Revue Unir les communistes nr 11 spécial 38ème congrès
L’enjeu d’un vrai bilan critique : réformisme ou communisme ?

, par  Pascal Brula , popularité : 2%

L’affaiblissement considérable du PCF, qui s’est traduit en 2017 dans les urnes mais aussi dans les luttes et qui pourrait amener à d’autres déconvenues dans les mois à venir, devrait, dans une organisation dirigée démocratiquement, déboucher sur un congrès vraiment extraordinaire, c’est-à-dire un congrès qui pose les bonnes questions, toutes les questions, pour pouvoir aller de l’avant. Et la question de base, c’est celle du bilan stratégique, du bilan critique de la théorie et de l’activité du PCF qui ont amené à cette situation. Or la direction met tous les moyens en œuvre pour ne pas avoir à faire de bilan, et pour cause, sa responsabilité est engagée. Il est donc clair que si son texte l’emporte, il n’y aura pas de bilan, aussi restreint soit-il, et la situation continuera inexorablement dans l’effacement derrière les forces réformistes, sociale-démocrates, vers la disparition du PCF.

Une bataille pour un vrai bilan critique

Fin 2017, à la manière d’une direction d’entreprise, la direction du PCF impose un questionnaire aux adhérents, une sorte de sondage dirigé. Outre le fait que cette méthode pour le moins inappropriée pose d’autres questions quant à la démocratie interne et au fonctionnement d’un parti communiste, la question du bilan n’est surtout pas posée ; mais, en marge, dans les maigres espaces libres des documents, les adhérents, tout du moins ceux qui ont répondu, demandent majoritairement à ce qu’un vrai bilan stratégique soit discuté lors du prochain congrès. En effet, quoi de plus naturel que de vouloir analyser notre passé pour savoir ce qui a amené le PCF aussi bas, et pour demain, en tenir compte pour mieux rebondir ? Pourtant, la reconnaissance qu’un congrès extraordinaire puisse se pencher sur ses décisions et actes passés, ne débouchera pas dans la "base commune" proposée par la direction et votée par seulement 25% des membres du Conseil national. Maigre consolation, est mis en place un espace de débat dans le site du congrès, bien peu interactif et peu utile pour les débats militants dans nos organisations. Dans l’esprit, la direction du parti nous fait passer le message que l’on peut toujours échanger sur Internet, mais que cela n’entraînera aucunement que le congrès en débatte : c’est la démocratie du "cause toujours". Il est donc clair que la première des batailles doit être la réalisation sans concession d’un véritable bilan critique de l’action et de la stratégie du PCF.

Le bilan, sur quelle période et sur quels thèmes ?

Certains camarades, en majorité des plus anciens, insistent pour que l’on revienne sur ce qui est à l’origine de nos déconvenues, à savoir la signature du programme commun en 1972, la candidature unique de Mitterrand en 1974, l’abandon progressif de notre analyse du rôle de l’état et celui du marxisme-léninisme en 1979, etc… toutes ces décisions dont on vit encore les conséquences. On ne peut qu’être d’accord avec eux, mais dans ce contexte peu favorable, où la direction mène le combat contre un véritable bilan, concentrons-nous sur une période plus récente, symbolique des renoncements du PCF et encore bien dans les têtes pour la plupart des adhérents, afin de se donner un maximum d’efficacité.

L’arrivée de R.Hue à la direction du parti, même si elle date déjà du 28ème congrès en 1994, est le meilleur point de départ d’un examen critique de l’activité et de la stratégie du PCF. En effet, c’est en 1996 au 29ème congrès que l’objectif du socialisme est rejeté parce que soi-disant trop antidémocratique et étatique, et parce qu’il suffirait de pousser un peu le « communisme déjà-là » pour « dépasser le capitalisme ». Sous l’influence de R.Hue et des "refondateurs", la stratégie du PCF opère un virage à 180° : c’est la mutation. On ne peut pas se passer du bilan de cette période, car c’est de celle-là que découlent toutes les dérives qui suivront, et notamment la mise à l’étrier de Mélenchon par M.G. Buffet dont elle avait fait connaissance dans les couloirs des ministères.

