Black Panther : pour un antiracisme socialiste Revue Ballast : La rubrique MÉMENTO publie des textes introuvables sur Internet

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Le texte de Bobby Seale, co-fondateur du Black Panther Party, est tiré de son ouvrage Seize The Time : The Story of the Black Panther Party, paru en 1970. Nous avons traduit l’un des chapitres, dans son intégralité ; le leader afro-américain y proposait un antiracisme socialiste, autrement dit, « une lutte des classes et non une lutte des races  ». Les employés et les chômeurs de toutes origines contre ceux d’en haut, la minorité possédante au pouvoir — un projet d’émancipation qui tournait le dos à tous ceux, de tous bords, qui cherchaient à « obscurcir la lutte avec des différences ethniques  ».

Le Black Panther Party n’est pas pas une organisation noire raciste, ni même une organisation raciste tout court. Nous comprenons d’où vient le racisme. Notre ministre de la Défense, Huey P. Newton, nous a appris à comprendre que nous devions nous opposer à toutes les sortes de racisme. Le parti comprend la pénétration du racisme dans une importante part de l’Amérique blanche et il comprend que les petits cultes qui jaillissent de temps à autre dans la communauté noire ont essentiellement une philosophie noire raciste. Le Black Panther Party ne s’abaisserait pas au niveau pestilentiel d’un Ku Klux Klan, d’un suprémaciste blanc, ou à celui des organisations prétendument « patriotiques » de citoyens blancs qui haïssent les personnes noires pour la couleur de leur peau. Bien que certaines de ces organisations de citoyens blancs se dresseront pour dire « Oh, nous ne haïssons pas les personnes noires. C’est juste que nous n’allons pas laisser les noirs faire ceci et nous n’allons pas laisser les Noirs faire cela. », c’est une pitoyable démagogie dont la base est le vieux racisme qui rend tout tabou — en particulier le corps. L’esprit de l’homme noir a été dépouillé par l’environnement social, celui, décadent, auquel il a été soumis pendant l’esclavage et les années qui suivirent la soi-disant Proclamation d’émancipation.

« Appeler à une alliance, à une coalition entre tous les peuples et toutes les organisations qui veulent se mobiliser contre les structures du pouvoir. »

Les Noirs, les Hispaniques, les Chinois et les Vietnamiens sont traités de bridés, bougnoules [1], nègres ou autres noms méprisants. Ce que le Black Panther Party a fait en substance, c’est d’appeler à une alliance, à une coalition entre tous les peuples et toutes les organisations qui veulent se mobiliser contre les structures du pouvoir. Ce sont les structures du pouvoir qui sont les porcs qui ont pillé le peuple ; l’élite dominante, avare et démagogique, dont la flicaille n’est que le bras armé voué à perpétuer leur vieille escroquerie. À l’ère de l’impérialisme capitaliste mondialisé, avec cet impérialisme qui se manifeste ici aussi, en Amérique, contre beaucoup de peuples, nous trouvons qu’il est nécessaire, en tant qu’êtres humains, de s’opposer aux idées fausses du moment — telles que l’intégration. Si les gens veulent s’intégrer — et j’imagine qu’ils le feront d’ici cinquante ou cent ans —, c’est leur affaire. Mais, pour l’instant, nous faisons face au système d’une classe dirigeante qui entretient et utilise le racisme comme une clé pour maintenir son exploitation capitaliste.

Ce système utilise certains Noirs – ceux qui, surtout, sortent des hautes écoles et du système de la classe des élites –, parce qu’ils ont tendance à se ruer vers le racisme anti-noir, similaire au racisme du Ku Klux Klan ou des groupes de citoyens blancs. Il est évident qu’en essayant de combattre le feu par le feu, il y aura de nombreux incendies. Le meilleur moyen de combattre le feu, c’est l’eau, parce que l’eau éteint le feu. Ici, l’eau, c’est la solidarité du droit des peuples à se défendre eux-mêmes, ensemble, contre un monstre vicieux. Ce qui est bon pour lui ne peut pas être bon pour nous. Ce qui est bon pour le système capitaliste de la classe dominante, ne peut pas être bon pour les masses du peuple. Nous, le Black Panther Party, nous nous voyons comme une nation au sein d’une nation, mais pas pour une raison raciste. Nous voyons cela comme une nécessité pour pouvoir progresser comme êtres humains et pour pouvoir vivre sur Terre aux côtés d’autres peuples. Nous ne combattons pas le racisme avec le racisme. Nous combattons le racisme avec la solidarité. Nous ne combattons pas le capitalisme débridé avec un capitalisme noir. Nous combattons le capitalisme avec un socialisme fondamental. Et nous ne combattons pas l’impérialisme avec plus d’impérialisme. Nous combattons l’impérialisme avec l’internationalisme prolétarien.

