Toni A , les Gilets Jaunes, les Chinois Rouges, et l’avenir de la France

, par  Hervé Fuyet , popularité : 1%

Toni A , les Gilets Jaunes, les Chinois Rouges, et la France de l’avenir !

Tony Andréani, professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Paris 8, est l’auteur de l’ouvrage remarquable Le "modèle chinois" et nous. [1]

L’Harmattan, l’éditeur du livre, nous dit à propos de Tony et du livre, (Toni pour ses familiers) : Tony Andréani, professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Paris-8, a longuement travaillé sur les concepts du matérialisme historique, dirigé des ouvrages d’épistémologie des sciences sociales, publié divers essais de philosophie politique et consacré plusieurs livres aux socialismes possibles pour le siècle qui vient.

L’Harmattan ajoute : Y a-t-il quelques enseignements à tirer, pour un pays comme la France, du système économique et politique chinois ? Aucun, selon les médias et même les spécialistes, malgré une croissance hors normes, un bond technologique, un consensus social. Pour l’auteur cependant, les succès chinois tiennent à une forme inédite de socialisme de marché, où le pouvoir politique a une vision de long terme, dispose de leviers puissants pour orienter le développement, où il garde le capitalisme privé sous contrôle ainsi que l’insertion du pays dans la globalisation, et où il réduit de très fortes inégalités. Un modèle à l’opposé du modèle dominant en Occident.

Le philosophe Yvon Quiniou analyse avec lucidité et empathie Le "modèle chinois" et nous de Toni. Il nous dit, entre autres : « Tony Andréani, spécialiste lucide et subtil de philosophie politique depuis longtemps, a en particulier théorisé les divers "modèles" dans lesquels le socialisme pouvait s’incarner alors que la mode, après la fin du système soviétique, était de se méfier d’une pareille démarche considérée, à tort, comme potentiellement totalitaire, bien qu’elle n’avait d’autre but, selon moi, que d’éviter les pièges de l’aventurisme. Et voici qu’il recommence d’une manière étonnante dans son livre "Le "modèle chinois" et nous", dont le titre qui pourra scandaliser ceux qui ne l’ont pas lu, en proposant d’aller voir du côté de la Chine : d’abord pour en faire un bilan actuel, ensuite pour voir en quoi ce qui s’y passe de positif pourrait nourrir notre réflexion vis-à-vis d’un avenir socialiste de la France, auquel il continue de croire malgré le pessimisme et le défaitisme ambiants. Disons tout de suite que j’apprécie ce livre tant le bilan qu’il fait de la Chine d’aujourd’hui va à l’encontre des préjugés idéologiques hostiles qui règnent un peu partout à son égard. » [2]

Xirong, auteur d’une autre analyse de l’ouvrage de Toni, Le "Modèle chinois" et nous, aborde la contribution possible du modèle chinois de socialisme de marché à l’élaboration d’un modèle français de socialisme de marché. Pour Xirong, la Chine est à l’avant-garde d’un capitalisme social, voire d’un socialisme de marché ?
Xirong nous dit que Toni compare la nouvelle économie chinoise à une NEP (politique choisie un temps par Lénine) mâtinée de keynésianisme. De ce fait, en gardant un appareil de planification, abandonnée par la France depuis de longues années pour des politiques néolibérales, la Chine connaît un taux de croissance bien enviable...

Toni montre qu’en s’appuyant sur une politique monétaire rigoureuse entièrement contrôlé par le gouvernement, on débouche sur un socialisme de marché avec une dette qui repose sur les banques du pays. Dans le domaine de l’énergie par exemple, la Chine a gardé des entreprises sous le contrôle de l’État. Les barrières tarifaires, et le contrôle des capitaux à l’entrée et à la sortie permet de réduire l’impact du poids de la mondialisation financière.

Une dernière partie pose la question de savoir si notre pays peut s’inspirer de ce modèle et si cela se faisait, est-ce-que cela impliquerait une sortie de l’Union européenne. Tony Andréani avance que ses idées recoupent en partie celles de Joshka Fisher, ancien ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne. Selon l’auteur, s’il était impossible de renégocier les traités, il faudrait passer de la transformation de la monnaie unique à la monnaie commune. Face aux enjeux des prochaines élections européennes, cet ouvrage est du plus grand intérêt. On relèvera d’ailleurs, page 108, ceci à propos de l’action du Président Macron : « Tout se résume à une politique gestionnaire et mercantiliste » [3].

