110ème anniversaire d’Ambroise Croizat

, par  Michel Etiévent , popularité : 3%

Nous entrons dans l’année Ambroise Croizat. 110ème anniversaire de sa naissance, 60ème de sa mort, 65éme de la création de la sécurité sociale et des retraites qu’il a fondées. Son œuvre, ses luttes, son message sont d’une actualité et d’une modernité brûlantes. Pour l’événement et pour donner à cet inventeur social la place qui lui revient dans l’Histoire, cette année verra de nombreuses initiatives le commémorant. Il pourrait être bien que chacun d’entre nous, au sein de groupes, syndicats, partis, organisations, associations, soit à l’initiative d’un rassemblement, d’une inauguration (même symbolique) de rues, de places, d’écoles, d’institutions, de salles…). Ainsi, à l’heure où l’on tente de casser ses acquis, rendrait-on hommage à la modernité de celui qui a donné au siècle et à l’avenir la couleur de la dignité. (Ci-joint, ci-dessous un texte sur sa vie, ses luttes, son œuvre)

Merci à tous.

Michel Etievent, historien, biographe d’Ambroise Croizat.

2011. Année Ambroise Croizat…

2011. Nous entrons dans l’année Ambroise Croizat. 110ème anniversaire de sa naissance, 60ème de sa mort, 65ème anniversaire de la sécurité sociale dont il est le bâtisseur. Celui dont l’œuvre et le message résonne aujourd’hui d’une actualité brûlante naît un 28 janvier 1901 comme un fils d’usine. Entre l’éclat des fours de Savoie, son père, Antoine, est manœuvre. Douze heures par jour pour huit sous de l’heure. À peine le prix du pain. En cette aurore de siècle, dans la cité ouvrière de Notre-Dame-de-Briançon, on vit la misère qui court les pages de Germinal. Pas de Sécurité sociale, pas de congés, pas de retraite. Si la maladie ronge, il faut s’arrêter et le salaire n’est pas versé. On vit alors de la charité ou de la solidarité du quartier. Devant les coulées d’acier, sans aucune protection, l’accident de travail est quotidien. L’espoir, c’est le père d’Ambroise qui l’incarne. Fondateur du premier syndicat CGT des Alpes, il lance en 1906, la première grande grève. Dix jours de bras croisés pour la reconnaissance du syndicat et de la caisse de secours. Une grève pour le droit à la santé, tout simplement. Il l’obtient mais de vieilles revanches l’invitent à s’embaucher ailleurs.

1907. Ugine. Autre grève, autre départ obligé vers la région lyonnaise. C’est là qu’Ambroise prend le relais du père qui part vers la guerre. À treize ans, il est ajusteur dans une robinetterie de Lyon. Derrière l’établi, les mots du père fécondent : " Ne plie pas petit. Le siècle s’ouvre pour toi." Ambroise adhère à la CGT puis à la SFIO. À dix-sept ans, il anime les grèves de la métallurgie lyonnaise. Reste à faire le pas. Celui du congrès de Tours où il entre au PCF en 1920. " Proche du peuple d’où il venait, on le voyait partout, dit un témoin, devant les usines, au cœur d’une assemblée paysanne » Antimilitarisme, anticolonialisme, les deux mots tissent les chemins du militant entre une soupe populaire et une prison de passage. 1927. Il est secrétaire de la fédération des métaux CGTU. La route à nouveau, « militant ambulant ", un baluchon de « Vie Ouvrière » à vendre pour tout salaire. Commence un long périple où il anime les grèves de Marseille, du Nord, les comités de chômeurs de Lille ou de Bordeaux. Sur le terreau de la crise germe le fascisme. " S’unir, disait-il, pour donner à la France d’autres espoirs. Pas unis, pas d’acquis ! » Ces mots, il les laisse au cœur des luttes où " l’infatigable unitaire " ouvre l’ère du Front Populaire.

En 1936, Ambroise, secrétaire de la fédération des métaux CGT réunifiée, est élu député de Paris du PCF dans le 14ème arrondissement. A l’Assemblée, au cœur des entreprises, il impose la loi sur les conventions collectives : une rupture de dignité pour le salarié qui substitue au droit divin du patronat une codification écrite des conditions de travail établie avec l’assentiment des délégués du personnel. Présent à Matignon avec Benoît Frachon, il donne aux Accords du même nom, la couleur des congés payés et de la semaine des quarante heures. Mais la route s’ennuage. Croizat organise les solidarités pour l’Espagne, repart sur les routes pour préserver les acquis de l’été 1936. À Munich, le soleil de mai décline devant la capitulation face à l’Allemagne. 1939. Arrêté le 7 octobre, avec d’autres députés communistes, il est incarcéré à la prison de la Santé. Fers aux pieds, il traverse 14 prisons françaises avant de vivre les horreurs du bagne à Alger.

