Julian Assange face au système politique et judiciaire

, par  Monika Karbowska , popularité : 1%

Chers Amis,

Je vous prie de trouver ci-joint l’article sur l’audience du 13 janvier dernier à laquelle Julian Assange a comparu physiquement. Quelque chose change dans ce procès hors norme dans lequel se joue notre avenir, notre indépendance en tant qu’individus et en tant que sociétés.
Vous pouvez le publier et le diffuser avec mes initiales et le nom de Wikijustice Julian Assange s’il vous plait.

Amicalement
M.K


Remonter de la Dark Place à la lumière – Julian Assange face au système politique et judiciaire, audience du 13 janvier 2020

L’association de défense des droits humains Wikijustice Julian Assange a déposé dans la semaine du 6 janvier sa troisième requête de libération de Julian Assange ainsi que le rapport du médecin de l’association qui a assisté à l’audience du 19 décembre 2019. Ces documents, remis à la Cour par un avocat ou une association de défense des droits humains britanniques auraient pu mener à la libération immédiate de Julian Assange le jour même, non seulement parce qu’il est un prisonnier politique, mais aussi, et c’est un énorme scandale, qu’il est torturé dans son lieu de détention actuel.

Le document pointe également les vices de procédures et les irrégularités commises par la Westminster Magistrate Court lors de l’audience Case 1902473293 – EIO/026/19 – British Home Office Executor du 20 décembre 2019. Ce jour-là, avant et pendant la comparution physique de Julian Assange, des personnes non autorisées se sont retrouvées encore une fois dans une « consultation room » du tribunal pour débattre du « cas Assange ». L’audience annoncée publiquement comme devant avoir lieu dans la salle 10 a été déportée secrètement dans une autre salle, numéro 4, et la porte fermée sans qu’aucun huis clos officiel n’ait été annoncé. La porte de cette salle d’audience fut verrouillée et maintenue fermée par le chef de la sécurité de l’entreprise privée Mitie qui a assisté aux débats alors qu’il n’en a normalement pas le droit lors d’un huis clos. Ces violations de droit sont inquiétantes, du fait qu’aucun observateur ne sait qui est le plaignant, ni quel est le but de cette procédure annoncée par les avocats de Julian Assange comme étant une plainte faite en Espagne contre l’entreprise espagnole UC Global accusée d’avoir espionné Julian Assange dans l’appartement propriété de l’État de l’Équateur, 3 rue Hans Crescent à Londres. L’ennui est que le mandat d’arrêt européen (European Investigation Order), peut servir à auditionner des victimes et des témoins, mais aussi à extrader des suspects pour interrogatoire à des pays européens. Il importe donc pour Wikijustice de clarifier la situation de Julian Assange dans cette procédure alors que d’autres droits individuels de Julian Assange ont à nouveau été violés : Andy Müller Maguhn, président de la Fondation Wau Holland a exposé à la conférence du Chaos Computer Club à Leipzig le 28 décembre 2019, les vidéos privées de Julian Assange, logiquement sans son consentement puisque ces images appartiennent à la procédure juridique du mandat d’enquête européen 1902473293 – EIO/026/19. Ainsi le droit à la vie privée de Julian Assange a été apparemment violé par ce dirigeant d’une institution allemande avec laquelle Julian Assange travaille sous contrat depuis 2011 comme responsable du projet 04 « Wikileaks » et depuis 2014 comme gérant de la société islandaise Sunshine Press Production. La façon dont Andy Müller Maguhn a pu accéder à ces images à valeur de pièces à conviction dans une procédure pénale, est hautement problématique, tout comme le fait de les exhiber urbi et orbi. Un avocat clé de la défense de Julian Assange, maitre Baltasar Garzon, a été aussi montré publiquement par Andy Müller Maguhn dans ces extraits de films de caméra de surveillance.