Rappel des faits

Livrons-nous à un petit exercice de retour sur le passé... électoral qui est un peu le reflet de la validité de la politique du parti. En 1995, R.Hue, fraichement élu secrétaire du PCF, est présenté aux présidentielles : son score, forcément non lié à son bilan, montre une progression (8,6%) ; et aux législatives de 1997, le PCF réalise 10% des voix. En 2002, soit 7 ans plus tard, R.Hue chute à 3,4% des voix et le PCF ne fait plus que 4,8% aux législatives. Le secrétaire national d’alors présente ce bilan inégalé d’avoir fait chuter de plus de la moitié le score électoral du PCF. Mais que s’est-il donc passé entre temps ? Que l’on ne nous dise pas pour la énième fois que c’était de la faute à un déclin inéluctable ou encore la faute de l’URSS (sa dissolution datant de 1991). Alors quoi ?

Peu de temps après sa prise de pouvoir, R.Hue s’accorde en 1997 avec le PS sur un texte minimaliste pour participer au gouvernement. Cela commence mal, car si en 1981 avec 15% du corps électoral et un programme détaillé, nous n’avions pas obtenu grand-chose, il semblait difficile d’obtenir plus et mieux dans un rapport de force beaucoup plus faible. On apprendra bien plus tard que le PS avait exigé que le PCF taise son opposition à l’Union européenne. R.Hue ira plus loin en faisant adhérer le PCF au PGE et en créant une liste "Bouge l’Europe" en 1999 : il aura réussi à transformer de fond en comble la politique européenne du PCF sans débat. Depuis, rien n’a été modifié ; pire, le PCF s’est enfoncé dans une soumission malsaine à l’U.E. et à l’euro, le faisant côtoyer les pires partis réformistes à l’image de Syrisa, tout en l’éloignant petit à petit de la plupart des partis communistes européens qui, aujourd’hui, ont tous quitté le PGE. La "mutation" s’est avérée n’être qu’une vulgaire tentative de transformation du PCF en un parti réformiste, en détruisant les cellules et son implantation au plus près des travailleurs dans les entreprises, et en poussant à en faire un parti d’élus essentiellement tourné vers les institutions bourgeoises.

Avec la participation au gouvernement Jospin, le PS aura réussi à faire avaler de sacrées couleuvres au PCF et à l’éloigner de nombreux soutiens dans les milieux populaires. C’est ce gouvernement qui va le plus privatiser, avec entre autres les dernières banques encore nationales ainsi qu’un des fleurons de l’industrie française, l’aéronautique, sous la signature d’un certain JC.Gayssot. N’oublions pas la poursuite de la casse des services publics avec, actualité oblige, le processus de démantèlement de la SNCF par ce ministre issu des cheminots. Pour un parti communiste, il était difficile de faire pire : dans la culture communiste, cela s’appelle participer à un gouvernement de collaboration de classe… On peut dire que la période R.Hue a fait toucher le fond au PCF, expliquant la perte de plus de la moitié de son score électoral. Rendons hommage toutefois aux députés communistes qui se sont levés contre cette politique désastreuse du gouvernement Jospin : G.Hage, doyen de l’Assemblée, M.Gremetz, dernier ouvrier de l’Assemblée, A.Gerin, Patrice Carvalho…

Pour un bilan complet

Comment peut-on penser que toute cette période n’a pas eu d’influence sur ce que l’on vit aujourd’hui au sein du PCF ? Pourquoi n’y a-t-il jamais eu d’analyse de cette période ? Ces évènements ne sont-ils pas à l’origine de toute la politique qui a suivi ? MG.Buffet n’était-elle pas ministre de ce gouvernement Jospin ? aux côtés d’un certain JL.Mélenchon ? Lorsqu’elle a pris la tête du PCF, n’a-t-elle pas déclaré qu’elle poursuivrait la mutation ? que Marx ne faisait pas partie du projet politique du PCF ? Par la suite, il y aura les comités antilibéraux, la "métamorphose" avortée de 2007, la tentative de dilution dans le Front de gauche, la casse de la fédération de la Somme et l’éjection violente de M.Gremetz, l’effacement derrière Mélenchon… sans parler de la période P.Laurent et de sa tendance lourde à se cacher derrière le PS ou ce qu’il en reste.

Faire un vrai bilan, c’est oser la critique de la mutation qui n’a jamais été remise en cause. C’est oser remettre à plat les positions du PCF à propos de l’U.E. et de l’euro, et les soumettre au débat. C’est oser analyser le capitalisme avec les outils que nous a mitonné le marxisme. C’est oser remettre en selle une véritable politique internationale anti-impérialiste et renouer avec les autres partis communistes. C’est oser remettre en cause l’organisation actuelle du parti pour redonner la priorité aux cellules d’entreprises. C’est oser inverser l’histoire de la transformation d’un parti révolutionnaire en un parti réformiste…

Pascal Brula
Septembre 2018

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