Marchais, l’homme qui avait choisit l’union comme un combat

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Le documentaire de la Chaine Parlementaire "Georges Marchais l’homme qui avait choisi son camp" a été diffusé sous la coupole de colonel Fabien en hommage à celui que le documentaire présente comme "le dernier monstre sacré du PCF" [1]... Un documentaire qui donne la parole à ceux comme Fabien Roussel qui tentent de retisser le fil de ce PCF de combat, comme à ceux qui n’ont eu de cesse de le combattre et de rompre avec ce fil.

L’hommage à la personne était positif pour un dirigeant que les militants appréciaient, un dirigeant simple qui passait ses vacances familiales en camping en France avec les travailleurs qu’il connaissait.

Mais la conclusion politique du documentaire ne rend pas hommage au rôle de Georges Marchais dans l’histoire du PCF, le présentant comme celui qui allait diriger la rupture du PCF avec le modèle soviétique, ce qui est discutable, tout en laissant de coté son rôle majeur dans la stratégie d’union longuement élaborée par le PCF, longuement construite dans la confrontation avec un parti socialiste qui ne voulait pas de contraintes, mise en œuvre dans la longue période historique du programme commun jusqu’à une "victoire" qui était aussi une défaite apparente du PCF, avant la trahison par Mitterrand de ses engagements et la soumission de la gauche à la gestion loyale du capitalisme...

Ce sujet essentiel de l’union est toujours sur le chantier des communistes en 2022, après avoir multiplié les "formes" politiques répliques de plus en plus faibles, et peut-être jusqu’à la farce, de l’union de la gauche (gauche plurielle, Collectifs anti-libéraux, Front de Gauche, Nupes...)

Or Georges Marchais est celui qui a négocié le programme commun, mais aussi celui qui a alerté sur ses risques dans un rapport célèbre au comité central en 1972, celui qui a dirigé la longue bataille des communistes pour faire du programme commun un outil de mobilisation populaire et tenté de l’actualiser à l’approche d’une victoire possible, avant de jeter toutes ses forces dans une bataille présidentielle extraordinaire qui a marqué ma génération, pour "peser" sur ce parti socialiste qui avait pris la direction de la gauche. C’est lui qui a du gérer les contradictions du parti au gouvernement dans cette gauche bien faible au pouvoir entre une pression militante contre ce gouvernement et une pression des élus pour le soutenir malgré tout. Celui qui a tenté au 25ème congrès une critique de la stratégie de 1972 autour de la proposition d’un "rassemblement populaire majoritaire" qui n’a pas permis d’engager une véritable reconquête dans un contexte historique difficile pour le mouvement communiste. Pour finalement devoir laisser la place du dernier ouvrier dirigeant du PCF au représentant justement de l’association nationale des élus...

Les historiens nous diront peut-être un jour quelles étaient les forces dans le parti qui poussaient Georges d’un coté ou de l’autre, mais nous avons un outil extraordinaire pour tenter de comprendre la situation de son point de vue, ce rapport de 1972 qui était resté secret avant d’être publié dans un livre de Etienne Fajon, "l’union est un combat". Nous l’avons publié sur ce site en mars 2015. Et nous avons aussi le rapport au 25eme congrès en 1985 qui proposait une première analyse de l’échec de l’union de la gauche.

La première partie du rapport de 1972 resitue le projet de programme commun dans les choix stratégiques de l’union du PCF et présente l’histoire des discussions avec le PS jusqu’à l’accord sur un programme commun.

La deuxième partie explique l’enjeu de la décision que les communistes doivent prendre, le rapport proposant bien sûr d’accepter ce programme commun tel que négocié avec le parti socialiste, mais en insistant avec force sur la nécessité impérieuse d’un puissant mouvement populaire pour imposer un changement que la nature réelle du parti socialiste conduira à freiner...

Proposition de relecture de ce rapport de Georges de 1972 pour y chercher des réponses... qui poussent ensuite à relire son rapport au 25ème congrès en 1985 et sa critique de la stratégie du programme commun.

Une décision électorale ou stratégique ?

Dans l’introduction, Georges Marchais insiste lourdement sur l’importance de la décision à prendre. Avec le recul, on ne peut que confirmer (c’est facile !) que oui, le choix du programme commun a eu des conséquences profondes et durables...

