L’actualisation du socialisme à Cuba (2) Le grand débat du 6ème congrès du parti communiste et de la révolution

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Grand débat à Cuba : plus de 6 millions de cubains ont participé à l’analyse des grandes lignes de la politique économique et sociale

La Havane, 5 février 2011 (RHC)- Plus de 6 millions de Cubains ont analysé jusqu’à présent le Projet des Grandes Lignes de la Politique Économique et Sociale du Parti Communiste et de la Révolution sur les lieux de travail et dans les communes.

Une information que publie le quotidien Granma précise que jusqu’à présent plus de 70% des assemblées prévues se sont tenues. Au cours de ces assemblées les Cubains analysent, donnent leur avis et font des suggestions sur chaque chapitre du document.

Le plus grand nombre d’opinions et de propositions concernent le chapitre 6 sur la Politique sociale ; le chapitre 2, sur les Politiques Macro-économiques, le chapitre 1, sur le modèle de gestion économique ; le chapitre 11, sur la politique pour la construction d’ouvrages, de logements et sur les ressources hydrauliques et le chapitre 10 sur la politique en matière des transports.

Le Projet de Grandes Lignes de la Politique Économique et Sociale sera mis à la considération du 6e congrès du Parti Communiste de Cuba qui se tiendra en avril prochain et les débats populaires qui ont commencé en décembre prendront fin le 28 février.

L’actuel processus de participation populaire a son antécédent dans la convocation faite par le Président Raul Castro dans son discours du 26 juillet 2007. Il a alors appelé le peuple à exprimer ses vues sur l’avenir du développement socio-économique du pays.

À ce sujet le Président cubain a indiqué : « Il ne s’agit pas de convaincre les gens de ce qui est écrit dans le Projet, mais d’expliquer les questions et de recueillir de façon détaillée tous les avis car c’est le peuple qui dira le dernier mot dans se processus ».


« Vivre éternellement aux frais de l’État, c’est terminé »

Julio Garmendia, responsable du département Relations internationales du Parti communiste cubain, explique les mesures prises par les autorités cubaines.

Julio Garmendia. L’idée d’intervenir dans l’économie mûrit depuis plusieurs années déjà. Cuba est confrontée à une série de problèmes externes. L’économie cubaine a fortement été touchée par la crise mondiale, et en particulier la hausse des prix alimentaires au niveau international et la chute des prix des matières premières telles que le nickel, le café et le tabac. Mais aussi par le blocus américain qui, malgré les promesses d’Obama, se poursuit inexorablement.

Il existe en outre une série de raisons internes. Le réchauffement climatique a provoqué en 2008 trois ouragans dévastateurs en seulement quelques semaines. Cuba a également été touchée par de longues périodes de sécheresse.

Autrefois, à l’époque où Cuba entretenait encore des relations commerciales convenables avec le bloc de l’Est et l’Union soviétique, les autorités cubaines pouvaient se permettre de prendre des mesures paternalistes à l’égard des travailleurs. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Toutefois, ces mesures n’étaient pas très judicieuses, car associées aux problèmes de la « Période spéciale », elles ont entraîné un manque d’éthique du travail. C’est ainsi que parfois on trouve trois personnes à un poste alors qu’une seule suffit pour faire le travail. La productivité est dans ce cas excessivement basse. L’objectif des mesures annoncées est de pouvoir résoudre ce genre de situations.

Concrètement, que prévoient ces mesures ?

Julio Garmendia. Il ne s’agit pas d’apporter des changements au modèle social ou à la propriété des moyens de production. On ne touchera pas aux secteurs clés tels que l’exploitation minière, l’énergie, l’industrie du fer et de l’acier. Ces secteurs resteront à 100 % aux mains de l’État. Idem pour l’enseignement et les soins de santé, qui resteront en outre entièrement gratuits. Par contre, le nombre de personnes employées par l’État, actuellement plus de 80 % des travailleurs, va diminuer. Et principalement dans le secteur tertiaire, par exemple les restaurants, snack-bars, salons de coiffure et ateliers de réparation, où la qualité et le service laissent beaucoup à désirer. Le manque d’efficacité est manifeste et les consommateurs sont à juste titre mécontents. C’est dans ce secteur que nous aimerions encourager le travail indépendant. À terme, cela devrait permettre à 1 200 000 personnes de changer d’employeur ou d’emploi. Nous espérons de cette manière obtenir un rapport de 65 % de travailleurs de l’État et 35 % de travailleurs privés.

