Après le jeune Marx et le centenaire de la révolution d’octobre
Qu’est-ce être marxiste aujourd’hui ?

, par  Gilbert Remond , popularité : 1%

Le cinéma, les amphis, salle municipale de Vaulx-en-Velin organisait une projection débat du film de Raoul Peck « le jeune Marx » le 9 novembre. Il a proposé à la section du parti communiste locale et à Lutte ouvrière de faire la présentation et l’animation du débat sur le thème « le Marxisme aujourd’hui ». La section de Vaulx m’a demandé de la représenter pour cette tâche.

A Vaulx-en-Velin les rapports qui existent entre nos deux organisations ne sont pas mauvais. Vaulx-en-Velin avait été une des communes où Lutte ouvrière avait eu des élus lors de la précédente élection. Nathalie Artaud était l’une d’entre eux. Ses militants sont souvent sur le marché du Mas du Taureau. Leurs thèmes d’interventions sont proches du vécu des gens, lancés sur des bases anti capitalistes claires et sincères. Bref la coexistence entre eux et nous est envisageable dans une telle manifestation pour peu que nous sachions nous entendre sur la manière de la conduire au préalable.

Nous donc avons préparé ensemble cette animation, délimité les sujets que nous voulions aborder et de fait la co-animation s’est bien passé, chacun faisant attention de ne pas mettre l’autre en difficulté sans pour autant céder sur le fond et les besoins de son argumentation. De mon point de vue les difficultés sont venues d’ailleurs. Elle sont venues de la salle qui était composée d’une majorité de militants de leur organisation. Ils étaient dans l’ensemble jeunes, ce qui était intéressant mais globalement très silencieux, attentifs à ce qui se disait mais très silencieux, ce qui l’était beaucoup moins. Leur positionnement était logiquement partisan tout comme du côté des camarades, de fait l’assemblée avait quelque chose des groupes de supporters, chacun étant derrière son équipe et si l’ambiance n’était pas à la confrontation, elle n’en était pas moins sous-tendue par cette particularité, et de l’endroit où j’étais cela était perceptible. Ils applaudissaient quand leur orateur parlait. Je les sentais plus fermés quand mon tour venait. Le tout composait une masse compact en face de moi, un bloc difficile à percevoir, bref une salle un peu inerte qui du coup était peu soutenante et qui ne me rendait pas facile le travail de pensée qui permet de développer des idées.

La salle se répartissait en trois segments de représentatifs. Il y avait les militants de Lutte ouvrière, ceux du PCF qui n’étaient guère plus bavard et des non inscrits si je puis employer cette catégorie, qui à mon avis se sont sentis un peu écrasés par la masse des autres groupes. Renvoyés à leur individualité, il fallait une certaine force identitaire pour oser une intervention. En fait à part deux ou trois faites sur un mode standards, il n’a pas été possible de vraiment démarrer la discussion, hormis une, faite par un homme d’origine Africaine qui a jeté un grand froid dans l’assistance quand il eut dit, reprenant une idée concernant octobre, que si la révolution russe avait été trahie, ce n’était pas avec l’arrivée de Staline au pouvoir mais à sa mort, qu’il mettait sur le compte d’un complot ayant conduit à son assassinat.

Il nous rendait la situation plus que glissante avec son assassinat, et je ne me voyais pas embrayer sur ce type de digression, d’autant que représentant la section du PCF je n’étais pas assuré d’être suivi non plus sur ce côté de l’histoire du marxisme. Heureusement, nous avons pu éluder la question d’un commun accord J’avais senti la salles frémir d’horreur devant cette évocation. Ah, les pauvres, il y avait plus qu’un spectre revenant hanter la vieille Europe ! Point besoin de tâtonner comme dans le film, voir de raturer pour trouver le mot juste. La chose était en suspension dans l’air ambiant et le mot immédiatement derrière prêt à venir, pour la dire dans toute son horreur si besoin était, avec sans aucun doute toute la déferlante des superstitions et des effrois qui leur sont accolées.

J’ai appris un peu plus tard que Pierre Laurent, sur ce sujet, n’avait pas hésité à en rajouter une bonne louche marquant un peu plus sa différence, c’est à dire sa non différence du point de vue de la chose admise et sa conformité avec l’idéologie dominante, dénonçant à l’unisson du vainqueur de la guerre froide, les crimes d’octobre dans ses conséquences ultérieures, c’est–à-dire staliniennes. « Qu’est-ce être marxiste aujourd’hui ? » ne peut échapper à ces lignes de fuites. Il nous en revient à chaque fois une sempiternelle conjugaison. Le communisme et ses horreurs. Le communisme et ses atteintes aux droit de l’homme. Le communisme et le tyran rouge. Avec des variantes gauchistes du type « la révolution trahie » ou la « contre révolution stalinienne ».

