Bien sûr traquer et punir les coupables. Mais poser publiquement la question : comment se fait-il qu’ils aient pu (...)
« Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps »
Décès de Michel Naudy : « Adieu Michel, Ils ont pris ta voix… »
Deux textes à propos du décès de Michel Naudy, journaliste communiste placardé presque 20 ans à France Télévision.
Michel Naudy aurait mérité que son œuvre (journalisme, télévision, théâtre, roman) soit reconnue de son vivant.
Michel Naudy ne méritait pas d’avoir été sanctionné dans son métier de journaliste pour son intégrité, son courage, son intelligence fine et brillante.
Michel Naudy était un militant et cela on ne le lui a jamais pardonné !
Et pourtant, pour beaucoup il a représenté l’honneur de notre métier.
Il nous a « recouragés », ( pour reprendre l’expression d’Alain Badiou ), alors même qu’on doutait de l’intérêt du combat dans un monde étouffé par la peur, assommé par la violence capitaliste, éreinté par la complicité molle des dirigeants politiques de « gôche », désespéré par la lâcheté bienpensante des élites journalistiques ou intellectuelles.
Michel ne renonçait pas, ne baissait pas les bras.
Sa colère ne se soumettait pas à la mode des sentiments pâles et tièdes.
Michel était engagé tout entier, corps et esprit.
Michel avait cette générosité des rebelles, des insoumis : il insufflait dans nos quotidiens ternes la flamme de la lutte et la lumière de l’espoir.
Je ne veux donc voir dans le geste de Michel Naudy qu’un choix, une dernière liberté : choisir le moment de sa mort, le rendez-vous de tous les hommes.
Je ne sais pas s’il a laissé un message mais je suis certaine qu’au moment du choix il faut être courageux pour que la main ne tremble pas.
Oui, nous avons le droit, nous les vivants, sa famille, ses amis, ses compagnons de combats de ne pas comprendre, d’être en colère, de lui en vouloir, de douter sur le sens de son geste.
Mais nous n’avons pas le droit de douter de lui, de sa sincérité dans ses engagements et ses sentiments, de son courage, de sa lucidité, de son rêve de révolution pour un autre monde que la société capitaliste et son cortège d’asservissement et de spoliation.
Et puis il y a la part de mystère propre à chacun d’entre nous, celle qui résiste à tout lien, à tout engagement.
Parfois pour préserver ses amours, ses amis, ses camarades.
Parfois parce que cette part de mystère qui nous constitue reste insondable à nos propres yeux.
Il va nous falloir continuer la route avec ce mystère de plus, avec cet ami, cet intellectuel, ce militant de moins… dure tâche !
Mais je sais, nous savons que ce qu’il a semé ne restera pas pétrifié dans les griffes de cet hiver décidément rigoureux.
Il aimait trop la neige de nos montagnes ariégeoises pour ne pas nous souffler qu’au printemps, la terre saura retrouver la force de laisser pousser les semences.
« Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps » (Pablo Neruda)
Aline Pailler
Décès de Michel Naudy : « Adieu Michel, Ils ont pris ta voix… » (SNJ-CGT)
C’était un ami et un ami d’Acrimed. Nous nous associons totalement au communiqué du SNJ-CGT (Acrimed)
On n’entendra plus la voix teintée d’accent de son Ariège natale ; on ne verra plus la moustache indignée de ses accès de fureur contre les adeptes du consensus mou dans la profession ou fustigeant les dérives de la gauche néo-libérale.
Notre camarade, notre ami, Michel Naudy a mis fin à ses jours d’une balle dans la tête.
Michel faisait honneur au journalisme d’investigation, au journalisme d’analyses et d’éditos, enfonçant les clous là où ça faisait mal.
Le lutteur a décidé d’en finir.
Sa dernière apparition publique aura été pour dénoncer les « nouveaux chiens de garde » dans le film éponyme.
Les luttes, il les menait depuis sa jeunesse à l’Union des Étudiants communistes.
Il les a poursuivies durant sa carrière de journaliste, troquant les assemblées générales pour la plume, comme d’autres* avant lui, avaient « remplacé la mitraillette de la Résistance par le stylo ».
D’abord à L’Humanité dont il eut la responsabilité du service politique, fondant parallèlement Politis, puis après 1981 à France 3, où il gravira les échelons pour devenir Rédacteur en chef de la rédaction nationale et éditorialiste.
Durant toutes ces années, malgré sa grande honnêteté intellectuelle, sa rigueur, quelques-uns en interne et en externe, ne lui pardonneront jamais ses engagements de journaliste-citoyen.
Il sera débarqué de son poste, trouvera refuge à France 3 Ile-de-France avant qu’une nouvelle fois son magazine « Droit de regard » soit censuré en mai 1995, pour avoir exprimé une critique sur la couverture par France 2 du second tour de l’élection présidentielle. C’en était trop, Michel démissionnait de ses responsabilités.
Depuis, voilà plus de quinze ans, il attendait que la Direction de France 3, puis de France Télévision, honore son contrat de travail.
Il avait postulé à différents postes de moindre responsabilité en Commission paritaire. La dernière fois pour occuper le poste vacant de chef du service politique, qu’il devait une nouvelle fois se voir refuser au prétexte selon un cadre de la rédaction nationale, qu’il « n’y avait pas besoin d’un Brétécher à la rédaction » !
Hommage du vice à la vertu.
Les nombreuses interpellations de notre syndicat pour que les directions successives lui donnent du travail s’étaient toutes avérées infructueuses. Aujourd’hui certains devraient avoir honte de se regarder dans une glace…
Adieu Michel le monde du journalisme est en deuil.
Paris, le 3 décembre 2012
SNJ-CGT
* André Carrel, Vice-président du comité de libération parisien et rédacteur en chef de l’humanité de 1957