Etre utiles à notre camp

, par  Charles Hoareau, Francis Arzalier , popularité : 2%

La tribune publiée sur rougemidi est utile à tous les communistes qui cherchent que faire dans cette situation politique de recomposition, dont le parti communiste s’est mis hors jeu. Nous savons tous que cette élection est organisée pour permettre à la bourgeoisie d’accélérer sa destruction des acquis sociaux de 45, de 36 et même de la république, et que tout vote qui s’inscrit clairement dans la résistance à cette guerre de classes sera nécessaire le 23 avril au soir.

Sans doute faut-il noter de manière plus précise que quand Yvon Chotard, patron des patrons dit « on ne fait pas la même politique avec un parti communiste à 20% ou à 10% », il ne parle pas d’un homme, mais du soutien politique à une organisation présente dans les entreprises et les quartiers, capable d’organiser le peuple, de l’unir dans l’action... Ce défi de la reconstruction d’un parti communiste reste devant nous, et se jouera notamment dans le nombre de députés communistes et leur capacité à sortir de l’électoralisme qui les a trop souvent enfermé dans les institutions.

Sans cet effort d’organisation dans l’entreprise et le quartier que portait le parti communisten, il faut être honnête avec les travailleurs. Mélenchon finira soit comme Tsipras, soit comme Allende... si nous ne construisons pas le mouvement populaire qui imposera le choix du peuple à la bourgeoisie, comme le peuple venezuelien l’a fait pour garder Chavez en 2002.

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Nous le savons, depuis plusieurs années maintenant, patronat et gouvernement sont à l’offensive et avancent sur leur projet : casse de l’industrie, transformation de la France en bronze-cul de l’Europe et reprise de tous les droits conquis par des décennies de lutte. Pour faire avancer leur projet ils n’hésitent pas à s’attaquer aux libertés avec une violence inégalée depuis longtemps. Dans la séquence électorale en cours, nombre de candidats aux élections expliquent tranquillement qu’ils veulent aller plus loin dans l’exploitation, ou, s’ils ne le disent pas, ne portent aucune proposition de changement de société qui peuvent laisser espérer un avenir meilleur. Le danger est grand que le grand capital se trouve renforcé à l’issue des votes et qu’à l’inverse le camp du travail se trouve en face de plus grands obstacles pour stopper l’offensive. Dans ce contexte les questions qui sont posées à notre camp où les communistes, organisés ou pas, ne sont pas seuls, c’est d’une part comment résister et d’autre part comment passer à la contre-offensive en poussant notre projet de changement de société s’appuyant sur le progrès social.

L’histoire nous l’apprend, il n’y a jamais eu de conquête sans luttes, luttes basées sur des majorités d’idées et passant par-dessus les diversités voire se nourrissant d’elles. Les conquêtes de 36 n’auraient jamais eu lieu avec le seul Front populaire (dont elles n’étaient pas au programme) et celles de 68 ont eu lieu malgré un gouvernement réactionnaire. A chaque fois la rue a été déterminante pour faire avancer l’histoire. Même pendant le CNR dont on parle tant en ce moment, Ambroise Croizat expliquait en 1946 qu’il ne serait pas arrivé à créer la sécurité sociale sans la CGT et les luttes qu’elle a menées pour vaincre les résistances patronales sur ce sujet. Notre époque n’échappe pas à la règle et quelques soient les résultats, les travailleurs devront lutter encore plus fort : soit pour empêcher la mise en œuvre des programmes destructeurs d’un vainqueur issu du camp du capital, soit pour imposer une réelle mise en œuvre d’un programme progressiste annoncé. Cette évidence rappelée cela ne veut évidemment pas dire qu’il y a un trait d’égalité entre tous les candidats et que l’on pourrait faire comme si rien ne changera quelle que soit la majorité de gouvernement. Plus encore nous savons que le score d’un candidat favorable au camp des travailleurs aide le rapport de force selon le juste mot, en 1975, de Yvon Chotard alors dirigeant du syndicat patronal : « on ne fait pas la même politique avec un parti communiste à 20% ou à 10% ».

Refuser de voter ?

