Inde : une campagne électorale, dans un pays continent largement inconnu

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Alors que l’Inde est la proie de vastes mouvements et de grandes grèves ont lieu les élections aux parlement de l’Etat et de celui des différents Etats. Sur le papier l’Inde est comme on le dit souvent “la plus grande démocratie du monde”.

LA PLUS “GRANDE DEMOCRATIE DU MONDE”

Le système politique indien repose sur une démocratie parlementaire inspirée du modèle britannique, le système a été mis en place avant l’indépendance par le colonialisme britannique. Il y a deux chambres.
La Lok Sabha est l’assemblée parlementaire celle pour laquelle tout indien en âge de voter (18 ans) doit s’inscrire. Des élections ont lieu actuellement dans les 545 circonscriptions et les partis politiques présentent leurs candidats. Le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix dans sa circonscription est déclaré vainqueur et il devient député ou représentant de cette circonscription. Il existe une autre partie intégrante du Parlement connue sous le nom de Rajya Sabha ou Chambre haute. Il y a 245 sièges dans cette Chambre, mais les membres ne sont pas élus directement par le peuple mais par les membres des assemblées législatives et des conseils législatifs de divers États. Le président de l’Inde nomme 12 membres de Rajya Sabha.

Le processus d’élection aux assemblées législatives des États est similaire au processus électoral de Lok Sabha. Les candidats des différents partis politiques de l’État et les indépendants se présentent dans différentes circonscriptions de l’État et les gagnants deviennent des députés ou des membres des assemblées législatives. Le parti politique qui remporte la majorité des sièges à l’Assemblée nationale a la possibilité de former un gouvernement, le chef de ce parti devenant le ministre en chef de cet État.

Mais il y a loin entre cette description et la réalité. Le fait que ce système ait été mis en place par les colonisateurs comme pour limiter la portée de qui a réellement mené la lutte contre le colonialisme britannique marque déjà cette distance, néanmoins il a été accepté et même si certaines forces communistes reprochent au parti communiste officiel de s’y être intégré le fait est que la bataille électorale fait partie de la stratégie de ce dernier.

DERRIÈRE LA FAÇADE DÉMOCRATIQUE ET DE MODERNITÉ , L’ENFER DES PAUVRES

Je ne peux pas dire que je connais cet immense pays avec des Etats plus grands et plus peuplés que la France. En fait je ne suis allée que dans le Penjab au nord et New Dheli, et au sud le Kerala, et le Bengale, ce dernier ayant une population équivalente à la France et un territoire immense. C’est un pays continent, dont j’ai au moins une vague idée de l’échelle, de sa diversité géographique, politique, ethnique, sociale, et les discussions avec les camarades indiens, les femmes en particulier peuvent sensibiliser à certaines questions. En l’occurrence, je voudrais vous faire partager la vision des montagnes que sont en train de soulever nos camarades et les rebelles de toutes catégories qui s’insurgent contre le drame vécu par les plus pauvres en Inde. Alors même que tout a été fait pour les marginaliser politiquement, à faire comme s’il n’y avait de vote utile qu’entre le BJP et le parti du Congrès, ou un équivalent local. Cette exclusion dans les médias dans le jeu politique officiel des communistes redouble celui de la grande masse des indiens par des mécanismes sociaux qui pèsent sur “la démocratie”. Nous avions publié ici même un article de Arundhati Roy qui disait dans quelles conditions dramatiques les damnés de la terre qui sont légion ont subi l’épidémie.

Arundhati Roy : « En Inde, le confinement le plus gigantesque et le plus punitif de la planète »

Le contexte est celui-là comme sur toute la planète. A celui de l’épidémie, il faut ajouter la pollution des terres, celle des eaux qui crée d’autres épidémies -on découvre que certains humains en arrivent à boire l’eau des climatiseurs ce qui dit jusqu’où peut aller la détresse humaine… Dans cet univers, le Kérala communiste fait figure d’oasis. Non content de faire toujours plus pression sur les plus pauvres pour développer un néolibéralisme sauvage, le pouvoir exacerbe les conflits, les haines religieuses, les castes, et s’appuie sur des classes moyennes qui en fait sont des riches et sur des capitalistes et des élites corrompues…

