Des nouvelles de l’Italie !

, par  luciano Gelmi , popularité : 1%

Notre camarade Luciano Gelmi nous envoie cette analyse de la situation italienne, il sera présent aux rencontres internationalistes de Vénissieux !

Ces jours-ci le Parti communiste chinois tient son 20ème congrès. À la lumière du discours d’ouverture de Xi Jinping, de l’ampleur, de la profondeur et la portée de son analyse et de ses propositions, examiner ce qui se déroule actuellement dans les pays de l’UE ne peut que susciter de la honte, voire de la colère et une volonté de rébellion.

Aussi, j’aimerais échanger quelques idées sur la situation en Italie, notamment en ce qui concerne les récentes élections et ce qu’on appelle « le danger du fascisme ».

Les résultats de ces élections correspondent aux prévisions. Il y a juste eu un petit déplacement des parts attribuées aux différents en lice (je qualifierais le résultat en utilisant ce terme, puisque en l’occurrence parler de "pouvoir", qui est bien ailleurs, n’a pas de sens) et qui étaient déjà les porteurs d’eau de Draghi et de son gouvernement. D’un côté, tout avait été orchestré par le système de façon à éviter la moindre surprise, d’un autre côté, il n’y a pour le moment personne (parti, mouvement) de taille à pouvoir la produire.

Actuellement, en Italie il n’y a pas de gauche organisée. Comme "gauche" j’entends une force dont les principes idéologiques établissent que le travail constitue l’élément social fondamental de la production des biens et des services ; cette force politique défendra donc les intérêts des travailleurs, des exploités. D’autre part, la force qui affirme que l’élément social fondamental est le capital, c’est "la droite". Or, à mon avis, tous les députés parlementaires élus aux élections sont de droite.

Il y a eu la tentative de former un mouvement – l’Union Populaire - pour rassembler la gauche et la faire participer de cette façon aux élections. Ce mouvement a pu être fondé, mais le temps à sa disposition pour lui donner une certaine visibilité a été trop court. Le résultat du scrutin lui a donné quelque 1,5 %. Compte tenu que le Parti de refondation communiste fait partie du Mouvement de l’Union populaire et que, malgré cela, le scrutin n’a pas excédé les 1,5 %, on comprendra, sans que je veuille d’une façon ou d’une autre minimiser l’existence de ce Parti, quelle est la mesure et le poids de son incidence dans la société.

Le nombre de ceux qui se sont abstenus est de l’ordre des 35-36 %. De ces gens-là, la majorité (je dirais au moins 20 %, et sur le total des personnes ayant droit de voter, 25 %) n’ont pas participé parce qu’ils ne croient plus dans le système de la « représentation parlementaire », dans le système de la démocratie bourgeoise. Voici donc une grande énergie sociale "gaspillée", ou plutôt en veilleuse, que la véritable gauche devrait pouvoir mobiliser pour changer la donne politique. Sans vouloir changer d’argumentaire, j’aimerais quand-même signaler que les forces du Mouvement « Unione Popolare », y compris les camarades du « Potere al Popolo », « Partito di Rifondazione Comunista », les membres de la centrale syndicale de base USB (Unione sindacale di base) affiliée à la Fédération syndicale mondiale, (pour ne citer que ceux-ci) ont dès le début de la campagne électorale souligné qu’elle n’était qu’une étape sur le chemin de lutte, pas le but en soi. Ces forces ne se sont point démenties par le résultat, et elles ont d’ores et déjà entrepris le renforcement et l’intensification de leurs actions quotidiennes.

J’ai dit en haut que le résultat des élections n’a pas changé le panorama des forces gouvernementales. Tous ces partis qui ne faisaient autre chose que former un cordon de protection autour de Draghi (évidemment, y compris le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni), se sont de nouveau retrouvés à la même place. Certes, l’équipe des ministres, des vice-ministres, des secrétaires d’Etat a partiellement changé. En fait, on se retrouve avec l’équipe de Berlusconi d’il y a 20 ans. Même s’ils ne sont pas plus jeunes qu’alors, ils n’ont pas changé d’un poil leur crédo politique (et leur clientèle). Le programme politique et social est absolument inchangé et reste celui qu’a défini le Premier ministre sortant Draghi, dans son rôle de porte-parole de l’OTAN, de la Commission Européenne, de la Banque européenne et de Washington. La liberté de mouvement du gouvernement est pratiquement nulle. Et puisque la politique à mettre en œuvre sera fortement antisociale, c’est-à-dire, entièrement orientée à représenter le capital financier au détriment du travail, le gagnant de ces élections (« Fratelli d’Italia » de Giorgia Meloni) est dans une certaine mesure le perdant, alors que le perdant aux élections (Partito democratico) est le gagnant. En effet, le premier ne pourra pas maintenir ses promesses faites aux électeurs, le deuxième fera semblant de n’être pas responsable des mesures sociales lourdes pour les travailleurs que le gouvernement prendra. Alors qu’ils sont tous aux ordres du vrai pouvoir avec au programme : privatisation de l’eau, ultérieur démantèlement des systèmes de santé public et d’éducation nationale, « cosmétique écologique » au profit du capital sans nullement affronter vraiment la question de l’environnement, alignement indiscuté sur l’Otan et les Etats-Unis, etc.

