Il y a cent ans, la révolution russe | Ces jours qui ébranlèrent le monde par David Pestieau, Herwig Lerouge (PTB)

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En 1917, il y a cent ans, deux révolutions se succèdent en Russie : une en février, l’autre en octobre. La première mène à l’abdication du tsar, monarque absolu, à la séparation de l’Église et de l’État et au suffrage universel. La deuxième, portée par le peuple au son du slogan « du pain, la paix et la terre », conduit à la prise de pouvoir par les communistes (qu’on appelle les bolcheviks). Elle est portée par la volonté de renverser l’ordre établi, capitaliste – et en Russie encore largement féodal, incapable de sortir la population de la misère et de la guerre –, et par le but de construire une autre société. C’est le début d’une première tentative dans le monde de construire le socialisme, faite de réalisations mais aussi de sérieuses erreurs, qui va marquer l’histoire du 20e siècle. Dans quel contexte a pris place cette révolution ? Est-elle un phénomène russe ou international ? Comment s’est-elle déroulée ? Quelle a été son influence chez nous et dans le reste du monde ? Survol de ce processus qui fit trembler le monde sur ses fondations.

JPEGDes troupes britanniques près de Ypres.

Une guerre mondiale meurtrière mène à une vague internationale de révoltes

Pour comprendre la révolution d’Octobre 1917, il est indispensable de se pencher sur le contexte international de l’époque, celui de la Première Guerre mondiale déclenchée en 1914, sur la crise profonde qu’elle provoque dans toute l’Europe et sur la succession de révoltes et de révolutions sur tout le continent qui vont mener à la fin de la guerre.

En août 1914, la guerre commence comme un gigantesque affrontement entre deux blocs : d’un côté, le bloc de l’Empire britannique, de la France et du tsarisme russe ; de l’autre, le bloc de l’Allemagne du Kaiser, de l’empire austro-hongrois et de l’empire ottoman (turc).

Avant 1914, pour les socialistes de l’époque, réunis dans la Deuxième Internationale, la guerre mondiale qui se préparait était une guerre voulue entre grandes puissances rivales pour le contrôle des marchés sur les continents. Tous refusaient la guerre et affirmaient qu’ils ne voteraient jamais les crédits pour la mener.

Certains se limitaient à dire qu’il ne fallait pas y participer, qu’il fallait défendre la paix. C’était le cas des socialistes allemands, belges, français, britanniques et une partie des socialistes russes, appelés mencheviks.

Une autre partie des socialistes russes, appelés bolcheviks, sous la direction de Lénine, allaient plus loin. Selon eux, la seule façon de mettre fin à la guerre mondiale était de préparer le renversement du système capitaliste, responsable des guerres. Si la guerre éclatait, il fallait, d’après eux, appeler les soldats et les travailleurs à tourner les armes contre leur propre gouvernement et non pas contre les travailleurs des autres pays, dits « pays ennemis ».

Mais, quand la guerre éclata en 1914, l’immense majorité des dirigeants socialistes votèrent quand même les crédits de guerre et appelèrent les travailleurs à s’engager aux côtés de leurs gouvernements contre les travailleurs des pays ennemis. Seul le parti de Lénine – le parti bolchevik – et des courants minoritaires dans les autres partis s’opposèrent à la guerre.

Trois ans plus tard, les pronostics d’une fin rapide de cette guerre sont démentis. Après des dizaines de millions de morts et de blessés dans la boucherie des tranchées, la volonté des peuples des pays belligérants est de mettre fin au carnage et à la famine provoqués par la guerre. Mais cette volonté se heurte au refus ou à l’incapacité des dirigeants politiques de l’époque. Pire, la guerre s’enlise et l’absence de percées amène les généraux à redoubler de violence, de barbarie et de brutalité pour espérer une victoire.

Dans les troupes françaises, les 200 000 morts de l’offensive du chemin des Dames au printemps 1917, les conditions de vie effroyables dans le froid et la boue, … provoquent des mutineries tout le long du front.