Cette situation, ainsi que l’état délabré de la santé de Julian Assange a choqué de nombreux militants qui ont exercé une salutaire pression politique par de nombreux courriers à la Westminster Magistrate Court. C’est ainsi que le vendredi 10 janvier au matin la Cour a décidé de reporter l’audience de prolongation de détention provisoire prévue pour le 14 janvier au lundi 13 janvier et de faire comparaitre Julian Assange physiquement. Cette dernière décision est une victoire pour laquelle nous avons tous lutté, tous ceux et celles qui se soucient du droit, de la justice et de la vie de Julian Assange en particulier.

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Alors une équipe de Wikijustice s’est rendue à Londres le 13 janvier dernier assister à l’audience. Accéder à la salle d’audience a été une épreuve physique et psychologique, comme d’habitude, mais on peut noter que la cour fait des progrès notables dans le respect de la publicité des débats : elle a facilité l’accréditation des journalistes et a scrupuleusement appliqué la règle du « premier arrivé premier servi », c’est-à-dire que les militants présents devant la porte du tribunal entre 6 heures et 9h00 ont pu entrer dans la salle d’audience par ordre d’arrivée. Après, il a juste fallu attendre 3 heures debout à sa place sans bouger jusqu’à ce que les deux premières affaires soient jugées. A 11 heures la manager du tribunal a annoncé le début de l’audience de Julian Assange ; une vingtaine de journalistes se sont assis dans la salle d’audience et 40 personnes ont pris place sur les gradins du box du public. Pendant ce temps une quarantaine de manifestants se tenaient devant la porte du tribunal et tentaient de communiquer par tous les moyens avec Julian Assange lorsqu’il fut amené par le fourgon de l’entreprise privée Serco.

Entrés dans la salle d’audience nous avons choisi des places centrales espérant pouvoir communiquer avec Julian Assange par les yeux et par le cœur puisque la parole nous est interdite. Les proches de « Greekemmy » se retrouvèrent ainsi ensemble assis à la droite de la salle, les autres militants dans la partie de gauche. Joseph Farell de « Wikileaks » est entré comme journaliste dans l’espace de l’audience. John Shipton, Vaughan Smith, Kristinn Hrafnsson, John Pilger et Craig Murray étaient absents une fois de plus. Gareth Peirce était présente avec le jeune garçon qui les 19 et 20 décembre se déplaçait avec Stella Morris et qui s’est présenté à nous comme étant stagiaire de l’avocate. Il sera assis au dernier rang de la salle à coté d’une autre femme et de Jennifer Robinson qui se contentera ce jour de ce poste d’observatrice. Nous notons comme positif l’absence de Clair Dobbin et de tout « observer » américain. Ils n’ont pas à être présents dans une procédure qui ne concerne que le droit interne anglais. La procureur est une autre personne que d’habitude, et elle jouera un rôle marginal.

Un peu après 11 heures, mais avant l’arrivée du juge, Julian Assange est entré par la petite porte du box vitré sur notre gauche. C’est toujours irréel quand il apparait enfin, alors que quasiment nuit et jour nous faisons tant d’efforts pour le libérer. L’émotion ressentie est toujours quelque chose comme un soulagement, une incrédulité, un timide espoir. Mais après, l’effet de regarder l’homme en cage donné en spectacle devient perturbant psychologiquement et nous nous concentrons sur ce que nous pouvons faire, comment l’aider. Nous n’avons pas l’impression qu’il va mieux depuis le 19 décembre, date de l’audience à laquelle le médecin de Wikijustice a assisté et sur la base duquel elle a pu rédiger le rapport médical pour l’association. Julian Assange n’a peut-être pas, le 13 janvier, les gestes stéréotypés de souffrance si visibles et si bien décrits dans le rapport médical, mais il boite en entrant dans le box, doit se retenir à l’embrasure de la porte pour ne pas tomber. Il s’assied au milieu du box et pas au fond, ce qui est positif car il est plus près du public. Cependant, alors que la cour nous accorde ces 5 minutes surprises entre le moment de son entrée et l’arrivée du juge, Julian Assange ne peut rien faire d’autre que rester assis, comme épuisé et fixer la salle devant lui. Ses gestes restent très ralentis, et quand il se lève à l’arrivée de la juge, les manches de sa veste se soulèvent, je peux voir le bracelet noir sur son poignet gauche. Il apparait aussi que ses vêtements trop amples, veste et pantalons foncés, sweat-shirt gris, masquent la maigreur de sa silhouette. Il est coiffé et sa barbe est courte, il porte des lunettes mais elle ne sont pas toujours ajustées et pour voir il doit regarder par-dessus la monture. L’impression qu’il ne contrôle pas son propre corps demeure. Cela dit, son comportement va évoluer pendant l’audience. Prostré au début, puis comme galvanisé par la présence de personnes amies, il va tenter de participer aux débats, jusqu’à appeler plusieurs fois Gareth Peirce en frappant sur la vitre du box et en l’obligeant ainsi à se lever et se tourner vers lui pour lui parler.