La décision que nous avons à prendre est de la plus haute importance. Elle ne peut absolument pas être comparée avec celles que le Comité central a prises au cours des dernières années lors de la ratification des précédents documents communs. Les conséquences de la décision d’aujourd’hui sur la vie et l’activité du Parti, sur les conditions générales de notre lutte seront beaucoup plus profondes et plus durables.

Mais ce choix répond à une exigence stratégique profonde et ancienne, celle de l’union du peuple. Il répond aussi à une situation historique né de la crise de la 4eme république face à la guerre d’Algérie et du choc de 1958, de l’isolement des députés communistes lors de l’investiture de De Gaulle aux 80% de soutien à la 5eme république au référendum de septembre 1958 et à la lourde défaite électorale d’un PCF passant de 146 à 10 députés !

L’union est un moyen essentiel pour le succès du combat contre le grand capital. Elle est nécessaire à toutes les étapes de celui-ci.

C’est pourquoi, même dans les pires difficultés, notre Parti n’a jamais renoncé à sa lutte pour l’union. Il ne s’est jamais laissé aller au découragement, au repli sectaire.

Ainsi, au lendemain de l’échec sérieux de 1958, sous l’impulsion de Maurice Thorez, il a entrepris immédiatement un effort patient et tenace pour aider les ouvriers socialistes, les travailleurs et les démocrates dans leur masse à se tourner contre le pouvoir des monopoles dont la politique ne pouvait que les léser.

Georges inscrit les progrès de l’union dans l’évolution générale de la société face aux inquiétudes « Chacun s’interroge avec inquiétude, voire avec anxiété sur sa situation, sur l’avenir. L’instabilité, l’insécurité dominent. » et dénonce les réponses dominantes qui sont amusantes à relire aujourd’hui, les réponses de ceux qui critique la croissance, ou les progrès rapides des sciences et techniques, « d’autres — remettant au goût du jour les théories réactionnaires les plus éculées — proposent de renon­cer au progrès des connaissances, à l’accroissement des richesses sociales, à l’expansion de l’humanité. ». Qui se rappelle de cette citation de Giscard d’Estaing qui se demande — avec une grande hardiesse de pensée — s’il ne faut pas renoncer à « un point de croissance » plutôt que « d’énerver la société ».

Donc, l’union est une exigence non pas électorale, politicienne, mais stratégique et tout le problème, c’est de réussir sa construction populaire quand les autres ne se préoccupent que de combinaisons électorales politiciennes.

D’où une idée fondamentale, la question du programme.

L’important pour réussir l’union, c’est le contenu ?

C’est ce qui frappe à la relecture de ce rapport, l’insistance à considérer que la force de cet accord est qu’il repose non pas seulement sur un accord électoral, mais sur un programme clair, détaillé, précis, engageant...

Comme nous l’indiquions dans les thèses de notre XIXe Congrès

« L’union que veulent les communistes et qu’ils s’efforcent inlassablement de réaliser est une union qui repose sur une base claire, solide et durable.

« C’est une alliance des forces politiques et sociales qui, voulant une politique novatrice, définissent en­semble un programme de réformes démocratiques profondes dans les domaines politique et économique, sont décidées à lutter ensemble pour faire triompher ce programme démocratique, puis à l’appliquer ensemble demain à la direction des affaires du pays. »

Et une grande partie du débat est d’apprécier si le contenu de ce rapport permet à la fois d’affronter les forces capitalistes dans le cadre des transformations actuelles de ce capitalisme, et donc s’il permet de gagner la mobilisation populaire.

Concernant les objectifs sociaux, il s’agit d’un programme réellement avancé, capable de susciter un véritable enthousiasme dans les plus larges masses de travailleurs, au premier chef dans la classe ouvrière et chez tous les salariés.

Et Georges précise même que ce programme est une des "garanties" données au peuple que l’union de la gauche fera ce qu’elle promet...

Je rappelle à ce sujet ce que Waldeck déclarait devant le Comité central le 5 mai 1969 :

« Il y a quelque temps, lorsque nous avons avancé l’idée de la nécessité d’un programme commun de lutte pour la démocratie et le socialisme, les dirigeants socialistes se dérobaient en nous demandant des « garanties ». Or, ce sont les travailleurs, les démocrates et nous-mêmes qui, forts de l’expérience de ces dernières années, sommes en droit de demander de telles garanties. »

Le contrat de législature, passé et rempli dans les conditions indiquées par le document commun, est une de ces garanties.

