Avec ou sans Evo, la Bolivie va reprendre sa révolution démocratique Interview de Evo Moralès à Prensa Latina

, par  lepcf.fr , popularité : 2%

Cet interview qui nous vient de Cuba est remarquable et mérite d’être travaillé au-delà de l’Amérique latine qui est effectivement un laboratoire pour la dictature du capital depuis pas mal de temps en particulier depuis 1973 et le Chili. Comme le dit Morales, le capital aujourd’hui doit à toute force empêcher que les gouvernements socialistes et progressistes trouvent des solutions, il est entré dans une nouvelle phase. La question de l’élection d’un gouvernement démocratique et d’un peuple mobilisé se heurte à leur terreur, au fait que celui qui a le pouvoir économique avec le soutien des USA doit être le maître et faire régner la peur et le crime. Evo Moralès laisse entendre que face à cela, les gouvernements progressistes doivent recourir à la « dictature du prolétariat » et ne laisser aucun espace à ces factieux. C’est de cela qu’il est de plus en plus question, les voix démocratiques dans le contexte de la dictature du prolétariat face à la terreur de la dictature du capital qui est totalement débridée. Notons à quel point cette réflexion grandit de toute part face à une répression qui a de moins en moins de limites (note et traduction de Danielle Bleitrach pour Histoire et société).

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La nation bolivienne va reprendre sa révolution démocratique et culturelle avec ou sans Evo Morales, et ce n’est qu’une question de temps, a déclaré l’ancien président dans une interview exclusive à Prensa Latina.

L’ancien président, en asile politique au Mexique depuis le 12 de ce mois après avoir démissionné de son poste pour éviter un bain de sang, estime que les événements survenus dans son pays, victime d’un coup d’État sanglant, devraient désormais être un motif de réflexion pour les forces progressistes du monde.

Prensa Latina s’est entretenue avec le chef de l’Etat plurinational des hautes terres, qui a eu la courtoisie d’accepter l’invitation de se rendre au siège des bureaux de Prensa Latina à Mexico.

Sur une question de savoir si le coup d’État dans son pays signifie un retour à l’époque des canonnières pratiquées par les États-Unis le siècle dernier, M. Morales a déclaré que la question méritait que des experts, des politologues et des universitaires prennent en compte l’échec des politiques impérialistes du passé récent, telles que celle de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).

Il a rappelé que cette politique impérialiste avait échoué à l’époque de Nestor Kirchner, Hugo Chavez et Luiz Inacio Lula Da Silva, lors d’une mémorable réunion à La Plata, en Argentine, en 2005, et elle avait ouvert la voie à la création d’Unasur et de Celac.

Mais les États-Unis, a-t-il dit, nous ont divisés avec l’Alliance du Pacifique et ont occupé et stimulé la politique de privatisation en faveur des élites. Cela ne suffisait pas, et quand il n’y avait pas de coups d’Etat militaires, ils ont inventé les coups d’Etat judiciaires, les membres du Congrès, et maintenant ils appliquent une autre modalité en Bolivie.

L’expérience bolivienne, a-t-il expliqué, ressemble au plan Condor. Ils ont recruté des officiers de police et de l’armée, ainsi que des secteurs de la jeunesse à qui ils ont donné de l’argent pour exercer des violences contre certaines familles et leurs les propriétés.

C’est vraiment une lutte d’idées, de programmes, de classe, et c’est l’expérience à prendre en compte pour entamer une profonde réflexion, organiser un grand débat, politiquement profond, car il ne s’agit pas d’un coup d’État militaire classique, mais d’un autre type.

Ils se sont opposés aux nouvelles politiques économiques, ils n’acceptent ni nos programmes ni notre politique économique fondée sur la récupération des ressources naturelles et économiques du pays, et contre les États-Unis et le système capitaliste, le mouvement indigène cherchant de nouvelles voies de bien-être.

Le coup d’Etat de droite se produit en outre, alors que nous nous débrouillions très bien sur le plan économique, en matière de sécurité alimentaire et d’élimination de la pauvreté, ce qui est une autre raison d’encourager le débat d’analystes, de chercheurs et de politologues au profit des nouvelles générations.

À la question de savoir si la Bolivie démontre l’érosion irréversible de la démocratie représentative et un retour forcé aux années de dictature, Morales a rappelé que les empires tombent toujours, tôt ou tard, mais ils tombent comme les monarchies.

Maintenant, il y a une sorte de retour à cette époque de la colonie lorsque les vice-rois ont été nommés dans les terres annexées. Ces vice-rois modernes sont les Añez et les Guaidó, sans racines et toujours contre les plus humbles.