De nombreux soldats se mutilent pour pouvoir quitter le front. Certains refusent de participer à de nouvelles attaques. Le slogan le plus répandu devient « À bas la guerre ». Les privations en tout genre et la faim poussent également la population civile au soulèvement.

Des mouvements similaires se développent parmi d’autres armées européennes, y compris à l’intérieur de l’armée allemande où un adage est très populaire : « Nous ne combattons pas pour la patrie, nous ne combattons pas pour Dieu. Nous combattons pour les riches. Les pauvres, on les abat ». Partout, ceux d’en bas n’en peuvent plus et ceux d’en haut commencent à ne plus savoir comment en sortir.

Une vague révolutionnaire internationale

Ce déchaînement de violence conduit à la mise en cause de l’union sacrée entre l’establishment et des larges couches de population des pays en conflit.

En 1917, face au refus ou à l’incapacité des partis au pouvoir à arrêter ces massacres, un mouvement révolutionnaire se déclenche parmi les soldats au front, dans les syndicats ouvriers et les partis de gauche dans plusieurs pays. Et c’est cette vague révolutionnaire qui va mettre fin à la guerre.

La vague commence en Grande-Bretagne, avec la grève sauvage des ouvriers de la Clyde (près de Glasgow) puis de Liverpool.

En Italie surgissent de nombreux mouvements sociaux et politiques ; en Russie, il y a une grève générale des ouvriers de Petrograd en 1916 (prélude aux révolutions de 1917) ; la contagion des grèves d’avril 1917 en Allemagne ; la grève ouvrière de mai 1917 en France.

Le 30 octobre 1918, à Kiel, en Allemagne, après une mutinerie de la flotte de guerre, l’agitation se répand comme une traînée de poudre. Le 8 novembre, des conseils ouvriers apparaissent dans toutes les grandes villes du pays. Le 9 novembre, c’est la révolution à Berlin et l’abdication du Kaiser Guillaume. Le social-démocrate Friedrich Ebert forme le nouveau gouvernement mais il se met en rapport avec l’état-major afin de lutter contre le "bolchévisme". La décision est prise de signer l’armistice du 11 novembre 1918 pour désamorcer le mouvement révolutionnaire. Entre-temps, un comité d’action révolutionnaire a été mis sur pied dans le but de créer une République soviétique en Allemagne. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg dirigent l’insurrection. Le gouvernement social-démocrate engage alors des "Corps francs", milice paramilitaire contre-révolutionnaire, pour écraser dans l’œuf la révolution, tuant des centaines de gens, dont Luxemburg et Liebknecht.

En 1919 et 1920, l’Italie est secouée par une véritable crise révolutionnaire. L’agitation sociale touche particulièrement les campagnes. Dans de nombreuses entreprises naissent des conseils d’usine, à l’image des soviets. Ce mouvement n’aboutit pas mais, prise de peur, la grande bourgeoisie décide de financer les fascistes, ouvrant ainsi la voie à la prise du pouvoir par Mussolini deux ans plus tard.

Dans l’empire austro-hongrois, c’est aussi un grand mouvement de grève qui mène à l’abdication de l’empereur Charles 1er. Par la suite, la Hongrie connaît, du 21 mars au 6 août 1919, une république soviétique, dirigée par le communiste Béla Kun. Mais celle-ci est écrasée dans le sang par les forces réactionnaires. C’est dans un contexte de révoltes et de révolutions sur tout le continent que se déroule la révolution d’Octobre en Russie.

JPEGLes troupes allemandes passent par Blankenberge pour rejoindre le front de l’Yser.

Février 1917 | La révolution de février renverse le tsarisme

En Russie, le tsarisme est un pouvoir féodal, médiéval, absolu, régnant sur une population essentiellement paysanne et analphabète. Début 1917, le carnage de la guerre s’ajoute à la misère sociale la plus effroyable.

Au début du siècle, les paysans russes vivent dans des conditions similaires aux paysans belges ou français du 14e siècle. Sous le tsarisme, monarchie absolue représentée par Nicolas II, la classe dominante est la noblesse terrienne : 30.000 propriétaires terriens possèdent autant de terres que 10 millions de familles paysannes. Plusieurs centaines de révoltes paysannes éclatent déjà au début du 20e siècle. La police et l’armée du tsar écrasent ces luttes sans pitié, et la classe ouvrière est exploitée de façon féroce.