On peut là s’interroger sur les raisons de ce qui apparait avec le recul comme une illusion terrible. Comment Georges qui affirme que tout repose sur la mobilisation populaire peut-il considérer que c’est le programme commun qui va le permettre, alors même qu’il oriente cette mobilisation non vers l’affrontement avec le capitalisme mais vers la seule victoire électorale espérée, qu’il place la question du contenu non dans l’espace des revendications portées par les mobilisations populaires mais dans celui des accords de sommet entre partis ?

l’essentiel, c’est que le Programme commun — qu’il s’agisse des nationalisations ou de n’importe quelle autre question — fournit un point d’appui extrême­ment positif à un développement considérable de l’action unie des travailleurs, du mouvement des masses populaires pour arracher le pays à la domination des monopoles et l’engager sur une voie radicalement nouvelle.

C’est la première leçon de cette relecture. Nous savons avec le recul que non seulement le programme commun n’a pas été un outil de mobilisation populaire contre le capital, mais qu’il a été au contraire un extraordinaire outil de détournement de l’action populaire vers la délégation de pouvoir. Le changement n’était plus une question d’affrontement avec les monopoles mais une question purement électorale. Plus les communistes vendaient de programme commun, plus ils créaient l’illusion que le changement se ferait d’en haut, malgré les différences entre communistes et socialistes, et que donc, la seule chose qui comptait devenait "l’utilité du vote", ce vote utile qui allait permettre au parti socialiste de prendre la direction de l’union de la gauche. Les communistes l’ont mesuré dans les difficultés de "l’actualisation du programme commun" autour des législatives de 1978. Cette tension entre soutien électoral et affrontement des monopoles allait éclater après 1981 dans les contradictions de communistes tiraillés entre soutien à leurs ministres et participation aux luttes, jusqu’à la terrible défaite des sidérurgistes qui représente symboliquement le moment où les communistes ont été "déchirés" du cœur de la classe ouvrière... La cassure entre le parti du peuple et le peuple ne feront désormais que s’agrandir. Les fractures dans le parti communiste ne feront que s’aggraver.

Deuxième partie, les raisons de la décision de signer le programme commun, malgré les risques

Georges prend bien soin d’éliminer toute illusion sur un accord qui serait un "rapprochement" entre communistes et socialistes. Le parti socialiste ne peut se placer du point de vue de la classe ouvrière !

Il ne s’agit pas — je le répète — ni d’une simple plate-forme électorale ni de l’exposé de quelques grandes orientations. Il ne s’agit pas non plus d’une synthèse idéologique. Au contraire, l’accord n’a pu se faire que parce que, sur notre insistance, la confron­tation idéologique en a été, si je peux dire, absolument « évacuée ». En effet, nous ne cherchons pas, nous ne souhaitons pas dans l’état actuel du Parti socialiste le rapprochement idéologique. Quant au fond, l’idéo­logie qui anime aujourd’hui le Parti socialiste est et reste absolument réformiste ; quant au fond, elle est totalement étrangère au socialisme scientifique ; quant au fond, elle récuse totalement la nécessité de se placer en toutes questions du point de vue de la classe ouvrière.

Mais Georges reconnait que si la stratégie d’union est juste, il faut s’interroger sur le contexte et le moment historique. Le rapport de forces national et international permet-il de réussir ? Le moment est-il bien choisi ?

Une telle perspective est tout à fait conforme à notre ligne politique, à notre stratégie. Nous avons clairement affirmé que nous voulions l’union avec le Parti socialiste pour participer ensemble à la direction des affaires du pays, non seulement dans le cadre d’un régime démocratique avancé, mais aussi ensuite dans la construction de la société socialiste.

Mais ce que nous devons nous demander, c’est si le moment est bien choisi pour aller vers une telle expé­rience, si la conjoncture intérieure et extérieure lui est favorable, si elle est de nature à faire progresser notre lutte générale pour la satisfaction des besoins des travailleurs et de tout notre peuple, pour le socia­lisme.

