Contribution au débat préparatoire du Congrès extraordinaire du PCF
Fermeté idéologique et ouverture au mouvement populaire tel qu’il est : rebâtir un Parti Communiste tribun du peuple

, par  Rebatir le PCF , popularité : 1%

L’année 2017 marque pour le PCF une nouvelle étape dans le processus de recul de son influence sur les masses et de son attractivité organisationnelle, eux-mêmes conséquences d’un profond recul sur le plan idéologique et, subséquemment, dans l’analyse stratégique et tactique. C’est à cela qu’il nous faut remédier avec patience, méthode et sans idéalisme, en restant lucide sur l’état du Parti aujourd’hui et sur les difficultés objectives de la situation politique dans laquelle nous sommes placés. C’est à cela que veut contribuer ce texte de réflexion.

Le PCF d’hier à aujourd’hui ou la victoire de l’opportunisme

La déshérence idéologique du Parti l’a conduit à abandonner petit à petit aux cours de ces dernières décennies les éléments fondamentaux de la théorie révolutionnaire des communistes – le marxisme-léninisme, guide pour l’action – qui avait permis au PCF de devenir au cours du XXème siècle le premier parti ouvrier de France, en capacité de diriger, dans l’objectif de la prise du pouvoir, un front social large avec la classe ouvrière au centre.

Pendant 50 ans, des années 1930 aux années 1980, le PCF et ses premiers dirigeants (Maurice Thorez, Jacques Duclos, Waldeck Rochet, Georges Marchais) ont su être de véritables tribuns du peuple, défenseurs des intérêts immédiats des différentes couches du monde du travail, mais aussi faisant progresser son organisation et sa conscientisation dans l’objectif de la réalisation de ses intérêts historiques, à savoir la rupture révolutionnaire avec le système capitaliste.

Malheureusement, la fétichisation des succès tactiques (le Front Populaire notamment) a conduit à vouloir transformer en stratégie hors contexte une ligne conjoncturelle antifasciste : c’est ainsi qu’est né dès 1956 à l’occasion de l’anniversaire des 20 ans du Front Populaire le projet « d’union de la gauche », qui aboutira en 1972, après le congrès d’Epinay du PS qui marquait une volonté de la social-démocratie de se tourner vers le PCF.

Le « programme pour un gouvernement d’union populaire » était la théorisation opportuniste par le Parti de la nécessité de l’alliance stratégique avec le PS, considéré alors comme le « parti des classes moyennes », abandonnant ainsi ces « nouvelles couches salariées » au PS… avant d’ailleurs de vouloir finalement contester l’hégémonie du PS en s’alignant sur ce dernier et au détriment de la classe ouvrière. L’alliance STRATEGIQUE avec le PS pour la « conquête du pouvoir », c’était reconnaître que le Parti ne pouvait plus être le « tribun du peuple », à savoir le porte-parole de TOUTES les couches opprimées de la société, mais qu’il était un parti comme les autres réduit à des combinaisons gouvernementales dans lesquelles – le rapport de force étant ce qu’il est sous la société capitaliste – il ne pouvait qu’être à la remorque de la social-démocratie.

Le déclin du Parti, dont son déclin électoral, date de cette période. De premier parti de la gauche au début des années 70, il est relégué à la seconde place en 1981 avec la victoire de François Mitterrand et réduit quasi à néant lors de l’élection présidentielle de 2007.

Cet opportunisme stratégique était la voie française de ce qui s’appellera « l’eurocommunisme », à savoir la volonté d’un certain nombre de partis communistes européens, dont en premier lieu le parti italien, de trouver une voie différente de celle prise par l’URSS en 1917, non seulement sur la forme (qui est toujours liée au contexte donné) mais plus fondamentalement sur le fond : à savoir la croyance qu’il pourrait y avoir désormais une « révolution » par les urnes, simplement en gagnant la majorité parlementaire avec des alliés ; la croyance que la bourgeoisie concèdera volontairement la socialisation des moyens de productions, c’est-à-dire la confiscation de ses biens.

