La fin et les moyens, pourquoi Mélenchon ne m’a pas convaincue

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 2%

Le discours de Mélenchon dans sa présentation générale a manifesté ses qualités de tribun, essentiellement ses références culturelles et son art de se positionner à gauche à partir d’un substrat historique qu’il maîtrise comme ses « humanités ». Incontestablement il a du souffle, mais Mitterrand aussi, sans parler de Hollande dont les ennemis étaient la finance. Il est bien pauvre celui qui ne peut pas promettre, n’est-ce pas ?

Une manière de voir si les promesses sont crédibles est d’analyser le parcours de celui qui les prononce et surtout les moyens qu’il se donne, les garanties démocratiques. Ce discours a été celui d’une reprise en main, est-ce qu’il a atteint son but ? C’est aux adhérents de la FI de répondre, mais qu’est-ce qui peut créer le consensus dans un "mouvement" dont Mélenchon a volontairement marqué le caractère hétéroclite comme pour mieux lui donner vocation à être l’ensemble de la gauche ? Comment tenir compte de la diversité proclamée ? C’était moins évident en dehors du fifre et du galoubet qui comme dans Cyrano se joue aux soirs de la bataille : « écoutez les insoumis, c’est toute la France insoumise », le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’y a aucune garantie si ce n’est le bon vouloir parfois capricieux du "Chef".

Ainsi quand on analyse les « moyens » qui sont les siens, en particulier l’organisation qu’il préconise on s’aperçoit que comme c’est flou, il y a un loup. Il affirme l’aspect « mouvement » et il précise les composantes, il y a même des communistes mais des communistes « insoumis ». Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Qu’ils sont reconnus comme "parti" dans un "Front" ? Pas du tout puisque la nomination des responsables peut se faire sans qu’ils soient consultés en tant que tels, les critiques à ce sujet étant balayées d’un haussement d’épaule… Je n’ai pas une folle sympathie pour Clémentine Autain et sa copine Faucillon, et surtout je ne souhaite pas hériter de la première, mais… simplement cela confirme que Mélenchon préconise une sorte de Front de gauche sous sa seule direction. Pas grand chose de nouveau donc ; si ce n’est que c’est ce qu’elles voulaient et qu’elles l’ont eu…

Quand on manifeste la nécessité du mouvement pour ne pas corseter l’expression populaire, – ce qu’a affirmé être son but, notre tribun de la plèbe – et que dans le même temps on crée les conditions pour que la seule expression de la diversité soit celle de petits chefs ambitieux qui s’opposent pour mieux se poser faute de structure démocratique, avec l’arbitrage suprême du chef, on ne va pas très loin pour constituer une force de résistance et de reconquête face à une oligarchie qui divise pour mieux régner et qui, comme Mélenchon l’a justement montré, tente toujours plus d’émietter la contestation populaire. Il a eu raison également de souligner que l’on ne peut rien attendre ni du capital, ni des médias à leur ordre. Que tout dépend de ce que l’on est donc capable de construire et c’est là que ce qu’il propose ne me convainc pas.

C’est cela qui personnellement m’a toujours rebuté dans son invite. Qu’on le veuille ou non, déjà un parti demeure infiniment plus démocratique qu’un mouvement, au moins dans la durée, mais il ne s’agit pas de n’importe quel parti si le but recherché est de donner la parole à ceux que le système capitaliste exploite et marginalise, ce qui est plus que jamais le cas. J’ai connu le temps où le PCF grâce à ses cellules en particulier d’entreprise, favorisait l’expression de ceux qui n’ont jamais la parole, la classe ouvrière, les couches populaires, mais aussi les employés et cadres de la fonction publique. Rien à voir avec les lieux de bavardage pour ceux qui savent parler tandis que les autres se taisent… Un instrument d’action en prise avec le terrain… Et un minimum de règles qui rendent supportable la nécessaire centralisation, alors que cela devient dans tous les autres cas « un cause toujours tu m’intéresses » et des décisions tombant d’en haut sans moyen de leur donner vie. L’adhérent est alors un simple exécutant et le lieu de décision celui d’une empoignade…