Toni lui-même s’exprime sur l’intérêt de son livre pour la France : Pouvons-nous, en France, nous inspirer du modèle chinois ?

Nous y aurions grand avantage. Le problème est que cela est impossible dans le cadre de l’Union européenne telle qu’elle est.
On ne cesse d’affirmer que la France n’a pas d’avenir hors de l’Union, car elle est trop petite dans un monde dominé par des puissances continentales. Cette affirmation n’est pas recevable, car on pourrait multiplier les exemples de pays plus petits qui tirent fort bien leur épingle du jeu, même quand ils ont une économie encore moins diversifiée (par exemple la Corée du Sud, le Canada, ou même un petit pays de 5 millions d’habitants comme Singapour). Cependant l’appartenance à l’Union devait à priori présenter des avantages économiques, avec son grand marché de 550 millions d’habitants, et un projet européen ne manque pas de sens. Malheureusement les Traités rendent impraticables un système économique et un régime de croissance "à la chinoise". Et il est tout-à-fait vain d’espérer que l’Union européenne se convertira dans son ensemble, et en tous cas pas l’Allemagne, à une telle alternative.

L’eurolibéralisme a tourné le dos à toute politique d’inspiration keynésienne. Il n’a de cesse que de réduire le pouvoir d’intervention de l’Etat au profit des grandes banques, des multinationales et des marchés financiers. On peut même dire que la crise des dettes souveraines a été l’occasion en or pour en finir avec ce qui restait de politiques keynésiennes et d’éléments de socialisme, tel que l’Etat providence. En imposant une stricte orthodoxie budgétaire et les politiques d’austérité résultantes, l’eurolibéralisme a pu, avec une stratégie qui ressemble à celle du chaos, imposer partout son agenda : privatisations généralisées dans les secteurs concurrentiels, passage progressif des services publics et des institutions de l’Etat social au privé, réduction des biens et services fournis par les administrations, diminution des impôts et cotisations sociales, stagnation ou baisse des salaires, déconstruction du droit du travail, et autres « réformes structurelles ». Bien que les résultats des politiques néolibérales soient lamentables (croissance atone, dettes publiques croissantes, aggravation des inégalités), l’oligarchie européenne continue de plus belle. C’est que la crise n’est pas pour tout le monde : les riches continuent à s’enrichir et à prospérer. On ne cesse de dire que l’on va corriger les inégalités et les abus de droit (l’évasion fiscale en particulier), mais ce ne sont pas là des excès passagers, mais les effets du système lui-même.

Imaginons maintenant que l’on veuille retrouver un régime keynésien de croissance dans l’esprit du modèle chinois, pour sortir notre pays du marasme. Que faudrait-il faire ?

Les conditions d’une politique économique de type keynésien

Il faudrait d’abord récupérer de la souveraineté monétaire, et cela implique clairement une sortie de l’euro.

L’euro, de toute façon, n’est pas viable. Cela a été amplement démontré, une monnaie unique implique un État de type fédéral, à même d’opérer des transferts entre les Etats qui le composent pour corriger des disparités et une spécialisation croissantes, comme il appert dans l’actuelle zone euro, surtout entre les pays du Nord et les pays du Sud. Ce n’est pas avec le misérable 0,3% des « aides structurelles » du budget européen (contre 20% aux Etats-Unis) que des transferts massifs sont possibles, et il ne fait pas de doute qu’aucun Etat européen n’est prêt à y consentir, et surtout pas l’Allemagne qui serait la plus grosse contributrice. On pourrait alors revenir aux monnaies nationales, mais ce serait la fin d’une certaine intégration monétaire et le retour des spéculations contre la monnaie – y mettre fin était le principal argument invoqué lors de la création de l’euro. Une bien meilleure solution serait de remplacer l’euro par une monnaie commune, solution soutenue par de nombreux économistes et quelques hommes politiques.

