Mais quelle est donc la contradiction principale ? (II) version revue et complétée le 6 Mai 2017...

, par  Jean-Claude Delaunay , popularité : 3%

La première contribution transmise par Jean-Claude Delaunay nous a été proposée le 13 avril. Nous avions prévu après échange de la publier en deux parties compte tenu de sa longueur, avec un article (Quel avenir pour le parti communiste ?) pour ouvrir un débat indispensable au défi auquel les communistes sont confrontés. Nos échanges ont conduit Jean-Claude a proposer cette version révisée entre les deux tours des présidentielles, version en trois parties que nous republions donc sous cette forme.

Mais quelle est donc la contradiction principale


- première partie : L’état actuel du monde et l’économie française dans cet ensemble.
- deuxième partie : La contradiction principale sous-jacente à la crise européenne et mondiale actuelle du capital est déterminée par la structure sociale du capitalisme financier mondialisé
- troisième partie : Contradiction économique principale, rapports des forces politiques, nature du Front national, positions de la gauche radicale relativement à la nation et à la mondialisation

Deuxième partie : La contradiction principale sous-jacente à la crise européenne et mondiale actuelle du capital est déterminée par la structure sociale du capitalisme financier mondialisé

S’interroger sur la contradiction principale de la situation que l’on observe vise à mieux cerner les forces sociales et politiques sur lesquelles le mouvement révolutionnaire peut et doit prendre appui ainsi que les forces sociales et les organisations politiques à combattre.

Avec la théorie de Marx, il est clair que la contradiction principale caractéristique de la crise sévissant actuellement en France est celle entre le Capital et le Travail. Ce résultat est bien connu.

Je crois, cependant, qu’on ne peut pas en rester à ce niveau d’analyse, et que, en raison même du processus actuel dela mondialisation capitaliste, totalement nouveau par rapport à ce qu’analysait Marx, on doit se demander s’il n’y a pas lieu d’enrichir cette conceptualisation de base. Je vais décomposer ma réponse en 3points.

1) Premier point. Dire que la contradiction principale dans le capitalisme est celle du Capital et du Travail est un énoncé banal. Il s’agit d’une contradiction de premier ordre, ne pouvant être dépassée que par « la négation » de l’un des sujets de la contradiction. Comme disent les marxistes, elle est antagonique.

Pourquoi cette contradiction est-elle « basique » selon eux ? Pour Marx, l’économie est le fondement de toutes les activités sociales, qui ont nom : production, circulation et partage de la production, recommencement de la production. L’interprétation de ce processus, de sa dynamique, en serait donnée par la connaissance des rapports de propriété privée s’exerçant, directement ou indirectement, sur les moyens de production, de commercialisation, de financement, et sur la production. Or la contradiction en question porte sur l’ensemble du produit et sur le partage, qui s’en déduit, entre les profits et le reste. C’est donc la contradiction principale. Les classes sociales qui sont motrices de cette contradiction sont les classes sociales fondamentales.

La contradiction Capital/Travail, c’est à peu près ça. Sans m’expliquer davantage, je rappelle que cette contradiction est, c’est ma conviction, constitutive de la vie quotidienne de tous les salariés, publics et privés, et qu’un certain nombre de petits patrons, qui sont aussi des travailleurs, en subissent eux aussi, et parfois durement, les effets.

Raisonner à partir de cette contradiction, disent encore les marxistes, revient à s’en référer à l’essentiel. Car il existe d’autres contradictions, certainement tout aussi brutales, mais seulement dérivées de la contradiction principale. Ainsi en est-il, par exemple, de la contradiction pouvant exister, dans la crise, entre les travailleurs, sur le marché du travail, ou même entre les possédants, les entrepreneurs, sur le marché des produits et pour le partage du profit. La crise les oppose entre eux, les uns et les autres, sans ménagement.