Quand je vois comment de toute part les médias aux ordres s’emploient à effacer jusqu’au mot communiste dans l’histoire comme dans la vie politique et offrent à la reprise en main de Mélenchon une après midi entière de diffusion de l’intégralité de son discours, j’ai comme un doute sur ce qu’ils cherchent en matière de division. Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi il faut effacer jusqu’au mot communiste, déformer l’histoire au point de nier l’apport de l’URSS et n’en faire plus qu’un repoussoir, quitte à utiliser pour ce faire les sociaux démocrates et trotskistes, leur révisionnisme autant que la revanche de l’extrême-droite, si ce n’est parce qu’ils ont peur de ce parti qu’ils disent moribond. Nous avons un acquis, des expériences dans ce domaine et si l’avenir ne doit pas être nostalgie du passé, celui-ci peut nous aider à éviter ce qui s’est avéré une erreur.

C’est parce que cette expérience démontre qu’il n’y aura pas de possibilité de convergence sans un ancrage dans ces couches populaires et cette classe ouvrière, que Mélenchon qui, comme les autres, a fait la preuve qu’il voulait en finir avec le parti de la classe ouvrière et des couches populaires, que l’on peut s’interroger. Sa seule excuse sur ce plan est qu’il n’a pas été le seul et que faire appel à lui participe d’une ligne de nos trois dernières directions depuis 20 ans et plus. Autre chose est le fait que depuis au moins le Congrès de Martigues nous n’ayons en tant que PCF plus aucune assise dans la classe ouvrière et que la preuve est faite qu’il ne suffit pas de présenter des ouvriers même si c’est un bon départ, nous devons porter notre effort là-dessus. Mais en sachant aussi que tout mouvement sous les ordres d’une chef ira a contrario de ce qu’il faut reconstruire.

C’est pourquoi tout ne dépend pas de Melenchon ou d’un autre social-démocrate mais bien des communistes eux-mêmes dont le niveau de formation et d’organisation est préoccupant. Je continue à affirmer que les communistes doivent reconstruire leur parti avant de se préoccuper d’union de la gauche ou de Front de gauche avec ou sans Mélenchon. Même si les échéances électorales, en l’occurrence les municipales, imposent des alliances que nul ne repousse, ils vont inévitablement, y compris au plan électoral, être confrontés à la « reine des batailles » de la 5ème république, la présidentielle et si elles se jouent à chaque bataille, ce sera la fin parce que l’essentiel, à savoir avoir des militants formés et organisés, sera effacé. Si nous présentons un candidat, ce que je crois indispensable, il sera celui du Parti qui ne doit pas être n’importe quel parti. C’est ça qui fait du compte-rendu du dernier Conseil national un texte qui manque de souffle. Donner à d’autres y compris à Mélenchon, le soin de se préoccuper du PCF, c’est une grande naïveté qui se terminera toujours par la nécessité de le suivre, soit avec un cierge, soit avec un bâton, ce qui mène le PCF et même les autres forces de gauche nulle part. Préoccupons nous de construire des listes au niveau local en tenant compte du terrain, mais envisageons une perspective politique sur le long terme en même temps. C’est ce qu’a essayé de faire Mélenchon, je ne crois pas à ce qu’il propose mais cela a le mérite de ne pas se jouer au jour le jour.

Si les communistes inversent la démarche en subordonnant une fois de plus la reconstruction du parti à une quelconque union sous prétexte que les élections devant nous exigent un rassemblement, la preuve est faite que la division telle que la souhaite l’oligarchie qui nous gouverne se poursuivra, s’amplifiera y compris avec la montée de l’extrême droite qui est et demeure le meilleur atout de cette division, parce que nous n’aurons pas pris le temps de construire un véritable Front populaire qui a besoin plus que jamais d’un parti révolutionnaire et pas de mouvements "radicaux".

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