Cette stratégie axée sur la conquête électorale a conduit le Parti à donner une place démesurée à ses élus, ce qui a contribué à accroître progressivement sa dépendance au système bourgeois (y compris financièrement, les cotisations des adhérents n’étant qu’une infime partie). Sans parler de la dérive de certains élus séduits par la respectabilité ou flattés par la fréquentation des ors de la république. Et lors des élections législatives de 1993, les élus communistes ont même décidé de leur autonomie de vote par rapport au Parti, rompant avec l’un des points fondateurs du PCF en 1920 au Congrès de Tours et qui en avait fait un parti différent des autres. En 1994, c’est le président de l’Association des Élus Communistes – Robert Hue – qui devient secrétaire général ; tout un symbole : les élus sont au poste de commande.

Cette stratégie décrédibilise le parti. Pour préserver des sièges, le parti a assoupli sa ligne pour nouer plus facilement des alliances. Pour sauver les élus, le PCF peut se priver de critiquer sévèrement certains appareils avec lesquels il a l’habitude de travailler (ex : le PS) ou encore appeler la population à faire des choix inadmissibles pour obtenir un geste en retour. Le dernier quinquennat du PS a fait considérablement souffrir le peuple et tous les élus PS sont responsables de cela. Benoît Hamon a, par exemple, été ministre au début du quinquennat durant une réforme des retraites, l’ANI, le CICE. Quand il a quitté le gouvernement, ce prétendu « frondeur » n’a jamais voté la censure contre la loi El Khomri. Pour autant, le PCF ne s’est pas gêné pour appeler Jean-Luc Mélenchon à discuter et à se rassembler avec lui à la Présidentielle... Il en est de même pour Najat Vallaud Belkacem qui a soutenu Manuel Valls à la primaire du PS et que le PCF a soutenu au second tour des législatives contre un candidat En Marche. Tous ces choix opportunistes du PCF le fait passer comme un parti comme les autres, contribue à l’effacer et à le décrédibiliser aux yeux des électeurs. Pire encore, cela crée un vide politique, empêche une réelle critique radicale du capitalisme de s’imposer et d’organiser les masses. Cela laisse donc un espace politique disponible à d’autres organisations. Espace aujourd’hui récupéré et occupé par la France Insoumise, mouvement qui a le même objectif réformiste que le PCF (la « révolution citoyenne » de Mélenchon ne diffère guère, sur le fond, de notre « processus de transformation sociale fondé sur les luttes, les batailles d’idées et les conquêtes de pouvoirs » selon la formule votée au 37ème congrès), mais qui a su s’imposer en se démarquant stratégiquement des Partis gestionnaires du système comme le PS.

Les conditions objectives dans lesquelles nous luttons : contre-révolution et affaiblissement du Parti

Sur le plan international, la défaite du camp socialiste – et notamment de l’URSS – au tournant des années 80/90 et la virulente campagne idéologique anticommuniste qui l’a accompagné, a placé le mouvement ouvrier révolutionnaire sur la défensive partout dans le monde. Ce choc de la contre-révolution a ouvert une nouvelle période historique, refermant temporairement la période de l’ère des Révolutions ouverte en 1917. Désormais, dans cette ère contre-révolutionnaire qui a donné un coup d’accélérateur au détricotage ultralibéral de tous les conquis sociaux du siècle, il s’agit d’abord pour le mouvement ouvrier et populaire de résister et de reposer les jalons politiques et idéologiques qui permettront ultérieurement d’envisager à nouveau la perspective communiste qui s’est éloignée.

Ce contexte mondial contre-révolutionnaire est à prendre en compte pour mesurer à sa juste valeur toutes les manifestations de résistance à ce « nouvel ordre mondial » et de reprises partielles de la lutte pour le camp progressiste, sous des formes très diverses : grand mouvement social d’octobre-novembre 1995 en France, manifestations « altermondialistes » à Seattle en 1999 au sommet de l’OMC et à Gênes en 2001 au sommet du G8, nouveau cours progressiste en Amérique latine avec la révolution bolivarienne à partir de 1998 au Venezuela, mais aussi en Bolivie (Morales depuis 2006), en Equateur (Correa), Uruguay et même Brésil (Lula da Silva), mouvement social de 2003 en France puis victoire du Non au référendum contre le Traité Constitutionnel Européen en 2005, tentatives dans la foulée de bâtir un « front antilibéral » large... qui aboutira à la constitution du Front de Gauche en 2008/2009 puis aux 11% de Mélenchon en 2012, enfin aux 19,6% de 2017.

