38ème congrès du parti communiste français
Ne plus parler d’écologie mais d’environnement

, par  Serge Vidal , popularité : 2%

Il faut que le parti arrête de parler d’écologie et parle d’environnement

Le terme écologie a envahi le discours politique. À gauche le NPA et le PS l’ont rehaussé au même niveau que le social dans leurs finalités, Génération-s, E ! et LFI se sont créés sur la base de l’écosocialisme, certains parlent d’écologie sociale. En difficulté, le parti suit le mouvement. Je pense que c’est une orientation négative et qu’il ne s’agit pas que d’une question de vocabulaire.

La finalité du parti est de rendre crédible un projet de progrès social en faisant en sorte qu’il soit cohérent et lisible ainsi que le chemin pour y parvenir. Il doit élever le niveau des consciences.

La qualité de l’environnement fait partie d’un projet humaniste mais pas l’écologie. Notre priorité c’est la justice sociale et le bien vivre ensemble qui passe par le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs, et par l’avancée des connaissances et des technologies, par l’amélioration de l’environnement mais avec la même importance que la recherche de la paix, la solidarité, l’émancipation, la lutte contre les discriminations, contre la malnutrition. Si on peut dire que l’environnement est partie intégrante des enjeux de classes, cela a ne veut plus rien dire quand on parle d’écologie.

Je rappelle, tout d’abord, que l’écologie est une science naturelle dont le nom a été préempté par les partis écologistes. Les scientifiques ont dû se renommer écologues pour se démarquer de l’écologie politique. Une science qui étudie les interactions entre les êtres vivants et avec leurs milieux, sans mettre de hiérarchie entre eux. Ce n’est pas, par essence, un humanisme qui lui place politiquement et philosophiquement l’être humain au-dessus du règne animal et végétal.

De plus, parler écologie en politique renvoie inévitablement aux partis écologistes.

Aujourd’hui le parti cherche un espace dans le bouleversement politique actuel, il porte le handicap de l’échec des pays socialistes mais aussi des difficultés des expériences socialistes récentes (Grèce, Amérique latine) et de ses ambiguïtés ou difficultés tactiques dans la gauche française. Il a, par contre, pour lui d’avoir porté un modèle cohérent de transformation de la société. Ce modèle doit être revisité à la lumière de l’histoire mais il ne faut pas perdre l’objectif de cohérence et de faisabilité de la transformation.

À mon avis, les expériences récentes nous enseignent que le manque d’anticipation des difficultés à venir et la poursuite d’objectifs non-hiérarchisés plombent les processus de transformation. Et en retour ces échecs plombent l’espoir et les mobilisations transformatrices.

Le parti peut être et apparaître comme le parti sérieux pour la transformation sociale au moment où la crédibilité d’un possible changement positif est au plus bas et se démarquer des forces de gauche qui surfent sur l’affectif. C’est à minima nécessaire pour que les attitudes bienveillantes se transforment en engagements militants durables au sein du parti. Il ne suffit pas d’être bons contre, la casse et les pillages capitalistes, ou sur des sujets sectoriels, il faut un projet global cohérent. Pour cela, il faut aussi en finir avec les méthodes spontanéistes et factices, appelées coconstruction et organiser l’approfondissement et les confrontations fructueuses.

Il est légitime de s’interroger et de confronter les données sur les conséquences du changement climatique (il ne va pas faire disparaître l’Humanité mais dégrader les conditions d’existence des plus pauvres dans le cadre capitaliste), la biodiversité n’est pas un totem religieux différentiable, les ressources naturelles ne sont pas majoritairement au bord de leur épuisement, ni l’eau sur la terre… Établir un raisonnement à partir de données erronées est une impasse. La barbarie existe aujourd’hui à bien des endroits de la planète à cause des difficultés d’accès à certaines matières premières mais il n’y a pas d’effet falaise global.