Comme l’écrit Badiou dans son "éloge de la politique" : « la grande victoire de la réaction capitaliste dans la dernière partie du XXème siècle, juste après les grands soulèvement des années 1960 et 1970 a été à mon avis de faire disparaître l’hypothèse alternative, de parvenir à faire comme si elle n’existait plus » et de ce point de vue, à la criminaliser. Être marxiste aujourd’hui c’est faire notre propre bilan de cet échec. De faire un bilan qui sache voir les aspects positifs tout autant que les erreurs qui ont été commises, mais surtout un bilan pour nous permettre de voir quelles étaient les forces qui s’y sont opposées pour détruire les acquis liés à ces expériences. Faire le bilan, c’est aussi repartir de ces expériences, retrouver les chemins de la conscience de classe et les outils qui la développent. De manière concomitante à la diffusion du film, Pierre Laurent célébrait le 100ème anniversaire de la révolution d’octobre dans une interprétation tout à fait singulière. Aussi l’exercice consistant à croiser les enseignements qu’apportent l’histoire traitée dans ce film avec ceux que nous propose une partie de ses héritiers, ne sera pas un exercice inutile.

Nous le savons maintenant, de manière célébrée et donc officielle : pour la direction du PCF, la révolution communiste fût une mauvaise chose dans ses développements ultérieurs, donc une mauvaise chose tout court, puisque le point de départ de ses développements en sont inévitablement atteints, pas que franchissent toute une palanquée de pseudo historiens allant de Courtois à Werth en passant par François Furet. Quatre vingt ans plus tard on peut donc penser que la direction se retrouve d’accord avec Blum sur la question de la vieille maison. Il fallait non pas quelqu’un pour la garder, il fallait y rester ! Cela dit la manœuvre est plus habile qu’il ne pourrait y paraître.

Dans l’intervention qu’il lut, Pierre Laurent, contrairement a la vieille SFIO ne s’arrête pas a février 17, il reconnait octobre 17 tout en désamorçant sa portée révolutionnaire soviétique et kominterniène.

Il a recourt à une idée curieuse qui nous ramène "au jeune Marx" et à ses premières interventions parisiennes devant les pères du socialisme « l’idée socialiste que Balzac, déjà, avant Marx, nommait "communisme" ». Parler de Leroux, Proudhon et de quelques autres aurait sans doute été un peu trop hardi, mais placer Balzac dans le texte, ça fait cultivé et ça redonne de la francité à l’idée qu’il faut « ré-inventer » en vue du « communisme de nouvelle génération ».

Mieux que de s’en référer à Blum et à la SFIO, cela permet de lui retrouver une prime jeunesse qui la dégage des catégories marxistes orthodoxes et du dogmatisme de "la nouvelle religion" (pour reprendre la métaphore que Proudhon lui même utilise à un moment du film pour mettre Marx en garde contre son utilisation de la critique de la critique critique - ne faites pas comme Luther…. etc - message subliminal en référence à la révolution d’octobre et à sa perversion en somme) puis expliquant que « la révolution russe, son accélération en octobre 17, ne naît pas de rien, elle n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein », il en attribue les mérites à l’internationale socialiste en arguant du fait que « pour entendre 1917, il faut avoir en têtes Fourmies, le 1er mai 1891, sa manifestation pacifique pour demander la journée de 8 heures et la réponse implacable de la bourgeoise qui voit là une insupportable atteinte a sa domination rapace... ». "Que Faire" n’y est pour rien, les journées révolutionnaire de 1905 non plus, bref tout le travail en interne des bolchévik, leur longue et patiente lutte pour l’organisation d’un parti de classe révolutionnaire, celle non moins exigeante contre l’opportunisme et le révisionnisme, non plus et encore moins encore leur refus du chauvinisme et de l’union sacrée, tout cela n’y est pour rien !

