Libye : l’histoire et l’anecdote

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 2%

Nous avons droit tous les jours à des bulletins de victoire vantant les « rebelles », les protégés de l’Occident en Libye, assortis de reportages sur les horreurs et la richesse du « régime ». Que faut-il en penser ? Kadhafi ne me paraît ni mériter le halo révolutionnaire dont le parent ceux qu’indigne légitimement la croisade otanesque, ni être pire que certains alliés de l’occident. En outre depuis le faux charnier de Timisoara, je suis sceptique quand les médias me découvrent des crimes d’un système qu’ils veulent condamner. Bref nous sommes en pleine « représentation », une fiction montée pour nous convaincre des raisons que nous avons d’être là, parce que hors champ, il y a non seulement le flot des caméras occidentales, mais les bombardements et les forces spéciales qui ouvrent le passage. Bien des questions subsistent, par exemple comment une trentaine de personnes dont des blessés et de nombreux enfants ont-ils pu se rendre à un poste frontière en Algérie sans que nos merveilleux drones ne les repèrent ? Mais passons, j’ai décidé que ce blog serait consacré à l’Histoire au présent, celle qui est en train de se faire sous nos yeux. Je ne suis pas sûre, je suis même sûre du contraire, que les images, les commentaires, dont nous sommes abreuvés relèvent de l’histoire au présent ; ce n’est que de l’anecdote.

Le pillage pétrolier a un besoin urgent de reconnaître un propriétaire libyen avec qui traiter les affaires. Donc le problème est politique, d’où la traque parce que quand dans cet immense pays, on n’arrive pas à mettre la main sur celui qui détient plus ou moins encore le pouvoir, ça fait désordre. Mais au-delà de cette « urgence », personne, je dis bien personne n’est aujourd’hui capable de prévoir quel type de développement, quel système politique va s’installer durablement en Libye comme d’ailleurs dans tous les pays où se déploie la géo-stratégie occidentale. Les pays impérialistes, ce qu’on appelle l’Occident, ont choisi à travers cette expédition de Libye de mettre la main sur les richesses du sous sol et à ce titre les vainqueurs d’aujourd’hui risquent fort d’être divisés demain, à commencer par les compagnies pétrolières et donc leurs poulains sur le terrain, mais le fond de l’affaire, ce qui donne un poids historique à cette minable expédition de l’OTAN est la volonté hégémonique, un contrôle sur un processus de transformation, celui des printemps arabes.

Piller le pétrole certes, mais plus généralement l’impérialisme, l’occident en crise, lie son avenir à une intervention directe et militaire de plus pour imposer un mode de développement et un système politique baptisé démocratie, à l’Afrique, au Proche-Orient, à l’Asie.

C’est à ce titre que l’affaire libyenne présente un intérêt historique. Nous avons eu l’amorce d’un mouvement de transformation populaire en particulier en Tunisie et en Égypte. mais très rapidement on peut dire que tout qui s’est développé depuis a été plus ou moins repris en main, manipulé, à partir de problèmes réels, par un impérialisme occidental en perte de vitesse et qui ne veut pas renoncer à imposer ses orientations à l’ensemble de la planète.

La domination occidentale ne se contente pas d’être impérialiste, d’exploiter, de piller, elle prétend définir un modèle universel, un ordre économique mondial. Il y aurait pour les peuples la nécessité de s’y conformer. C’est d’ailleurs ce que reflète la propagande occidentale déversée dans nos médias et ce qui est remarquable, c’est à quel point cette idéologie, cette représentation de l’humanité, du rôle de « guide » joué par les économies et les « démocraties » occidentales ne sont jamais remises en cause. A quel point, alors même que notre système fait eau de toute part, que nous sommes contraints de l’imposer par des bombardements et des occupations militaires, pas le moindre doute ne semble effleurer non seulement les commentateurs mais pour une bonne part la population de nos pays. Voici plusieurs siècles que nous avons convaincu une bonne partie de la planète et nous mêmes que nous étions synonymes de progrès et que notre mode de développement autant que nos valeurs étaient universelles. C’est peu de dire que l’ensemble est menacé d’effondrement et que, acculés, nos gouvernants sont contraints à faire la démonstration par les armes de l’excellence de notre modèle. C’est cela qui se joue en Libye et dans la représentation médiatique de ce qui se joue en Libye.

Si l’on considère pourtant que partout effectivement les peuples protestent, tentent de trouver les chemins de leur propre développement parce que pour une part celui-ci a été freiné par des formes de colonisation, de mondialisation qui ont été à la base de la domination occidentale, la prétention que nos gouvernants ont de poursuivre leur œuvre civilisatrice est pour le moins extraordinaire, surtout quand l’on mesure les difficultés auxquelles nos propre peuples sont confrontés.

Ce qui apparaît, c’est que partout où l’on a voulu installer au forceps ce modèle à la fois économique néo-libéral et démocratique, le résultat est assez catastrophique et paraît avoir bloqué toute tentative de partir de ses propres aspirations et traditions pour aboutir à un système politique original ; c’est pour cela que si je suis incapable de dire quand Kadhafi sera ou non attrapé, vivant ou mort, quelle sera la faction qui l’emportera, je puis vous assurer que rien ne sera réglé pour autant et que nous entrons ici comme ailleurs dans un processus complexe avec une issue qui risque fort d’être inappropriée.

Danielle Bleitrach

Tiré de son blog Histoire et société

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