Une partie de l’Inde revendique être entrée dans la modernité et Modi, son parti le BJP comme le Congrès à partir d’eux prétend à être un des acteurs principaux de l’hégémonie mondiale. Il en est de l’Inde comme d’autres géants, par exemple la Turquie, le multilatéralisme qui est en train de naître développe les ambitions impérialistes, ils jouent une sorte de double jeu dans la rivalité Etats-Unis, les occidentaux mais aussi le Japon et d’autres contre la Chine et la Russie. Cette revendication impérialiste joue un nationalisme exacerbé et les haines religieuses autant que de castes, le mépris des pauvres et des stigmatisés. Nous avons en Inde un développement urbain, industriel, quelque chose de l’ordre de la silicon valley, environ deux cent mille personnes riches qui sont entrées dans la modernité, une situation que l’on retrouve au Brésil, alors que d’autres sont voués à une non existence et ceux là sont des centaines de millions. Pas question comme la Chine de résorber la misère, de tenir les milliardaires, c’est la bête sauvage du capital. Ajoutez à cela les castes, l’infériorité féminine.

LE COMBAT DES COMMUNISTES

Face à cette situation les communistes ont choisi de mener un combat au plus près de ceux qui souffrent et de vaincre la tentative d’un pouvoir de les exclure du jeu politique par l’abstention, la superstition, et la censure, mais aussi de recréer l’unité entre ceux que le pouvoir divise, les intellectuels et la classe ouvrière, les musulmans et les indiens, et d’autres, les paysans et les ouvriers, les femmes, la jeunesse. Mais leurs efforts sont étouffés en particulier dans les médias, cette situation est assez comparable à celle qui règne chez nous, une presse qui joue les effets loupe sur les diversions, les problèmes des couches moyennes et fait tout pour taire les revendications des pauvres, présentant leur activité comme séditieuse, criminelle quand elle en parle, au plan international, ordre a été donné de leur couper internet dans bien des endroits.

Comment alors décrire cette bataille menée par la communistes ? Elle combine lutte de masse, actions concrètes sur le terrain et il y a des gestes qui nous paraissent étranges comme ceux de ce candidat communiste qui s’incline et serre la main de vieilles femmes intouchables.

Quelques exemples suffiront peut-être à témoigner de l’immensité de ce combat que l’on peut suivre sur la carte ci-dessous et dans les photos que nous recevons quotidiennement du parti communiste : dans le Haryana le mouvement bancaire contre la privatisation a pris de l’ampleur avec un regroupement syndical important et il a rejoint dans les gares les luttes contre la privatisation du ferroviaire. Partout ces regroupements professionnels sont redoublés par celui des femmes, celui de la jeunesse. Dans le Rajasthan c’est aussi la lutte contre la privatisation du ferroviaire et des gares qui s’unit au mouvement des fermiers. Partout la campagne électorale prend des allures de protestation collective et les candidats du parti après avoir été désignés par le Front de gauche (un regroupement à l’initiative des communistes où ils sont majoritaires), se rendent dans les locaux de l’administration pour déposer leurs candidatures à la tête de manifestations revendicatives comme pour marquer qu’ils vont dans les assemblées pour poursuivre les luttes.

Un rassemblement des fermiers a été organisé hier lundi 15 mars 2021, près du village de Sunheda à la frontière entre Haryana et le Rajasthan (illustration). En s’adressant à la réunion, le leader de l’Inde Kisan Sabha Amra Ram a déclaré que le mouvement fermier a vraiment établi l’unité entre musulmans et hindous. Voici quelques aperçus de Maha Panchayat (rassemblement de protestation) qui en fait couvre trois états, le Penjab le Haryana proche de Delhi et le Rajasthan.

L’annonce fait état de la prise de parole du leader historique communiste des paysans indiens qui est un homme politique du Rajasthan, si jusqu’ici nous avons surtout parlé de la campagne électorale dans le Kérala et le Bengale, celle-ci se déroule dans toute l’Inde et en particulier dans le contexte des rassemblements des agriculteurs et d’autres luttes.

Ceci nous permet de faire connaissance avec un des dirigeants communistes.

AMRA RAN, LE DÉFENSEUR DES AGRICULTEURS

JPEGAmra Ram lors du rassemblement de sunheda dont l’illustration de l’article montre les participants

Amra Ram est né dans une famille d’agriculteurs le 5 août 1955 à Rami Devi et Devi dans le village de Mundwara, district de Sikar, Rajasthan.

Il était au départ enseignant (1982) mais il est devenu militant et permanent politique. Alors qu’il étudiait à l’université, il a rejoint la Fédération des étudiants de l’Inde( SFI ), l’organisation étudiante du Parti communiste de l’Inde (marxiste). Il a été élu président du Syndicat des étudiants du Shri Kalyan Govt en 1979. À cette époque, Shri Kalyan Govt College était le deuxième plus grand collège du Rajasthan. La même année, il est élu vice-président de l’unité Rajasthan de SFI .