Toutefois, la contradiction entre travailleurs ne porte que sur les salaires, lesquels ne sont qu’une fraction du produit total. La contradiction entre les capitalistes ne porte, elle aussi, que sur une fraction du produit total, le profit global. Ce sont des contradictions de second ordre. Elles ne portent que sur une partie du produit et ne font intervenir que l’une des composantes de la société, alors que la contradiction Capital/Travail porte sur tout le produit et met en mouvement l’ensemble des acteurs sociaux. Elle est antagonique car elle est sans fin. L’accumulation du capital est un processus qui n’a pas de limite en lui-même. Il n’a de limite que dans les crises qu’il provoque.

2) Deuxième point. Je crois que tel est le schéma de raisonnement inconsciemment mis en œuvre aujourd’hui, en France, par une partie de l’opinion publique, à l’égard des travailleurs étrangers, plus généralement de l’immigration, et de la perception de leurs rapports avec les travailleurs et la population française. La crise économique serait marquée par deux sortes de contradictions : une contradiction Capital/Travail et deux contradictions Capital/Capital et Travail/Travail. La contradiction Travail/Travail serait, comme la contradiction Capital/Capital, de nature secondaire.

De plus, si on laisse de côté la contradiction Capital/Capital (celle entre les entreprises), cette partie de l’opinion publique estime qu’il serait toujours possible de trouver, voire d’inventer des contradictions économiques et raciales entre les travailleurs pour dédouaner le Capital de ses propres responsabilités, tout en entraînant une partie de la population pauvre et modeste dans des voies sans issues. Tenir pour important la contradiction entre Travail des résidents en France et Travail des étrangers signifierait que l’on prendrait le secondaire pour l’essentiel, tout en risquant de se fourvoyer dans des impasses idéologiquement dangereuses.

Les spectres du fascisme et du nazisme sont présents derrière ces interprétations, favorables à l’immigration. La vraie contradiction principale serait la contradiction classique, celle opposant le Capital et le Travail. Les trotskistes du NPA, par exemple, qui sont des ayatollahs du marxisme, préconisent l’ouverture complète des frontières aux travailleurs du monde entier, sans doute pour la raison que, indépendamment de leur tendance naturelle à l’irresponsabilité politique la plus totale, cette contradiction ne serait, selon eux, que secondaire.

3) Troisième point. Ce que je crois, cependant, est que cet énoncé, bien que fondamental, est une abstraction. Pour l’instant, je ne fais même pas allusion au fait qu’il relève de l’économisme le plus complet. Les habitants d’un pays ne vivent pas seulement dans « des rapports de production » ! C’est avoir une approche étroite du marxisme que de réduire la vie à son fondement économique exclusif.

Cela dit, en s’en tenant à ce seul niveau (celui de l’économie), prendre seulement en compte la contradiction « Capital/Travail », c’est comme parler du capitalisme en général. Or il n’y a pas de capitalisme en général. Il existe, il a existé, par exemple, un capitalisme commercial, un capitalisme industriel, un capitalisme financier, et ainsi de suite, et dans chacune de ces déterminations, de nouvelles déterminations aident à préciser les premières.

Si l’on veut cerner la contradiction principale dans une société donnée, il faut préciser de quel capitalisme on cherche à décrire la structure fondamentale. Selon moi, l’abstraction que je critique a le défaut majeur de ne pas tenir compte de la situation concrète. Les marxistes ne peuvent prétendre être scientifiques (ce sont d’ailleurs eux qui le disent et nul n’est forcé de les croire) que s’ils tiennent compte des faits, et non s’ils répètent ce que disait ou écrivait Marx.

Il me semble, précisément, que 7 catégories de faits au moins doivent être intégrées à l’analyse marxiste du capitalisme contemporain pour répondre à la question que j’ai soulevée en tête du présent article. La société contemporaine n’est pas structurée par « le capitalisme » (ce qui est une généralité). Elle est aujourd’hui structurée par « la mondialisation capitaliste financière ».

Certains disent que le « le capitalisme » a toujours été mondial. Pour cette raison, ils se croient autorisés à ne pas tenir compte des différences profondes existant entre les diverses étapes de l’histoire. Comme le capitalisme aurait toujours été mondial, du coup, le capitalisme contemporain serait comme les autres, et basta.