Précisons le principe d’une monnaie commune, qui n’est pas sans exemples actuels dans le monde (le rouble est une monnaie commune pour les ex-Etats de la CEI, le "sucre" pour les pays de l’Alliance bolivarienne). Une banque centrale gère cette monnaie commune, mais les banques nationales ont une pleine autonomie de leur politique monétaire (elles n’en sont plus des filiales). Les monnaies nationales sont liées à cette monnaie commune par des parités fixes, mais ajustables d’un commun accord en fonction de la variation de divers critères, le principal étant les taux d’inflation dans les différents pays. On ne peut donc plus spéculer sur le cours des monnaies nationales. Les transactions avec les autres pays de la zone se font obligatoirement par la conversion des monnaies nationales en monnaie commune (ce qui a évidemment un coût de transaction et complique la comptabilité des entreprises, mais l’inconvénient reste mineur), cependant que les transactions avec les pays étrangers se font obligatoirement en monnaie commune. Le système des parités ajustables, en même temps qu’il restaure la souveraineté monétaire des Etats, leur permet de compenser leurs déséquilibres entre eux. Notons que c’était un système de ce type que Keynes avait préconisé à l’échelle mondiale.

La France a le poids suffisant pour imposer cette solution, à prendre ou à laisser. Car, à défaut, elle menacerait de sortir de l’Union européenne, et c’est l’un des piliers du temple – bien plus que la Grande Bretagne – qui s’écroulerait. Rien n’interdirait d’ailleurs à l’Allemagne de constituer une zone mark avec les pays qui voudraient s’y associer. La France serait donc libre de fixer les taux directeurs de sa banque centrale et d’utiliser d’autres instruments monétaires pour stimuler son économie. Le problème est que le financement de la dette publique continuerait à se faire auprès des marchés financiers internationaux, qui pourraient exiger des taux d’intérêt très élevés pesant lourdement sur les finances de l’Etat et limitant drastiquement sa marge d’action. Aussi lui faudrait-il se financer autrement, d’abord en empruntant auprès de sa propre banque centrale, sous des conditions limitatives (pour ne pas faire marcher la planche à billets au-delà des besoins de l’économie), comme cela se fait dans de nombreux pays du monde (aux Etats-Unis par exemple…et en Chine), à un taux qui pourrait être nul, ensuite en empruntant auprès des ménages français (à un taux qui devrait être quelque peu rémunérateur, comme cela se fait au Japon), et enfin en empruntant auprès de ses banques, tenues d’acquérir un certain pourcentage des titres émis (comme cela se fait en Chine). A ce titre il enrichirait éventuellement sa propre banque centrale, et très modérément ses propres concitoyens et ses propres banques, et non des investisseurs internationaux, qui, il est vrai, se contentent aujourd’hui d’un très faible rendement des obligations publiques, mais peuvent changer d’avis quand cela leur chante. Reste qu’il faudrait toujours leur rembourser la dette actuelle avec ses intérêts. Aussi faudrait-il sans doute négocier avec eux une restructuration des dettes (heureusement libellées presque en totalité en droit français), comme des pays l’ont fait, et l’Union européenne ne pourrait l’empêcher, la France n’étant pas endettée vis-à-vis du Mécanisme européen de stabilité.

Il faudrait aussi retrouver une souveraineté budgétaire. La France serait alors libre de son déficit public, n’étant plus tenue par les critères du désastreux Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance (TSCG) que François Hollande a fait ratifier (avec sa cible de 0,5% de déficit maximal), ni même des critères de Maastricht, qui étaient des conditions de la monnaie unique. Elle pourrait alors mener des politiques de relance "à la chinoise". Précisons que la dette n’est pas un problème, quand la croissance, avec les rentrées fiscales qui vont avec, permet de la rembourser. Ici encore l’exemple de la Chine est parlant. Et il y a divers moyens de faire de la relance pour arriver au taux de croissance souhaité (qui soit au moins celui de la "croissance potentielle", celle qui correspond au plein emploi des capacités de production), par exemple augmenter le SMIC et engager de grands programmes d’investissement public, avec leurs effets d’entraînement (le multiplicateur keynésien), encore une fois ce que la Chine fait régulièrement.

