La défense de l’intérêt national oblige à lutter contre la grande bourgeoisie, tant au plan national qu’au plan mondial.

, par  Jean-Claude Delaunay , popularité : 3%

Je remercie tout particulièrement ces camarades qui ont pris non seulement le temps de lire mon papier mais de me faire part de leurs remarques. Certaines difficultés techniques sont à l’origine de mon retard à en tenir compte. Voici mes réactions, qui n’épuisent pas le débat, loin s’en faut. Je m’en tiendrai aujourd’hui au propos de Pierre Martin. Je m’efforcerai de dialoguer sans trop tarder avec d’autres lecteurs du site. Je résume comme suit le commentaire de Pierre : « Que représente pour le mouvement révolutionnaire, en 2017, la défense de la nation ? Réponse : Rien ». Je ne suis pas d’accord. L’un des grands mérites de son commentaire de PM est d’obliger à être plus précis. Je vais faire à mon tour 5 remarques.

1) Je crois que le point de départ du raisonnement de PM est peut-être un malentendu. Il est possible, en effet, que, pour lui, j’oppose la lutte pour la Nation et la lutte contre le Capital. Ce n’est pas, me semble-t-il, ce que je dis et ce n’est pas, non plus, ce que je pense. Je dis que la contradiction entre Nation et Mondialisation est la forme actuelle de la contradiction entre Capital et Travail. Selon moi, les communistes n’abandonneraient pas du tout la contradiction Capital/Travail en luttant aujourd’hui pour l’intérêt national contre la mondialisation capitaliste. Il me semble, au contraire, qu’en luttant de cette manière, nous luttons contre le Grand Capital, celui qui est à la tête de la mondialisation capitaliste (je discuterai ultérieurement de cette notion qui, selon Patrice Jullien, pose problème. Pour l’instant, je la prends telle qu’elle).

2) Ce point étant précisé, PM rappelle que le mouvement ouvrier international, après la 2ème guerre mondiale, a développé la thèse selon laquelle les luttes de libération nationale étaient de portée anticapitaliste. Je déduis de son commentaire que cette thèse ne serait plus valable aujourd’hui. Nous ne serions plus dans la phase des luttes anticoloniales d’autrefois et de toute façon, la France n’étant pas une colonie, comment la lui appliquer ? Cela m’oblige, bien que n’étant pas historien, à préciser historiquement mon propos.

Selon moi, et de façon certainement très sommaire, je dirai que, depuis le 19ème siècle, le concept de nation, dans les pays capitalistes, a connu 3 grands développements.

3) Le 19ème siècle fut celui de la formation de nombreuses nations. Le mouvement ouvrier français s’est emparé de cette notion (la nation) et chacun sait que, pour Jaurès, un peu de nation éloignait de l’internationalisme et beaucoup de nation en rapprochait. Ce grand lutteur intégrait ainsi la nation dans la pensée révolutionnaire, internationaliste. Les faits ont cependant montré que les bourgeoisies, alors nationales, avaient été capables de pervertir complètement le sens du combat national. La première guerre mondiale fut une triste et sanglante illustration des paroles, également bien connues d’Anatole France : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels ».

4) La deuxième moitié du 20ème siècle a connu deux évolutions complémentaires relativement à la lutte menée au nom des nations contre le Capital.
D’une part, cette époque fut marquée par les combats menés au nom des nations contre les occupants, que ce soit en Europe (URSS comprise) ou en Chine. C’est pendant la lutte contre les Japonais que se forge, au sens quasiment physique du terme, la nation chinoise. En France, les classes dirigeantes s’étant soumises dans leur masse aux nazis et à la collaboration, le combat national fut associé, de manière quasiment visible, au combat anticapitaliste. La conjonction de la direction gaulliste et de la résistance intérieure ont permis le programme du CNR, ce qui n’était pas rien.

D’autre part, l’après-deuxième guerre fut l’époque de la fin des empires coloniaux directs. Le combat national s’identifia à la lutte des bourgeoisies nationales pour leur indépendance politique par rapport aux bourgeoisies colonisatrices.