Ces principes sont très fonctionnels pour le parti. Ils sont très concrets, humanistes et nécessaires. Ils devraient être compris par les masses du peuple. Nous n’utilisons pas nos revolvers, nous n’avons jamais utilisé nos revolvers pour aller dans la communauté blanche pour abattre des Blancs. Nous nous défendons seulement contre quiconque — qu’il soit noir, bleu, vert ou rouge — nous attaque de manière injuste et essaie de nous assassiner et de nous tuer parce que nous mettons en œuvre nos programmes. Au bout du compte, je pense que l’on peut voir de nos pratiques antérieures que nous ne sommes pas une organisation raciste mais un parti révolutionnaire très progressiste. Ceux qui veulent obscurcir la lutte avec des différences ethniques sont ceux qui aident et maintiennent l’exploitation des masses : les Blancs pauvres, les Noirs, les Bruns et les Indiens peaux-rouges pauvres, les Chinois et Japonais pauvres et les travailleurs en général. Le racisme et les différences ethniques permettent à la structure du pouvoir d’exploiter les masses des travailleurs dans ce pays parce que c’est la clé par laquelle ils maintiennent leur contrôle. L’objectif de la structure du pouvoir, c’est de diviser les peuples et de les conquérir. C’est la classe dominante, la toute petite minorité, les quelques porcs et rats avares et démagogiques qui contrôlent et infestent le gouvernement. La classe dirigeante et ses chiens de garde, ses laquais, ses lécheurs de botte, ses bons nègres et ses racistes noirs, ses nationalistes culturels — ils sont tous les valets de la classe au pouvoir.

« C’est une lutte des classes entre la massive classe ouvrière prolétarienne et la petite minorité qu’est la classe dirigeante. Les ouvriers de toutes les couleurs doivent s’unir contre la classe dirigeante qui exploite et opprime. »

Ce sont eux qui aident à maintenir et soutenir la structure du pouvoir en perpétuant leur attitude raciste et en utilisant le racisme comme un moyen pour diviser le peuple. Mais c’est réellement la classe dirigeante — qui est minoritaire — qui domine, exploite et opprime les travailleurs et les ouvriers. Nous sommes tous de la classe des travailleurs, que l’on soit employé ou au chômage, et notre unité doit se fonder sur les nécessités pratiques de la vie, de la liberté, de la poursuite du bonheur, si cela a du sens pour qui que ce soit. Cela doit reposer sur des choses pratiques telles que la survie du peuple et le droit des peuples à l’auto-détermination, à faire disparaître les problèmes qui existent. Donc, en substance, il ne s’agit pas de lutte des races. Nous éduquons rapidement les gens à cela. Selon nous, c’est une lutte des classes entre la massive classe ouvrière prolétarienne et la petite minorité qu’est la classe dirigeante. Les ouvriers de toutes les couleurs doivent s’unir contre la classe dirigeante qui exploite et opprime. Donc, laissez-moi insister de nouveau — nous croyons que notre combat est une lutte des classes et non une lutte des races.

NOTES

Toutes les illustrations sont de Emory Douglas.
Texte traduit, de l’anglais, par Cihan Gunes, Walden Dostoievski, Maude Morrison et Rissa Kinkeliba.

REBONDS

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☰ Lire notre entretien avec Almamy Kanouté, « On doit fédérer tout le monde », juillet 2015
☰ Lire l’article « Antiracisme et lutte contre l’homophobie : retour aux convergences », Noel Halifax (traduction), juillet 2015
☰ Lire notre entretien avec Angela Davis, « Nos luttes mûrissent, grandissent », mars 2015
☰ Lire notre article « Daniel Guérin, à la croisée des luttes », mars 2015
☰ Lire l’article « Luther King : plus radical qu’on ne le croit ? », Thomas J. Sugrue (traduction), février 2015

Voir en ligne : sur le site de la revue Ballast

[1La formule « gooks and spicks », dans le texte original, fait référence à des insultes racistes utilisées aux États-Unis à l’encontre des populations asiatiques et latino-américaines.

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