S’il reconnaît que la révolution d’octobre touche au cœur le capital, qu’elle doit dès sa naissance faire face à une lutte des classes internationale féroce, c’est pour placer à l’intérieur de ce descriptif, une petite phrase dont nous comprendrons plus loin dans son discours le rôle de rabatteur joué en faveur des théories qui font leurs places aux luttes sociétales pour « un nouveau progrès humain en chemin contre les logiques qui en entrave le développement » par une conjugaison non pas des luttes de classes mais de tous ces mouvements (sociaux, féminisme, écologie, démocratiques, pacifistes etc) qui doivent être mené de concert.

Une petite phrase par quoi il peut récupérer la révolution d’octobre qui n’est plus l’acte politique et militaire de s’emparer du pouvoir exécutif et des lieux ou il s’exerce avec les masses en arme (ce qu’il compare avec la prise du central téléphonique de l’Élysée) mais un procès qui s’attaque à milles dimensions de l’aliénation et de l’exploitation. Le mot clef dans cette petite phrase, c’est le mot aliénation, dont Marx jusqu’alors hégélien se débarrasse quand il rompt avec l’idéalisme pour le remplacer par celui d’exploitation.

Nous le voyons, parce que nous l’avons déjà lu dans les projets de résolution des derniers congrès, le mot aliénation, permet de justifier tous ces combats qu’il faut pousser jusqu’au bout dans le cadre sociétal actuel pour dépasser le capitalisme, pour opérer ces révolutions internes qui nous ferons l’économie de la révolution par quoi l’on rompt avec la société et le mode de production bourgeois.

Si octobre 17 est considéré comme la suite du mouvement entrepris par le mouvement ouvrier européen sous la direction de la deuxième internationale, sa singularité et sa dynamique révolutionnaire lui est enlevée avec une autre phrase : « Ce pays qui semble donner des contours de chair à ce qui n’était qu’une sorte de rêve... » Notez « le semble donner » , « la sorte de rêve » et les trois petits points qui suivent : C’était trop beau pour être vrai. Octobre a frappé l’imaginaire des peuples parce qu’il semblait donner réalité a une rêverie adolescente qui s’achèvera par le suicide de Maïakovski ! Thèse trotskyste maintes fois rencontrée !

« Bien sur, aujourd’hui , enchaîne Laurent, nous connaissons la suite, la logique de guerre imposée par les forces impérialistes coalisées, les tentatives de réforme de la Nouvelle Politique Économiques ( NEP) pour sortir de la crise et de la famine, la mort de Lénine, les promesses non abouties et puis malgré l’essor économique, le processus émancipateur qui s’enlise dans un système contre-révolutionnaire, répressif, dictatorial et inhumain : le stalinisme »

Voilà pour notre gouverne ! Pas très originale comme conclusion ! On peut même lui accorder une permanence de traitement qui rencontre les vues consensuelles de la réaction, un pas de plus fait du côté de ce que Plenel appelle « le trotskisme culturel », cette posture qui permet tout en se déclarant de gauche et révolutionnaire, de se retrouver du côté des démocraties occidentales contre tous ceux qui cherchent a exister de manière singulière hors du champ défini par les lois du marché et des tropismes éthiques définis par les grandes puissances impérialistes . (droit de l’homme, droit d’ingérence, anti-totalitarisme etc)

Enfin, pour parfaire le nouveau cours, nous apprenons qu’après l’exposition sur la révolution d’octobre, exposition où pavoisait un portrait en grand de Trotski alors que Staline était totalement éclipsé, se tiendra une exposition sur Georges Marchais à l’occasion du vingtième anniversaire de sa disparition. Elle aura pour but de « rappeler l’apport qui fut le sien » avec la publication du « défit démocratique » essai centré sur la conviction que la réponse à la crise traversée par le système, passerait par « un progrès continu de la démocratie ». « La démocratie comme but et moyen de la révolution » depuis Maastricht nous avons vu à quel temps et sur quel mode elle se déclinait. La Yougoslavie, l’Irak et la Libye ont été anéantie contre la volonté des peuples et des institutions internationales, le référendum sur la constitution imposée contre celle des électeurs de France, la Grèce et la Catalogne été mis sous tutelle malgré les choix exprimés par leur peuples, les lois contre les régimes de retraites ou le code du travail imposées de force malgré les mobilisations populaires et une opposition majeure de la population !

