Une action communiste actuelle pour une société humaine : le rassemblement autour de l’économie sociale et solidaire

, par  Maurice Decaillot , popularité : 2%

La situation actuelle, économique, sociale, politique, est profondément difficile, dans un système de société dont il faut aujourd’hui regarder en face l’évolution vers une décadence fondamentale.

Les perspectives parfois évoquées d’un retour à des situation normales, telles que l’évocation d’une « reprise » de l’activité, ne révèlent que l’inconscience ou la tromperie de leurs auteurs. Les faits constatés confirment à la fois l’aggravation des distorsions du système et son acharnement à en accentuer les causes essentielles.

Une issue à une telle situation ne peut être trouvée que dans la perspective d’une transformation ouvrant la voie d’un changement essentiel. C’est pourquoi l’ouverture sur une telle issue ne peut se contenter de rechercher les moyens de mettre fin à « l’austérité », mais doit nécessairement amorcer un cheminement vers une sortie du système de société dans sa structure basique.

Face à cette situation, les interrogations s’aiguisent : il faut changer, oui, mais comment, pour aller vers quoi ? C’est ce qu’ont montré, notamment, les réactions de personnes informées de la perspective d’une sortie de l’euro, mais préoccupées par les voies possibles d’une réelle transformation sociale réussie.

Le besoin d’une avancée vers de réelles transformations est de plus en plus largement ressenti. Dans le même temps, du fait des ambiguïtés des décisions du pouvoir actuel, la confusion, l’indécision, le scepticisme sur les capacités réellement novatrices des institutions risquent d’obscurcir les perspectives de changement pour les périodes à venir. Le besoin de perspectives démocratiques clarifiées par des réalisations visibles se fait donc plus pressant.

Comment s’orienter vers cette issue ? Évoquons, tout d’abord, trois voies qui, à elles seules, paraissent inadéquates.

- La première est celle qui préconise la recherche d’une issue par la seule « écoute » des personnes, la proximité, le rapprochement empiriste avec le ressenti, le recours aux seuls avis du « terrain », dans la méfiance d’« experts » réputés étrangers aux besoins. On admet ici que l’obscurité profonde que la société actuelle entretient sur elle-même rend cette démarche unilatérale déficiente, nourrissant le danger d’un éparpillement des opinions au fil de la diversité des expériences vécues, loin d’une recherche de solutions aux problèmes. Alors qu’il s’agit bien entendu d’avancer vers une socialité réellement bienfaisante pour les personnes.

- La seconde est celle qui confierait à des instances réputées seules compétentes les soins d’élaborer et de prescrire un « modèle » de société qui devrait guider l’ensemble des actions pour la transformation. Ceci entre en contradiction avec la nécessité, pour un processus réussissant dans la réalité, de s’alimenter de l’expérience des populations, soutenue par le potentiel d’analyse qui leur est légitimement fourni par la connaissance, ainsi nourrie et raisonnée, des faits et causes, apportant à tous les outils de diagnostic et d’action utiles, démocratiquement choisis par les citoyens.

- La troisième est la tendance souvent observée à cantonner les actions transformatrices au seul champ de l’intervention juridique et institutionnelle, en fixant l’attention essentiellement sur la promotion de lois, l’influence, essentiellement protestataire et revendicative, sur les instances actuelles des pouvoirs publics. Si une action pour obtenir des dispositions légales plus favorables, ou même seulement moins malfaisantes, est certes souhaitable, s’y cantonner ne pourrait que maintenir les déceptions connues. Ceci, dans la grave situation actuelle, éloignerait de l’accès à des solutions décisives. Cette démarche, de plus, ne tient pas compte de la réalité essentielle, confirmée par l’histoire, rappelée, après Marx, par l’avocat Thiennot Grumbach dans l’Humanité, selon laquelle « c’est le fait qui crée le droit ». Ce qui implique qu’une action sociale visant la transformation ne peut se réduire aux tentatives de faire pression sur les instances des pouvoirs institutionnels, mais doit aussi favoriser l’émergence d’actions concrètes touchant le tissu social. Ceci créerait également les conditions d’une convergence des expériences, des convictions, favorisant des rassemblements confirmés autour d’actions vécues comme réellement porteuses d’avenir.

Telles sont les raisons pour lesquelles le présent texte propose la mise en place, par tous acteurs intéressés, d’une structure démocratique ayant pour mission la promotion, en France, d’un réseau rassemblant les activités d’économie sociale, coopératives, mutuelles, associations, avec le concours des élus démocratiques, notamment communistes, intéressés, avec l’ambition d’offrir à tous les citoyens à la recherche d’une nouvelle perspective sociale, des démarches rendant concrètes, efficaces, claires, visibles, convaincantes, rassembleuses les voies accessibles vers le changement désiré.

Ceci devrait pouvoir aider les mouvements sociaux en recherche de transformation véritable à se libérer des dilemmes politiques souvent observés en France et ailleurs, paraissant contraindre les forces démocratiques à se confronter aux choix pénibles entre la recherche d’un rassemblement élargi, mais fréquemment porteur de confusions et d’ambiguïtés, et une stratégie claire, mais apparemment accompagnée de désaccords internes, pour offrir à des forces citoyennes élargies des voies de solutions concrètement appuyées et par là rassembleuses.