On objectera que, la France continuant à appartenir au marché unique, si les autres pays ne relancent pas simultanément, ce sont eux qui profiteraient de l’aubaine, en lui vendant davantage et en important moins, ce qui déséquilibrerait la balance commerciale. En outre l’augmentation des salaires créerait un différentiel d’inflation avec les autres pays, rendant les produits financiers moins compétitifs. François Mitterrand et son Parti en ont fait la cruelle expérience en 1981-82-83, se trouvant contraints de dévaluer à plusieurs reprises, et finalement prenant « le tournant de la rigueur » pour ne pas sortir le franc du système monétaire européen. Mais le système des parités ajustables dans le cadre d’une monnaie commune (le SME n’en était pas une) résoudrait largement le problème, puisqu’il ferait entrer en ligne de compte les différentiels d’inflation, et, mieux encore, la variation des coûts du travail, ce qui redonnerait aux produits nationaux de la compétitivité. Je ne suis pas sûr pourtant qu’il le résoudrait complètement, car la France s’est beaucoup désindustrialisée et souvent son industrie est trop faible pour affronter la concurrence. Faudrait-il donc mettre des barrières à l’importation, comme le fait la Chine ?

Venons en donc à la question du protectionnisme. Le Front national a proposé sa solution : rétablir des droits de douane sélectifs, c’est-à-dire qui ne toucheraient que les produits où le pays enregistre un déficit de compétitivité. C’est alors la fin du marché unique. La droite avait trouvé une autre solution, compatible avec les principes de l’Union européenne, qui laisse aux Etats la maîtrise de leur fiscalité : la TVA "sociale", qui consiste à alléger les cotisations sociales versées par les entreprises, donc leurs coûts, en en faisant financer une partie par l’impôt. Solution qui n’en est pas une, car ce sont alors les finances publiques qui en souffrent, donc les moyens dont dispose l’Etat pour opérer une relance. Le crédit impôt compétitivité emploi (réduction de 6% de la grande masse des salaires via un reversement d’impôt aux entreprises – au lieu de subventions directes interdites par les Traités européens au motif de distorsion de concurrence) est encore pire, car il prive les finances publiques de dizaines de milliards d’euros chaque année, qui seraient bien utiles pour soutenir l’économie, tout en étant par ailleurs sans grand effet sur l’emploi tant il a été mal appliqué. Le Pacte de responsabilité, qui allège les cotisations sociales patronales a le même vice, car c’est l’Etat qui doit en principe compenser. Alors une solution de court terme serait de réserver les marchés publics aux acteurs nationaux s’ils font partie des programmes de relance, ce qui peut être prouvé. Ce serait une réponse à l’attitude non coopérative des autres pays. Mais la solution de long terme, c’est de relever la productivité des salariés français par des progrès techniques, ce que la Chine a entrepris résolument de faire. Cela peut se faire par la recherche publique et par la recherche privée, et, en la matière, le crédit d’impôt recherche (le CIC) peut être approuvé, s’il est distribué aux entreprises qui en ont réellement besoin. Bien entendu, en cas de relance concertée avec nos pays fournisseurs, cette restriction des appels d’offre publics aux acteurs nationaux (pratiquée dans plusieurs pays extérieurs à l’Union européenne) serait abandonnée.
J’ajouterais que, dans le cas très improbable où la monnaie unique pourrait être maintenue grâce à une véritable union de transfert, une part de souveraineté budgétaire devrait, à mon sens, être maintenue : celle qui correspond aux investissements d’avenir, présentés et justifiés comme tels.

Au total on retrouverait la possibilité d’un régime keynésien de croissance. Mais il faudrait y ajouter un protectionnisme restreint et ciblé vis-à-vis des pays extérieurs à l’Union européenne : autre rupture par rapport au libre-échangisme européen, qui ne joue qu’au bénéfice de pays fortement exportateurs comme l’Allemagne.
La question est maintenant de savoir si on peut faire quelques pas en direction d’un socialisme de marché, à l’instar de la Chine. Question difficile, tant le libéralisme en a réduit les bases.