On devra se poser la question de savoir si les propos d’une « remontée du fascisme » n’est que tapage médiatique (chose curieuse : la « marche sur Rome » du guignol Mussolini a eu lieu en 1922, il y a juste 100 ans). À mon sens, il faut commencer cette réflexion par dire ce qu’on entend par fascisme. Ce système est une des formes politiques par laquelle le capital exerce son pouvoir sur la société et accentue son exploitation des travailleurs. La forme comprend la répression ouverte manu militari, policière, paramilitaire des opposants au système, en premier lieu des plus fermes, décidés, « dangereux », donc des représentants de la classe ouvrière. Il ne faut toutefois pas oublier que cet élément fait toujours parti de l’arsenal du système capitaliste. On l’a bien vu dans les années ’60, ’70, notamment lors des grandes grèves à la FIAT de Turin. Ceci est évidemment bien connu, mais il faut quand-même le rappeler pour démasquer le faux antifascisme du « centre-gauche ». Antifascisme rime avec anticapitalisme. Il n’y a pas d’antifascisme conséquent sans l’élément de l’anticapitalisme. Ceci ne signifie en aucun cas manquer de respect et de gratitude pour ces partisans et maquisards qui se sont battus pendant la deuxième guerre mondiale contre la Wehrmacht et les chemises noires de Mussolini pour des raisons de foi, de convictions humanistes et libérales. Il en est de même pour tous les militants syndicaux, écologiques, jeunes, retraités, etc. qui aspirent aujourd’hui à un changement, sans nécessairement comprendre le lien en capitalisme et fascisme.

Parlant de fascisme en tant que forme d’oppression ouverte, il ne faut pas oublier non plus que l’oppression « cachée » fait partie de notre quotidien social et politique depuis bien des années. Il y a beaucoup d’années que les médias aux mains du capital procèdent à une destruction systématique de la culture populaire et humaniste, de la langue en tant que moyen de réflexion, d’analyse et d’expression raisonnée, des capacités intellectuelles et bel et bien du savoir des êtres humains. Cette oppression a fait de tels ravages qu’il faut vraiment se poser la question si notre société aura la force d’en revenir. On dira que la mise en œuvre d’une oppression ouverte indique que le ravage n’a pas été total, puisque les énergies saines réussissent à passer à l’action.
Pour en revenir au fait que la cheffe du gouvernement italien provient du MSI de Almirante et que ses électeurs sont en grande partie des nostalgiques de Mussolini, la seule chose que ce gouvernement « fasciste » pourra faire (et que le capital lui demandera de faire), et que le Partito democratico (Pd) aurait un peu plus de difficulté à faire avec la même vigueur, c’est de tenir un discours de « l’identité nationale » en le portant sur un terrain idéologique : ressusciter un discours de mémoire réactionnaire, au contenu conservateur et rétrograde sur les questions des droits civils, endurcir les rapports avec les émigrants, criminaliser les travailleurs et leurs organisations, les grèves, les conflits sociaux comme éléments « anti-italiens », défaitistes, voire « traitres ». Le Pd aurait plus de difficultés dans ces actions, parce qu’il doit encore contrôler dans l’intérêt de la Confindustria (le MEDEF italien) ce qui reste de combattif dans les rangs de la CGIL, la centrale syndicale historique italienne de De Vittorio, co-fondatrice de la FSM, qui aujourd’hui se veut encore « de gauche », mais qui représente aujourd’hui en grande partie « l’aristocratie prolétaire » (je ne veux pas dénigrer les militants de cette centrale qui encore aujourd’hui luttent et sont de bonne foi). Mais il ne faut pas minimiser le danger et la menace : la répression des manifestations, le chantage et le licenciement des représentants syndicaux, des militants de gauche augmenteront dans un futur très proche.

La lutte sera plus dure qu’avant.

Mais disons-nous bien que cela ne pourrait être différemment : l’ennemi de la classe des travailleurs ne voit que cette issue de la crise systémique.
« Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme. »

PS
Plus haut j’ai employé le terme de « travailleur » ; faut-il dire que ce mot ne se rapporte pas seulement aux hommes, mais tout aussi bien aux femmes. Le terme indique une fonction sociale ! Tout comme le terme « la sentinelle » indiquait pendant des siècles une fonction militaire, mais ne se référait pas au sexe de qui l’exécute.
17.10.22

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