Faire changer 500 000 personnes d’emploi est un véritable défi…

Julio Garmendia. Sur ces 500 000 personnes, environ 150 000 continueront de faire le même travail. Ce sera notamment le cas des coiffeurs. La différence c’est qu’auparavant ils travaillaient pour l’État, au tarif officiel, soit 80 centimes la coupe, mais en réalité ils pratiquaient des tarifs allant de 10 à 20 pesos. Ils ne payaient pas d’impôt et c’est l’État qui s’occupait de leur fournir un local, les produits nécessaires et qui veillait à l’entretien du local. À présent, les choses vont changer. Les coiffeurs formeront un collectif qui devra verser un loyer aux autorités. Ils devront en outre prendre en charge l’entretien du local et se procurer eux-mêmes le matériel et les produits nécessaires. Enfin, ils devront payer un impôt sur leur revenu réel. Ce sera également le cas des cafétérias, garages et ateliers divers.

Certaines personnes devront se convertir et apprendre un des métiers pour lesquels il existe une pénurie de main-d’œuvre. Nous avons par exemple besoin de 30 000 ouvriers de la construction. L’État affectera aussi un nombre important de terrains à l’agriculture, car la production alimentaire autonome reste un point sensible. À l’heure actuelle, il reste encore 1 million d’hectares à répartir. Le travail coopératif sera appliqué dans l’agriculture, mais aussi dans les autres domaines de production, par exemple la menuiserie. L’embauche se fera sous certaines conditions. Les employeurs devront toutefois garantir aux employés un salaire correct, ils devront payer des impôts et verser des cotisations de sécurité sociale.

Des crédits seront mis en place pour les petites entreprises. Il y a effectivement des chances – ou un risque — que Miami veuille investir ici. Tant qu’il s’agit de petites entreprises, les conséquences resteront insignifiantes. Mais si les choses tournent mal, il nous faudra intervenir.

Certaines personnes seront pourtant bel et bien licenciées et devront trouver un nouvel emploi  ?

Julio Garmendia. Les personnes licenciées qui ne trouveront pas directement d’emploi auront droit à une indemnité temporaire. Si par exemple une personne est proche de la pension, il sera possible de compenser. Mais vivre éternellement aux frais de l’État ne sera plus permis. L’objectif est qu’à terme on supprime le carnet de rationnement. Plutôt que de subventionner des produits pour tout le monde, quel que soit son revenu, les autorités cubaines désirent organiser une sécurité sociale pour les personnes qui en ont besoin.

Il va falloir modifier la législation pour que ces mesures puissent être appliquées ?

Julio Garmendia. Exact. Jusqu’à présent, la loi ne permettait pas d’engager des personnes à titre privé, en dehors d’un membre de la famille, et encore même dans ce cas, cela n’était autorisé que dans certaines circonstances bien précises. D’un autre côté, cela renforce l’économie planifiée. C’est Marino Murillo, le ministre de l’Économie qui dirigera l’ensemble du processus. Il n’est en aucun cas question de modifier notre ligne stratégique, à savoir le développement d’une société socialiste. Mais nous trouvons impératif que ce processus d’adaptation à la réalité puisse avoir lieu sous la direction des leaders de la révolution. Les gens veulent un changement et une amélioration rapide. Mais pour le président Raúl Castro, il importe de bien évaluer tout ce que nous faisons de manière à éviter toute erreur.

Ce qui explique pourquoi le processus de discussion ne se déroule pas au sein du parti, mais au sein de la communauté tout entière.

Julio Garmendia. Les propositions de lignes politiques ont été présentées au public. La discussion est effectivement menée à tous les niveaux. Il s’agit d’un processus démocratique et chacun est invité à proposer des amendements. Entre les mois de décembre et février, la discussion a été menée dans les usines, les institutions, les quartiers et les groupes de base du parti. En mars, le tout sera centralisé et soumis à la mi-avril au 6ème congrès du Parti communiste cubain.

Katrien Demuynck, février 2011

Source : Cubanismo

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