Dans le même temps, le PCF comme force militante organisée, mais aussi dans sa capacité d’influence, s’est considérablement affaibli, et cela constitue une donnée objective à prendre en compte.

En 1978, le Parti avait encore 565.000 adhérents (cartes distribuées), à ce moment précis de bascule politique où, pour la première fois sous la 5ème République, les socialistes ont un résultat électoral supérieur à celui des communistes (et vont donc prendre l’ascendant). Lors de la participation au gouvernement de 1981-1984, le Parti perd un quart de ses adhérents ! Il en perd plus de 41% lors de la période de la « gauche plurielle » en 1997-2002 ! Par la suite, malgré un bref léger regain, l’affaiblissement est constant. En 2016, pour le congrès, seuls 52.874 militants ont encore leurs cartes. Même les bastions historiques du Parti Communiste sont touchés par cette érosion puisqu’entre 2006 et 2016, les fédérations du Val de Marne et de Seine-Saint-Denis perdent par exemple 75% de leurs adhérents. Nationalement, en 10 ans, le Parti Communiste perd plus de 60 % de ses adhérents. Depuis le Programme commun de 1972, le Parti Communiste a perdu 83% de ses adhérents.

Alors qu’en 1968, le parti représentait un peu plus de 6 militants pour mille habitants, en 2016, il ne représente plus que 0,82 pour mille de la population. C’est-à-dire qu’il faut compter un militant communiste pour 1220 habitants aujourd’hui quand il y en avait un pour 150 habitants en 1936.

Ceci se reflète aussi dans l’influence électorale. Nous sommes passés de 28,6% en novembre 1946 à 2,7% en juin 2017, plus faible score de notre histoire (plus bas que les 4,3% de juin 2007 considérés alors comme notre pire score). Ce score de 2,7% cache, de plus, un terrible affaiblissement confinant à la marginalisation dans de très nombreuses zones du pays. 85% de nos candidats ont fait moins des 5%. Seuls 26 candidats ont fait plus de 10% mais ce qui représente 27,4% de toutes les voix du PCF montrant que nous nous réduisons sur des « bastions ». Lesquels bastions d’ailleurs sont très localisés, en fonction d’une influence communale forte (parfois liée à des personnalités), ce qui en fait certes une force localement, mais montre une faiblesse d’un parti qui n’est plus perçu comme parti national d’opposition capable de rayonner en dehors de ses bastions. Par exemple, à Grenay, mairie communiste du Pas-de-Calais, le candidat-maire obtient 38,4% dans sa commune aux législatives, mais seulement 3,5% dans la commune voisine de Bully-les-Mines, et moins encore dans la grande ville voisine de Liévin. Le même constat peut être fait dans bien d’autres endroits.

La concentration militante autour des « bastions » dresse aussi le portrait d’un parti qui est de moins en moins en capacité de rayonner sur tout le territoire comme une force vive. Ainsi, près de 20% des adhérents de la Fédération du Nord du PCF se trouvent concentrés dans la 16ème circonscription du Nord, qui ne représente que 4,5% de la population du Nord. De nombreux territoires peuplés se trouvent ainsi vidés ou avec des sections devenues incapables d’animer une véritable vie du Parti. Sans parler des cellules, qui ont disparues du paysage.

Parti et Front : réapprenons à marcher sur nos deux jambes !

Il y a urgence à reconstruire un véritable parti communiste. Il y a urgence à renouer avec l’esprit de ce que fut le parti léniniste fondé à Tours en 1920, parti de « type nouveau » en ce qu’il rompait avec toutes les habitudes et les pratiques des partis traditionnels, y compris des partis ouvriers sociaux-démocrates marqués par l’opportunisme et le parlementarisme. C’est un tel parti qui a su attirer à lui les meilleurs éléments du mouvement ouvrier organisé, fortement teinté alors par l’anarchisme, et qui a fait du PC un parti d’avant-garde lié aux éléments les plus conscients des travailleurs, avec un véritable rôle moteur qui s’exprimera magistralement dès le Front populaire.

