Le FN ou le CNR et la sortie du capitalisme

, par  Xuan

Le 18 juillet 2013 à 00:16, par Xuan En réponse à : Le FN ou le CNR et la sortie du capitalisme

Salut Gilbert, salut pam, salutations fraternelles à tous

Je passe sur les accointances plus ou moins dissimulées des blogs souverainistes chauvins, godillots divers et fascistes à travers de nombreux sites « républicains », debout ou pas, et autres « gaulois », « laïques » et « patriotiques » à souhait, pour en rester au CNR. C’est à lui seul un vaste sujet.
Il ne faut pas en faire un fétiche ni un symbole disjoint de ses attaches historiques.

Le CNR reflète le rapport des forces à cette époque, c’est-à-dire d’une part la victoire contre le nazisme et la popularité immense du parti communiste, mais aussi le fait qu’il ait dû rendre les armes devant un ennemi de classe militairement supérieur. Car sinon rien ne l’empêchait de prendre le pouvoir et d’instaurer en France une Démocratie Populaire.
A l’issue de la seconde guerre mondiale, ce rapport des forces doit être mesuré non seulement à l’aune de la lutte des classes dans notre pays mais aussi à l’échelle internationale en tenant compte de la Conférence dite de Yalta, et particulièrement des armées présentes en Europe et en France.
Le CNR constituait donc un compromis entre le Parti Communiste et les masses d’une part, les nationalistes bourgeois, De Gaulle et leurs alliés anglo-américains en France d’autre part.

Ce compromis est resté jusqu’à ce jour un exemple historique de protection sociale que bien des peuples nous envient, mais qui dit compromis dit échange.
De même lors d’un conflit du travail, l’accord entre syndicat et patronat implique dans les cas favorables d’un côté la satisfaction de revendications et de l’autre l’arrêt de la grève, la reprise du travail et de l’exploitation capitaliste.

Et ici échange de la protection sociale contre la révolution sociale évidemment, puisque le parti communiste renonçait temporairement à prendre le pouvoir et appelait le peuple à retrousser ses manches pour reconstruire le pays.
Il ne s’agit pas de porter un jugement sur l’opportunité ou l’avantage de ce compromis, encore moins de jeter l’opprobre sur ceux qui l’ont porté, mais simplement de mesurer ce qui le séparait alors de notre objectif final et Gilbert a entièrement raison de signaler le double aspect de ce programme en écrivant :
« …le CNR ne posait pas dans ses principes et ses orientations la sortie du capitalisme mais bien au contraire sa pérennisation par des réformes issues de rapports de force, pour le préserver de dispositions plus radicales dans les forces productives et leur contrôle démocratique par la population laborieuse… ».
Il s’agit effectivement d’un rapport dialectique, celui entre réforme et révolution, puisque l’une et l’autre se nient réciproquement. La réforme n’est pas l’antichambre de la révolution mais son antithèse, sa prévention et son évitement. A l’inverse la révolution nie toute forme de réformisme mais autorise toutes les réformes impossibles auparavant.

On lit dans le Manifeste :

« Parfois, les ouvriers triomphent ; mais c’est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l’union grandissante des travailleurs »
[…]
Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives
Cela ne pourra naturellement se faire, au début, que par une violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production, c’est-à-dire par des mesures qui, économiquement, paraissent insuffisantes et insoutenables, mais qui, au cours du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont indispensables comme moyen de bouleverser le mode de production tout entier. »

Une réforme ou un compromis ne peuvent pas constituer une quelconque transition au socialisme. C’est la prise du pouvoir, de la suprématie politique, qui constitue la seule transition possible au socialisme et qui ouvre la possibilité d’arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, etc.

Entrons un peu dans le détail :

Hier et ni aujourd’hui, le programme du CNR ne constituait pas l’alpha et l’oméga du programme communiste mais visait à protéger les salariés soumis à la domination capitaliste :
« La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère.  » [exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945]

Je passe rapidement sur le démantèlement accentué depuis les années 60, et qui nous rappelle encore une fois qu’un compromis est toujours remis en cause lorsque la bourgeoisie tient le manche, c’est-à-dire exerce sa dictature de classe. Les remboursements des soins médicaux ont été réduits systématiquement (remboursements dentaires et optiques), ticket modérateur, forfait hospitalier, définition de « médicaments de confort », participation forfaitaire, franchise, obligeant les assurés à s’inscrire à une mutuelle sous prétexte de « responsabiliser le patient » mais aboutissant à une médecine de classe dite « à deux vitesses ». Les Administrateurs ne sont plus élus mais désignés. Le patronat s’est de plus en plus dispensé de payer les cotisations…

Mais dès sa mise en œuvre des intérêts corporatistes s’y sont opposés. Le 14 Mars 1947 la loi Morice concède aux mutuelles une partie de la protection sociale et va à l’encontre du principe de protection sociale universelle voulu par le CNR et Ambroise Croizat.

Un autre fait illustre le caractère historiquement déterminé et spécifique de ce compromis. Au lendemain de la guerre, et dans les conditions de la reconstruction, la protection contre le chômage ne figurait évidemment pas dans le programme du CNR. Le régime d’assurance chômage à l’initiative de De Gaulle, signé le 31 décembre 1958 par le CNPF, FO, CGC et CFTC et contre la volonté de la CGT, est établi en dehors de la Sécurité Sociale. Sa finalité n’est pas de protéger les salariés contre le risque du chômage mais de les contraindre à retrouver un emploi à tout prix et par conséquent de baisser les salaires.

Il apparaît ainsi que notre objectif n’est pas de reproduire un compromis déterminé par des causes historiques fort différentes de ce que nous vivons.
Egalement cette expérience montre que les compromis les plus avantageux sont tôt ou tard réduits à néant sous la dictature du capital.
Nous nous battons pour préserver ces acquis autant que faire se peut, mais notre objectif n’est pas de remplir jusqu’à la fin des temps le tonneau percé des Danaïdes ou de remonter ad vitam æternam le rocher de Sisyphe pour le voir ensuite rouler au bas de la pente, notre objectif c’est le renversement du capitalisme.

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