Ce contre sens fabuleux a pour cause une idée que Marx avait pourtant combattu avec rigueur. La lui attribuer c’est le trahir, c’est pervertir la science du matérialisme dialectique. Jamais le capitalisme n’a été à l’initiative des droits humains, le seul droit reconnu était celui de passer contrat avec un employeur tout puissant, c’est à dire de donner son temps et sa force de travail contre un salaire fixé par lui. Si le capitalisme a pu être facteur de progrès, c’est dans la mesure où il a développer les forces productive, mais tout le reste, tout l’appareil juridique mis en place pour fixer les relations à l’intérieur de la sphère productive n’a pu évoluer que sous l’aiguillon des luttes. Aussi dire « le capitalisme n’étendra plus les droit humains » c’est refuser de comprendre que ceux ci n’ont jamais été que le résultat des luttes de classes et donc des rapports de forces créé dans la contradiction principale, celle entre capital et travail, et que pour en sortir, il n’y a qu’une solution, sortir par un rapport de force de la sphère des moyens de production capitaliste, ce dont Laurent ne souffle mots sinon de manière très lointaine avec sa notion de dépassement.

Enfin là encore la ficelle est un peu grosse. Marchais a bon dos. Les avertis savent que l’auteur du défi démocratique avait en réalité pour nom Fiterman ! Or chacun sait ce qu’il est advenu de lui et de ses visées démocratiques. Derrière Marchais c’est en fait la refondation mutation qui est remis en route, alors qu’il en avait condamné clairement et ferment le projet !

De tout cela il faut retenir le forum européen de Marseille qui a eu lieu les 10 et 11 novembre, la réunion des secrétaires et animateurs de section du 18 novembre et la tenue des états généraux du progrès social le 3 février 1918. Autant d’étape avant le 38ème congres qui doit réinventer le parti communiste pour en faire « une force », capable d’affronter les défis nouveaux pour rester fidèle a son idéal révolutionnaire.

Mais alors après un tel constat, après de telles décisions, quels liens Pierre Laurent et ceux qui l’inspirent peuvent-ils encore conserver avec la théorie de Marx ? Comment peuvent-ils se reconnaître dans le film de Raoul Peck « le jeune Marx »  ? Pourquoi l’avoir invité à l’université d’été cette année en lui consacrant une soirée débat après projection du film ? Surtout comment peuvent-ils s’émerveiller devant son film sans en accepter l’hypothèse qui le travaille ?

Cette dernière se structure autour du postulat, que « de l’impossibilité d’une révolution partielle Marx conclue par la possibilité effective de la révolution radicale ».

N’y a-t-il pas là un flagrant délit en duplicité quand tous leurs actes montrent qu’ ils prennent le contre pied de la démarche entreprise par les grandes figure du mouvement ouvrier ! L’auteur du film donne à leur encontre une signification claire quand il met dans la bouche de Marx s’adressant à Engels sa phrase célèbre réajustée pour la cause des dialogues « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde alors que le but est de le changer » (la phrase exacte étant les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde il nous appartient de le transformer)

Plus tard quand Engels prend la parole au congrès de la ligue des justes, qu’il affirme les antagonismes de classe et l’irréductibilité du conflit entre bourgeois et prolétaires, qu’il remplace le mot d’ordre « tous des frères » par « prolétaires de tous les pays, unissez vous » pour ensuite proposer de transformer la ligue des justes en ligue des communistes, il acte l’exact contraire des propositions faites par Pierre Laurent dans son discours d’anniversaire.

Il prône la rupture et la révolution quand Pierre Laurent propose un aménagement /dépassement de l’intérieur de la société par la démocratie ( le défi ) et s’attache à une prose qui évacue les références au combat de classe ! Avec des formules telle « l’extension continue et planétaire des droits humains par la démocratie, l’émancipation humaine, l’espèce humaine toute entière, un immense mouvement pour la démocratie…. Pour maîtriser les lieux de pouvoir ou en créer de nouveau »

Là ou Marx voulait « liquider notre conscience d’autre fois » Laurent veut « réévaluer un moment de l’histoire », « réfléchir a l’idée de révolution aujourd’hui pour mieux repenser les chemins de nouvelles révolutions » , à quoi nous pouvons répondre que premièrement, la révolution n’est pas une idée mais un chemin, et une volonté, une série d’actes politiques voir militaires qui permettent d’orienter le réel vers une direction nouvelle et que deuxièmement la mise au pluriel de cette notion l’euphémise, la dilue dans une diversité de directions qui lui retire son tranchant et son efficacité.

