2017, la solution tombée du ciel ? Un oxymore politique : les insoumis croyants...

, par  pam , popularité : 2%

La décision de la conférence nationale du parti communiste proposant majoritairement une candidature communiste alors que, des médias au secrétaire national du PCF, tout le monde l’avait déja enterré a provoqué quelques réactions...

Passons sur les noms d’oiseaux et les aigreurs de certains qui pensaient que le PCF était définitivement hors-jeu, notamment les dirigeants communistes qui depuis des années cherchent la mutation, la métamorphose, bref, la disparition du PCF, et passons aussi sur les médias qui relaient avec une grande complaisance les discours de ceux qui veulent réintroduire la primaire socialiste dans le débat des communistes... présentant le vote des communistes comme un choix entre Mélenchon et Montebourg.

La réalité est que le vote de la conférence nationale a montré des communistes hésitants, avec une majorité surprise, mais hétéroclite, pour une candidature communiste, et une forte minorité, tout autant hétéroclite, dont une part considère que la candidature Mélenchon est le meilleur outil pour mener une bataille communiste...

Ce qui est le plus original, c’est bien que les communistes cherchent très majoritairement comment mener une bataille communiste en 2017, quand leurs directions successives ne cessent de leur proposer de ne penser qu’à la gauche...

Mais pour choisir la candidature la plus utile pour une bataille communiste, il faut d’abord répondre à la question du pourquoi ! On enfoncera difficilement un clou avec un tournevis et on vissera difficilement une vis avec un marteau...

Quel objectif communiste en 2017 ?

Empêcher à tout prix la victoire de Marine Le Pen au deuxième tour ? Les régionales ont donné une réponse qui n’est pas rassurante... Une droite décomplexée en PACA ou dans le nord a effectivement battu un FN annoncé victorieux. Et de fait, aucun socialiste ne peut espérer battre le FN tant il aurait du mal à mobiliser l’électorat de gauche, comme à mordre sur une droite revancharde... Admettons que l’électorat de gauche serait prêt à tout pour battre Le Pen, le mieux placé pour mordre à droite serait alors Manuel Valls ou Emmanuel Macron.. Faut-il aller voter Valls à la primaire socialiste ? Bien sûr que non, les communistes ne comptent pas voter à droite ou pour ce PS droitier qui gouverne.

Alors, JLM pourrait-il lui, battre Le Pen au second tour ? L’expérience des législatives 2012 à Henin Beaumont montre que ce n’est pas simple, même en battant au premier tour un PS empêtré dans son histoire locale de corruption.
JLM avait fait 4 millions de voix au premier tour de 2012, dans un contexte de colère contre la droite. Il lui faudrait faire le double pour être au second tour et donc faire voter des millions d’abstentionnistes et d’électeurs socialistes au premier tour, et il lui faudrait ensuite se faire accepter de l’électorat socialiste droitier qui lorgne sur Macron, d’une part l’électorat centriste et de la droite républicaine... Il faut sans doute 16 à 18 millions de voix pour gagner au second tour, dans un pays ou la gauche est très clairement minoritaire... [1], ou la porosité d’une grande part de l’électorat de droite avec le vote FN est forte...

Les municipales 2014 ont montré à quel point une droite revancharde a pu mobiliser un électorat populaire contre la gauche, et pas seulement contre le parti socialiste gouvernemental. Le chacun pour soi dans la concurrence marque profondément notre peuple... Qui n’a pas entendu dans les quartiers populaires et le monde du travail les discours sur le "trop de social", "trop pour les autres", qui ne voit pas la progression du corporatisme dans le syndicalisme...? La droite parlementaire a mobilisé à ces municipales 10 millions de voix... Aux régionales, elle atteint 7 millions de voix, 6 millions pour l’extrême-droite et... 8 millions pour la gauche... un rapport gauche-droite totalement déséquilibré, la gauche ne représentant au total que moins de 30% ! Et si l’électorat de gauche a fortement voté pour la droite contre le FN, qui ne voit pas que l’inverse sera beaucoup plus difficile ?