5) Le troisième développement s’est ouvert autour des années 1970-1980. Il comporte à mon avis deux aspects, soulignant le rôle des phénomènes nationaux dans le combat anticapitaliste contemporain.

Le premier est, si je puis dire, classique. Les Français s’y sont malheureusement habitués depuis 40 et nous sommes aujourd’hui en phase d’accélération. La destruction de ce qui reste de l’industrie française est affligeante. Les prolétaires en subissent chaque jour les effets sur les lambeaux de ce tissu industriel. En réalité, ce sont toutes les catégories sociales vivant de l’économe nationale qui sont concernées. Quand je me rends a la poste a Villejuif, je suis effondré de voir a quel point ce service public a été transformé, laminé, coupé en morceaux, changé en banque. Mais si je me rends dans ma campagne originelle, je n’ai même plus de raison d’être effondre car le service public postal a disparu.

Je dis dans mon texte, sans donner d’exemples, que rétablir les services publics signifie à la fois lutter pour l’intérêt national et contre le grand capital. Certes, l’exemple de la poste n’est qu’un petit point dans un combat d’ensemble. Mais ce petit point est compréhensible par la masse des gens. Il faut donc lui adjoindre le plus grand nombre de petits points (en réalité de très grands points) significatifs du combat national nécessaire : l’école, la santé, la fonction publique, les renationalisations/expropriations indispensables, la production agricole en péril, les infrastructures de la production d’énergie et du transport, l’activité financière elle-même. Je lisais récemment le bulletin que vient de publier Descartes sur « Le blog de Descartes ». Il note dans le détail le nom des Ministères et ce qu’ils signifient d’abandon de la production nationale. Ce n’est qu’un symbole et c’est pourtant stupéfiant.

Le deuxième aspect est plus nouveau, à mon avis. Il tient à ce que la mondialisation capitaliste est un monstre à deux têtes. Elle a la tête du « grand capital », une tête qui se présente sous de beaux attraits, de progrès, d’humanité, de diffusion des savoir-faire, mais qui, en réalité, n’en a rien à foutre. Elle a aussi la tête de ce que l’on appelle « les pays émergeants ».

La tête du Capital est celle du profit maximum. La tête des Pays émergeants est celle du développement national maximum. Je pense que le combat national, dans un pays comme la France, devrait avoir pour préoccupation, non seulement de reconstruire, autant que nécessaire, ce que Capital a détruit de capacités de travail et de bien-être en France, mais également de tisser, avec ces pays nouveaux, les relations qui, progressivement et sans doute avec des hauts et des bas, quoique surement, isoleront l’ennemi principal, l’impérialisme américain et permettront de construire les bases d’un monde réellement monde et réellement nouveau.

Pour conclure, je dirai qu’aujourd’hui (2017), la défense de l’intérêt national oblige à lutter contre la grande bourgeoisie, tant au plan national qu’au plan mondial. Il me semble que l’opérateur national demeure l’opérateur principal de ce double combat. La lutte contre la grande bourgeoisie n’est plus celle contre la grande bourgeoisie nationale (Whirlpool, par exemple). La lutte nationale intérieure suppose des alliances solides et durables avec d’autres nations, comme par exemple avec la Chine. En Europe, enfin, la lutte nationale prend la forme de la lutte contre les institutions européennes.

Voilà, en gros, ce que j’ai voulu dire. Indépendamment du fait que c’est moi qui le dit, je ne trouve pas ce propos stupide. Fillon a bien tenté, lors des dernières élections, de réhabiliter l’idée nationale en essayant une sorte de synthèse hétéroclite entre nation et mondialisation. Il s’est tout simplement fait exploser la gueule. La grande bourgeoisie capitaliste n’a désormais plus besoin du terrain national si ce n’est pour agir et se déchirer entre amis dans la concurrence mondiale. Ceux qui peuvent défendre la nation aujourd’hui, ce ne sont plus les grands bourgeois. Ce sont, notamment, les classes populaires, les ouvriers, celles et ceux qui, par leur activité, produisent pour le marché intérieur a titre principal et qui consomment leurs revenus sur ce même marché. Que Pierre m’explique en quoi j’ai tort.

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