La fermeté idéologique du parti, son esprit d’organisation et d’engagement de ses militants formés, la lutte permanente contre l’opportunisme, c’est cela qu’il nous faut retrouver.

Cela nécessite aussi une analyse lucide du contexte de la lutte de classe aujourd’hui : les communistes ne se paient pas de mots, savent analyser un rapport de force, dans l’objectif de surmonter nos faiblesses pour aller de l’avant. Car si notre objectif stratégique ne change pas (le renversement de la classe capitaliste et la construction d’une société socialiste-communiste), ce qui nécessite un Parti état-major de la révolution en capacité de diriger la classe ouvrière et les autres couches travailleuses de la société, il y a bien différentes manières, bien différentes étapes, liées au contexte, pour arriver à être en position de diriger le processus révolutionnaire. Et dans cet objectif, il y a parfois la nécessité de bâtir des fronts intermédiaires comme étape dans le processus révolutionnaire. Le Front Populaire – front antifasciste – en fut un, le front de la résistance à l’occupant en fut un autre. Bien entendu, les communistes devant garder en tête à chaque fois qu’il s’agit de front intermédiaire avec des alliés, et que ce n’est pas ce front qui, de lui-même, se transforme en force révolutionnaire œuvrant au renversement du pouvoir bourgeois. Le croire est une déviation de droite qui conduit à s’aligner sur les éléments droitiers du front.

De même aujourd’hui en 2017/2018, dans le contexte de la vague contre-révolutionnaire ultra-libérale et des contre-tendances antilibérales qui s’expriment, le Parti communiste doit bâtir une politique de front conjoncturelle avec les forces antilibérales dominantes qui s’expriment, c’est-à-dire aujourd’hui principalement la France Insoumise, au risque sinon de se couper des masses (danger du gauchisme). Sans croire toutefois que de ce front naîtra ipso facto la « révolution », ce qui constituerait une déviation de droite !

C’est autant dans les formations théoriques et dans l’amélioration du travail organisationnel que dans la bonne tenue de cette tactique de front que le Parti se reconstruira comme un parti révolutionnaire, et sera à nouveau en capacité de sortir de sa marginalité et de repartir à la conquête des masses. Hier comme aujourd’hui, réapprenons à marcher sur nos deux jambes !

La « France Insoumise » : émergence d’une résistance politique antilibérale de masse à prendre en compte pour un travail de front conjoncturel.

Face aux politiques libérales de détricotage systématique des conquis de nos parents et grands-parents (« il s’agit de défaire méthodiquement le programme du CNR » disait Denis Kessler vice-président du MEDEF en octobre 2007), les voies de la résistance sont multiples. Résistances d’abord souvent partielles, parcellaires, limitées mais points d’appui pour construire une conscience collective de la nécessité du changement de société, pour construire in fine une conscience communiste.

En 2005 en France, un mouvement a commencé à se structurer contre la principale force institutionnelle de la bourgeoisie en Europe : l’Union Européenne. Le peuple français refusait le Traité de Constitution Européenne et sa concurrence « libre et non faussée ». Certes, aux élections présidentielles suivantes en 2007, cette résistance unitaire antilibérale ne trouva pas d’expression commune, mais le mouvement était lancé. Et c’est dans ce contexte qu’est créé le Front de Gauche en 2009 par le Parti communiste et, principalement, le Parti de Gauche (scission antilibérale du PS). D’autres organisations se rallieront nationalement ou localement tandis qu’un certain nombre de citoyens n’appartenant pas ou n’appartenant plus à des organisations politiques se retrouvèrent dans ce mouvement. Cela donnait ainsi une traduction politique aux multitudes luttes sectorielles de résistance à la casse antilibérale (pensons par exemple, dans cette période, en octobre 2009, à la votation citoyenne pour la défense de La Poste).

Bien sûr, il ne s’agissait pas là de conscience claire sur le projet de société communiste à bâtir sur les ruines de la société capitaliste, mais simplement la construction d’un front de résistance contre les manifestations de cette politique de destruction de nos conquis et de marchandisation. Une première étape indispensable.