Le parti a besoin d’alliances et l’écologie est dans les programmes affichés de nos partenaires potentiels. Face à la puissance du capitalisme, certaines personnes, en quête de sens, se sont engagées dans des combats qu’ils jugent écologiques sans en voir les contradictions. Certains en font leur combat primordial, jusqu’à privilégier l’animal ou le végétal ou en se complaisants dans un catastrophisme irréel, d’autres se laissent porter par l’effet de mode. Tout d’abord, on sait que dans une alliance si les parties ne sont pas bien identifiées, l’une marginalise l’autre (« on préfère l’original à la copie »). Nous pouvons rester, dans les alliances, le parti communiste, progressiste, environnementaliste, pacifiste, internationaliste… Les alliances nécessaires ne nécessitent pas de gommer les différences entre parties. Ensuite, il ne s’agit pas de nier les vrais problèmes environnementaux ou sanitaires mais de les traiter sérieusement en tenant compte de leur importance relative. La base environnementaliste peut être commune.

L’écologie politique ne hiérarchise pas les problèmes environnementaux ou sanitaires, gomme les ordres de grandeur, ce qui entraîne une dilution des vrais problèmes. Surfant sur les égoïsmes locaux, sur les peurs irrationnelles amplifiées par les médias, sur la faiblesse de la culture scientifique, elle met en avant des sujets environnementaux secondaires, parfois infimes, qui entrent en contradiction avec la justice sociale. Les intérêts particuliers passent souvent avant l’intérêt général. Ce n’est pas notre projet. Il ne faut donc pas alimenter l’écologie politique.

La politique énergétique est très illustrative de la superficialité et des contresens des affirmations dites « écologiques ». Tout d’abord, l’électricité est un bien de première nécessité et l’électricité est à la base du développement. Leurs accès sont déterminants pour la justice sociale et la réponse aux aspirations populaires. Ce n’est pas un hasard si Lénine décalait en 1919 « Le communisme, c’est les soviets plus l’électricité ». Jusqu’à un certain point, l’espérance de vie moyenne et la consommation énergétique sont corrélées.

Pour permettre la réduction des inégalités et la réindustrialisation du pays, il est nécessaire d’avoir une politique énergétique en phase avec ses objectifs, politique qui intègre la réduction des gaz à effet de serre et la lutte contre les profits excessifs. L’équation n’est pas facile à résoudre mais c’est un sujet politique qu’il ne s’agit pas d’escamoter.

Malheureusement, le parti ne combat pas le scénario énergétique néo-malthusien, négaWatt©, qui prévoit une baisse draconienne de la consommation électrique sans réduction des inégalités, ni relocalisation industrielle, sans sécurité d’approvisionnement mais surtout au prix d’une société coercitive avec, entre autres, police de la température dans les logements et les bureaux, police des déplacements, police des déchets, les enfants qui dénoncent leur parent, etc. mesures inévitables pour que ses hypothèses comportementales soient respectées. Rien à voir avec le discours enchanteur de l’association qui le porte. Il utilise le terme « sobriété », qui sonne raisonnable, mais qui pour eux à une valeur antisociale d’austérité.

Certains dirigeants du parti, reprennent à leur compte la baisse de l’électronucléaire, en valeur absolue, indépendamment de l’existence d’alternatives disponibles et de notre projet de progrès social (même négawatt© reconnait que cette baisse ne serait possible qu’avec une baisse drastique de la consommation).

Le parti ne porte pas la baisse de la TVA sur l’électricité pourtant produit de première nécessité et décarbonée en France.

L’expression « transition énergétique » est abondement utilisée alors qu’elle recouvre des sens très différents, voire opposés, dans le débat public, processus industriel de décarbonation de la production d’énergie sans sacrifier son accessibilité ou sortie idéologique du nucléaire, sans parler de la confusion dans les esprits avec l’expression « transition écologique », que certains ont tout fait pour substituer à l’expression « développement durable ». Développement durable que nous voulons humain et socialement juste. Je milite contre la culpabilisation des individus et pour l’élaboration d’alternatives vertueuses. Le développement durable induit le combat politique pour le dépassement du capitalisme, la transition écologique repose sur une mutation technologique et comportementale. Le parti ne doit pas faire comme si ces ambiguïtés n’existaient pas.