Georges rappelle l’enjeu historique sans précédent, qui ne peut être comparé à 36 ou 45, ni même au Chili d’Allende [2]

1° L’expérience — que nous voulons faire — d’une collaboration socialiste-communiste dans la mise en œuvre d’une politique démocratique avancée est une expérience sans précédent.

Elle ne sera pas au même niveau que les expériences que nous avons connues dans notre pays en 1936 ou en 1945. Elle ne sera pas de même nature que ce qui s’est passé en Finlande, ou se passe au Chili. Les conditions sont très différentes.

Il alerte sur ce qu’il faudra surmonter au plan international, en insistant plus sur les enjeux militaires (OTAN) que financier (dette et monnaie). Nous avons appris depuis à quel point le capital peut étrangler financièrement des velléités d’indépendance nationale, comme en Grèce, mais il faut dire qu’à cette époque, personne ne sait encore que la monnaie nationale de France pourrait être dominée puis absorbée par le mark allemand...

Chacun perçoit, en tout cas, les contraintes, les handicaps que devra surmonter le gouvernement démocratique pour promouvoir une politique contraire à la logique du profit monopoliste qui continuera à animer ses principaux partenaires économiques et commerciaux.
De plus, les liens avec le système des pays impé­rialistes seront également politiques et militaires, en raison de l’appartenance de la France au Pacte atlan­tique et de sa coopération avec l’O.T.A.N.

Il est à peine besoin de souligner les appuis, voire les complicités que cette situation ménage pour les forces réactionnaires en France, qui ne manqueront pas de tenter d’en tirer parti. A l’inverse, la mise en œuvre indispensable d’un type nouveau de coopéra­tion internationale, d’une réelle politique de paix et de désarmement, en sera rendue plus difficile.

Et les communistes doivent savoir qu’il faudra "faire avec" un parti socialiste qui portera en permanence la tendance à la collaboration de classe, on ne peut être plus clair !

Il s’agira d’appliquer ce programme avec le Parti socialiste tel qu’il est.

Tout en agissant activement pour la réalisation de l’union, nous n’avons jamais perdu de vue la nature profonde de notre partenaire. Le Parti socialiste représente, dans sa forme organisée, le courant social- démocrate réformiste tel que l’histoire l’a fait dans notre pays.

Ses traits permanents en sont, au-delà de la volonté réelle ou non de promouvoir des réformes sociales et démocratiques, la crainte que se mettent en mou­vement la classe ouvrière et les masses, l’hésitation devant le combat de classe face au grand capital, la tendance au compromis avec celui-ci et à la collabo­ration des classes.

Mais face à ses risques intérieurs et extérieurs, Georges affirme que le point fort est justement la force et l’organisation du parti communiste !

La question qui est posée ici — la question décisive, il faut y insister — c’est celle du développement de l’activité indépendante du Parti dans les masses.
(...)

Naturellement, il conviendra de tenir compte de la situation nouvelle créée par l’accord. Dès lors qu’il l’aura ratifié, notre parti en respectera loyalement les termes.

Mais il n’y a pas là contradiction mais au contraire liaison étroite avec la nécessité de veiller, comme à la prunelle de nos yeux, à l’affirmation permanente des positions propres du Parti, à son indépendance d’ex­pression et d’action, au renforcement de son influence et de son organisation* Ce sont là des conditions déterminantes pour consolider et élargir l’union, pour assurer le succès de ses objectifs.

Nulle part semble-t-il, Georges n’exprime d’inquiétude sur les conséquences du programme commun et de la stratégie d’union de la gauche sur l’état du parti communiste, son efficacité militante, son rapport aux masses... Il insiste sur le rôle du parti mais n’envisage pas la situation où les communistes se retrouveront très vite après 1981, résumée dans le cas de la sidérurgie, une classe ouvrière en lutte pour sa survie face à un gouvernement avec des ministres communistes [3].

Il doit savoir que le parti socialiste peut bénéficier de l’union et progresser électoralement, c’est pourquoi il insiste sur la prochaine bataille des législatives, comme un moment essentiel ou se joue le rapport de forces à gauche, mais en considérant que la bataille se joue sur celui qui sera le plus utile au programme commun... [4]

Nous montrerons aux travailleurs, aux masses populaires d’une part que le Parti communiste est l’adversaire le plus efficace, le plus résolu du pouvoir et de sa politique réactionnaire, d’autre part, que le Parti communiste est celui qui luttera plus et mieux qu’aucun autre pour la réalisation des objectifs définis dans le Programme commun, pour ouvrir à notre pays le chemin de la démocratie et du socialisme.