Quelques jalons vers un socialisme avec marché

1° Il faudrait d’abord restaurer un secteur public digne de ce nom, au moins dans trois domaines, celui des banques, celui des entreprises de services publics et celui des entreprises stratégiques. A titre exploratoire, je donne quelques exemples.
Il s’agirait d’abord de renationaliser, mais sous une forme différente ("socialisée"), au moins une grande banque commerciale, en sus de la Banque postale. Cela supposerait une séparation de la banque commerciale de la banque d’investissement, séparation à laquelle nos grandes banques sont farouchement opposées parce qu’elles ne pourraient plus s’appuyer sur les dépôts pour faire de la finance de marché, et se verraient, disent-elles, désavantagées vis-à-vis de leurs concurrentes internationales, états-uniennes en particulier. Tout à leur écoute, le gouvernement Hollande a fait tout ce qu’il pouvait pour l’empêcher, bien en retrait des dispositions adoptées aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et même par la Commission européenne. Une séparation relative devrait pourtant se faire dans le cadre de l’Union bancaire européenne – ce serait l’un des rares points positifs de la législation européenne. Il faudrait ensuite trouver les moyens financiers pour racheter cette deuxième banque, ou du moins assez d’actions pour en reprendre le contrôle, et non se contenter d’une petite minorité de blocage, obtenue, comme dans le cas de Renault, grâce à un artifice (la loi Florange prévoyant des votes doubles pour un actionnaire plus stable).

Quant aux autres entreprises de service public (car la banque fournit déjà un véritable service public), il faudrait également renationaliser quelques entreprises clés comme Engie (anciennement Gaz de France) ou France Telecom. L’intérêt d’une renationalisation est de ne plus en faire des entreprises capitalistes d’Etat. Elles devraient, à mon sens, payer une taxe sur l’usage du capital public, mais ne pas verser de dividendes. Elles devraient, en second lieu, reposer une cogestion avec les représentants des travailleurs. Non pas sur une autogestion, car c’est bien l’Etat qui doit être le garant de l’intérêt général, du bon accomplissement de leurs missions de service public. Mai, je l’ai dit, leur gestion doit être autonome, non parasitée par leur Ministère. L’agence des participations de l’Etat devrait être détachée du gouvernement, ce qui ferait une différence importante avec son homologue chinoise, la CASAC, soumise au Conseil d’Etat (l’exécutif chinois). A ce compte, la participation des salariés ne risquerait pas de verser dans l’égoïsme d’entreprise, comme on a pu le voir par exemple dans l’entreprise allemande Volkswagen, où les syndicats, disposant de la moitié des sièges au conseil de surveillance, ont couvert la fraude aux tests de contrôle anti-pollution de la direction. Les employés seraient animés par l’esprit de service public comme des fonctionnaires, en bénéficiant sans doute d’un statut spécial. Par ailleurs la démocratisation de ces entreprises devrait aller beaucoup plus en profondeur dans la gestion de l’entreprise que la simple représentation par des délégués syndicaux. Au total on peut penser que de telles entreprises n’auraient rien à craindre de concurrents privés, au contraire, les dividendes ayant disparu et le personnel étant bien plus motivé (à titre de contre-exemples, on peut citer les méfaits du management capitaliste à France Telecom et à la Poste, qui se sont même soldés par de nombreux suicides).

Les entreprises stratégiques (on aurait pu donner l’exemple de Alstom, si sa production de turbines n’avait pas été vendue à General Electric, alors que le gouvernement Hollande aurait pu, au minimum, se rabattre sur la solution de la joint-venture, comme auraient fait certainement les Chinois dans le même cas) devraient être nationalisées de la même façon, puisqu’elles représentent une forme de service public. Comme un rachat sur le marché demanderait des capitaux considérables, il faudrait monter progressivement au capital.
Les nationalisations doivent-elle s’arrêter là, ne pas s’effectuer dans le secteur des biens privés ? Je suis partisan d’une autre forme d’entreprise, l’entreprise "socialisée", d’esprit autogestionnaire. Mais, bien conscient que celle-ci est à inventer, et qu’elle rencontre des difficultés sérieuses quand elle doit prendre la forme d’une multinationale (un sujet que j’ai développé ailleurs), je pense que la forme de l’entreprise publique n’est pas à écarter, ici encore à la façon des Chinois, mais avec d’autres modes de gestion. Une idée serait que ce ne soit non plus l’Etat qui en soit propriétaire, mais des fonds publics d’investissement, comme dans l’exemple singapourien. Une proposition que je ne préciserai pas ici (je renvoie à des extraits de mon dernier livre).