D’ailleurs l’atmosphère a changé dans la salle du tribunal. Certes, elle reste tendue mais nous sentons que le personnel du tribunal ne nous est pas hostile, comme si la foi en la justice de militants avait redonné à ce lieu son rôle premier, celui de rendre la justice. La gardienne qui se tient avec Julian Assange dans le box des accusés le regarde avec douceur. Dans le public, des personnes pleurent. Le management du tribunal est ému. Même la juge Vanessa Baraitser a fait savoir à notre ami John qu’il ne sera pas expulsé de la salle malgré son coup d’éclat du mois précédent s’il accepte de rester silencieux cette fois. Je ne sais pas comment saluer Julian sans mettre ma présence en danger, quand il regarde le public, je croise son regard et je le salue en levant ma main au niveau de mon visage. C’est alors qu’une militante devant moi lève carrément la main pour le saluer, d’autres le poing… Les agents de sécurité ne réagissent pas. Un murmure et un frisson nous parcourent. Julian nous salue aussi d’un geste au niveau du visage. La cérémonie du poing levée sera pour la fin. Oui, quelque chose a changé. On est tous revigorés.

Nous gardons le regard fixé sur Julian Assange alors que Vanessa Baraitser entre dans la salle, que nous devons nous lever et alors qu’elle commence la cérémonie nécessaire de l’identification. A sa demande de citer son nom, Julian Assange a toujours du mal à parler. Obligé d’être debout, il apparait chancelant. Concernant sa date de naissance, il a du mal à commencer et réfléchit un bon moment avant de prononcer le "71" de son année de naissance. Il secoue la tête, se rassied épuisé et reste un long moment immobile, un peu renversé en arrière. Nous repérons et comprenons mieux les gestes grâce au rapport médical de notre médecin. Je vois donc que Julian Assange a le geste de souffrance de mordre l’intérieur de sa bouche alors qu’il croise ses mains et les porte à son visage comme s’il avait mal aux dents. Le rapport médical de Wikijustice parle des symptômes de torture psychologique et nous assistons toujours visiblement aux séquelles des mauvais traitements qu’il subit. Nous essayons de lui apporter énergie positive et réconfort par les yeux, c’est tout ce que nous pouvons faire alors que Gareth Peirce entame avec la juge Baraitser son dialogue habituel sur l’organisation du dépôt des preuves de la défense, les demandes de visites, la date de la prochaine audience.

Alors que la voix monocorde de l’avocate répète des mots connotés négativement « absolutely no idea », « very difficult », « last opportunity », Julian Assange s’anime au fur et à mesure, car quelque chose se passe dans la salle. Il regarde les journalistes, puis le public et se tourne vers l’avocate, l’appelle de la main, lui dit quelque chose. Elle doit interrompre son monologue sur ses difficultés et se tourner vers lui. Nous n’entendrons hélas pas la voix de Julian Assange mais nous sentons qu’il lutte. Nous avons l’impression que la juge Baraitser est de plus en plus exaspérée par la situation, tout en restant froide et polie face à l’avocate. Il y a quelque chose de décalé dans la gravité de la situation de Julian Assange et le débat sur les agendas et les dates. Il y a aussi un rapport de pouvoir entre juge et avocate qui se joue ailleurs que dans cette salle, qui nous échappe mais que nous sentons bien différent. Le pouvoir de l’institution n’est peut-être pas là où on le croit.