Mais la situation sociale en Russie empire encore avec la guerre. 2,5 millions de Russes y laissent la vie. A partir de 1916, des mutineries éclatent, et le nombre de déserteurs atteint 1 million. À l’arrière du front, les grèves éclatent.

En février 1917, à Petrograd (aujourd’hui Saint-Pétersbourg, capitale de la Russie à l’époque), un mouvement part de l’usine d’armement Poutilov (la plus grande entreprise de la ville), en rupture d’approvisionnement et contrainte de fermer. Des milliers d’ouvriers sont au chômage technique et se retrouvent dans les rues. Le 23 février (le 8 mars selon notre calendrier), plusieurs cortèges de femmes manifestent pour réclamer du pain, exaspérées de faire la queue devant les boulangeries1. Les exigences économiques – « Du pain, du travail ! » – sont le déclencheur d’un mouvement revendicatif qui, au départ, n’a rien de révolutionnaire. Mais le lendemain, le mouvement de protestation s’étend. Les manifestants s’arment en pillant les postes de police. Le 25 février 1917, la grève est générale. Les slogans sont de plus en plus repris et de plus en plus radicaux : « À bas la guerre ! », « À bas l’autocratie ! ». Les confrontations avec les forces de l’ordre provoquent des morts et des blessés des deux côtés. Le 26 février, la foule envahit la ville. Vers midi, les junkers (élèves officiers) tirent, faisant 150 morts. Le tsar proclame l’état de siège mais, dans la nuit du 26 au 27 février, des régiments d’élite, traumatisés d’avoir tiré sur leurs "frères ouvriers", se révoltent. Le 3 mars 1917, l’Ancien Régime russe s’écroule comme un château de cartes. C’est la fin du tsarisme.

1 Lénine, en hommage à cette manifestation, proclame, en 1921, le 8 mars, la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, journée reconnue par l’ONU en 1977.

PNGSoulèvement de Petrograd (actuellement Saint-Petersbourg) en février 1917.

Février 1917-Octobre 1917 | Le double pouvoir : les soviets et le gouvernement provisoire

La période qui s’ouvre à partir de février 1917 est caractérisé par un double pouvoir : les soviets ("conseils" en russe) d’une part, le gouvernement provisoire, de l’autre.

Les soviets sont des assemblées de travailleurs, de paysans, de soldats ou d’habitants qui prennent des décisions directement. Ils sont apparus au cours de la première révolution russe, celle de 1905 (qui a échoué). Dans les soviets, les classes populaires se réunissent pour discuter, mais aussi pour autogérer toute une partie de la vie locale. Le soviet est l’expression organisée de la défiance des travailleurs, des paysans et des soldats à l’égard de tous ceux qui les avaient opprimés.

Le soviet de Petrograd, dont les ouvriers et les soldats de la garnison ont élu leurs représentants, agit tout de suite comme un pouvoir gouvernemental. Il décide de faire occuper immédiatement la Banque d’Empire, la Trésorerie, la Monnaie et les services de fabrication des billets. Les ouvriers, les soldats et bientôt les paysans ne s’adresseront plus désormais qu’au soviet, l’incarnation même de la révolution.

Les ouvriers élisent des socialistes, c’est-à-dire ceux qui étaient non seulement contre la monarchie, mais aussi, du moins en paroles, contre la bourgeoisie. Ils ne font presque aucune différence entre les trois partis dits socialistes : les socialistes-révolutionnaires (surtout influents dans la paysannerie), les mencheviks (sociaux-démocrates) et les bolcheviks. Dans un premier temps, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires ont une nette prépondérance.