Un espoir renaissait dans la population avec l’idée que l’austérité n’est pas une fatalité et que tous peuvent avoir accès à des conditions de vie dignes dans notre pays. Un tribun se dégage alors comme porte-parole de ce front de résistance : Jean-Luc Mélenchon, et il en sera le candidat commun en 2012. Pour la première fois depuis 30 ans, soit depuis Georges Marchais en 1981, un candidat situé à gauche de la social-démocratie libérale atteignait un score à 2 chiffres (11%) et 4 millions de voix.

Ce front anti-libéral redonnait un espoir aux couches populaires pour une autre politique qui prenne enfin en compte l’être humain et non pas seulement les profits de quelques-uns. Au-delà du programme qui ouvrait une perspective rompant avec le libéralisme ambiant, un tribun se détachait pour porter avec force ces idées, faisant jeu égal médiatiquement avec les pseudos experts des médias et donc du capital. Un tribun qui savait rompre avec les organisations qui ont trahi comme le PS.

Jean-Luc Mélenchon a confirmé en 2017 avec 7 millions de voix et près de 20% des suffrages exprimés.

Ceci est la conséquence, peut-être, du contenu du programme de Jean Luc Mélenchon, mais surtout de sa stratégie adaptée à la situation politique. Contrairement au PCF malheureusement, il a très bien compris ce qu’incarnait le PS pour les masses et il n’a cessé de s’en démarquer et de justifier ses désaccords avec ce parti.

Ainsi l’affirmation de la candidature de Jean-Luc Mélenchon dès février 2016 a d’abord permis de décrédibiliser les primaires du PS (qui se voulaient « de toute la gauche ») en traçant une ligne de démarcation entre deux gauches irréconciliables. Pour ces raisons, JLM est apparu clairement comme un candidat de rupture, le candidat du changement. Notre parti n’a pas été aussi clair, en conséquence des stratégies opportunistes électorales précédemment citées : la direction du Parti tergiversait et donnait alors du crédit aux Primaires, laissant alors le champ libre à Mélenchon, puis ce fut la recherche sans arrêt de l’union avec Hamon après que le PCF se soit pourtant prononcé en faveur de JLM…

Dans cette période obscure de recul social et démocratique avec l’institutionnalisation de l’état d’urgence et la répression violente qui se multiplie, soutenir à nouveau la candidature de JL Mélenchon permettait d’affirmer l’unité du camp de la résistance, celle du front anti-libéral. Ce succès à l’élection présidentielle s’est confirmé lors de l’élection législative avec 28 députés du camp de la résistance contre 10 lors de la précédente mandature.

Ce front anti-libéral a attiré via le mouvement de la ‘France Insoumise’, non seulement des électeurs qui avaient déserté les urnes, voire plus marginalement votaient pour le FN, mais encore plus de citoyens novices ou dégoûtés par la politique qu’en 2012. Une action l’illustre : les « caravanes » dans les quartiers les plus populaires, où l’abstention est devenue la règle, pour capter l’aspiration profonde au « dégagisme » des secteurs populaires le plus éloignés de la conscience politique.

Le mouvement ‘France Insoumise’ a connu une réelle audience de masse mais a permis aussi de mettre en branle une nouvelle génération militante, quand bien même il reste inévitablement marqué par la prédominance des couches moyennes.

Notre Parti a vécu difficilement cette séquence électorale, présidentielle comme législative (même si, in fine, nous maintenons un nombre de 11 députés communistes).

La concurrence avec la France Insoumise pour les candidatures aux législatives, dont le PCF et la FI sont mutuellement responsables, a entraîné un climat exécrable entre militants qui, pourtant, ont besoin aujourd’hui, d’unité dans la lutte contre ce gouvernement libéral.

Pour nous, il ne sert à rien de réécrire l’histoire, et de chercher des responsabilités ailleurs qu’en notre sein. Bien sûr, la liste est longue des vexations subies. Mais ce n’est pas Mélenchon qui a marginalisé le PCF, c’est le PCF qui s’est lui-même marginalisé par deux décennies (au bas mot) de suivisme opportuniste du PS, nous emportant au final dans la vague « dégagiste » qui exprime une profonde aspiration au renouveau. C’est cela qu’il faut corriger.

Il est vain de passer son temps à critiquer tel ou tel geste ou parole de Mélenchon ou de la FI. Ceci est également contreproductif compte tenu des choix de notre organisation qui sont plus que discutables. Il y a aujourd’hui un rapport de forces objectif qui place la France Insoumise en première position des forces antilibérales. Il faut en tenir compte pour nous positionner et aller de l’avant.