Le tribunal veut sûrement nous dire « regardez, il va bien, on ne le torture pas ». Certes nous ne savons pas "qui" le torture et le directeur des prisons Belmarsh prend bien soin de nous spécifier dans ses courriers que ce n’est pas lui, car sous sa responsabilité Julian Assange ne pourrait être maintenu dans l’isolement intégral. Mais nous en voyons les effets depuis le 11 octobre. Cependant nous voyons aussi le 13 janvier 2020 que Julian Assange veut vivre : je vois qu’il déplie ses mains, se frotte les joues, et il regarde à nouveau en face de lui, essaye d’agir, appelle Gareth Peirce, lui demande quelque chose qu’elle balaye d’un revers de main. Il se résigne, puis cesse de se résigner, revient à la charge, elle fait la sourde oreille… Il réessaye de dire quelque chose mais c’est comme si sa voix ne lui obéissait plus. Vanessa Baraitser prononce la date du 23 janvier, nous le voyons se tasser sur son siège.

La juge finit par lui demander s’il a compris. Il est debout et il a pour la première fois l’audace de lui dire clairement « non, pouvez-vous répéter » même si on sent que c’est une lutte pour lui. Exaspérée Baraitser nous annonce que la séance va reprendre à 14 heures pour fixer la prochaine date. Elle propose à Gareth Peirce de demander une comparution physique pour qu’elle puisse bénéficier des fameuses 2 heures de travail dans les salles de consultation du tribunal qu’elle dit avoir de la peine à obtenir. La juge lève la séance et part avant que Julian Assange ne soit parti du box. Alors que cette situation se produit aussi pour la première fois, nous résistons passivement à l’injonction des agents de sécurité d’évacuer la salle. Et pour la première fois nous voyons Julian Assange carrément en discussion assertive avec son avocate. Il reste debout et à ses gestes nous comprenons qu’il lui demande encore de faire quelque chose et alors qu’elle fait des signes d’impuissance, genre « je ne peux pas », il a un geste qu’on pourrait comprendre « c’est à toi de le faire, pas à moi », en la désignant de l’index puis en se désignant. Nous n’entendons pas l’échange mais la voix de Julian Assange a bien plus d’énergie et il sort en ouvrant lui-même la porte arrière du box, nous ayant salué dignement.

Nous sommes tellement fatigués que nous devons prendre une vraie pause pour le déjeuner, ayant déposé nos documents, tout en nous demandant ce qui se passe pour Julian Assange dans les entrailles de la bâtisse du tribunal. Quand nous revenons, il ne reste que deux journalistes dans la salle, les gens de « Wikileaks » sont partis. Il n’y a plus que le public qui s’est levé pour saluer gravement l’arrivée de Julian Assange. Entré un instant plus tard, le juge ne voit pas les gens se lever, la marque de respect due à son rang lui a été dérobée. Ce n’est plus Vanessa Baraitser mais un homme. Julian Assange parait plus solide physiquement que ce matin mais il a encore plus de mal à parler, le combat de ce matin a dû l’épuiser. Le juge lui annonce qu’il comparaitra le 23 janvier, je comprends que Julian Assange sera présent. Lorsque le juge part, nous ne partons pas. Le public résiste passivement et refuse de sortir tant que Julian Assange est là. On le regarde, on lève la main, on lève le poing et lui lève le poing avant de sortir en tenant son dossier. Dans la rue, alors que le fourgon sort du tribunal, les militants crient, le saluent par la vitre, l’un se couche sur le capot du fourgon pour retarder le départ. Julian Assange entend notre révolte. Nous assistons enfin à une scène de lutte pour la liberté d’un prisonnier politique. L’espoir est permis enfin.

M.K. pour Wikijustice Julian Assange

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