À l’époque de l’Inquisition, les colonialistes sont arrivés avec la bible et l’épée. En Bolivie, il y avait des familles avec distribution des rôles, ils recevaient des formations académiques pour gouverner les autochtones. Un fils était un prêtre, un autre militaire et un autre avocat. S’ils ne pouvaient pas dominer avec la Bible, ils essayaient de le faire avec la loi, et si elle échouait aussi, alors avec les armes.

Morales a estimé que les groupes violents de son pays étaient confrontés à une politique économique nationale, à l’indépendance de l’État, à la dignité d’un peuple et à la lutte contre les modèles économiques de privatisation du Fonds monétaire international.

Il a répété que ce qui se passait en Bolivie devrait servir à une réflexion approfondie prenant en compte le soulèvement populaire, les rébellions contre un modèle économique usé, comme en Colombie, au Brésil et dans d’autres, qui montrent que les peuples latino-américains se battent.

Il a illustré le moment présent avec le peuple argentin, qui a retrouvé un gouvernement progressiste comme auparavant, et doit constituer un paradigme pour les nouvelles générations. Il a considéré comme une erreur historique des dirigeants et organisations de classe de ne pas éliminer ceux qui sont du côté du crime et de la violence.

S’agissant de problèmes spécifiques liés à la situation actuelle dans son pays, Morales a expliqué qu’il avait personnellement beaucoup de confiance en la victoire naturelle des dernières élections, mais que la droite a réagi rapidement, a suscité des manifestations qui se sont rapidement intensifiées et adaptées, du racisme au fascisme et de là au coup d’État.

Des groupes de puissances économiques et phalangistes ont adhéré et sont parvenus à cette situation en prenant des mesures où la violence s’est exercée d’une manière totalement débridée.

Il a déclaré qu’il avait été informé de cette situation et que, lors d’une réunion du cabinet, personne n’y avait donné foi, ni même admis, et ces informations ne lui sont pas parvenues par la police ou par les forces armées, mais par des frères.

Le reste est connu : les crimes et les menaces contre les chefs de département et de municipalité ont commencé, ils ont incendié leurs maisons, intimidé leurs proches, incendié la maison de la sœur d’Evo et, pour éviter un bain de sang, il a démissionné.

À El Alto ou à Cochabamba, en 10 jours, 32 morts, bien que nous ayons suffisamment pris soin de notre vie. On ne peut pas comprendre que les commandants des forces armées et de la police soient revenus au coup d’État, ce que nous pensions être dépassé par l’histoire, a-t-il déclaré.

Morales pense que la droite bolivienne est convaincue qu’à l’heure actuelle, en passant du racisme au fascisme en tuant des gens, la paix passe par la destruction de l’égalité et de la justice sociale.

Du président Donald Trump à Pedro Pablo Kuzinski du Pérou, les actes de corruption et de fascisme créent la mentalité selon laquelle celui qui détient le pouvoir économique a tous les droits.

Cette mentalité en Bolivie est ce qui ramène le pays à une époque d’inquisition, comme à l’époque de la colonie et de la monarchie, a-t-il ajouté. Il a répété qu’il avait remporté proprement les élections à la présidence de la Bolivie pour le bicentenaire et il a rappelé que les autochtones sont honnêtes et ont une culture qui les incite à ne pas voler, ne pas mentir. Il est revenu sur le fait que quelques jours avant le 10 novembre, l’initiateur du coup d’Etat depuis l’OEA, Luis Almagro, avait lancé la rumeur de fraude, car il cherchait à provoquer un incendie et la mort de nombreuses personnes ; il est finalement arrivé à ce que 11 morts soient intervenues immédiatement.

L’OEA, a-t-il dit, est responsable de tout ces massacres. L’OEA a appelé à de nouvelles élections, mais s’ils doutaient et pensaient qu’il n’y avait pas de vainqueur au premier tour, pourquoi n’ont-il pas demandé un second tour ?

Cependant, plusieurs personnalités internationales leur ont montré qu’il n’y avait rien d’illégal dans ces élections ni de fraude, mais ce qu’elles ont dit n’a pas été pris en compte, ni par l’OEA ni par qui que ce soit d’autre.

Nous demandons maintenant à une Commission internationale neutre de prouver qu’il n’y a pas eu de fraude. Ce qui doit être démontré, c’est comment ils trompent les gens, comment ils font croire au monde entier qu’il y a eu fraude.

C’est une lutte idéologique, nous avons un peuple organisé et mobilisé qui est sorti de l’extrême pauvreté, ce que la droite ne pardonne pas.

On ne nous pardonne pas ce travail, l’empire américain et les pays développés ne pardonnent pas aux gouvernements anti-impérialistes qui ouvrent la voie de l’avenir aux pauvres avec des programmes sociaux pour les plus humbles sans concentrer le capital entre quelques mains, a-t-il déclaré.