Soutenir la candidature de Jean – Luc Mélenchon : une erreur ?

Pour beaucoup de camarades, les mauvais résultats du parti aux législatives sont dus au fait que nous nous sommes effacés à la Présidentielle derrière Jean-Luc Mélenchon. Toutefois, le PCF, en étant décrédibilisé par ses mains tendues au PS, à côté d’un Jean-Luc Mélenchon beaucoup plus clair et cohérent, n’aurait pas été plus visible et n’aurait pas obtenu de meilleurs scores. D’autant plus qu’il n’apparait pas comme voulant quelque chose de fondamentalement différent (« la France en commun » par rapport à « l’Avenir en commun », ce sont des différences pour spécialistes, pas pour le grand public). Par ailleurs, compte tenu de la menace ultra-libérale incarnée par Emmanuel Macron et de la menace fasciste incarnée par Marine Le Pen, nous avions besoin d’un rassemblement sur des bases claires (c’est-à-dire en dehors du PS, parti porteur de l’héritage de Hollande). La division n’aurait pas été pertinente.

D’autres camarades soulignent les limites de Jean-Luc Mélenchon qui ne propose que des réformes progressistes et non le renversement du capitalisme. S’il est vrai que son programme n’est pas notre projet sur le long terme, sur le court terme il est l’expression d’une étape de résistance aux politiques libérales et liberticides. Soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon, faute de l’existence d’un vrai parti communiste en capacité de jouer son rôle de tribun du peuple avec une audience de masse, permettait donc de contribuer à la conscientisation politique des masses et à la construction d’un rapport de force mobilisable pour mener de futures luttes. Ce n’était en rien une erreur.

Ce choix n’empêchait pas, ce choix n’empêche toujours pas de réfléchir à notre propre organisation et à sa reconstruction, à l’opposé justement de la dissolution dans le mouvementisme insoumis.

Le redressement révolutionnaire du Parti communiste ne s’oppose pas à l’unité d’action avec la FI

Notre Parti ne pourra pas se redévelopper comme parti communiste révolutionnaire sans rompre, non seulement avec l’opportunisme, mais aussi avec le sectarisme.

Rompre avec le sectarisme, c’est partir du constat que le Parti est aujourd’hui une composante seconde du mouvement ouvrier et populaire, du mouvement de résistance antilibérale, et qu’il doit regagner ses galons et la confiance des classes populaires s’il veut un jour redevenir la force dominante du mouvement ouvrier et populaire qu’il fût. Pour cela, le PC ne doit pas s’isoler du mouvement de masse mais travailler au coude à coude avec la FI notamment, malgré toutes les difficultés. On ne fuit pas devant une difficulté, on s’y confronte.

Nous devons dresser une seule ligne de résistance pour faire barrage à l’ennemi ! Le Parti ne doit pas chercher à bâtir son propre « front de résistance » centré autour de lui, en concurrence avec les autres dynamiques de résistance populaire à l’œuvre, mais participer, avec son identité, au front large de résistance même quand il est impulsé par la FI. C’est dans le combat commun que nous devons faire nos preuves, c’est dans le combat commun qu’éventuellement nous montrerons à terme notre capacité à reprendre le leadership. Il en a toujours été ainsi du travail communiste dans le mouvement syndical ; il doit en être de même sur le terrain plus directement politique, même si cela bouscule nos habitudes de travail, nous qui avons été habitués depuis des décennies à être la force principale de la contestation sociale sur le plan politique. Cela n’est pas simple, parce ce que justement la France Insoumise a tendance à ne pas vouloir travailler à l’unité d’action avec le PCF. L’unité est un combat !

Travailler à l’unité d’action, ne veut pas dire, bien sûr, de se refuser à être à l’initiative, notamment sur des sujets et thématiques non prises en charge par la France Insoumise. Nous devons continuer à développer nos propres actions ; tout en cherchant donc l’unité dès que c’est possible et nécessaire.

Unité n’est pas suivisme !