Pour renverser ce rapport de forces électoral, il faut un tsunami politique ! Il faut que des millions de Français changent ! prennent conscience qu’ils sont dans une impasse. Il faut qu’ils changent d’opinion sur de nombreux sujets... Il faut convaincre des millions d’abstentionnistes que l’élection peut être utile... Qui peut croire qu’une bataille électorale présidentielle soit le bon moment pour faire progresser aussi massivement les consciences ?

En fait, pour que JLM puisse être au second tour et battre le FN, il faudrait reconstruire une issue politique progressiste majoritaire en France, il faudrait regagner ce que la gauche a perdu depuis 30 ans dans les consciences, il faudrait renverser la droitisation des esprits... Or si le résultat électoral dépend bien sûr de la campagne électorale, il dépend d’abord du rapport de forces général dans la société, du niveau des consciences non seulement sur la dénonciation de ce qui ne va pas, mais aussi sur une perspective cohérente de ce qu’il faudrait faire...

Quel rapport de forces réel ?

En terme de masses, que représente le "mouvement social" en potentiel électoral ? Le dernier mouvement contre la loi travail a redonné espoir, mais il a mobilisé de l’ordre de 1 million de salariés et retraités, 3 millions en comptant leurs soutiens, soit... 6% de l’électorat. Ceux qui ont manifesté contre la loi Travail sont des électeurs potentiels d’un candidat de rupture à gauche... Mais ils n’atteignent pas les 4 millions d’électeurs Mélenchon de 2012... !

Et ces forces sociales insuffisantes sont divisées sur des questions clés des motivations électorales ! Il n’y a pas de discours progressiste majoritaire pour dire comment faire reculer massivement le chômage, comment recréer de la sécurité sociale, de la stabilité pour la vie des salariés, comment développer l’économie autrement, comment recréer de la sécurité publique face au terrorisme ou à l’économie parallèle... Ce ne sont pas les idées et les débats qui manquent, mais chacun peut mesurer à quel point la "gauche de la gauche" est divisée sur des questions clés, l’euro et l’Europe, l’OTAN et les guerres, les services publics, le nucléaire, les nationalisations...

Regarder la réalité en face ou... croire ?

On peut prendre le réel par tous les bouts, la seule conclusion raisonnable est qu’on ne peut pas espérer résoudre dans une campagne électorale, aussi forte et passionnée soit-elle, des difficultés aussi profondes et qui se sont renforcées au fil des dernières décennies. Si la colère contre le système bat des records, si la conscience que le capitalisme est au fonds la cause de nos maux, l’espoir d’une autre société n’a jamais été aussi faible...

Ceux qui croient encore qu’une élection peut "changer la vie" sont restés prisonniers de ce que François Mitterrand a patiemment construit en utilisant le programme commun des communistes, l’illusion du changement par en haut, l’illusion électorale. Et pourtant, de 1981 à 2002, de 2007 à 2015, le peuple constate que son bulletin de vote n’ouvre pas d’issue progressiste, et il prend l’habitude soit de l’abstention, soit du vote déversoir de frustrations pour envoyer balader le système,soit du vote renoncement pour éviter le pire... ce qui aboutit à la victoire de Trump aux USA ou aurait pu aboutir à celle de Clinton qui n’aurait rien changé... En France, ce sont les régionales...

Alors, on peut "croire" qu’il y a malgré tout une possibilité de tout bousculer, et la grande qualité de JLM est bien de tout faire pour s’inscrire dans cette "croyance", de la faire grandir. Il la construit de manière très réaliste dans le cadre imposé de la présidentielle, autour d’une personne, d’un nom médiatiquement efficace. Il est trop expérimenté pour ne pas voir la contradiction entre l’appel au peuple, et l’appel aux présidentielles ! Il n’y a pas d’élection moins démocratique, moins ouverte à l’intervention populaire que l’élection présidentielle. Elle est le symbole d’une 5eme république anti-démocratique ! JLM joue donc de cette contradiction en se présentant comme un présidentiable, un homme seul qui parle au peuple, mais qui appelle le peuple à se soulever, à refuser la soumission... et il invente les insoumis... [2]

Les travailleurs de Fralib, des Conti, des Goodyear, de Bonduelle, de PSA, d’ALSTOM, d’Air France, de la SNCM, de la SNCF... comme tant d’autres dont on n’a pas parlé sont des résistants du quotidien qui refusent de céder face à la guerre de classe qui les écrase... Ils n’ont pas attendu les présidentielles pour se battre, et ils ont appris à quel point leur organisation est essentielle pour tenir dans des luttes nécessairement longes, pleine de pièges, de chausse-trappes médiatiques, des luttes qui doivent pas à pas construire l’unité populaire, une unité toujours attaquée par les contradictions du réel et des consciences...