2° Si l’on voulait aller en France dans le sens d’un socialisme de marché, il faudrait rétablir la planification, qui était d’ailleurs dans le programme de l’union de la gauche en 1981, dans cette ébauche d’un tel socialisme qui a rapidement avorté. Il faudrait qu’un puissant appareil de planification, bien plus politique et outillé que l’ancien Commissariat au Plan, rattaché au plus haut niveau de l’exécutif, puisse permettre de se servir de tous les outils d’une planification incitative (taux d’intérêt bonifiés, fiscalité différentielle, contrôle de certains prix, tel que celui de l’électricité, subventions en cas de besoin). Ce qui est interdit par les Traités européens, qui y verraient autant d’aides d’Etat venant fausser la concurrence. Voilà un dossier qui serait non négociable avec les partenaires européens de notre pays. Les aides directes de l’Etat (il y a aussi des aides indirectes, quand on développe par exemple la formation) doivent pouvoir être utilisées, à l’exception de toute discrimination sur le marché national (les entreprises étrangères y seront traitées comme les entreprises nationales) et à l’exception des avantages que les entreprises nationales pourraient en tirer dans les autres pays de l’Union (au niveau de leurs filiales). La loi de Plan serait rétablie. Je dirai seulement, avant de quitter ce sujet, que la planification s’impose plus que jamais en matière environnementale et climatique. C’est sur ce chapitre de la planification que nous avons le plus à retenir du modèle chinois.

3° La planification, je l’ai souligné, est la mise en œuvre des choix collectifs. Cela nous conduit vers la question de la transformation de notre système politique. Je ne vois pas un parti de transformation sociale, ni même une alliance de partis "radicaux", prendre le pouvoir en France et le monopoliser. On peut retenir certainement certains aspects du système politique chinois, mais pas cette monopolisation. La voie dans laquelle il faudrait s’engager serait celle d’une profonde démocratisation de nos institutions, donc à l’évidence celle d’une Sixième République. Un sujet complexe que je ne vais pas développer ici, où j’ai voulu mettre l’accent surtout sur le système économique.

4° Un autre point que je voudrais aborder, avant d’en venir à la réforme du marché capitaliste, est celui de la fiscalité. Les grandes lignes d’une fiscalité d’inspiration socialiste sont assez faciles à énoncer. Le néolibéralisme a sa doctrine et sa pratique en la matière. Il faut réduire toujours plus la fiscalité directe (l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur les revenus et l’impôt sur la fortune, quand il existe encore), au prétexte d’accroître la compétitivité des entreprises et de ne pas décourager les individus de travailler et d’entreprendre. Il est hostile à une progressivité de l’impôt en invoquant une certaine loi de Laffer qui dit que « trop d’impôt tue l’impôt », parce que, les gens travaillant moins, contribueraient moins (la hausse de la fiscalité serait neutralisée par la réduction de son assiette). Il est même partisan de la flat tax, une taxe uniforme quels que soient les revenus. En revanche il est très favorable à l’impôt sur la consommation, sous la forme de la TVA, et ici encore, il la préfère uniforme (pas de TVA augmentée sur les produits et services de luxe). Une fiscalité socialiste serait exactement à l’inverse. Elle serait modulée, pour les entreprises, selon qu’elles consacrent plus ou moins leurs bénéfices à l’investissement. Elle serait fortement proportionnelle sur les revenus du travail et du patrimoine. Elle privilégierait enfin les impôts directs par rapport aux impôts indirects, lesquels sont en fait régressifs. Ici la Chine est loin d’être un modèle.

5° Comment enfin sortir de la « société de marché », c’est-à-dire de la société dominée par des acteurs capitalistes, dont le seul souci est de vendre toujours plus, par tous les moyens ? Les Chinois sont encore dans l’enthousiasme des produits inconnus et de la profusion des marchandises dans les supermarchés. Mais ils ont commencé à réaliser ce que pouvait avoir de destructeur le consumérisme, à la fois socialement, tout étant fait pour leur faire oublier les servitudes du salariat au profit des jouissances de la consommation, et individuellement, par le délitement des liens sociaux. Nous autres, Français, commençons à nous lasser de ce bien-être fallacieux. Mais c’est surtout sous l’impulsion des associations de consommation et des réseaux sociaux que l’on cherche à s’en dégager (économie collaborative, circuits courts, évitement du gaspillage, choix de produits bio, contournement du harcèlement publicitaire, notamment sur internet etc.). Les politiques publiques en la matière sont inexistantes ou timorées.

