Le camarade Jean Claude Delaunay nous présente le Pr Cheng Enfu comme « le chef reconnu d’une école marxiste rigoureuse active ». Elle est peut-être active mais quant à la rigueur c’est tout autre chose. Le marxisme de cette école puise sa source dans Groucho mais surement pas Karl.
Selon ce professeur, l’effondrement de l’URSS aurait donc une cause bien identifiée : la trahison de Gorbatchev. Trahison dont l’origine serait le 20e congrès du PCUS et le « reniement excessif » de Staline par Khrouchtchev. Ce congrès constituerait pour le Pr Cheng Enfu le premier pas de la délégitimation de l’Etat soviétique. A cela s’ajouterait la stratégie occidentale d’évolution pacifique qui combinée au reniement de Staline aurait enclenché une longue période de confusion idéologique qui aurait permis l’émergence de cadres communistes non marxistes. Ces cadres par leur abandon du marxisme auraient rendu l’URSS perméable à l’idéologie occidentale. Comme le socialisme est par définition supérieur au capitalisme son effondrement ne peut être que le résultat de la trahison des dirigeants de l’URSS. Voilà pourquoi votre fille est muette aurait dit Sganarelle dans le Médecin malgré lui.
« Nous pensons que le parti communiste soviétique au pouvoir, malgré les défauts indésirables d’un système économique, politique et culturel et peu démocratisé l’existence d’une bureaucratie importante et l’utilisation du pouvoir à des fins personnelles et d’autres défauts, représentait généralement les intérêts fondamentaux de la classe ouvrière et du peuple en général. Le Parti communiste soviétique n’a pas été abandonné par les masses de membres du Parti et par le peuple, mais par les groupes de dirigeants Gorbatchev et Eltsine et leurs partisans, étape par étape ».
Il est difficile pour notre auteur de passer sous silence ce qu’il appelle les défauts mais qui en fait sont consubstantiels du système tel qu’il s’est développé. C’est à dire un Etat structuré sur le Parti, Parti et Etat ne faisant qu’un. Le PCUS n’était plus le parti de la classe ouvrière depuis longtemps. Il n’était pas réformable, Eltsine qui l’avait compris avant Gorbatchev a œuvré pour le liquider. Le PCUS rejeté par le peuple, était dans le vide, sinon l’Histoire se serait écrite autrement.
Il ne vient pas à l’esprit de notre économiste que l’effondrement de l’URSS a des raisons économiques. Si le socialisme tel qu’il s’est développé s’est effondré c’est qu’il n’a pas été capable de satisfaire mieux que le capitalisme les besoins humains. C’est cette capacité à satisfaire les besoins humains qui définit la supériorité d’un système économique sur un autre.
L’URSS c’était le socialisme de la pénurie du gaspillage, du « j’menfoutisme ». La société soviétique était assujettie au Parti qui décidait de ce qu’elle devait penser. Tout ce qui venait de l’Occident était à bannir. Monsieur Cheng Enfu, en URSS le peuple étouffait.
Pour M Cheng Enfu comme d’autres tel Ouyang Xiangying l’essentiel réside dans l’idéologie. Ce dernier rend responsable de la désintégration idéologique de l’URSS l’idéologie occidentale structurée par le nihilisme, les facteurs économiques étant contingents.
Pourtant si le socialisme ne s’est pas effondré en Chine c’est pour des raisons économiques et non idéologiques. On ne peut passer d’une économie arriérée essentiellement agricole directement au socialisme sans passer par une phase capitaliste du développement de la société. C’est pour l’avoir nié avoir voulu bruler les étapes que le socialisme s’est effondré. (Lénine, Mieux vaut moins mais mieux Pravda » n° 49, 4 mars 1923. Article écrit à l’occasion du XII° congrès du Parti Communiste de Russie). C’est pour l’avoir compris après des années de « Révolution culturelle » que le PC Chinois a engagé la Chine sur la voie de la modernité, ce qui ne va pas bien entendu sans contradiction mais ceci est une autre histoire.