Rompre avec l’opportunisme et reforger un Parti communiste sur ses bases de classe (avec sa théorie révolutionnaire) est cependant la condition sine qua non pour ne pas sombrer dans le suivisme vis-à-vis de la FI. Dans l’unité d’action immédiate avec la FI et les masses mobilisées par la FI, les communistes doivent être ceux qui visent plus loin, qui cherchent à approfondir la rupture antilibérale jusqu’à une rupture anticapitaliste. Nous devons nous inspirer de ce que Marx et Engels indiquaient dans le Manifeste en 1848, bien sûr en nous adaptant à la situation actuelle :

« Quelle est la position des communistes par rapport à l’ensemble des prolétaires ? (…) Ils n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat. (…) Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. 2. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité. (…) Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres ».

Ainsi, dans la lutte de masses (y compris donc la lutte menée par la FI comme force politique dominante de l’antilibéralisme), notre Parti ne pourra se développer sans une ligne claire.

Améliorer notre programme, notamment sur l’Europe

Cette ligne claire doit s’appuyer tout d’abord sur la rupture avec les politiques austéritaires et les partis porteurs de cette politique. Il n’y a pas de notion de « gauche » qui justifierait de sauver le PS par exemple, c’est le contenu qui prime : il faut rompre avec les partis (notamment le PS) qui refusent de remettre en cause l’étranglement financier et la confiscation de souveraineté que nous impose les différents traités européens.

Alors que le Parti était historiquement le fer de lance de la lutte contre la construction européenne, faisant échouer en 1952 la CED (Communauté européenne de défense), contre la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, le « Marché Commun » et sa PAC, qui ont vu la fermeture des mines au profit de l’Allemagne, la disparition progressive de nos petits agriculteurs et donc d’une production soucieuse d’une certaine qualité pour les consommateurs, alors qu’en 1992 notre Parti menait encore fermement la lutte contre le Traité de Maastricht (contre tous ceux qui croyaient alors au mythe de l’Europe sociale, dont d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon à l’époque), nous avons connu depuis une « mutation » idéologique, nous ralliant à l’Europe du capital (que l’on veut simplement réformer), « Union Européenne » étant conçue comme un cadre indépassable.

Or, en termes de résistance au libéralisme, comment peut-on imaginer mener une politique en faveur du peuple quand le carcan européen nous enserre et nous astreint à l’austérité éternellement renouvelée ? Aujourd’hui, les coups ne font que pleuvoir contre le peuple travailleur : sécurité sociale, code du travail, retraites, salaires, emploi, industrie… tout est en recul avec la bénédiction des vautours bruxellois. L’Europe sociale est une illusion dangereuse, inatteignable tel le remplissage du tonneau des Danaïdes. Le Parti cède une fois de plus aux sirènes sociales-démocrates repoussant ainsi, de fait, toute perspective de progrès social pour le peuple français et aliénant sa souveraineté aux intérêts du capital financier. De plus, s’accrocher au mirage européen nous éloigne des classes populaires. Sur le terrain eurocritique, c’est par ailleurs un comble de laisser l’initiative à la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, lors de la campagne présidentielle (mais avec d’ailleurs une inflexion en fin de campagne qui lui a peut-être coûté des voix), ayant lancé le slogan « L’UE, on la change ou on la quitte » qui posait nettement la question du « Frexit » que fuit l’actuelle direction du Parti acquise à l’idéologie européiste.

Se battre pour la rupture avec les traités européens qui nous étranglent, c’est desserrer l’étau, replacer la lutte dans le cadre national qui est le cadre accessible pour faire avancer notre lutte jusqu’à la prise du pouvoir révolutionnaire. Comme le disaient déjà Marx et Engels en 1848 dans le Manifeste : « Comme le prolétariat de chaque pays doit, en premier lieu, conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe nationalement dirigeante, devenir lui-même la nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot ».

La souveraineté nationale, faut-il le dire, n’a au demeurant jamais été antinomique avec la coopération fraternelle entre les peuples. Que ce soit la lutte des peuples pour leur libération du colonialisme ou le socialisme, c’est toujours ce cadre qui a dicté les contours de la lutte et permit des victoires. La prise de conscience nationale d’un peuple opprimé permet de ramener la lutte pour l’émancipation contre son exploiteur immédiat : la bourgeoisie qui le dirige. Aujourd’hui encore, la défense de la souveraineté nationale contre l’impérialisme est fondamentale : Yougoslavie, Irak, Afghanistan, Mali, Libye, Syrie, demain le Venezuela…. autant de pays où les dirigeants des grandes puissances impérialistes (dont la France) condamnent des gouvernements qu’ils qualifient de dictatoriaux pour venir imposer leur conception de la « démocratie » à coup de bombes.