C’est pourquoi le projet ici formulé vise à encourager l’émergence, parallèlement aux mouvements visant l’obtention de dispositions légales et de gestes gouvernementaux positifs, des initiatives démocratiques, populaires, citoyennes, concrètes, effectives, inscrites dans le monde économique et social, porteuses de réalisations économiques novatrices, concrétisant au vu de tous, la possibilité accessible d’un cheminement vers de nouveaux horizons.

Nous sommes convaincus que de telles initiatives, à condition d’être cohérentes, solidaires, démocratiques, pourraient apporter aux populations citoyennes, et particulièrement dans la perspective des prochaines élections, des espoirs nouveaux en matière d’emploi, de revenu, de sécurisation sociale, de perspectives professionnelles accessibles pour la jeunesse, d’un nouvel équilibre avec les services publics, de capacités nouvelles de résistance aux pressions des grands groupes capitalistes, d’initiative sociale, de solidarités internationales porteuses de renforcement social et politique.

Ainsi, le présent projet a pour ambition de proposer la mise en place de ce qui pourrait s’appeler un Arc Solidaire de France, réunissant dans un mouvement démocratique un large ensemble de participants agissant dans des cadres économiques et sociaux locaux, initiative qui pourrait être porteuse d’une dynamique économique et sociale significative pour d’importantes populations, et ceci au niveau local, mais aussi national, et plus large encore.

Nous nous adressons ici spécialement aux collectivités locales, et intentionnellement aux plus démocratiques d’entre elles, car elles apparaissent comme particulièrement en capacité d’agir en ce sens, du fait de leur proximité avec les acteurs potentiels requis, de la largeur et de la diversité de leurs interventions et de leurs compétences, de la profondeur de leur enracinement démocratique, de leur capacité de mobilisation populaire, de leur attachement aux réalisations concrètes d’intérêt commun, facteurs de rassemblement social et politique, comme le montre la solidité de leur audience. Notre proposition est donc d’apporter aux initiatives démocratiques activées, les outils d’interventions, voulus élaborés pour être utiles, et offerts au libre choix démocratique des acteurs rassemblés.

L’axe principal de cette proposition est donc celle d’une impulsion à donner à un essor nouveau d’activités engagées de façon cohérente dans le modèle de l’économie sociale, équitable, solidaire, sous forme d’un réseau de structures coopératives, associatives, mutualistes.

Notre initiative accorde ainsi un rôle de première importance à un tel développement de l’économie sociale et solidaire.

Elle vise également, on le verra, à apporter ainsi aux actions en faveur d’activités de service public, un nouvel appui. On souligne cependant dès maintenant que les propositions parfois formulées d’un changement unilatéralement orienté vers le renforcement, certes très nécessaire, de services publics, notamment par référence aux objectifs du CNR lors de la deuxième guerre mondiale, ne pourraient, à elles seules, répondre aux attentes actuelles dans le monde contemporain. En effet, un développement cohérent de services publics démocratiques ne peut et ne pourra, les troubles actuels le confirment dans le monde, se maintenir qu’en trouvant ses bases dans une activité économique humanisée.

Nous examinerons, de ce point de vue, les problèmes et difficultés rencontrés par le développement de l’économie sociale, les choix de solutions proposés, et nous déboucherons sur la formulation détaillée de propositions d’actions concrètes à mettre en œuvre dès maintenant.

Une base : dynamiser une vraie économie sociale, équitable, solidaire, démocratique

L’économie sociale actuelle, y compris dans ses formes imparfaites, permet d’engager une telle dynamique en concrétisant des pratiques qui, à travers le statut qui les autorise et les stabilise, en confirmant la propriété des travailleurs sur leur moyens de travail, leur assure la maîtrise de leur activité, et, de ce fait, la maîtrise de leurs projets. C’est là un trait fondamental, en rupture claire avec le capitalisme qui entretient la scission entre les maîtres possédants et les travailleurs démunis. Ceci fait de l’économie sociale et solidaire une base nécessaire de toute inflexion réelle profonde de la vie sociale.

Tout d’abord, les activités d’économie sociale présentent, dans un contexte général de plus en plus difficile, des avantages, liés aux pratiques sociales qu’elles permettent, qui seront de plus en plus attractifs : conditions initiales de la maîtrise proximale démocratique des moyens, des conditions de travail, des projets, de l’emploi, et ainsi capacité d’échapper aux délocalisations ; transparence des ressources et des résultats, recherche commune de solutions aux problèmes.

Dans le même temps, et ceci est largement perçu, les activités d’économie sociale connaissent de lourdes et multiples difficultés : faiblesse des résultats, dépendance de débouchés menacés, difficultés de financement, pressions démotivantes de l’environnement économique, désactivation des pratiques démocratiques, isolement économique et social... ; à quoi s’ajoutent les dénigrements souvent exprimés à leur égard, les insuffisances étant attribuées aux travailleurs accusés d’incurie, de passivité, de peur du risque... A tout cela s’ajoutent les confusions entretenues par les tentatives diverses du milieux des affaires de détourner à leur avantage les réputations favorables de l’économie sociale, visant même à la réduire à une béquille de l’ordre existant. Mentionnons à ce propos la tentative inspirée par certains groupes de faire reconnaître juridiquement la spécificité de l’économie sociale, non plus par son statut, mais selon un « label » qui serait octroyé, y compris à des entreprises capitalistes, sur la base d’« engagements » formels et flous en faveur d’une « responsabilité sociale » bien éloignée des besoins sociaux actuels ; une tentative trompeuse actuellement mise en échec.

