une politique d’une époque où le capitalisme n’était confronté à aucune force socialiste. L’époque de la Guerre froide avait été caractérisée par un impérialisme confronté au pouvoir du socialisme qui était une puissance déterminante pour la paix et limitait les efforts agressifs et expansionnistes de l’impérialisme.

Aujourd’hui - les attaques contre l’Ukraine servent clairement d’exemple -, nous sommes confrontés à un monde, dans lequel les rapports capitalistes sont déterminants, où les contradictions entre les impérialistes éclatent au grand jour et sont accompagnées par un développement antidémocratique de la droite dans la société capitaliste, surtout dans les états impérialistes. En conséquence, la question de la guerre et de la paix doit être posée de manières différentes selon les conditions préalables.

Il s’agit donc d’une lutte entre les impérialistes pour la nouvelle répartition des zones d’influence et de pouvoir dans le monde. C’est une lutte pour le pouvoir des puissances impérialistes pour la suprématie.

L’histoire du 20ème siècle a montré à satiété à plusieurs reprises, comment peut finir une telle lutte. Le 100ème anniversaire du déchainement de la Première guerre mondiale doit être l’occasion de s’y rappeler.

[1Cet « accord douanier » fut signé le 29/5/2014 par la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie. Il s’agit de la fondation de l’Union économique eurasiate. Cette union travaillera à partir du premier janvier 2015.

Entre temps, l’Accord d’association ou Accords de stabilisation et d’association (ASA) avec l’UE fut signé le 27/6/2014, avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.

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    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
    ... lire la suite

  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).