Le plus utile au programme commun ? Relire cette formule aujourd’hui est terrible, car on sait ce qui se passera, c’est le parti socialiste qui sera le plus utile à tel point qu’il passera devant en 1978 et emportera la mise en 1981...

Quand on relit le discours de Jean-Luc Mélenchon pour le 30ème anniversaire de la victoire de Mitterrand, qui résume l’enjeu de 1981 par une formule choc dont il est coutumier "A qui profite l’union ? L’union profite à l’union, c’est la grande leçon dont il faut se souvenir, le premier qui descend du train est mort", on mesure à quel point Georges Marchais voit bien le risque, mais sans doute pas la nature du piège, qui est justement le train du programme commun lui-même.

Le train du programme commun est lancé, le parti se bat pour le changement

En février 1976, au 22ème Congrès du PCF. trois ans après le coup d’état au Chili, le parti communiste affirme qu’une voie démocratique au socialisme est possible, cela donne toute sa force à l’engagement dans le programme commun, l’affrontement avec le capital vient au second plan après la bataille électorale, une majorité est possible et la démocratie est le terrain du combat de classe

Georges Marchais préconise publiquement d’abandonner la notion de dictature du prolétariat.

« Il faut ouvrir en France une ère nouvelle de démocratie et de liberté (...) Voilà l’axe de notre combat… La démocratie, la liberté, c’est aujourd’hui le terrain principal du combat de classe, du combat révolutionnaire. »

Mais le parti socialiste prend la direction de l’union de la gauche et une fois au pouvoir, les alertes de Georges dans son rapport de 1972 se confirment. Georges doit assumer les conséquences d’une stratégie de 20 ans. Il explique dans son dernier livre à propos d’un débat télévisé avec le secrétaire général du RPR, pour les élections européennes de 1984

« Combien de fois me suis-je repassé cette émission dans la tête ! « J ‘ai préféré, face à la droite, défendre le gouvernement de gauche alors que je n’étais pas d’accord avec sa politique. Ai-je eu raison ? Je ne sais pas. En tout cas, je ne souhaite à personne de connaître une telle expérience. »

Mais Georges assume le combat, ce combat pour l’union qui était le titre du livre publiant son rapport de 1972, et il travaille pour le 25ème congrès du PCF en 1985 pour tirer le bilan de cette longue séquence du programme commun.

Le 25e Congrès du Parti communiste français est un congrès exceptionnel.
Il l’est par le moment auquel il se produit. Tous, ici - et c’est le cas de l’immense majorité des communistes, comme l’a montré la dis­cussion préparatoire au Congrès -, nous ressentons bien que nous sommes, en quelque sorte, à une charnière de la vie politique en France. Le projet de résolution y insiste : « C’est une période qui s’achève. Pas seulement celle des trois années écoulées depuis 1981, mais celle, beaucoup plus longue - d’un quart de siècle -, où se sont progressivement construits, autour de l’idée d’un pro­ gramme commun de gouvernement, le projet, puis la victoire d’un gouvernement de gauche."
Notre peuple est profondément marqué par cette expérience ; à certains égards : meurtri. Trois ans seulement ont suffi pour que l’espoir populaire, forgé au prix de tant d’années de durs combats contre la droite, fasse place à une inquiétude, à un mécontentement, parfois à un désarroi grandissants. A l’amorce d’une orientation nou­velle de l’action gouvernementale, en 1981, se sont substitués un retour en force de la politique d’austérité et de chômage et un approfondissement de la crise. Les partis politiques qui sont apparus comme responsables de cette situation ont été lourdement sanc­tionnés : en juin 1984, le Parti socialiste a perdu près de la moitié des électeurs de François Mitterrand du premier tour de l’élection présidentielle de 1981 : notre Parti a connu un nouvel échec électo­ral, après celui de 1981.