Les activités de l’économie sociale sont-elles victimes de leurs incapacités, ou plutôt des lourds obstacles rencontrés ? Il est indispensable de regarder en face les insuffisances, les difficultés, les obstacles, les errements, qui affaiblissent, dévoient, détournent, dévalorisent l’économie sociale et solidaire.

Un aspect très important des problèmes posés est que les participants à l’économie sociale et solidaire souffrent d’un profond isolement, ainsi que le remarque Patrick Lenanker, Président de la Confédération générale des Scops, tout en notant que, selon lui, n’ont pas encore été trouvées les voies d’une inter-coopération entre ses acteurs. C’est pourquoi un aspect essentiel des propositions qui suivent, concerne la promotion de structures et de lieux, disons de foyers, factuels et informationnels, de rencontre, d’échanges, de coopérations multiples entre acteurs divers de l’Économie sociale et solidaire. De telles coopérations intensifiées, structurées en réseau, seraient de nature à renforcer une dynamique sociale nouvelle.

Il nous faut cependant, pour clarifier les perspectives, préciser ces problèmes.

Faire face au marché

Un obstacle essentiel rencontré par l’économie sociale et solidaire dans son développement, problème fondamental même s’il est trop souvent inaperçu, voire dénié, est celui des contraintes du marché : d’une part celle de l’impératif de la concurrence dite libre et non faussée, brandi en permanence pour éliminer les activités de service public et les coopérations équitables, et qui entretient les guerres concurrentielles ravageuses, profondément inhumaines ; et de l’autre les dominations oligopolistiques prédatrices qui spolient largement les populations ; l’ensemble les maintenant dans le dénuement, l’affrontement, l’impuissance, la résignation.

On sait que des groupements coopératifs, en France et ailleurs, se heurtent fortement à de telles contraintes.

Les présentes propositions prennent en compte clairement ces réalités, et, de ce fait, se fondent sur une conviction explicite.

Ce n’est pas en s’inscrivant dans les affrontements concurrentiels dominants, dans la course à la compétitivité aujourd’hui déifiée, que l’économie sociale trouvera son chemin, mais en misant sur l’attractivité de ses avantages spécifiques, fondés sur la réciprocité humaine, l’équité, la solidarité, la démocratie.

C’est pourquoi devraient être développés de façon importante, essentielle, des réseaux d’échanges réciproques, équitables, solidaires, entre partenaires de l’économie sociale, favorisant, dans la mesure des possibilités accessibles, un auto-développement, y compris techniquement innovant, de ses activités, valorisant ses avantages pour les participants et aussi pour toute la population ; ainsi que des normes de gestion valorisantes, efficientes, pour les produits et le travail, des coopérations solidaires, ainsi que des conventions démocratiques avec les instances institutionnelles proches.

C’est pourquoi, aussi, une impulsion résolue, de première importance, à l’économie dite sociale et solidaire, fondée sur les principes évoqués, est un élément indispensable de toute stratégie faisant face réellement aux dégradations profondes, historiques, actuelles.

C’est dans ce but que nous proposons ici les orientations essentielles d’un projet stratégique que l’on pourrait appeler l’Arc Solidaire de France, conçu pour répondre à la multiplicité des problèmes posés.

On en soulignera ici les principaux traits, qui seront, évidemment, précisés plus avant dans les documents opérationnels, ouverts à l’élaboration collective, pouvant être fournis en appui spécifique aux initiatives ici suggérées.

Examinons maintenant les principaux problèmes que nous devons affronter.

Pour un échange véritable

Un élément essentiel des coopérations proposées sera la proposition de lieux et procédures d’échanges équitables entre participants de tous ordres. Il s’agit bien de s’éloigner de la pratique généralisée du marché, dans sa réalité, qui est fondée sur le « consentement de payer » de l’acquéreur faussement réputé libre. Cette pratique est ainsi clairement en rupture avec l’apport de travail fait par le producteur ; ce qui est hors de l’échange vrai, réel, équitable.

Les nouvelles structures devraient favoriser l’échange réellement équitable entre partenaires, établi sur des bases solides, assurant à la fois de justes rémunérations et de réelles prises en compte des charges, pour chaque partenaire. L’équité sera assurée par des procédures d’évaluation cohérentes des activités, clairement fondées sur une logique respectueuse de l’œuvre de chaque partenaire, référée aux données techniques et sociales ; la base de l’équité étant, on le sait depuis des siècles, le fait que l’échange réellement équitable ne produit ni gagnant ni perdant, l’apport réel de chacun étant ainsi reconnu.