L’ancien président a plaidé pour un dialogue national de tous en affirmant que ce qu’il veut est que le sang arrête de couler dans son pays bien-aimé où les putschistes continuent de tuer des frères ; voilà notre souffrance a-t-il dit, à cause de décrets tels que celui qui dit que l’armée a carte blanche pour continuer à réprimer et à tuer.

En 10 jours, il y a eu plus de 30 morts par balle, c’est incroyable, mais aussi la destruction de l’économie dont la croissance a nécessité tant de travail.

Cependant, a-t-il ajouté, si une Commission internationale neutre montrait qu’il n’y avait pas eu de fraude, il faudrait aussi dire que le coup d’Etat est celui de l’OEA.

Si un tel organisme devait dire que ce qui a pu se passer pendant les élections n’est pas grave et qu’il n’y a pas eu de fraude comme l’ont déjà noté des personnalités dans le monde, je ne sais pas ce que feront les putschistes.

D’autre part, a-t-il dit, si l’Assemblée nationale refuse et n’approuve pas ma démission, je suis toujours le président constitutionnel de la Bolivie, c’est la vérité.

Morales est convaincu que les secteurs les plus radicaux, racistes et fascistes opérent dans son pays comme s’ils suivaient un mandat des États-Unis. Le gouvernement de facto ne décide pas, celui qui décide est les États-Unis par l’intermédiaire de certains représentants de ce pays du nord.

C’est la réalité, ils se mobilisent pour décourager la réaction du peuple bolivien et prétendent que c’est un gouvernement de transition, mais c’est un mensonge, un prétexte, mais c’est une répression, une intervention, un gouvernement de facto.

Bien que le gouvernement des États-Unis ne puisse pas intervenir militairement, directement dans nos pays, il utilise plutôt ceux qui se soumettent ouvertement à l’empire pour réprimer les plus pauvres.

Malheureusement, ils ont menti à mon propos, sur mon gouvernement, et même des responsables que l’on faisait chanter, ont apparemment déposé des plaintes inventées, avec des preuves inventées pour nous discréditer et nous faire paraître coupables de ce qui leur était arrivé.

Avant le coup d’État de Santa Cruz, Luis Fernando Camacho était à la tête d’un groupe raciste. Il a été incité à agir à la manière du trafiquant de drogue colombien Pablo Escobar et à dresser une liste de ceux qu’il a appelé des traîtres pour les punir. Imaginez que pour eux, pour les putschistes, leur idole est Pablo Escobar.

A nouveau, Morales a insisté sur le fait que la Bolivie se tournait vers le fascisme et le racisme à la suite du coup d’État, comme si la Bolivie était économiquement en mauvais état, en nourriture et en énergie, alors qu’elle était dans le meilleur état de tout ce qu’elle avait connu dans son histoire.

Le système capitaliste empêche, s’oppose à ce que les gouvernements progressistes recherchent des voies meilleures que la leur, ils ne le pardonnent pas et le problème sous-jacent est que pour les fascistes et les racistes, tuer est un moyen de garantir leur paix, haïr et humilier les humbles, c’est montrer qui est le patron.

Au lieu de cela, a-t-il déclaré, les peuples autochtones pratiquent la solidarité et la complémentarité, la femme et l’homme d’origine sont élevés dans l’amour des autres et le leur, ils sont gentils, vivent en harmonie avec notre mère la Terre, ce qui donne vie à l’être humain, nous sommes frères de la planète et nous utilisons donc toujours le terme sœurs et frères.

Ce racisme et cette haine, ce mépris des pauvres pour les Indiens est une suprématie et, en réalité, il est difficile de réconcilier la société bolivienne, ce qui est le sens d’un État plurinational.

Evo Morales a déclaré à un autre moment de l’entretien que ce qui se passait en Bolivie avec les responsables du coup d’État ressemblait à ce qui s’était passé avec le commandant Hugo Chávez en 2002, lorsque la réaction du monde des affaires avait provoqué ce coup d’État, l’avait enlevé, déclaré qu’il avait démissionné. Ils ont imposé à la place l’homme d’affaires Pedro Carmona Estanga.

Mais le peuple s’est élevé immédiatement et l’empire américain, l’église catholique, l’ambassade des États-Unis, ont dû céder et Chavez est retourné à Miraflores parce que les gens l’ont arraché de son enlèvement, ils n’ont pas laissé faire.

En Bolivie, a-t-il dit, la lutte se poursuit et il y a une mobilisation du peuple contre les conspirateurs.

Prensa Latina, le 24 novembre 2019
Traduction Danielle Bleitrach pour Histoireetsociete

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