Lors des dernières élections législatives des candidats communistes ont porté le projet d’un million d’emplois pour la transition écologique alors qu’aucune étude sérieuse ne vient étayer ce chiffre. Le parti a même sortie un tract de surenchère en utilisant le terme vide de sens « révolution écologique ». Pourquoi pas 2 millions ou 6 sachant qu’il manque 6 millions d’emploi en France pour aller vers le zéro chômeurs (pour rappel, on crée actuellement 500.000 emplois par an en France et le million n’était pas cadencé) ? Alors que la question des emplois utiles et de qualité est primordiale, ce manque de sérieux a été ressenti. Il y a pourtant matière à être concrets et parlants : développement des services publics qui sont dégradés au quotidien et plus en capacité de répondre aux besoins, investissements dans l’existant (l’état du réseau SNCF par exemple est désastreux) et développement des infrastructures, redonner de la marge dans les entreprises et les services vampirisées par le lean management et les taux de rentabilité annuels à deux chiffres, réduction du temps et des charges de travail, augmentation des salaires. Il faut poser concrètement la question de la reconquête de la souveraineté dans le domaine des matériels ferroviaires, pour la navale, pour l’hydraulique, de la relocalisation industrielle, etc.

Tout cela dans le détail. Le travail pour construire un nouveau mode développement, de production et de consommation, qui doit se faire dans une perspective humaniste, n’est aujourd’hui pas vraiment engagé. Des assises sur ce sujet seraient surement des plus utiles.

La lutte pour la réduction des émissions, nationales et importées, de gaz à effet de serre (GES) est un enjeu important mais il est, à la fois, possible d’y faire face et il ne doit pas effacer les autres enjeux. Un plan ambitieux de développement des transports ferrés, navals et en cabotage maritime peut permettre de répondre aux objectifs assignés de façon largement plus efficace en terme d’émission que les mesures relatives aux bâtiments pour le même cout.

La question du cout ne doit pas être éludée. On ne pourra pas financer l’isolation profonde de tous les logements sans sacrifier la justice sociale. Si l’isolation des logements de personnes pauvres répond au double objectif, social et environnemental, ce n’est pas le cas du financement de l’isolation pour tout le monde, sachant que de ce point de vue, on a fait le plus facile et que l’étape à venir passe par des obligations à charge des particuliers, le doublement du prix des énergies, voire l’interdiction des maisons individuelles prévue par négaWatt©.

Peut-être à cause du conflit d’objectifs en termes de coûts, entre construction et isolation immobilière, le parti ne revendique la construction que de 200 000 logements sociaux par an alors que la CNL en revendique 350 000. Je préfère que l’on finance 150 000 logements sociaux de plus, plutôt que la rénovation poussée des maisons actuelles, ce qui ne serait pas le plus efficace en termes de GES (rappel : bâtiment : 40 % énergie, 20 % GES, transport : 30 % énergie, 30 % GES). Si la baisse diffuse dans les bâtiments est théoriquement plus forte en termes de baisse d’énergie, ce qui n’est pas une priorité en soi, elle ne le serait pas en baisse d’énergie décarbonée.

En 2012, le programme « l’Humain d’abord » avait débouché sur des dispositions de compromis :
- un « référendum sur le nucléaire » mais assorti d’une période de débats et d’explications de plusieurs années, certains avaient alors imaginé un référendum à deux tours sur cette question, compte tenu de ses implication. À l’époque, nous n’envisagions pas de gagner.
- La « planification écologique » qu’il conviendrait de rebaptiser aujourd’hui « planification sociale et environnementale », d’autant plus que JLM l’a transformé en « règle verte », comme si prendre des pierres dans une rivière pour construire une maison, ce que l’on fait depuis des siècles, posait problème ou comme si nous arrivions aux limites de la planète.

De plus, l’histoire et le rôle actuel des groupes d’influence et de la communication manipulatrice, montrent qu’il ne suffit pas de proclamer planification et démocratie formelle pour viser l’intérêt général. Attention aux slogans qui évitent de se poser la question de la mise en place d’une démocratie concrète qui permette de répondre aux aspirations sur le court, le moyen et le long termes.

Depuis le néolithique les humains puisent dans la planète et il y a de la marge. Il y a de la place pour que tous les peuples du monde se développent, sans devoir imposer des dictatures malthusiennes anti-développement à ceux du tiers monde pour les bloquer voire pire.

Cordialement

Serge Vidal
Syndicaliste
Section de Dreux - Fédération de l’Eure-et-loir

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