La mise en place de telles procédures comporte, il est vrai, des difficultés, dues aux pratiques concurrentielles environnantes dévalorisantes, et aux dispositifs juridiques en place imposant la concurrence proclamée « libre et non faussée ». Cependant, des possibilités multiples existent d’y faire face, notamment, entre autres, les systèmes déjà existants et admis, tels que les systèmes de points de fidélité, ou, dans une certaine mesure, les monnaies locales. Ceci permettrait à l’économie sociale et solidaire, sans céder aux prêches illusoires de l’idéologie libérale tentant d’accréditer une « compétitivité hors coût » prétendue bienfaisante, de se sécuriser légitimement face aux agressions destructrices de la concurrence marchande.

La juste évaluation des produits, des prestations, des services, permettrait aux activités de l’économie sociale de faire bénéficier, sur cette base, ses acteurs, des avantages qu’elle seule pourrait procurer : rémunérations équitables, y compris la reconnaissance des savoir-faire, sécurité économique réelle mutuellement confortée, créativité de chacun reconnue, et solidarité de tous renforcée, sur la base de critères réellement nouveaux, d’équité d’évaluation des prestations et des rémunérations, d’efficience des projets d’activités économes en ressources, porteurs d’une clarté démocratique des objectifs, des moyens, des résultats, au service d’un travail humain réellement maîtrisé, réellement autogéré, et dans le même temps, on le verra, en adéquation avec les besoins sociaux réels.

La pertinence des procédures et critères, l’impartialité des homologations, des valorisations adoptées seraient garanties par une médiation arbitrale démocratique reconnue en commun, accessible à tous les participants reliés au réseau, appuyée au besoin sur des comités d’avis participatifs apportant leur appréciation des activités au regard des besoins sociaux exprimés, facilitant les coopérations et conventions utiles.

Il est proposé que la rémunération des travaux de diffusion commerciale soit définie en lien avec la rémunération des producteurs, avec prise en compte des charges d’équipement, dans le cadre des structures socialisées proposées.

Ceci appelle une précision concernant la nature de la rémunération équitable du travail.

Autogestion et rémunérations

Les diverses expériences économiques et sociales passées et présentes suggèrent les propositions suivantes.

La maîtrise du travail par les travailleurs implique nécessairement une maîtrise de leur rémunération, et donc un lien entre cette rémunération et les résultats du travail en tant que production d’un apport assumé à la vie sociale. Ceci est nettement différent du salariat, qui attribue au travailleur un rémunération gérée par une autorité, et déconnectée des projets, des moyens, des résultats de l’activité, privant toute autogestion de son contenu. C’est pourquoi on propose que les travailleurs puissent bénéficier d’une rémunération à la hauteur de leurs apports à l’activité. En même temps, un avantage de l’autogestion du travail est qu’elle peut fournir les moyens d’une sécurité accrue de la situation des travailleurs. On suggère donc à la fois une rémunération équitable, à la hauteur des travaux faits, et aussi la contribution volontaire, claire, démocratique de chacun à des ressources mutualisées sécurisant les parcours professionnels, permettant aux personnes de maîtriser librement les incertitudes de la vie.

Il s’agit donc bien de sortir du salariat administratif et assujettissant, mais aussi, cette façon, de répondre activement, démocratiquement aux besoins de sécurisation des projets d’activité et de vie des travailleurs.

Dans cette perspective générale, les rémunérations pourraient être adaptées à la diversité nécessaire des situations.

Les rémunérations des secteurs de type économique fournissant des produits ou prestations mesurables, immédiates, échangeables, pourraient inclure des revenus reflétant les résultats de l’activité librement autogérée, valorisant équitablement le travail efficient, économe en ressources, réalisé ; et également, selon les options adoptées, les contributions et revenus liés à une prise en charge mutualisée, sécurisante pour tous, des variations et aléas d’activité.

Les revenus de fonctions aux résultats sociaux plus indirects, éloignés, tels que les services particuliers ou potentiellement publics, y compris les services importants légitimement accessibles gratuitement pour les citoyens, pourraient être déterminés par des procédures définies en commun, se référant aux revenus moyens généraux des activités économiques et à leurs modulations (rémunérations des savoir-faire...), en tenant compte des évolutions sociales obtenues, constatées démocratiquement.

Il est proposé, en rapport avec ces procédures techniques, que le réseau d’appui aux acteurs de l’économie sociale, comporte une structure leur facilitant l’accès aux procédures nouvelles d’évaluation, de gestion, y compris les critères, signaux, informations, aux procédures de coopération économique, de mise en rapport avec les instances démocratiques, porteuses d’équité, de solidarité, leur garantissant de nouveaux financements, et leur facilitant la reprise coopérative d’entreprises dans toute la mesure des possibilités.

On soulignera que cette nouvelle économie sociale, pour faire face à la ravageuse agression concurrentielle du système marchand environnant, devra, très légitimement, se sécuriser, notamment en accordant un rôle suffisamment important aux activités répondant aux besoins des acteurs du réseau. Il est raisonnable de penser, contrairement à certain doutes, qu’une telle pratique permettait à l’économie sociale de créer des emplois, y compris industriels.