Exceptionnel, le 25e Congrès l’est aussi par les responsabilités qui sont les siennes.
Il s’agit d’abord de tirer toutes les leçons de l’expérience que nous venons de faire, avec les Français. De répondre aux questions qu’ils se posent : comment en est-on arrivé là ? Pourquoi cela a-t-il été possible ? Qui est responsable ? Et d’en dégager toutes les implica­tions pour notre propre activité.

C’est la question fondamentale que les communistes n’ont jamais abordé et qui devrait être au cœur de leur réflexion stratégique. Pourquoi les alertes argumentées du rapport de Georges n’ont pas permis d’organiser ce puissant mouvement populaire ? Pourquoi au contraire le mouvement social des années 70 s’est enfermé dans un électoralisme qui en a fait d’abord un soutien au parti socialiste ?

Il faudra revenir sur les suites de ce congrès qui n’a pas été mis en oeuvre, et des congrès suivants qui ont préparé la "mutation" après le départ de Georges Marchais, le dernier dirigeant ouvrier du PCF.

En 1997, Georges Marchais intervient au Comité national à propos de rumeurs annonçant un possible changement de nom du PCF, Robert Hue lui répond immédiatement en qualifiant d’ « extravagantes » ces « spéculations ». Les rumeurs persistant, Georges Marchais ré-intervient, dans l’Humanité : « J’ai voulu une réponse claire, qui a été apportée, et je constate que le débat n’est pas clos… ». Il meurt quelques semaines plus tard, et n’entendra pas Marie-Georges Buffet proposer ce changement de nom en 2007, refusé par l’assemblée des secrétaires de section...

C’est la leçon première de celui qui reste dans la mémoire populaire non pas un "monstre sacré", mais un dirigeant du peuple, un homme de combat, celui qui représentait un parti communiste militant, ouvrier, dont les élus n’étaient que le visage institutionnel, et non celui de la gauche électorale. Un dirigeant dont nous parle parfois des beaucoup plus jeunes qui ont entendu parler de celui qui tenait tête aux bourgeois à la télévision.

Il avait profondément raison en insistant sur le rôle du parti communiste, sur la nécessité de travailler à l’union du peuple. Il a bien vu les risques de l’accord avec le parti socialiste, les limites d’un programme de gouvernement face aux pressions de l’OTAN et de la finance mondialisée, mais il a cru que le parti communiste était capable d’organiser un mouvement populaire assez puissant pour imposer le changement. Il n’a pas vu que le programme commun poussait les communistes comme les forces populaires à se concentrer au contraire sur la seule victoire électorale. Quand il a voulu revisiter la stratégie d’union en 1985, il s’est heurté à un parti profondément transformé et devenu dépendant de l’union de la gauche, donc du parti socialiste.

Il reste à comprendre pourquoi le 25ème congrès n’a pas inversé la tendance, pourquoi le parti communiste a continué dans une suite d’accord électoraux de sommet, au contenu de plus en plus vague et faible, jusqu’à devoir accepter un accord Nupes qui ne se fait même plus sur un programme commun !

Il a fallu attendre le 38ème congrès pour que la question du parti soit enfin réaffirmé, pour qu’un secrétaire national reprenne le fil du combat de Georges Marchais, le combat de l’union qui est d’abord le combat du parti. Il reste à savoir si le 39ème congrès pourra tirer toutes les leçons de l’échec des formes d’union expérimentées depuis 1972...

[1expression intéressante pour ses successeurs...

[2quelques mois avant le coup d’état de Pinochet, qui aurait pu être une alerte stratégique sur les conditions d’une voie électorale au socialisme...

[3les ministres communistes sont restés dans le 3eme gouvernement Mauroy, celui du tournant de la rigueur, et sont en poste le 13 avril 1984, jour de la grande manifestation parisienne des sidérurgistes à Paris. Ils ne sortiront du gouvernement qu’en Juillet pour le premier gouvernement Fabius, après le refus de Mitterrand d’accéder à la demande de Georges Marchais « d’apporter à la politique économique et sociale les changements nécessaires » et « d’ouvrir à des communistes l’accès à des postes ministériels ayant compétence en matière de développement économique et d’emploi », et aussi après une défaite électorale majeure aux élections européennes

[4dès cette législative de 1973, le PS en forte progression se retrouve à moins d’un point du PCF et légèrement devant si on tient compte des divers gauche

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  • (2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler

    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
    ... lire la suite

  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).