Que disait Engels dans son adresse aux travailleurs ? :

« Grâce aux vastes possibilités que j’avais d’observer la bourgeoisie, votre adversaire, je suis très vite parvenu à la conclusion que vous aviez parfaitement raison de n’attendre d’elle aucun secours… Ses intérêts et les vôtres sont diamétralement opposés, bien qu’elle tente sans cesse d’affirmer le contraire et qu’elle veuille vous faire croire qu’elle éprouve la sympathie la plus grande. Ses actes démentent ses paroles. J’espère avoir apporté suffisamment de preuves que la bourgeoisie – en dépit de tout ce qu’elle se plaît a affirmer- n’a pas d’autre but en réalité, que de s’enrichir sur votre travail, tant qu’elle peut en vendre le produit, et vous laisser mourir de faim, dès qu’elle peut tirer profit de ce commerce indirect de chair humaine »

suite a quoi Le but déclaré de la ligue des communiste deviendra « le renversement de la bourgeoise, le règne du prolétariat, la suppression de la vieille société bourgeoise fondée sur les antagonismes de classes et la constitution d’une nouvelle société sans classe et sans propriété privé »

De son côté Marx quelques années plus tôt, comprenant l’impossibilité partielle d’une révolution concluait comme nous l’avons déjà dit « à sa possibilité effective sous une forme radicale » A la question de savoir où résidait une telle possibilité, il répondait déjà dans sa contribution critique à la philosophie du droit de Hegel

« dans une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu’on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s’en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en une opposition particulière avec les conséquences, mais en une opposition générale avec toutes les suppositions du système politique allemand, une sphère enfin qui ne puisse s’émanciper, sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans, par conséquent, les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l’homme, et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l’homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c’est le prolétariat. »

De ce point de vu « être marxiste aujourd’hui » ce serait partant de cet axiome, essayer de comprendre la nature du prolétariat d’aujourd’hui. Ce serait reconnaître comme le fait Badiou que si l’on considère l’histoire des cinquante dernières années, il devient absolument évident qu’un point fondamental a été la constitution d’un prolétariat international à l’intérieur de chaque pays .

En effet sur toute cette période « si vous vous tournez du côté du prolétariat en son sens le plus classique, c’est-a-dire, la masse des ouvriers des grandes usines, eh c’était une masse internationale » dit -il. On pourrait ainsi parler « du prolétariat international de France » , une réalité donnant un contenu national au « prolétaire de tous les pays unissez vous » qui devrait en dessiller plus d’un. De cette observation pas un mot. L’émancipation humaine passe de nouveau par des sphères autonomes qui juxtaposent leurs actions plutôt que de converger vers une entité qui les émancipe toutes.

Le film le jeune Marx commence sur une séquence qui montre un sous bois, puis des gens qui ramassent des brassées de bois mort, un bruit sourd se fait de plus en plus insistant, ce sont des gardes forestiers qui galopent. Ils arrivent sur le lieu du glanage puis fondent sur les ramasseurs de bois qui fuient, terrorisés. Les gardes les frappe avec de grands gourdins puis une voix lit un texte. Il s’agit d’un article de Marx publié dans le Rhienisch zeitung portant sur les débats relatifs à la loi sur les vols de bois. Marx explique que si du bois coupé est dérobé à un propriétaire, c’est du vol, il ne peut en être de même pour les ramilles, car on distrait du bois qui est déjà distrait. Le voleur de bois porte de sa propre autorité un jugement contre la propriété.

Le ramasseur de ramille se contente d’exécuter un jugement, celui que la nature même de la propriété a rendu : vous ne posséder que l’arbre, mais l’arbre ne possède plus les rameaux en question » . Marx en conclu que ramassage de ramille et vol de bois sont donc deux choses essentiellement différentes ». Cependant les propriétaires se servent de la loi pour punir et faire payer ce qu’ils estiment leur être volé et qui autre fois faisait partie des bien communaux. La propriété c’est le vol dit Proudhon.

Nous le verrons plus tard à Paris dans un banquet républicain, le dire, puis être interrompu par le jeune Marx qui lui demande de quelle propriété il parle avant de la qualifier sans appel de propriété bourgeoise. Tout cela vient à point nommé pour introduire les réflexions sur la valeur et sur la marchandise mais aussi pour instruire le procès de l’Etat qui légifère dans le sens du profit des propriétaires « lorsque la loi cependant dénomme vol de bois une action qui est à peine un délit forestier, la loi ment et le pauvre se trouve sacrifié à un mensonge légal ; Il y a deux genre de corruption dit Montesquieu, lorsque le peuple n’observe pas les lois ; lorsqu’il est corrompu par les lois : mal incurable parce qu’il est dans le remède même ». Marx règle ses comptes avec l’idéalisme et la vielle conscience en reprenant la philosophie de Hegel à son compte mais en la renversant, c’est à dire en partant des faits qui sont têtus et non plus de « la pensée pure » liée a la vieille philosophie.