Il apparaîtrait en particulier visiblement qu’une véritable sécurisation de l’emploi, non fallacieuse et non grevée d’atteintes aux rémunérations et aux conditions de travail, comme elle l’est inévitablement sous la domination patronale, ne pourrait s’obtenir que sur les bases cohérentes et équitables de l’économie sociale, démocratiquement autogérée par des travailleurs maîtres de leurs moyens, de leurs projets, et aussi de leurs échanges.

De nouvelles coopérations

Dans la même perspective pourraient également être mises en place diverses pratiques innovantes :

- Des coopérations stratégiques concernant les productions, les filières, les projets techniques prévisionnels, incluant des coopérations en matière de prix conseillés, de répartition des tâches, de gestion de biens communs mutualisés, des indicateurs communs de conjoncture et des stratégies d’évolution concertées pourraient être définis, alimentant, notamment à travers des groupements d’activités, la démocratie économique, multiple car directe et locale d’une part, commune et étendue aux divers niveaux de décision d’autre part. Les filières de l’agroalimentaire, de la construction et de l’aménagement, et bien d’autres, devraient en profiter, rapprochant équitablement les producteurs, les transformateurs, les diffuseurs, les usagers, à divers niveaux allant de l’atelier de base au secteur d’activité et au consommateur.

Précisons que de telles formes de coopération, explicites, favorisant, par des procédures visant l’intérêt commun, l’expression claire et publique des engagements réciproques et des fonctions et rôles des partenaires également respectés, sont ici préférées aux structures « multipartenariales » parfois préconisées, sources de compromis empiriques, partiels, souvent aléatoires et inégalitaires, souvent décevants.

- De nouvelles conventions entre acteurs économiques et partenaires sociaux et publics.

Concernant les intérêts publics, y compris environnementaux, des conventions explicites entre acteurs de l’ESS et les collectivités publiques concernées pourraient promouvoir, avec la participation de tous, des objectifs de production, de sécurité technique et sanitaire, d’utilité publique et sociale, en net progrès en comparaison avec les dommages actuellement connus des affrontements marchands. De telles conventions pourraient encourager des activités créatrices de ressources, de compétences, dans des conditions permettant aux collectivités locales de contrecarrer de façon créative les dégradations financières et réglementaires qu’elles subissent actuellement. Un partenariat nouveau, coopératif, démocratique, entre activités publiques et activités de l’économie sociale, respectueux à la fois de l’activité libre, maîtrisée et créative des travailleurs, et des intérêts sociaux et publics démocratiquement définis, pourrait combattre le fatalisme libéral actuel, démentir les dénigrements assénés aux services publics locaux, renforcer chez une part accrue de nos populations la confiance dans les services publics et l’espoir de leur nécessaire développement.

- La création de SCIC (sociétés coopératives d’intérêt commun) réunissant acteurs de l’économie sociale et collectivités locales détenant une partie du capital, pourrait s’accompagner de conventions entre associés, explicitant les rôles des partenaires, assurant à la fois la nécessaire maîtrise des moyens et processus d’activité par les personnes au travail, et la formulation clarifiée des attentes des partenaires engagés.

Pour la propriété socialisée

Cet ensemble de dispositions se fonderait ainsi nécessairement sur l’appropriation sociale des ressources. Celle-ci ne se réduit pas à des formes administratives, anonymes. Nécessairement multiforme, elle allie les biens communs permanents de la collectivité (ressources naturelles...), les ressources mutualisées (fonds communs alimentés par tous et disponibles pour tous au fil des besoins...), et la propriété sociale dévolue à chacun sous engagement de réciprocité (moyens du travail libre apportés à chaque personne par les contributions communes, sous condition d’usage d’intérêt commun défini et de remutualisation des ressources en fin d’usage). Cette perspective écarte clairement des éventualités telle que l’apport de capitaux privés à des activités proclamées d’économie sociale, ceci ne pouvant déboucher que sur des atteintes de fait à la maîtrise sociale des activités concernées. Il paraît de même nécessaire d’alerter sur la perspective parfois prônée d’une transformation vue comme possible, d’entreprises capitalistes maintenues sous propriété privée en activités « socialement responsables » grâce à des dispositions juridiques concernant le « statut » juridique de l’« entreprise » ; cette vue négligeant le lien fonctionnel essentiel entre propriété et activité sociale.

La mise en place des dispositions proposées pourrait être assurée, au fil des besoins, par des instances et structures de divers niveaux, proximaux, locaux, nationaux, internationaux. De telles structures pourraient faciliter à la fois la réponse démocratique aux problèmes de grande échelle et le rapprochement des acteurs de tous niveaux avec les moyens et procédures démocratiques de réponse aux problèmes proches, écartant ainsi d’éventuelles dérives parfois signalées vers des insuffisances de démocratie, et assurant aux personnes au travail les conditions d’une autogestion démocratique, véritable et créative, en même temps qu’une adéquation aux besoins communs.

Tout ceci devrait conférer à l’économie sociale une attractivité concrètement convaincante, renforçant la confiance du monde du travail, rassemblant concrètement les forces sociales du changement.