Mais les anciennes institutions existent encore : le Parlement (la Douma), inféodé au tsar, les conseils municipaux... Ces organes traditionnels sont dominés par les partis de la bourgeoisie et des paysans les plus riches. Parallèlement et à la constitution du soviet de Petrograd, un gouvernement provisoire est alors formé autour du prince Lvov, membre du Parti constitutionnel démocratique (les cadets), le principal parti de la bourgeoisie. Les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, sociaux-démocrates, décident d’en faire partie aussi. Le gouvernement maintient la participation à la guerre, ne lance pas de réforme agraire... Beaucoup de ces socialistes justifient ainsi la poursuite de la guerre au « nom de la révolution ». Dès le début, Lénine, dirigeant des bolcheviks, dénonce cette orientation.

Il y a donc une situation de double pouvoir, même si le soviet de Petrograd, présidé par un social-démocrate menchevik, donne sa confiance au gouvernement provisoire en attendant la convocation d’une Assemblée constituante.

Lénine voit dans les soviets l’instrument central de la révolution. Il défend le mot d’ordre : « Tout le pouvoir aux soviets ! ». Selon lui, le pouvoir des travailleurs n’est pas le gouvernement provisoire, mais le pouvoir des soviets. Pour lui, l’objectif principal de la révolution est de faire passer le pouvoir du gouvernement provisoire vers les soviets.

Les promesses non tenues du gouvernement provisoire

Le gouvernement provisoire ne veut prendre aucune mesure trop radicale, pas même la proclamation de la République. Il refuse les revendications des soviets comme l’arrêt de la guerre, la distribution des terres des grands propriétaires fonciers aux paysans, la journée de 8 heures ... Il renvoie ces questions à une future Assemblée constituante, tout en affirmant qu’il est impossible de la convoquer tant que des millions d’électeurs sont au front.

Mais l’impopularité de la guerre et du gouvernement provisoire fait passer de plus en plus d’ouvriers du côté des bolcheviks. Début juin, ils sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd. L’armée se décompose, les soldats refusent de monter en première ligne, les désertions se multiplient. Les soldats et les ouvriers manifestent pour exiger des dirigeants du soviet de la ville qu’il prenne le pouvoir.

Les bolcheviks soutiennent les manifestants. La répression frappe alors le parti bolchevik, qu’on accuse d’être à la solde des Allemands. Les régiments qui ont soutenu la révolution sont envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. La peine de mort, abolie en février, est rétablie

Le gouvernement est en crise. Certains ministres et des forces tsaristes croient le moment venu de rétablir l’ordre tsariste.

Le 9 septembre, le chef d’état-major pro-tsariste Kornilov, nommé par le Premier ministre social-démocrate Kerenski, se prépare à écraser les soviets et les organisations ouvrières. Kerenski n’est pas capable de l’en empêcher, ce sont les soviets qui infligent à Kornilov une défaite majeure et renversent la situation. Les bolcheviks sont en première ligne contre Kornilov et ils sortent renforcés de ces combats. Les soviets de Petrograd et de Moscou deviennent à majorité bolcheviks.

JPEGManifestation de femmes pour le pain et la paix.

Le pain, la terre, la paix : les aspirations d’Octobre 1917

Lors de l’automne 1917, les campagnes se soulèvent aussi. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires. Apprenant que les terres sont partagées, les soldats, essentiellement d’origine paysanne, désertent en masse afin de pouvoir participer à temps à la redistribution des terres. C’est alors que les travailleurs de Petrograd décident que, pour réellement mettre un terme à la guerre, donner la terre aux paysans et arracher la journée des huit heures, il faut renverser le gouvernement de Kerenski. C’est le début de la révolution d’Octobre.

Dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917, des détachements de soldats sortent des casernes. Des ouvriers armés quittent les usines. Ils marchent vers les centres névralgiques de la ville : ponts, gares, banque centrale, centrales postale et téléphonique.

Ils ne rencontrent qu’une faible résistance. A part quelques bataillons d’élèves officiers, plus personne dans les troupes de la capitale ne soutient le gouvernement provisoire du Premier ministre Kerenski.