Bien sûr 40 ans plus tard nous ne sommes pas dans la même situation et de ce fait, d’aucuns, peuvent considérer qu’il n’y a pas lieu de voter en l’absence du programme communiste qu’ils appellent de leurs vœux, porté par le candidat d’un parti de la classe ouvrière de notre temps.

Un programme à la hauteur de nos convictions avec, pour ne prendre que quelques mesures : nationalisation (non pas étatisation mais réelle gestion par la nation) de toutes les banques, des transports, de la communication, des grandes entreprises…, un monopole public en matière de santé, d’éducation, d’énergie… une échelle des salaires de 1 à 5 avec un SMIC à 2000€, un programme qui affirme le droit à la libre circulation des hommes et des idées… et tout cela bien sûr dans un pays débarrassé de la dictature de l’Union européenne et militant pour la dissolution de l’OTAN. Le réseau Faire vivre le PCF a d’ailleurs fait des propositions qui montrent ce que pourrait être un programme communiste de notre temps.

La personnalisation accrue, scrutin après scrutin, peut également nourrir les refus de vote dans un scrutin qui s’apparente de plus en plus à cautionner une monarchie élective au service des puissants, phénomène encore aggravé par l’inversion du calendrier électoral, mesure adoptée faut-il le rappeler sous le gouvernement de la gauche plurielle de Jospin. Une personnalisation qui consacre la rupture de fait avec une époque où le collectif décidait tout à la fois du programme et des personnes aptes à le porter, où l’organisation ne relevait ni de la tactique du cercle rapproché ni du tirage au sort mais de la démarche collective (même si ce fut souvent avec des défauts nous le savons bien). Ceux qui refusent de voter font aussi observer sans doute à juste titre que jamais campagne électorale n’est apparue autant focalisée sur des individus tentant de se poser en sauveur suprême.

Enfin le dernier argument, et non des moindres, des partisans du refus de vote est qu’à force de voter par défaut ou voter contre, depuis plus de 30 ans on ne cesse de renforcer l’extrême droite qui se nourrit entre autres des espoirs déçus et des promesses non tenues…Tous ces arguments conduisent celles et ceux qui les avancent à dire que le moment de l’adéquation entre les luttes et le vote n’est pas venu, que pour l’instant il faut construire une organisation révolutionnaire, (pour l’ANC en s’appuyant sur notre Manifeste) et mettre toutes nos forces dans les luttes. On peut partager ou pas les arguments qui précèdent mais force est de reconnaitre que ce sont de vraies raisons que l’on ne peut balayer d’un revers de main. Sont-elles suffisantes pour refuser de voter ?

Voter par défaut ?

Evidemment même si on considère que l’on ne peut s’engager derrière une candidature il est clair qu’elles ne se valent pas toutes et force est de constater que certaines d’entre elles équivalent à des déclarations de guerre contre le monde du travail. Quand Le Pen parle d’interdire la CGT ou que Fillon parle de guerre éclair contre les droits : les choses sont clairement posées. Quand Macron, dont les lois en tant que ministre n’ont cessé de viser à affaiblir le camp du travail face aux licencieurs, quand donc il annonce la fin des régimes spéciaux ou la réforme de l’impôt sur la fortune on n’a pas à hésiter longtemps. Enfin un Hamon qui sous ses airs de frondeur, n’a pas censuré le gouvernement et se situe bien dans la continuité du PS d’aujourd’hui, ne peut évidemment retenir notre adhésion.
Comme disait Elsa Triolet « la barricade n’a que deux côtés ».

Comme le disent nombre de militants de la CGT, dans ces élections il y a des candidats issus d’organisations qui ont combattu la loi travail et d’autres non et cela fait une différence de taille. En élargissant il est clair qu’il y a deux sortes de candidatures, celles qui sont issues de forces de notre camp, celui de celles et ceux qui refusent l’avenir qui nous est promis par le capitalisme et ce quelles que soient les divergences que l’on peut avoir sur les solutions à mettre en œuvre, et les autres, toutes les autres, les candidatures qui se coulent sans sourciller dans le moule capitaliste voire veulent le renforcer.

Si on part de cette analyse-là évidemment, on va regarder la période actuelle d’une autre manière.
D’abord on va la considérer comme un moment de débat politique dont les communistes ne peuvent être absents mais au contraire doivent s’impliquer pour peser sur les contenus et les formes d’élaboration de ceux-ci, donner leur point de vue sur l’organisation et la manière de prendre en compte les besoins sociaux.