Financer autrement

Des avancées importantes sont nécessaires pour améliorer profondément les conditions de financement de l’économie sociale. Si ses difficultés financières, réelles, sont souvent dues, beaucoup moins à un manque de vigilance financière où à un trop fort refus du risque souvent allégués, qu’aux conditions marchandes et financières inéquitables subies, des modes de financement clairement innovants sont nécessaires, en écart net avec les financements lucratifs, dominateurs, court-termistes aujourd’hui pratiqués ; ils seraient fondés sur la mutualisation démocratique des moyens et sur des coûts de gestion transparents, excluant la recherche de performances de lucrativité financière. De tels financements peuvent être développés y compris avec la participation d’acteurs actuels de la finance solidaire et mutualiste, dans la perspective d’un véritable renouvellement des conditions de financement, respectueuses des critères d’équité et d’efficience des activités. Un objectif essentiel de tels financements mutualisés serait d’assurer à toute activité de l’économie sociale initiée ou transformée, porteuse d’engagements sur un projet cohérent, les moyens initiaux de sa mise en place.

Les critères d’évaluation des activités dans leurs projets, leurs résultats, leurs perspectives à court et long terme, ne devraient plus être les paramètres du financement, mais les résultats attendus pour tous les partenaires, travailleurs, usagers, partenaires publics et sociaux. Le financement devrait alimenter les activités en fonctions de ces paramètres.

Pour la civilisation

L’impulsion donnée à l’Économie sociale et solidaire pourrait également être soutenue dans divers aspects.

Il s’agirait de favoriser largement, dans les domaines culturels et scientifiques, une compréhension de la vie économique dégagée de la domination de la pensée unique aujourd’hui imposée, cantonnée dans le fatalisme lucratif et concurrentiel. Ceci serait l’un des éléments permettant d’ouvrir à la jeunesse, notamment celle des zones défavorisées, de nouvelles perspectives d’avenir, sécurisées, créatives, socialement intégratrices.

Un nouvel équilibre des activités de l’économie sociale pourrait faire apparaître des ressources nouvelles pouvant alimenter des activités d’intérêt public, contrecarrant leur actuelle érosion sous les pressions concurrentielles et libérales. Il pourrait s’agir, parmi bien d’autres domaines, de recherches scientifiques et techniques améliorant les conditions de travail et répondant mieux aux besoins sociaux, et aussi d’activités telles que la formation aux emplois, la définition des projets sociaux.

Une explicitation des besoins sociaux devrait permettre un nouveau développement des sciences et des techniques. L’aggravation des dérives marchandes actuelles conduit à d’importants dévoiements des pratiques de recherche scientifique, souvent mises sous une forte pression visant à les « finaliser » conformément aux exigences marchandes et capitalistes. Ceci, fâcheusement, conduit certaines tendances idéologiques à culpabiliser la « technoscience » pour les pressions idéologiques simplistes et aveuglantes aujourd’hui dominantes, et ainsi à blanchir le monde capitaliste et marchand de ces oppressions ; ce qui conduit souvent à dévaloriser le savoir scientifique lui-même.

Le développement d’activités économiques nouvelles permettrait de clarifier ces situations. Il conviendrait, tout d’abord, de rendre à l’activité scientifique son indépendance, fondamentale pour le processus du savoir humain, qui ne saurait être lui-même qu’en s’attachant à la démarche de la seule recherche de la vérité.

Dans le même temps, il s’agirait de distinguer clairement, tout en explicitant leur interaction, la recherche scientifique fondamentale et la recherche de développement technique, qui devrait associer à l’utilisation pratique des connaissances scientifiques, la prise en compte des objectifs et des besoins sociaux et publics, y compris planétaires et de long terme, dans des structures et des conventions démocratiques.

Les présentes propositions sont fondées sur la conviction que la science, la recherche scientifique, le développement technique novateur seront, à l’avenir, des appuis essentiels à l’essor d’une vie sociale humanisée.

Des structures rassembleuses, démocratiques, humaines

Des ensembles d’activité tels que ceux évoqués pourraient appuyer leur essor sur la création de lieux sociaux, foyers à la fois de convivialité et d’utilité sociale, où voisineraient des activités de proximité, d’achat-vente équitable, d’arbitrage démocratique, d’appui technique et de gestion aux acteurs, de coopération professionnelle, de concertation démocratique des partenaires ; d’information des usagers sur les activités et initiatives possibles, l’emploi solidaire, les projets d’intérêt commun, les indicateurs de situation ; des possibilités de formation des personnes aux savoirs-faire nécessaires, etc... ; des moyens de communication informatisés largement accessibles aux participants seraient également ouverts, ainsi que des activités culturelles et sociales.

De tels lieux mis en place avec le soutien des collectivités participantes, à proximité des populations, pourraient, s’appuyant sur les technologies de l’information, coordonner efficacement et démocratiquement leurs décisions et leurs actions. Des rencontres démocratiques en ce sens pourraient être projetées rapidement, puis périodiquement, entre participants engagés, notamment pour harmoniser conjointement leurs normes.

Plus largement, un rapprochement pourrait intervenir entre les travailleurs participants aux initiatives d’économie sociale et solidaire et les travailleurs engagés dans des luttes contre le patronat capitaliste, les perspectives nouvelles ouvertes par les premiers appuyant la volonté des seconds de ne pas accepter d’injustices ou de régressions, renforçant pour le monde du travail dans son ensemble ses perspectives de maîtrise de ses activités et ses marges d’action, et facilitant le reprise d’entreprises par les travailleurs coopérateurs.