Cette démarche n’est pas scientifique. Il faut observer les faits. A supposer que le capitalisme ait toujours eu une vocation mondiale, les rapports qui l’ont structuré ont varié d’une époque à l’autre de mondialisation. Cela veut dire que la mondialisation capitaliste contemporaine n’est pas « un petit quelque chose » dont il faudrait saupoudrer le concept de capitalisme pour savoir comment fonctionnent les économies aujourd’hui.

La mondialisation capitaliste est la forme moderne, vivante, du capitalisme contemporain. La contradiction principale que je cherche à cerner n’est pas celle du capitalisme en général. C’est celle du « capitalisme financier mondialisé ».

Si l’on raisonne de cette manière, il se dégage de cette perception des rapports sociaux actuels une analyse de la contradiction principale entre Capital et Travail que je crois plus exacte que celle découlant du modèle marxiste abstrait évoqué ci-dessus. Les 7 catégories de faits que je retiens sont les suivantes :

a) Dans le contexte de la mondialisation capitaliste, le rapport entre Capital et Travail est, médiatisé par les Etats, les Nations, les Grandes organisations internationales, les grandes firmes multinationales, les populations. Le rapport Capital/Travail n’est pas un rapport direct, c’est un rapport médiatisé. Par conséquent, les éléments de la médiatisation sont des acteurs concrets, certains très puissants, d’autres de rang inférieur, du processus considéré.

b) La mondialisation capitaliste contemporaine induit que le Capital fonctionne de plus en plus comme capital fictif. Pour Marx, dans Das Kapital, le capital fictif (de même que la monnaie) étaient l’aboutissement de sa réflexion théorique. Aujourd’hui, le capital fictif est le point de départ permanent et régulier du fonctionnement du capitalisme mondialisé. Le rapport général entre capital et travail prend donc aujourd’hui la forme concrète spécifique du rapport entre Capital fictif et Travail. Ce rapport n’est pas le même que celui existant entre Capital et Travail au sein du capitalisme industriel de la machine-outil.

c) La mondialisation capitaliste engendre d’importantes migrations de populations. Celles-ci se déplacent pour des raisons économiques de survie, que ce soit par suite de l’appauvrissement extrême de leur économie ou de destructions guerrières impérialistes. Cela fut déjà vrai au 19ème siècle : les migrations irlandaises, polonaises, allemandes, etc. Mais aujourd’hui, il semblerait que ce processus touche l’ensemble des populations du monde, à une époque où la population en général a fortement augmenté.

d) Les entreprises multinationales jouent le rôle le plus actif dans la mondialisation du Capital et du Travail. Elles en sont les agents moteurs. Elles poussent à la formation d’un tissu mondial de places financières. Elles définissent de nouvelles lois de fonctionnement du marché capitaliste mondial et de nouvelles règles de formation de la valeur des marchandises. Elles impulsent de nouvelles technologies, de nouvelles règles de management des entreprises. Elles tendent à se subordonner, autant qu’elles le peuvent, toutes les populations du monde, toutes les ressources du monde.

Elles interviennent également et prioritairement sur le Travail à l’échelle mondiale. Elles le façonnent et le répartissent selon leur besoins. Dans ce processus, par exemple, le Travail est scindé en plusieurs segments. L’un est lié aux territoires nationaux et à leur Etat (les administrations, les activités du marché intérieur), l’autre est lié aux territoires du monde prospectés par ces multinationales. On observe, par ailleurs, que ces entreprises refusent de payer l’impôt national pour des motifs de compétitivité mondiale. Pour les mêmes raisons, elles soutiennent toute politique de réduction drastique des services publics nationaux, ainsi que des acquis sociaux des travailleurs. De manière générale, leur action mondiale, qui a une origine privée, est évidemment engagée sans aucune précaution et sans souci des conséquences. L’intérêt collectif n’est pas leur problème.

e) Pour agir mondialement, les entreprises multinationales ont créé progressivement et de manière expérimentale un tissu complexe d’organisations internationales. Elles continuent à le faire. Elles contribuent à l’élaboration d’accords divers entre les Etats, entre les zones économiques. Le socialisme de type social-démocrate puise dans ces organisations une partie de ses ressources humaines dirigeantes.