Libéré en février 1943, il est nommé par la CGT clandestine à la commission consultative du gouvernement provisoire d’Alger autour du Général De Gaulle. Il y exerce la présidence de la Commission du Travail. Là, mûrissent les rêves du Conseil national de la Résistance et les inventions sociales de la Libération. La sécurité sociale, bien sûr, dont le postulat colore le programme du CNR de mars 1944 : « Nous, combattants de l’ombre, exigeons la mise en place d’un plan complet de sécurité sociale vivant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail avec gestion par les intéressés et l’Etat ». Les mots, lumineux, reprennent point par point l’article 21 de la déclaration des droits de l’homme de 1793 qui, pour la première fois au monde, ouvrait le droit au travail et à la santé pour tous. A la tête d’une commission de résistants, Ambroise dessine dès l’été 1943 les premières moutures de ce qui allait devenir la sécurité sociale. "Il faut en finir avec la souffrance et l’exclusion. Nous libérerons les Français des angoisses du lendemain !", disait-il à Alger le 14 janvier 1944.

C’est ce travail mûri par deux années de réflexion et l’aide des services de François Billoux, ministre de la santé, qui va aboutir à l’ordonnance d’octobre 1945, instituant la sécurité sociale. Le texte écrit, reste à bâtir l’idée. Le chantier commence en novembre 1945 quand Croizat est nommé au Ministère du Travail. 138 caisses de Sécurité sociale sont édifiées en 2 ans sous sa maîtrise d’œuvre par un peuple anonyme après le travail ou sur le temps des congés, "pour en terminer, selon les mots du ministre, avec l’indignité des vies dans l’angoisse de l’accident, de la maladie, ou des souffrances de l’enfance ». Pierre Laroque qui fut un des techniciens chargés de la mise en place du nouveau régime déclarait en 1947 : « En dix mois et malgré les oppositions, nous avons pu construire cette énorme structure alors que les Anglais n’ont pu mettre en application le plan Beveridge qui date de 1942 qu’en 1948. Il faut dire l’action irremplaçable d’Ambroise Croizat. C’est son entière confiance manifestée aux hommes de terrain qui est à l’origine d’un succès aussi rapide et remarquable ». Rappelons combien le rapport de force de la Libération permit la naissance de celle que l’on va désormais appeler « la sécu » : un parti communiste à 29 % des voix, 5 millions d’adhérents à la CGT qui a joué un rôle fondateur, une classe ouvrière grandie par sa lutte héroïque dans la résistance.

Là ne s’arrête pas l’héritage de celui que l’on appelle le « Ministre des travailleurs ». Il laisse au siècle ses plus belles conquêtes : la généralisation des retraites, un système de prestations familiales unique au monde, les comités d’entreprises, la formation professionnelle, la médecine du travail, le statut des mineurs, celui des électriciens et gaziers (cosigné avec Marcel Paul), les classifications de salaires, la prévention dans l’entreprise et la reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse d’intempérie du bâtiment, etc. En octobre 1950, alors que la maladie ronge, ses derniers mots à l’Assemblée Nationale sont pour la Sécurité sociale : « Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès ». Un appel brûlant pour que la Sécurité sociale ne soit pas une coquille vide livrée au privé, mais reste ce qu’il a toujours voulu qu’elle soit : un vrai lieu de solidarité, un rempart contre le rejet, la souffrance et l’exclusion. Ambroise Croizat meurt à Paris le 10 février 1951. Ils étaient un million pour l’accompagner au Père-Lachaise. Le peuple de France, "celui qui l’avait aimé et à qui il avait donné le goût de la dignité", écrivait Jean-Pierre Chabrol dans l’Humanité du 18 février 1951.

Michel Etiévent [1]

[1Auteur des livres « Ambroise Croizat ou l’invention sociale » et « Marcel Paul, Ambroise Croizat, chemins croisés d’innovation sociale ». Commandes à l’ordre de Michel Etiévent, 520 avenue des thermes 73600 Salins les thermes. Prix de chaque ouvrage : 25 euros + 5 euros de port. (Pour les deux : seulement 7 euros de port). Téléphone :04 79 22 54 69

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