En outre, selon le contexte, les travailleurs de l’économie sociale pourraient demander aux PME souhaitant leur vendre leurs produits, des conditions économiques et sociales rapprochées de l’équité, tout en soutenant leur besoin de rapports moins déséquilibrés avec les puissants donneurs d’ordre, et en ouvrant la perspective d’un possible passage à un nouveau statut coopératif ; ce qui pourrait contribuer à rassembler les travailleurs, et possiblement d’autres partenaires intéressés, autour d’objectifs positifs pour eux, pour l’avenir de l’activité, pour la société. Les structures de proximité mentionnées pourraient y contribuer.

Des activités de petite échelle, notamment de services, souvent encouragées à s’engager dans l’entrepreneuriat individuel, pourraient, comme le montrent des initiatives déjà existantes, se réunir sous des formes coopératives, ce qui, tout en maintenant leur initiative propre créative, accroîtrait la sécurité, la durabilité, l’accès aux moyens des services rendus et les possibilités de coopération utile sur la base de critères rénovés.

Un appui aux nouveaux services publics

Un développement de l’économie sociale apporterait également non seulement des ressources concrètement repérables, et ainsi une base réelle indispensable, mais aussi des capacités humaines permettant d’envisager des développements significatifs en matière de services publics, notamment de proximité.

Un nouvel équilibre entre activités économiques socialisées et activités publiques, écartant les offensives affairistes actuelles visant à accaparer la gestion des services d’intérêt général pour les rendre lucratifs pour les capitaux privés, permettrait d’élargir le champ des services accessibles gratuitement pour la population.

Ainsi, l’essor de l’économie sociale, coopérative, associative, mutualiste, permettrait la diffusion, dans de larges secteurs de la société, de nouvelles visions de l’avenir possible. Il devrait renforcer la confiance dans l’aptitude du monde du travail à appuyer les mouvements, actions, démarches, opérations visant à obtenir en France la nationalisation, rénovée, démocratisée, des activités d’intérêt commun (eau, énergie, pétrole, matières premières, finance, communication, etc...) actuellement détenues par des groupes capitalistes dominateurs, voraces et destructeurs.

Pour la démocratie concrète

Les voies à explorer en matière de guidage stratégique de l’action démocratique devraient également tenir compte des leçons du passé.
La pratique de stratégies globales, prétendues optimales, axées sur la répartition de ressources administrativement collectées et affectées, définies par des instances éloignées de la démocratie, ne pourraient pas satisfaire les attentes d’aujourd’hui.

C’est pourquoi un développement économique nouveau ouvert par celui de l’économie sociale et solidaire devrait développer les coopérations entre partenaires, visant librement, activement la convergence de leurs activités et de leurs besoins, établie à travers des conventions démocratiquement adoptées par les partenaires institutionnels et sociaux concernés, y compris dans le cadre des règles et objectifs d’ensemble de la communauté démocratique. Des formes d’inter-coopération explicite, démocratique, entre acteurs de la vie économique et sociale, notamment sous formes de réseaux et de structures de concertation de divers niveaux (local, intermédiaire, général) seraient à développer, pour les échanges, pour les conventions régulatrices, pour les mutualisations de ressources et de financements, pour les services d’intérêt commun.

Pour le monde aussi

Un développement significatif de l’économie sociale ouvrirait en outre la voie à des coopérations internationales intensifiées.

Face aux besoins mondiaux, des avancées économiques, sociales, culturelles à grande échelle sont certes nécessaire dans le monde. Cependant, les positions et les actes des autorités internationales actuelles ne permettent pas de prévoir, dans un avenir aujourd’hui discernable, la possibilité des progrès souhaitables. Ce ne sont visiblement pas les instances mondiales ou zonales qui inaugureront les voies d’évolutions significatives, même si des évolutions positives pourraient à l’avenir se faire jour.

C’est pourquoi il nous faut en notre temps faire confiance à l’initiative sociale, économique, culturelle, historique diversifiée des peuples. Ainsi, une initiative telle que la présente peut, en s’affirmant, contribuer à renforcer, en Europe et aussi ailleurs, des solidarités nouvelles créatrices d’avancées sociales importantes. Elle devrait également, par son exemple, contribuer à rendre possible une nouvelle vision des rapports internationaux, libérée des dogmes libéraux ravageurs.

C’est dans la perspective esquissée que l’économie sociale et solidaire pourrait contribuer à faire face aux pressions du « système monde » actuel, en fait, du trafic marchand répandu à l’échelle mondiale, présenté comme l’arène incontournable des combats entre capitaux internationaux. Les affrontements actuels entre continents à propos de produits technologiques, illustrent, entre autres, les enlisements dans lesquels les puissants du grand capital plongent la vie économique planétaire.

Dans ce contexte, les acteurs de l’économie solidaire doivent à la fois se sécuriser légitimement face aux pressions concurrentielles, et dans le même temps, développer des rapports d’une réelle équité avec les partenaires du monde en recherche d’échanges équilibrants et utiles, pour tous les partenaires dans leur indispensable diversité créative.