f) Compte tenu, via la mondialisation capitaliste, de la généralisation du mode capitaliste de production à toute la planète (c’est-à-dire à 80% de populations supplémentaires par rapport au monde de 1970), la contradiction Capital/Travail s’est doublée de la contradiction Capital/Nature. Certes, cette contradiction est apparue avant 1970. La recherche désespérée du développement économique s’est accompagnée, dans certains pays, de vastes destructions naturelles. Dans les pays développés eux-mêmes, la nature a été mise à contribution de manière irréfléchie et dangereuse. Mais avec la mondialisation capitaliste, ce processus a encore pris de l’ampleur. On observe aujourd’hui la tendance spontanée du capitalisme à transformer certains Etats en vastes poubelles, à déverser sur d’autres pays les productions les plus polluantes. Certains gouvernements prennent, dans ce cadre, des décisions planétairement irresponsables, comme celles actuellement en cours aux Etats-Unis. Pour prendre place dans la compétition économique mondiale, ces pays sont prêts à réduire les frais sociaux de production de tous les faux-frais liés à la protection de la nature.

g) Enfin, on ne peut manquer d’observer que la mondialisation capitaliste contemporaine, bien qu’économique dans ses motivations, agit comme un phénomène social total. Ce ne sont pas seulement les aspects matériels de la vie des sociétés qui sont bouleversés et mis en rapport. Ce sont aussi leurs dimensions idéelles, intimement liées à leurs dimensions matérielles. Les religions, qui sont au principe de la formation des sociétés, sont aux premières loges de cette confrontation souvent brutale [1].

Le fait remarquable est, toutefois, que la mondialisation capitaliste oblige, de manière quasiment quotidienne, à entreprendre ce genre de recherche, à y réfléchir, à en tirer des conclusions pratiques.

Dans ce contexte, d’autres contradictions mériteraient certainement d’être mentionnées ou examinées. L‘agriculture, par exemple, est une activité fortement mondialisée quoique dotée de particularités. Comment la mondialisation capitaliste s’empare-t-elle de ces particularités ? Ou encore : Le capital industriel est certainement, de tous les capitaux réels, le plus susceptible d’être mondialisé. Mais peut-on, par exemple, développer dans un pays une recherche scientifique nationale conséquente si le tissu industriel de ce pays est complètement éparpillé et mondialisé ?

Pour résumer ce que j’estime être les traits principaux de l’incidence de la mondialisation capitaliste sur les Etats et les nations des années 1950-1970 (les 7 aspects précédents), je dirai que le système capitaliste relève d’une dialectique nouvelle, faite de rapports sociaux de production, de consommation et d’idéologie, modifiés non pas dans leur essence ultime mais dans la profondeur de leur forme. Les Etats, les Nations, les populations continuent d’exister avec l’apparence que revêtaient ces entités avant la crise structurelle des années 1970. Mais elles ont changé de configuration. Elles se meuvent dans des rapports politiques et culturels inédits. Elles sont traversées ou portées par des techniques qui les bouleversent complètement. Elles sont soumises à des rapports économiques et politiques qui les soumettent à des tensions considérables et les font exploser. Le problème que l’humanité doit aujourd’hui résoudre est celui de la maîtrise de de cette dialectique nouvelle. Par quels rapports politiques nouveaux en orienter le cours ?

Je vais maintenant essayer de conclure globalement cette deuxième partie.

Dans le langage courant du marxisme, la contradiction principale caractéristique de la France actuelle est perçue comme étant une contradiction entre le Capital et le Travail. Mais cet énoncé ne fait que répéter les propos de Marx ou d’Engels. On doit le préciser, et donc le reformuler, de 3 manières au moins.

1) Cette contradiction fonctionne concrètement comme contradiction entre « les forces de la nation et les forces de la mondialisation ». La contradiction entre Capital et Travail prend la forme de la contradiction entre la Nation et la Mondialisation.

2) Compte tenu du contexte dans lequel se déploie cette contradiction et des caractéristiques de la mondialisation capitaliste en cours, la contradiction entre Nation et Mondialisation ne peut pas être identifiée à une contradiction entre Capitalisme et Socialisme, quand bien même aurait-elle une dimension mondiale.

