Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent

, par  Gautier Weinmann

Le 21 août 2011 à 14:05, par Alfred Gautier En réponse à : Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent

Pierre Laurent, tout juste désigné président du PGE, déclara le 8 décembre 2010 : « ce n’est pas la sortie de l’euro qui peut arranger les choses.(…) Donc changeons l’euro et la manière de l’utiliser mais ne bazardons pas l’instrument ».
Ces déclarations sont justes bonnes pour les médias : force est de constater qu’une proposition du Front de Gauche signe tout bonnement, dans les conditions actuelles, l’arrêt de mort de l’euro ! Incroyable !
« Nous proposons que la Banque centrale européenne (et les banques centrales nationales comme la Banque de France qui constituent ensemble, l’Euro-système) finance directement, par création monétaire, un Fonds de développement social, solidaire et écologique européen. Celui-ci viendra en place du Fonds de stabilité financière institué en mai 2010 par les dirigeants de l’euro et que ceux-ci entendent remplacer, à partir de 2013, par un « Mécanisme européen de stabilité » flanqué du « pacte pour l’euro plus ».
Des titres publics pour le développement social seraient rachetés directement par la BCE et les banques centrales. Cette création monétaire, allouée via le fonds de développement, permettrait de répartir des masses volumineuse de financement, à taux d’intérêt nuls ou très bas, entre les pays membres de l’euro, en fonction de leurs besoins propres et ,expressément, pour le développement des services publics nationaux et de leur coopération européenne.
Le fonds financerait également des projets publics démocratiquement sélectionnés sur la base de critères précis de création et de sécurisation des emplois, de développement de la formation et de la recherche, de respect de l’environnement, d’élévation du potentiel de création de valeur ajoutée des territoires. Cela permettrait, non seulement de défendre, mais d’élever le modèle social européen.
Sans attendre, la Banque de France sera mise au service de ces objectifs. »
Les trois premiers paragraphes sont de doux rêves, mis au conditionnel, et dont la réalisation dépend totalement du bon vouloir des autres pays.
Par contre, est inscrite la certitude suivante : la Banque de France sera mise au service de ces objectifs sans attendre.
C’est intéressant ; il ne s’agit pas d’une mince affaire !
Pour comprendre les implications d’une telle mesure, imaginons un Gouvernement du Front de Gauche en 2012. Sans attendre de consensus européen, la Banque de France est mobilisée[1] pour la création et la sécurisation des emplois, le développement de la formation et de la recherche, le respect de l’environnement, l’élévation du potentiel de création de valeur ajoutée des territoires.
Il s’agirait d’une politique d’une sauvagerie sans nom pour les tenants de l’orthodoxie financière. Utiliser ainsi la création monétaire implique d’extraire la Banque de France du SEBC (le Système Européen de Banques Centrales), dont le seul objectif est la stabilité des prix.
Les règles du jeu, initialement acceptées par tous, seraient bouleversées unilatéralement. Ce serait le phénomène du « passager clandestin » : la France profiterait de la stabilité financière des autres, tout en menant pour son compte une politique monétaire inflationniste, avec des objectifs de croissance !
En conséquence, la zone euro exploserait littéralement.
Premièrement, il y aurait une intenable instabilité financière, par l’introduction, dans le système, d’un mélange d’euros « impurs » et « purs ». Il y aurait une subversion totale de la politique monétaire commune, dont les principes monétaristes seraient contrariés, rendant l’euro non crédible aux yeux des « marchés ».
Mais surtout, la réaction des autres pays de la zone euro ne se ferait pas attendre : constatant l’apparition d’une source de création monétaire anarchique, affranchie des règles communes, et sans possibilité légale d’exclure la France de l’euro (ce n’est pas prévu dans le Traité de Lisbonne), ils sortiront immédiatement de l’euro !
Les pays, qu’ils soient dirigés par la « gauche » ou par la droite, en désaccord complet avec la pratique en France, n’auront d’autre choix que de rétablir leurs monnaies nationales. Ce sera le cas, en premier lieu, de l’Allemagne, nation traumatisée par l’inflation et qui a accepté l’euro sous ses seules conditions. L’Allemagne retournerait immédiatement au Deutsche Mark pour retrouver sa monnaie forte !
Diable ! Ne pas prôner la sortie de l’euro pour soi-même, mais en faire sortir les autres... Il fallait y penser !
Jean-Luc Mélenchon dit souvent sur les plateaux : « la France est un grand pays ». Il cherche ainsi à convaincre l’opinion que nous avons une capacité d’entrainement autour de nous.
Quand de sa gouaille habituelle jaillit l’idée que la sortie de l’euro serait une « solution d’essence maréchaliste » (comprendre, réactionnaire et capitularde), a-t-il seulement conscience qu’il vilipende les autres peuples de la zone euro ? A-t-il conscience qu’il défend un programme qui, tout en restant dans l’euro, dans les conditions actuelles, pousserait inexorablement à la fin de l’euro ?
Car le temps politique, d’un pays à l’autre, n’est pas le même. Sauf à se placer dans la perspective d’une révolution socialiste européenne, ce qui n’est pas le cas (pour le moins !), si un pays réquisitionne sa banque centrale comme le propose le Front de Gauche en France, l’euro est mort.
Assez instinctivement d’ailleurs, comment croire que l’on peut proposer de retrouver la souveraineté monétaire, sans sortir de l’euro ? C’est complètement illusoire, insensé, on marche sur la tête !
Décidément, cohérence, hauteur de vue et courage politique ne sont pas la marque du programme « populaire » et « partagé » du Front de Gauche, et encore moins de ses dirigeants !
[1] Cela suppose d’abroger la loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France (aussi appelée loi Pompidou-Giscard ou Rothschild), dont l’article 25 interdit au Trésor Public d’emprunter directement à la Banque de France à un taux d’intérêt faible ou nul (par création monétaire) (« Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France »). De même, puisque cet article est repris par les articles 104 du Traité de Maastricht et 123 du Traité de Lisbonne, cela suppose de réviser la Constitution française pour désobéir à l’Union européenne, dans la mesure où la Constitution incorpore des articles plaçant le droit français, dans la hiérarchie des normes, à un rang inférieur à celui du droit européen. Tous les traités européens et les actes juridiques de l’Union européenne, comme les directives, ont valeur constitutionnelle, et voter des lois qui leur seraient contradictoires provoquerait la censure du Conseil constitutionnel.

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