Ensuite, quoique l’on pense du processus électoral et des offres politiques qui sont faites, un fort score de l’extrême droite ou de Macron sera un coup porté aux luttes. A l’inverse, un fort score de candidats opposés aux lois de casse des droits renforcera le camp du combat pour le progrès social. Cela est d’ailleurs particulièrement palpable pour les législatives ou une élection locale où des politiques peuvent se révéler être des points d’appui dans tel ou tel conflit. C’est, forts de cette analyse, que des camarades vont s’engager et/ou simplement voter pour être utiles à nôtre camp. Avec ce regard, aller voter aujourd’hui, y compris pour une candidature qui ne correspond pas en tous points à ce que l’on voudrait n’est donc pas un « vote par défaut » mais plutôt un vote pour appuyer le camp du combat, un tremplin, une étape que l’on va franchir les yeux grands ouverts sur l’objectif à long terme.

Notre rôle de communistes

Il y a un choix à faire : soit s’en tenir à une forme de rigueur (ou de pureté) révolutionnaire et il n’y a aucun jugement péjoratif là-dedans, soit décider de prendre appui sur la dynamique, le débat public qu’entraine la séquence électorale et se servir du vote, et en particulier du vote Mélenchon, comme point d’appui de la période pour faire progresser les idées et le rapport de forces.
- D’abord parce qu’une candidature de remise en cause de l’idéologie dominante est en soi l’occasion d’un riche débat entre personnes, celles qui n’ont pas ou peu d’expérience politique, de réflexion sur une solution alternative…mais aussi les autres.
- De plus, et il n’y a qu’à lire le programme pour s’en convaincre, on est devant une situation ouverte. Par exemple quand il est écrit dans ce programme qu’il faut mettre en place une commission pour réfléchir au bien–fondé de ce qui a été privatisé depuis 30 ans et étudier ce sur quoi on peut revenir, cela laisse évidemment la porte ouverte à la bataille des idées et à l’avancée des nôtres.
- De même l’affirmation de la nécessité d’une sécurité sociale qui couvre à 100% les dépenses de santé, celle de s’appuyer sur les façades maritimes de la France comme facteur de développement, celle de poser les questions de l’énergie ou de l’environnement de façon à préserver l’avenir ne nous laisse-t-il pas une possibilité et même une responsabilité d’intervention ?
- Sur l’Union Européenne, les questions du plan A et du plan B ne nous laissent elles pas grandes ouvertes, la possibilité d’intervenir pour mettre en lumière que la sortie de l’euro est un passage obligé ? En plus si on prend en compte qu’un référendum sur cette question est annoncé par les tenants de la France Insoumise cela ne peut que nous renforcer dans cette démarche.
- Toujours au plan international quand il est annoncé la volonté de se rapprocher des BRICS en prenant appui sur le système bancaire mis en place par cette alliance, cela peut-il nous laisser indifférents et surtout sans possibilité d’intervention ? Comment pourrions-nous rester indifférents à la volonté affirmée de sortir de l’OTAN, machine guerrière au service de l’impérialisme ?

L’ANC et le rassemblement

Dans la période compliquée où nous sommes, ce n’est pas sur les stratégies électorales que nous pourrons rassembler toutes celles et ceux qui veulent changer de société et en finir avec le capitalisme. C’est cet élément qui a conduit avec juste raison l’ANC à ne donner aucune consigne de vote. Ce qui nous rassemble toutes et tous, notre base commune immédiate de communiste est notre Manifeste. Cela ne doit pas nous conduire, à notre simple avis d’individus qui cherchent la solution du côté du communisme, à négliger des étapes que nous n’avions pas forcément prévues et qui pour autant peuvent être autant d’étapes d’un processus révolutionnaire.

A chacun d’entre nous de faire le choix qui lui semble le plus utile pour notre camp. En ce qui nous concerne il nous semble que nous ne pouvons pas être absent du vote et d’une possibilité de rassemblement avec nombre de celles et ceux avec qui nous luttons chaque jour.

Francis Arzalier – Charles Hoareau.

Voir en ligne : sur le site rougemidi

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