3) Les dimensions « nationale » et « mondiale » de la contradiction actuelle sont cependant chargées de phénomènes et d’interprétations contradictoires. Autant le Capital et le Travail sont des concepts théoriquement purs et bien délimités, autant la Nation et la Mondialisation sont des concepts dont les contenus sont fonction des acteurs sociaux qui s’en font les porte-paroles. Il existe des conceptions très opposées de la Nation comme de la Mondialisation.

Je crois pouvoir, dans la conclusion de cette deuxième partie, expliciter les points 1 et 2 que je viens de formuler. Je reporte à une troisième partie l’examen du point 3

Explicitation du point 1 : Comment peut-on affirmer que la nation est l’un des pôles concrets de la contradiction entre Capital et Travail et que l’autre pôle en est le monde capitaliste ?

a) Je prends l’exemple de la France, pour simplifier. Un premier élément de réponse consiste à noter que, dans un pays comme la France, le territoire national est le cadre dans lequel a notamment lieu la consommation de celles et de ceux qui vivent sur ce rocher et ne peuvent le quitter. Cette consommation est en partie satisfaite par des productions nationales. Ce qui compte, pour les entreprises effectuant cette production, est la Demande Intérieure.

D’un autre côté, existe la consommation permettant l’écoulement de la production des grandes et très grandes entreprises. L’espace national n’est pour elles qu’un segment de l’espace mondial. Pour ces grandes et très grandes entreprises, ce qui compte est la Demande mondiale.

La mondialisation capitaliste met la Nation sous tension dans la mesure où les exigences de la Demande mondiale dominent celles de la Demande intérieure, qui lui est entièrement subordonnée.

b) Les contraintes propres à la demande mondiale (formation d’un prix unique mondial, qui soit le plus bas possible pour un niveau de qualité adéquat) se répercutent donc, via les capitaux multinationaux investis sur le territoire national, comme contraintes sur les travailleurs, et les petits entrepreneurs liés au marché intérieur. Le temps de travail, les conditions de travail, les rémunérations, qu’elles soient directes ou indirectes, sont concernées. Inutile de faire un dessin.

c) L’organisation juridique et institutionnelle de ces contraintes est d’abord effectuée au plan national. Celle-ci est doublée, en France, par un système de contraintes organisées au niveau de l’Union européenne. Les travailleurs et les producteurs nationaux subissent donc 3 niveaux convergents de contraintes, économiques et institutionnelles : la contrainte mondiale, la contrainte de l’Union européenne, la contrainte française stricto sensu.

d) La circulation des capitaux, les achats, les ventes, les dépeçages d’entreprises pour la revente, et autres particularités du capitalisme financier mondialisé sont un dernier point que je vais évoquer. Il en ressort que les travailleurs sont l’objet d’un marchandage particulier. D’un côté, les salariés vendent leur force de travail sur le marché du travail national. Mais d’un autre côté, ils sont globalement achetés par des capitalistes issus du monde entier et qui achètent ici et là des entreprises, pour les raisons concrètes les plus diverses, et bien sûr, pour le motif du profit maximum, sans considération des intérêts collectifs et nationaux des pays concernés.

En bref, les 4 éléments que je viens d’évoquer illustrent ma conclusion selon laquelle la contradiction entre Nation et Mondialisation capitaliste est la forme de la contradiction entre Capital et Travail. Cela ne veut pas dire que la contradiction entre Capital et Travail a disparu. Cela veut dire qu’elle fonctionne dans une enveloppe particulière. La contradiction Capital/Travail a été transformée.

Explicitation du point 2. Je crois que certains communistes pour lesquels la contradiction principale actuelle est celle entre Capital et Travail, estiment que celle-ci prend aujourd’hui la forme de la contradiction entre Capitalisme et Socialisme.

Ils font reposer leur conviction sur 2 hypothèses, que je ne partage pas. Il faut approfondir la discussion, cela va de soi. Mais voici mes raisons.