Comme nous l’explique son biographe Frantz Mehering, Marx apporta au matérialisme de ses prédécesseurs, la dialectique historique et donc « un principe d’énergie » dont la finalité était non seulement d’expliquer la société mais aussi de la transformer. Ce qui vaut pour les vol de bois hier devrait valoir pour les paradis fiscaux et les divers trafic de blanchiment aujourd’hui. Marx parlait à leurs sujets de mal incurable et s’en remettait au masses et à leur désir de transformation du monde, convaincu que l’histoire de toute société jusqu’à nos jour n’avait "été que l’histoire des luttes de classe". D’ailleurs cette vérité viendra le surprendre sous forme de cauchemars, redondance allégorique de la scène d’ouverture qui viendra nous dire par l’image le contenu manifeste de ses écrits. La scène du rêve illustre par une mise en acte, cette phrase « Pour empêcher maraudage et braconnage, la diète a écartelé le droit et lui a transpercé le cœur »

Le film nous montre de manière symétrique comment Engels par l’intermédiaire de Mary Burns, une ouvrière qui travaillait dans les filatures de son père, rencontre la classe ouvrière. Il en rapportera la condition dans un ouvrage « Situation de la classe laborieuse en Angleterre » A noter la place des femmes dans ces combats, la part active qui est la leur dans tous les moments de leur vie commune y compris pendant les séances d’écriture des textes majeurs du duo, ainsi que nous le montre la scène finale où se construit le manifeste du parti communiste.

En somme, ce que nous invite a comprendre le film c’est que Marx et Engels rencontraient le réel des classes pauvres en prenant leur distance avec la connaissance pure. L’un comme l’autre prenaient fait et cause pour elles, dans le temps où ils entreprenaient les comptes rendus de leur situation concrète qu’ils portaient à la connaissance du public, tout en les objectivant d’un point de vue de classe. Il était donc logique qu’ils se rencontrent dans le Paris creuset des grandes causes révolutionnaires pour entreprendre avec les collectifs ouvriers se constituant dans les premiers combats de classe, le passage de l’humanisme au communisme révolutionnaire. Être marxiste aujourd’hui c’est reprendre le fil de leur démarche et redonner au mot d’ordre « prolétaires de tout les pays unissez vous » son contenu actualisé. Il ne s’agit pas de se réclamer d’une internationale abstraite, ni d’un internationalisme béat sans contenu véritable.

Ce « Retour sur la condition ouvrière » conformément à l’ouvrage de Pialoux et Beau doit se faire en tenant compte de sa situation concrète actuelle. Il faut reconstruire la conscience de classe en redonnant sens à un tous ensemble qui rassemble dans une même sphère combative, sans papiers, travailleurs détachés, travailleurs précaires, petits boulots, les uberisés comme les intérimaires, sans oublier les chômeurs, les jeunes en formations et les retraités . Il faut repartir dans le combat en s’appuyant sur le texte, par quoi se termine le film, dire ensemble dans une page qui se réécrit avec des mots actuels

« Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme.

Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte Alliance pour traquer ce spectre (….) Quelle est l’opposition que n’ont pas accusé de communisme ses adversaires au pouvoir ? Quelles est l’opposition qui a son tour, n’a pas relancé à ses adversaires de droite ou de gauche l’épithète flétrissante de communistes ?

Deux choses ressortes de ces faits

1) Déjà le communisme est reconnu par toutes les puissances d’Europe comme une puissance.

2) Il est grand temps que les communistes exposent, à la face du monde entier, leur manière de voir, leurs buts et leurs tendances ; qu’ils opposent au conte du spectre du communisme un manifeste du parti ».

Les communistes « proclament hautement que ces buts ne pourront être atteint sans le renversement violent de tout l’ordre social passé. Que les classes régnantes tremblent a l’idée d’une révolution communistes ! Les prolétaires n’ont rien a perdre, hors leur chaînes. Ils ont un monde a gagner » .

Prolétaires de tous les pays unissez vous !

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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).