Une politique alternative, telle que celle que je viens d’esquisser, changerait déjà en partie la donne. En réduisant les inégalités, elle dissuaderait les ménages d’acheter au meilleur marché, c’est-à-dire les marchandises les plus trafiquées et les plus nocives. En promouvant la démocratie d’entreprise, elle permettrait aux salariés de lancer l’alerte, dans l’entreprise, mais aussi à l’extérieur (sous le couvert de l’anonymat, nécessité oblige). Mais ce serait aux pouvoirs publics d’agir résolument. Je redirai ici rapidement ce que je disais à propos du modèle chinois. Pour déprivatiser le marché, pour le socialiser, ou socialiser le marché, il faudrait contraindre les entreprises à livrer le plus grand nombre d’informations. Bien sûr elles pourraient menacer de quitter le marché français, mais elles n’y auraient guère intérêt, les entreprises "patriotes" (c’est-à-dire prêtes à jouer le jeu) étant prêtes à prendre leur place. Il faudrait en second lieu durcir les règlementations au-delà des règles européennes, sans se laisser intimider quand on a de bons arguments (après tout la Commission n’a pas réussi à nous imposer les OGM). Il faudrait en troisième lieu donner toutes leurs chances aux entreprises innovantes qui respecteraient les règlements et produiraient des produits plus propres et plus utiles (encore une fonction du Plan). Il faudrait enfin une puissante politique environnementale, qui irait bien au-delà des prescriptions européennes.

Une telle politique alternative implique-t-elle la sortie de l’Union européenne ?

Je ne le pense pas – et ne le souhaite pas. Mais il est clair que le Traité de Lisbonne rend toute politique alternative impossible. C’est même l’un de ses buts. Dès lors comment faire ?

Une modification en profondeur de ce Traité supposerait l’accord de 28 pays de l’Union. Il n’a évidemment aucune chance de se réaliser tant que l’accumulation des contradictions n’aura pas lézardé l’édifice au point de le faire s’écrouler. Les premiers signes avant-coureurs sont là (la suspension contrainte de Schengen, l’impuissance de la BCE à combattre la désinflation, les ravages de la concurrence fiscale et sociale, les méfaits des politiques d’austérité, la montée des extrêmes droites etc.), mais cela peut prendre des décennies, car les profiteurs de la crise européenne défendront de toutes leurs forces le statu quo. Dans ces conditions l’issue de secours ne peut être que l’exigence de ruptures partielles, de clauses d’opting out, que je ne vais pas détailler ici. Je me suis exprimé ailleurs sur le sujet, et bien heureusement je ne suis pas le seul. Je le répète, un pays comme la France a les moyens de les négocier, voire de les imposer, et il pourrait montrer l’exemple. Mais, parallèlement il devrait proposer une autre architecture institutionnelle pour l’Union européenne, ce qui montrerait qu’il lui reste attaché. Là aussi j’ai fait des propositions, dans le même esprit que Joshka Fisher, l’ancien ministre allemand des affaires étrangères, un homme politique particulièrement lucide. Pour le moment elles restent inaudibles, même au sein de la gauche radicale. Mais je pense qu’elles seraient davantage entendues si elles s’accompagnaient d’un véritable projet de transformation sociale. Les leçons que j’ai essayé de tirer de l’expérience chinoise doivent selon moi servir à le construire. C’était le propos du présent texte.

Le Parti communiste français et les élections européennes de 2019

Mercredi 26 décembre 2018, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a expliqué souhaiter une "liste ouverte" à des "gilets jaunes" mais aussi à "des blouses blanches" et "des robes noires".
Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel a fait un nouvel appel du pied mercredi aux gilets jaunes qu’il souhaite voir sur une "liste ouverte" soutenue par le « PCF et peut-être d’autres » pour les élections européennes.