La première est l’idée selon laquelle le capitalisme aurait complètement fait son temps. Qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, le moins que l’on puisse dire est que les évolutions ne se réalisent pas en 5 minutes et que les révolutions mettent du temps avant de murir. Le capitalisme a encore de l’avenir devant lui. J’ai déjà abordé ce point. Je pense que le développement des pays sous-développés va donner au système capitaliste de nouvelles possibilités, même si se forment, ici et là, des ilots de socialisme.

La deuxième idée est celle selon laquelle les salariés sont unis par le même intérêt contre le capital, lui-même uni. Je pense que le capital, en se mondialisant, engendre au moins deux catégories de salariés et deux catégories de capitalistes, dont les intérêts tendent à diverger fortement. Certains salariés sont tirés par la mondialisation capitaliste et bénéficient de l’oxygène que les grandes entreprises transnationales tirent de ce processus. D’autres au contraire, sans doute la majorité et les moins qualifiés, sont écrasés par ce processus. Des capitalistes de moindre taille, voire de petite taille le sont également.

Au total, le raisonnement que je tiens me conduit à percevoir autrement que certains marxistes le dépassement de la contradiction Capital/ Travail. Pour ceux qui pensent que la forme actuelle de la contradiction Capital/Travail est la lutte entre le Capitalisme et le socialisme, l’objectif à atteindre est celui de la Souveraineté du prolétariat.

Dans la mesure où la forme actuelle de la contradiction entre Capital et Travail est celle entre la Nation et la Mondialisation capitaliste, et que la nation est aujourd’hui un lieu de convergence d’intérêts hier tenus pour incompatibles, l’objectif de court moyen terme que l’on peut considérer comme rationnel est celui de la Souveraineté nationale, ou encore de la Souveraineté du peuple.

Que signifie, pour la France (pour les catégories sociales concernées), le fait de recouvrer sa (leur) souveraineté ? Pour la France, recouvrer la souveraineté de son économie suppose qu’elle recouvre sa souveraineté monétaire et de financement. Si les Français se donnent majoritairement ce but, la France doit donc sortir de l’euro ainsi que des filets d’emprisonnement tissés, depuis plusieurs années déjà par le Capital fictif mondial, pour contraindre les travailleurs à subir toutes les pressions des grandes entreprises, pour orienter l’épargne nationale à son gré, pour restreindre la dépense publique.

C’est à peine si j’évoque la souveraineté militaire de la France tant, dans le cadre d’une politique ouvertement pacifique, elle devrait être une évidente obligation. Il se trouve, hélas, que des individus se disant les héritiers de Jaurès, et même des « socialistes », mais plus pour très longtemps, je crois, apprécient de se soumettre, à travers l’OTAN, aux pulsions guerrières incontrôlées du grand capital américain et des russophobes maladifs de l’Europe centrale.

Enfin, il me semble tout à fait clair que la France doive recouvrer sa souveraineté démographique.

Il revient d’abord à la nation de favoriser les naissances, si les nationaux le souhaitent. Contrairement à d’autres populations (allemande, par exemple), les Français aiment plutôt les enfants. Il faut encourager ce sentiment, car, chaque couple peut l’observer, élever un enfant coûte cher. Mais que serait une nation qui n’aurait pas d’enfant ?

Il revient ensuite à cette même nation de mettre en place une politique d’immigration, de regroupement familial, de degré de tolérance aux manquements à la loi, qui soit adaptée aux contraintes économiques et sociales.

Une telle politique n’a rien à voir avec la xénophobie et le racisme. On doit rappeler que Georges Marchais, en son temps, avait pris l’initiative d’attirer l’attention des Français sur les dangers d’une politique d’immigration non contrôlée, satisfaisant seulement les besoins des entreprises en main-d’œuvre mobile, flexible et pas chère.

Mais indépendamment de cette référence, je dirai que la souveraineté démographique est, dans une nation, une exigence légitime, à la fois pour aujourd’hui et pour demain. L’insertion dans la population française de populations nouvelles doit être réalisée de manière raisonnée, sans perturber le milieu d’arrivée de manière excessive. C’est particulièrement vrai à l’époque du capitalisme mondialisé.

