A propos du « non-échange » entre André Gérin et Olivier Dartigolles sur l’immigration

, par  Eric Lelann , popularité : 3%

En réaction aux positions sur la politique d’immigration qu’André Gérin a défendues lors d’une conférence de presse tenue lundi 20 juin, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, a déclaré qu’il s’agissait de déclarations « indignes », « qui soulèvent le coeur », ajoutant que le PCF avait « toujours combattu de tels discours ».

Qu’a déclaré exactement André Gérin ? « La gauche a épousé les thèses du grand patronat avec le discours irresponsable où il faudrait régulariser tous les sans-papiers, elle prône l’immigration comme le demandent Laurence Parisot et Christine Lagarde ». Ce à quoi il ajoute : « non, l’immigration n’est pas une chance pour la France, oui c’est une chance pour le capitalisme financier, pour diviser, exploiter... ». Et de considérer qu’il est vital de « limiter l’immigration y compris régulière ». Olivier Dartigolles ne précise pas si sa réaction vise cette dernière affirmation lorsqu’il avance que « le PCF a toujours combattu de tels discours ». Si c’est le cas, il s’agit d’une ignorance manifeste de l’histoire du PCF, car c’est essentiellement sous l’impulsion de Robert Hue que le PCF a abandonné la position qui fut la sienne pendant plusieurs décennies de prôner l’arrêt de l’immigration, hormis pour le droit au regroupement familial et la réponse au droit d’asile, position qui ne l’a pas empêché de soutenir les régularisations successives pratiquées par les gouvernement socialistes.

Qu’Olivier Dartigolles choisisse de réfuter les positions d’André Gérin, et qu’il argumente, fut-ce vigoureusement, en ce sens serait tout à fait normal et conforme au rôle qu’on peut attendre d’un dirigeant du PCF. Mais les termes utilisés dans sa déclaration ne se situent pas sur ce terrain. Ils visent à jeter définitivement l’anathème, à rendre impossible toute discussion sur la politique d’immigration, et ce d’autant plus qu’Olivier Dartigolles ne dit pas de manière claire ce qui lui « soulève le cœur ». Il est aussi difficile de ne pas faire le rapprochement entre cette virulence et la demande du Parti de Gauche de s’opposer à la réélection d’André Gérin. On chercherait un prétexte pour y accéder, contrairement à la volonté affirmée de réélection des députés communistes sortants, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Alors, faut-il s’indigner du rappel que fait André Gérin des positions de Christine Lagarde et Laurence Parisot ? Il s’agit là d’une réalité et il aurait pu y ajouter celle de l’ex-directeur du FMI qui prônait l’augmentation de l’immigration comme moyen de répondre à la nouvelle phase de la crise en Europe (1). Il est de même difficile de nier que le recours à l’immigration est l’une des solutions dont disposent les patrons dans la concurrence farouche à laquelle ils se livrent. Dire cela n’a jamais empêché la lutte dans les entreprises pour l’égalité des droits.
Peut-on également s’opposer à toute limitation de l’immigration ? C’est la position de ceux qui prônent l’abolition immédiate des frontières. Seulement, ils ne disent pas comment allier l’application de ce principe à l’exigence de garantie effective des droits sociaux, au travail, à la protection sociale, au logement. Entre cette voie, qui paraît peu réaliste, et le refus de toute immigration, qui l’est tout autant, une politique nouvelle reste à définir, au-delà de l’évidence de l’action solidaire et de la défense de mesures d’amnistie et de régularisation, telle que l’exigence de régularisation de tous les travailleurs sans-papiers portée par la CGT.

Par contre, poser, comme l’a fait André Gérin, le débat sur l’immigration en termes de chance ou de malchance pour la France ne peut, à son corps défendant ou non, que favoriser la division qu’il prétend combattre. Prendre le contre-pied d’un discours médiatique répandu magnifiant l’immigration et l’identifiant à la liberté, est une manière d’en rester prisonnier. Et sa dénonciation d’un prétendu « déclin démographique » auquel il ne faudrait surtout pas répondre par l’immigration, énoncée également lors de cette conférence de presse, ne peut que renforcer les clivages communautaristes dont il s’inquiète.

Eric Le Lann

1- « La croissance à long terme pourrait bénéficier d’une approche moins restrictive concernant l’immigration », « cela a du sens d’avoir recours à l’immigration pour gérer les problèmes de qualification comme cela s’est fait en Amérique du Nord ». Cité par lepoint.fr le 19 novembre 2010.

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