Fabien Roussel nous dit « La colère, si elle est seule, elle ne produit rien de bon. Nous voulons donner aussi l’espoir et montrer qu’il y a d’autres choix à faire » a déclaré Fabien Roussel sur RTL, en précisant qu’il souhaitait une « liste ouverte » à des « gilets jaunes, des blouses blanches, des robes noires, des cols bleus », « soutenue par le PCF et peut-être d’autres ».

« Nous allons faire des propositions et cette liste sera porteuse de propositions sur un autre modèle économique qu’il est urgent de bâtir, et des propositions différentes », a-t-il poursuivi. Européennes : le PCF souhaite une "liste ouverte" aux "gilets jaunes" [4].

Ces propositions peuvent s’enrichir par la coopérations entre Toni Andréani, les Gilets jaunes, et les Chinois rouges, comme le dit le titre de cet article.
Pour le moment, la main tendue par Tony Andreani et son livre Le "modèle chinois" et nous n’est pas prise en considération, comme le dit bien Rémi Herrera dans son article « Mais ou sont les leaders de la gauche dans les luttes actuelles ».
Dans une vidéo intitulée « Et si on prenait le pouvoir », Ian Brossat, tête de liste du PCF aux Européennes, nous dit vouloir obliger la France à négocier avec l’Union Européenne pour qu’elle force la BCE... comme il l’a fait avec le 16ème arrondissement de Paris !!! Bonne chance...

Renforçons l’internationalisme

Le PCF sort renforcé de son 38ème Congrès avec une direction partiellement renouvelée.
Toutefois comme le montre bien Pierre Alain Millet, le Secteur international du PCF et l’internationalisme du PCF demeurent des secteurs à renforcer (Le chantier ouvert de l’internationalisme communiste, Pierre Alain Millet [5])

Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la Chine socialiste qui fait actuellement l’objet d’attaques idéologiques, politiques, économiques,et de menaces militaires de la part de l’impérialisme capitaliste occidental et du président étasunien Trump.

En conclusion

Pour conclure, le livre de Tony Andréani, dans les circonstances actuelles, semble pouvoir exercer une influence positive notable sur la vie politique française. Bon nombre des lecteurs de Toni joignent la théorie à la pratique. Ils et elles deviennent symboliquement des gilets doubles, des "gilets jaunes-et-rouges-sauce-toni" en échangeant sur les rond-points, dans les rassemblements et manifs, et plus tard à divers niveaux de la consultation nationale initiée par Macron (si elle a vraiment lieu).

Dans le cadre de ces échanges entre autres, ces "gilets jaunes-et-rouges-sauce-toni" peuvent faire des propositions utiles dans divers domaines :

- Préciser un projet pour la France de transition vers un premier stade de socialisme réellement existant aux caractéristiques de la France.

- Préciser dans le cadre des élections européennes de 2019 l’interaction entre ce projet de socialisme pour la France et l’Union européenne.

- Aider les leaders de la gauche, y compris la nouvelle direction du PCF, et les gilets jaunes, à définir leur compréhension du socialisme aux caractéristiques de la Chine et à adopter une attitude internationaliste vis-à-vis de la Chine socialiste.

Dans le cas du PCF, cela nécessiterait un renouvellement des “spécialistes de la Chine” dans le secteur international du PCF et dans le journal l’Humanité (un exemple récent parmi tant d’autres sur la mauvaise couverture de la Chine dans l’Huma dans le cas de l’attaque de Trump contre la Chine à propos de Taiwan).

Le temps presse car l’impérialisme occidental avec l’étasunien Trump à sa tête veut armer le courant indépendantiste de Taïwan contre la Chine populaire. La paix dans le monde est donc en danger. Le président chinois Xi Jinping a indiqué que la Chine populaire s’y opposerait par la force si nécessaire : « Les affaires du peuple chinois doivent être décidées par les Chinois eux-mêmes. La question de Taïwan est une affaire intérieure de la Chine, liée aux intérêts fondamentaux de la Chine et aux sentiments nationaux du peuple chinois, aucune ingérence extérieure ne saurait être tolérée. » [6] [7] [8].

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  • (2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler

    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
    ... lire la suite

  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).