Ce sont des propos de bon sens, qui visent à préserver les intérêts matériels et moraux « des Français de fraîche date » comme « des Français plus anciens ». La mondialisation capitaliste rompt les équilibres démographiques, en attaquant tous les lieux de production du monde. Elle engendre alors des mouvements massifs de population de nature économique, allant des pays pauvres vers les pays riches, et elle contribue au déplacement de ces populations vers des lieux de plus en plus éloignés de leurs cultures originelles.

Autrement dit, l’insertion de populations nouvelles, en France par exemple, tend non seulement à soulever des problèmes de production (rivalités sur le marché du travail) et de redistribution du revenu (accès aux allocations publiques). Elle soulève également des problèmes de consommation, en particulier de consommation de l’espace public.

Voici les 5 conclusions que j’estime pouvoir énoncer de manière résumée au terme de ce deuxième point :

1) Dans le cadre de la mondialisation capitaliste, la contradiction principale entre Capital et Travail est, dans le moment présent, transformée en contradiction entre Nation et Mondialisation. Cela ne signifie pas (à mes yeux, en tout cas) que la contradiction principale inhérente au capitalisme soit, pour l’éternité, figée de cette manière. Mais dans le moment présent, ce serait le cas. Il est clair que ce choix théorique a des conséquences. La perception que l’on a du monde et de l’action politique est différente si l’on pense que la contradiction principale actuelle est celle existant entre Capitalisme et Socialisme ou entre Nation et Mondialisation.

2) Les forces de la Nation ne recouvrent pas exactement l’ensemble des salariés, pas plus qu’elles ne recouvrent exactement l’ensemble des capitalistes.

3) Le contrôle de l’immigration est une partie intégrante de la défense actuelle des intérêts des salariés. Ce sont eux qui la subissent, en plus de toutes les autres formes d’exploitation qu’ils subissent de la part des capitalistes. Les mots d’ordre de lutte auprès des travailleurs résidents en Francesont totalement inaudibles s’ils ne sont pas accompagnés de préconisations explicites et d’actions réelles, relatives à l’immigration.

4) La priorité de l’action politique à mener est de viser les acteurs de la mondialisation, beaucoup plus que les pauvres ères qui en sont les victimes. Cela dit, même si les contradictions liées à l’immigration sont des contradictions dérivées, on ne saurait les sous-estimer. Elles doivent être abordées et traitées de manière explicite.

5) S’il est vrai que la contradiction principale actuelle est celle opposant les forces de la Nation aux forces de la Mondialisation capitaliste, alors il faut se donner le but, selon des modalités adaptées, de détruire cette Mondialisation, que ce soit dans sa forme mondiale achevée ou dans sa modalité européenne. Mais détruire aujourd’hui la mondialisation capitaliste, ce n’est pas, dans l’immédiat en tout cas, détruire le capitalisme.

Comment l’analyse qui vient d’être présentée permet-elle d’interpréter le rapport des forces que révèlent les sondages actuels ? Comment conduit-elle à se situer par rapport aux partis politiques et personnalités figurant dans la présente élection présidentielle ? Au centre de cette interrogation se trouve évidemment celle concernant la nature du Front national et le rapport qui s’en déduit, car la contradiction entre Nation et Mondialisation est une contradiction dont l’interprétation est complexe et qui l’est d’autant plus, dans le contexte français, qu’elle est surtout portée par un parti tenu pour fasciste, le Front national.

[1Je fais état, ici, d’une distinction sémantique, que je trouve commode et de bon sens, entre les civilisations et les cultures. Les civilisations exprimeraient, selon moi, notre commune humanité. De ce point de vue, elles seraient toutes équivalentes. Les cultures exprimeraient au contraire, les diversités et différences découlant de l’histoire des sociétés, et notamment de la dynamique de leurs rapports sociaux. Je respecte, pour ma part, toutes les civilisations. Il me semble, en revanche, que les cultures ne se valent pas, car les degrés de maturité des sociétés ne sont pas les mêmes et sont parfois très éloignés les uns des autres.

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