Le résultat est probant… mais pour nos multinationales, car les peuples de ces pays sont plongés dans le chaos, divisés entre ceux qui obtiendront le meilleur accord avec l’exploiteur impérialiste pour asseoir leur baronnie locale. De ces états unifiés, il en ressort souvent des peuples divisés et en guerre interne pendant que nous pillons leurs richesses en toute impunité. Nous dénonçons justement avec vigueur les attentats des fascistes de Daesh sur notre territoire mais cela ne dérange pas notre gouvernement de les armer contre le président légitime que s’est choisi le peuple syrien. Apporter la paix dans un pays qui n’était pas en guerre à coups de bombes est une conception assez particulière de la démocratie. Plus que jamais nous devons dénoncer ces formes néo-coloniales de domination qui sèment l’instabilité et conduisent le monde perpétuellement au bord de la troisième guerre mondiale. La lutte anti-impérialiste est un des marqueurs identitaires des communistes. Nous devons être à l’avant-garde sur ce terrain-là où, au demeurant, la France Insoumise sera plus hésitante ou traversée de contradictions.

 

Camarades,

Nous assistons à un recul social d’une ampleur inégalée, non du fait de catastrophes naturelles contre lesquelles l’homme n’a pas de technologie adaptée, mais du fait de l’accaparement des richesses par une minorité laissant des populations entières dans le dénuement le plus total. Quels reculs ! Les bidonvilles renaissent dans nos quartiers, les guerres impérialistes se multiplient et sous couvert de « démocratie », la France tue des enfants, des femmes et des hommes, des maladies que l’on pensait éradiquée comme la tuberculose reviennent dans les quartiers les plus pauvres, l’espérance de vie en bonne santé recule ! Et ceci ne concerne pas des pays dits « en voie de développement » mais bien la 5ème puissance économique mondiale.

Face à cela, la résistance peine à s’organiser. L’ultra-libéralisme sans cesse renouvelé réussit encore à faire illusion et la menace fasciste est toujours en embuscade.

Nous sommes communistes et œuvrons à l’avènement de la société socialiste-communiste développée où les travailleurs auront directement le pouvoir, perspective historique indispensable car le capitalisme comme système social est en voie de putréfaction et épuise les hommes et la nature pour les profits honteux d’une infime minorité. Seule la socialisation des moyens de productions et d’échange sous le contrôle des travailleurs permettra de bâtir une société où les besoins de chacun seront satisfaits, non pas du fait de la fortune de leur naissance mais simplement du fait qu’ils sont nés et contribuent à la vie collective. Seule une telle société qui abolira la concurrence entre les travailleurs, arme du capital pour maintenir son oppression, permettra de développer une politique pacifique de coopération avec les autres États.

Mais cette perspective historique nécessite de bâtir le front de résistance au capital en partant des luttes quotidiennes d’aujourd’hui, toutes partielles ou partiales soient-elles. C’est dans ce travail de résistance quotidienne, aux côtés des autres forces qui la mènent, syndicales mais aussi politiques comme la FI, que notre Parti se reconstruira comme force motrice de la lutte des masses et regagnera, grâce à l’exemplarité des militants communistes, son rôle d’avant-garde sur le plan politique et idéologique. C’est ainsi que le Parti communiste retrouvera son rôle de tribun du peuple que l’opportunisme nous a fait perdre !

100 ans après la glorieuse révolution soviétique, prendre de telles résolutions, c’est le plus bel hommage à rendre à ces militants, connus ou inconnus, qui pendant un siècle ont semé les graines de l’espoir d’un monde meilleur pour tous !

Le 23 novembre 2017

Texte à l’initiative de :

Matthieu Cauvin (section d’Orchies - 59)
Quentin Le Matt (section de Lille - 59)
Florence Pin (section de Valenciennes - 59)

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    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

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    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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