Il a été élu à l’Assemblée législative du Rajasthan pour quatre mandats. Amra Ram est connu pour porter les questions relatives aux agriculteurs dans l’Assemblée et rien ne l’arrête.

Le 20 janvier 1997, les agriculteurs se plaignaient pour l’approvisionnement en électricité des puits et ils sont venus protester devant l’assemblée du Rajasthan, Amra a soulevé cette demande des agriculteurs de la Chambre et a exigé que l’on trouve une solution. La direction de l’assemblée a refusé que cela cela soit discuté avant le début du discours du gouverneur. Amra Ram, a empêché le discours du gouverneur et a insisté sur le fait que si l’assemblée ne s’occupe pas du bien-être des agriculteurs, les procédures d’assemblée seraient arrêtées. Pour cet incident, Amra Ram et 4 autres députés ont été suspendus de l’assemblée pendant 3 mois. À cette époque Baliram Bhagat était le gouverneur et Bhairun Singh Shekhawat était le ministre en chef du Rajasthan.
En tant que député, Amra Ram s’est toujours opposé aux propositions d’augmentation des salaires et des indemnités des législateurs même s’il a été en minorité il a continué en disant que face à la misère qui régnait il était inconcevable qu’un poids nouveau en matière d’impôt soit ajouté sur ceux qui payent. Il est considéré comme incorruptible.

On peut dire qu’il est un de ceux qui a fait surgir le mouvement des agriculteurs au Rajasthan le 1er septembre 2017 pour promouvoir les exonérations des prêts des agriculteurs, le prix minimum de soutien et d’autres demandes. Sikar était le centre du mouvement, qui est donc connu sous le nom de « Sikar Kisan Andolan ». Des milliers d’agriculteurs se sont rassemblés à Sikar Mandhi le 1er septembre, et ont dit que leur Padav continuerait jusqu’à ce que les demandes soient acceptées. Pendant ce temps, le gouvernement a imposé l’article 144 et a déjà également bloqué des services Internet dans Sikar comme Modi le fait aujourd’hui pour imposer le black out. Lorsque les demandes n’ont pas été acceptées, le 10 septembre, l’AIKS a appelé à une grève illimitée de la route à l’échelle de l’État. Après avoir commencé par Sikar, ce mouvement s’est répandu dans tout le Rajasthan, il a eu un impact généralisé dans 14 districts. Pendant ce temps, Sikar et d’autres villes sont également maintenus en grève. Les commerçants et de nombreuses organisations ont soutenu le Mouvement des agriculteurs. Le 11ème jour, à l’appel du Kisan Sabha, les fermiers ont bloqué des autoroutes et toutes les autres routes principales et mineures. Puis le gouvernement a invité la délégation des agriculteurs pour les pourparlers le 11 septembre. Après deux jours de discussions, le gouvernement s’est attaché le 13 septembre au soir et a accepté la demande des agriculteurs. Le mouvement a été retiré après que les demandes aient été acceptées.

C’est pourquoi il est considéré comme une figure historique et sa participation à cette campagne électorale est importante.

UNE CAMPAGNE QUI S’ANCRE DANS LES LUTTES

Dans de nombreux endroits l’unité syndicale s’est réalisée contre le néolibéralisme, les privatisations du gouvernement central et des gouverneurs locaux. Cette union syndicale correspond à une unité politique d’abord entre les forces politiques se réclamant du communisme mais aussi dans certains états avec le parti du Congrès contre les nationalistes néo-libéraux de Modi. Mais partout le parti organise ses propres meetings et surtout fait du dépôt de la candidature de ses candidats de grandes manifestations en liaison avec ses luttes.

JPEGmanifestation au Rajasthan contre la privatisation des gares. JPEGdans l’Haryana rassemblement autour du mouvement contre la privatisation des banques et du ferroviaire avec des femmes communistes JPEGun autre aspect des manifestations sur le ferroviaire et le secteur public au Rajasthan

GIFpour que vous puissiez suivre

Retour au nord-est : meeting dans l’Etat d’Assam qui touche le Bengladesh et le Boutan et qui est particulièrement concerné par les réfugiés venant de Birmanie. Là aussi meeting du parti communiste. Ici l’alliance va du parti communiste au congrès pour tenter de renverser le BJP.

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Mais c’est au Kerala, le bastion, bien sûr que les meetings et la campagne ont leur plus grande dynamique.

JPEGmeeting hier au Kérala

Voir en ligne : lu sur le blog histoire et société

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