Les résistants ne croient pas à la victoire du grand soir, et ils ont souvent pris conscience de l’impasse dans laquelle est toujours le mouvement populaire quand il espère une élection pour que "la gauche change la vie". Ils mesurent bien à quel point ils ont besoin d’une traduction politique des luttes de classes, besoin d’un changement de société, mais ils savent qu’il ne peut se construire que dans le progrès de l’unité populaire de chaque jour, dans chaque entreprise et commune, dans le "tous ensemble". Ils ne croient plus à la gauche et à sa longue illusion électorale.

JLM espère que le peuple insoumis va se remettre à croire, et que cette croyance va une nouvelle fois aboutir à ce que les plus anciens ont connu, cette joie indescriptible de la victoire de 1981 qui multipliait les fêtes populaires [3] Pour les communistes, JLM représente cette part de notre histoire qui ne veut pas voir qu’elle est historiquement morte, ce non-dit de la fin de la longue période de l’union de la gauche, et surtout, il nous interdit de penser le chantier qui s’ouvre de la reconstruction d’une issue politique progressiste qui apporte une autre réponse que le programme commun au défi d’une révolution dans un pays capitaliste développé...

De fait, JLM est le condensé de cette contradiction que porte les insoumis...ils sont des croyants ! Ils sont convaincus que JLM va être au second tour, va battre le FN, et va ouvrir enfin la rupture. Ils savent bien à quel point c’est dur sur le terrain des luttes, ils savent que le peuple est divisé par la concurrence, la guerre idéologique contre le socialisme, le racisme... Mais ils croient qu’un homme peut tout changer, que la révolution peut venir d’en haut, de cette élection présidentielle faite pour permettre à la bourgeoisie de rebattre les cartes politiques pour assurer sa domination. Ils croient qu’on peut subvertir le système dans le système...

Oui, des insoumis croyants, un bel oxymore ! Et les communistes ?

Les communistes ont appris durement à ne plus croire aux miracles électoraux. C’est pourquoi dans la confusion de leurs propres divisions, ils cherchent comment poser la seule question qui restera de 2017... L’hypothèse communiste, l’hypothèse d’une autre société, d’une société socialiste est-elle toujours ouverte en France ? Et donc est-il possible de continuer le parti communiste, et même de le reconstruire comme l’organisation politique de ceux qui luttent jusqu’au bout, jusqu’au changement de société ?

Les communistes sont des insoumis incroyants... Il n’est pas de sauveur suprême...

Leur seul objectif réaliste en 2017 est donc de faire reculer un peu l’électoralisme, de gagner une part du mouvement social à l’hypothèse communiste comme issue politique de long terme aux luttes. Soyons clair, qu’un candidat communiste fasse mieux que MGB en 2007, ce qui est tout à fait possible, c’est provoquer la seule surprise réaliste de 2017, dans un pays marqué à droite, le parti communiste se renforce, la résistance sera dure, mais elle est possible ! Hasta la victoria sempre !

[1Déjà après un mandat, en 1988, Mitterrand cherchait des voix du centre droit...

[2Certains me disent, il est peut-être un Allende, un socialiste qui résiste et choisit la rupture... Certes, personne ne peut le dire, mais qu’il soit un Tsipras prêt à se coucher ou un Allende prêt à mourir ne change pas le résultat final pour le peuple, c’est le capitalisme qui gagne, même Chavez a butté sur cette question décisive de la prise réelle du pouvoir par le peuple, de sa capacité à construire son unité contre la bourgeoisie...

[3un peu l’inverse de la situation aux USA de 2016... quand le choix populaire provoque des manifestations de peur

Brèves Toutes les brèves

Navigation

Annonces

  • (2002) Lenin (requiem), texte de B. Brecht, musique de H. Eisler

    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
    ... lire la suite

  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).