Cette insurrection avait été préparée par le parti bolchevik. Le 10 octobre, la direction du parti était arrivée à la conclusion que la situation nationale et internationale était en train de basculer. L’insurrection éclatait dans la flotte allemande et dans toute l’Europe, des mouvements révolutionnaires démarraient contre la guerre. En Russie, le danger était réel que le gouvernement en place capitule et livre Petrograd aux Allemands. Au sein même du pays, les paysans se soulevaient en masse et tant les ouvriers que les paysans passaient du côté des bolcheviks. La droite tsariste préparait une offensive pour reprendre le pouvoir, comme elle l’avait déjà essayé avec le général tsariste Kornilov.

Le pouvoir de l’état passe aux Soviets

Le deuxième Congrès des soviets se réunit le 25 octobre au soir. Les bolcheviks y possèdent désormais une grande majorité. En trente-trois heures sont prises des mesures que le gouvernement provisoire n’avait pas prises en huit mois d’existence. Dans la nuit du 26 octobre, le Congrès des soviets adopte le décret sur la paix. Il invite les pays belligérants à conclure sur le champ un armistice d’au moins trois mois pour engager des pourparlers de paix (l’armistice sera finalement signée en mars 2018 avec l’Allemagne).

La même nuit, il adopte un décret pour que la terre appartienne à ceux qui la cultivent, et le « droit de propriété des grands propriétaires fonciers sur la terre est aboli immédiatement, sans aucune indemnité ».

Toutes les richesses du sous-sol (pétrole, charbon, minerais...), les forêts et les eaux deviennent propriété du peuple.

Un autre décret instaure le contrôle ouvrier dans les usines et la journée de 8 heures. Le congrès des Soviets constitue un gouvernement : le Conseil des commissaires du peuple (ministres). Lénine en devient le président.

D’octobre 1917 à février 1918, la révolution s’étend au pays entier. En même temps, de nombreuses autres réformes sont lancées : l’annulation de la dette publique russe et la nationalisation des banques et des grandes industries ; la fin de toute discrimination sur base de la nationalité et le droit à l’autodétermination des nations qui composent l’empire russe1 ; l’égalité complète des droits pour les femmes et l’affirmation de l’égalité des salaires, la légalisation de l’avortement en 1920 et des mesures volontaristes pour alphabétiser la population, favoriser l’éducation et supprimer des frais universitaires.

Une guerre civile terrible

Mais, dès le tout premier jour de son existence, la jeune Union soviétique (le nom que se donne le pays après la révolution) est confrontée à l’interventionnisme, au blocus économique, à l’encerclement politique et militaire. Les anciennes forces tsaristes, soutenues par les puissances occidentales, tentent de la renverser. En 1918, les armées britannique, française, japonaise, italienne et américaine débarquent et soutiennent les troupes tsaristes qui opèrent sur l’ensemble du territoire. De 1918 à 1921, cette guerre civile va faire des millions de morts, essentiellement victimes de la famine due aux interventions militaires étrangères et au blocus organisé par les puissances occidentales.

Au cours des années suivantes, cinq États indépendants sont créés, et au sein de la fédération russe, 17 républiques autonomes et régions sont établies.

JPEGTroyes, France, 17 septembre 1919 : grève générale dans l’industrie textile.

Ce Premier ministre qui avait « une peur bleue d’une révolution aussi en Belgique »

« Fin 1920, le Premier ministre conservateur catholique Henri Carton de Wiart était paniqué à l’idée que la Belgique connaisse également une révolution selon le modèle bolchevique », écrit l’historien et journaliste Marc Reynebeau dans De Standaard (2 janvier 2017). Suite à la révolution d’Octobre en Russie, des réformes sociales et politiques sont rapidement introduites dans toute l’Europe. La peur de la contagion révolutionnaire gagne à l’époque tout l’establishment, comme l’illustre Carton de Wiart. Si le mouvement ouvrier a pu arracher des droits sociaux, il le doit à ses propres combats durs et héroïques, mais aussi à l’existence de l’Union soviétique.

En Union soviétique, au lendemain de la révolution de 1917 se construit un véritable système de protection sociale qui inspirera de nombreux acteurs du mouvement ouvrier partout dans le monde. Dès le 30 octobre 1917, l’URSS instaure une protection sociale complète comprenant l’incapacité temporaire de travail (maladie et accident), l’assistance médicale, le congé de maternité (pour une période prolongée), le chômage, l’invalidité permanente… Les travailleurs qui étaient blessés ou tombaient malades avaient leur emploi et leur salaire garantis. Ces principes constituent un cadre de protection générale du travail unique au monde à l’époque. Ce sont ces principes qui constitueront le cœur des revendications du mouvement ouvrier dans les pays occidentaux dans les décennies suivantes. Si, aujourd’hui, par droits fondamentaux, nous entendons aussi les droits économiques et sociaux, c’est-à-dire le droit à la santé, le droit à l’éducation… c’est aussi le résultat de 1917. L’économiste Friedrich Hayek, principal inspirateur du tournant néolibéral de Reagan et Thatcher, écrira d’ailleurs : « Les droits économiques et sociaux sont l’invention ruineuse de la révolution marxiste ».

En Belgique, il a fallu une nouvelle grève générale en 1919, mais surtout la peur de la contagion révolutionnaire pour qu’en 1921 soient introduites la journée des 8 heures et la semaine des 48 heures.

Il en va de même du suffrage universel, qui est accordé (seulement aux hommes) en 1919 (après aussi trois grèves générales en 1893, 1902 et 1913).

C’est aussi la Révolution russe qui établit, pour la première fois, le principe que les femmes doivent accéder aux droits politiques, ce qui n’avait jusque là pas été reconnu par les libéraux. En Belgique, les femmes devront attendre 1948 pour obtenir ce droit.

L’émancipation coloniale

Mais la révolution d’Octobre va aussi inspirer la lutte pour la libération nationale et contre la discrimination raciale. Toute la planète est alors la propriété privée des grandes puissances impériales et impérialistes. Lénine appelle alors à « la lutte contre l’oppression des nations dépendantes et des colonies, de même que la reconnaissance de leur droit à la sécession ». La Russie soviétique révèle au monde les traités secrets entre puissances coloniales, comme le traité Sykes-Picot au Moyen-Orient. Le soutien qu’elle apportera ensuite au mouvement anticolonial constituera un élément majeur du développement des mouvements de libération nationale dans le tiers-monde.

Aux États-Unis, les Noirs ne peuvent pas voter. Mais, en 1952, le ministre de la Justice des États-Unis écrit à la Cour suprême : « Vous devez absolument déclarer l’inconstitutionnalité des lois qui établissent la ségrégation contre les Noirs, sinon cela va profiter à l’Union soviétique et au mouvement communiste dans le tiers-monde et dans le monde colonial ».

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Pour en savoir plus : Dix jours qui ébranlèrent le monde

Le journaliste américain John Reed (1887-1920) est issu d’une famille aisée, mais il est un socialiste convaincu. En Russie, il assiste à l’embrasement de la révolution d’Octobre et relate les événements dans son livre, Ten Days that Shook the World (Dix jours qui ébranlèrent le monde), qui paraît en 1919 à New York et connaît un grand succès. Il est réédité en français (éditions Delga, disponible au ptb.shop).

JPEGProtestation des marins de la base navale allemande de Wilhelmshaven.

Une histoire de calendrier : La révolution d’octobre a eu lieu… en novembre

En 1917, les calendriers utilisés en Europe occidentale et celui utilisé en Russie sont différents. Le russe est resté traditionnel, et est appelé calendrier julien (de Jules César) et ne tient pas compte de manière précise de la rotation annuelle de la Terre autour du soleil. Soit une erreur cumulée de 8 jours par millénaire.

Le calendrier grégorien (en référence au pape Grégoire XIII), en vigueur depuis le 16e siècle en Europe occidentale, est donc le calendrier modernisé.

Résultat : alors que la révolution a lieu le 25 octobre 1917 selon le calendrier julien, elle a lieu en réalité le 7 novembre 1917. C’est pour cela que la révolution d’Octobre a eu lieu en réalité en... novembre.

Article publié dans le mensuel Solidaire de juillet 2017Abonnement.

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  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

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    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).