Il convient pour cela de récuser catégoriquement les accusations fréquentes d’égoïsme national, de protectionnisme (protection du capitalisme ?), de nationalisme étroit, accusations qui nourrissent les aveuglements d’extrême droite.

Soyons clairs

Oui, l’agression concurrentielle marchande, aujourd’hui destructrice dans le monde entier, porteuse de distorsions, de spoliations, est illégitime. Le clair refus du dogme inhumain de la concurrence libre et non faussée, et des invocations ressassées d’une compétitivité réputée incontournable, est une condition de toute avancée sociale réelle. L’économie sociale doit et peut, grâce à ses avantages, se sécuriser face à ces ravages, et agir pour une réelle protection, constructive, équitable, des populations.

Non, il ne s’agit pas là d’un prétendu repli égoïste sur soi, mais bien au contraire d’établir avec des partenaires divers, et tout d’abord de ceux souhaitant agir pour la démocratie économique, des échanges équitables entre zones du monde légitimement reconnues différentes ; échanges mutuellement avantageux pour tous, visant l’équilibre de chaque partenaire et, dans ce cadre, son accès aux ressources utiles venues d’ailleurs, dans le respect de la nécessaire diversité mondiale et de la liberté économique de chaque peuple, en même temps que l’utilité de justes échanges.

De tels échanges, dans des conditions équitables, pourraient être pour le développement de l’économie sociale et solidaire, non seulement un témoignage clair de ses engagements sociaux, mais aussi un facteur de renforcement, notamment de sécurisation de ses activités et de ses moyens.

La lourdeur du système européen, qui, avec les structures et les orientations actuelles, reste opiniâtrement difficilement modifiable, y compris face aux fortes demandes des opinions publiques, l’éloigne largement des besoins démocratiques des peuples, incite à conclure que, dans le contexte actuel où les besoins de changement s’intensifient, on ne pourra attendre la survenue, même envisageable en des temps futurs, des évolutions nécessaires des institutions européennes, pour promouvoir les initiatives engageant une dynamique de transformation. Ceci ne surprend pas. Au cours des temps, les évolutions sociales significatives n’ont jamais été initiées par de fortes puissances, mais toujours par des pratiques socio-économiques nouvelles, même initialement modestes. Engager la France dans la participation active à une « compétition » économique et géo-politique entre groupes continentaux ne pourrait qu’aggraver la situation.

Les initiatives locales ont été dans l’histoire, et restent aujourd’hui, avec l’appui de nouvelles technologies, importantes dans l’émergence de nouvelles pratiques sociales aux perspectives transformatrices. L’importance de ces initiatives est souvent sous-estimée du fait de l’isolement qui leur est imposé par l’élargissement des échanges marchands à grande échelle, mais leurs possibilités restent importantes au vu des solidarités nécessaires.

Les peuples, y compris, dans la mesure des possibilités politiques, à travers les États nationaux, peuvent avoir des possibilités de nouer entre eux des relations autres que « verticales », relations visant la réciprocité, l’équité entre eux. Ceci serait une voie vers la réponse aux besoins planétaires de solidarité, de paix, d’action pour l’avenir, plus certaine que les « gouvernances » autoritaires zonales ou mondiales.

Les possibilités d’initiatives locales, nationales, si elles ne doivent pas être divinisées, ne doivent pas être dénigrées. Les tentatives libérales de leur anéantissement, telles que la menace d’un « marché transatlantique » destructeur, aujourd’hui en projet entre Europe et États-Unis, devraient inciter à envisager leur activation. Le cadre national, qui certes ne peut à lui seul tout résoudre, peut rester cependant important, pouvant allier l’ampleur et la diversité des activités économiques et techniques nécessaires et la proximité démocratique ancrée des populations, ainsi que l’appui public significatif aux initiatives d’intérêt commun, y compris entre peuples en recherche d’équité commune.

C’est pourquoi la tentative actuelle des pouvoirs, en Europe et en France, d’imposer une structuration fondée sur la dominance des décisions européennes, notamment budgétaires, et la préférence donnée aux métropoles régionales mises en concurrence, au détriment des autres instances et de la démocratie, est profondément mutilante, et devrait être contrecarrée. Des initiatives solidaires, y compris locales, pourraient contribuer à ce projet.

La question de la transition

On connaît l’ampleur des déséquilibres économiques et sociaux du monde contemporain.

Les projets orientés vers des tentatives d’exercer, par des gains de puissance dans le système actuel, des influences institutionnelles, dans le champ géopolitique, pour changer la situation, ne pourront pas apporter de solutions décisives.

Face aux situations actuelles, préoccupantes, et également complexes, pour lesquelles les voies de solution sont trop souvent obscurcies, le besoin de solutions visiblement accessibles est de plus en plus perceptible. Les solutions purement administratives, prescriptives, d’un côté, et les solutions purement superficielles, correctives, empiriques de l’autre, sont de plus en plus manifestement insuffisantes. C’est pourquoi la stratégie proposée, incluant à la fois la prolongation de pratiques réelles avérées et des avancées profondes, cohérentes, nécessaires, pourrait favoriser de larges rassemblements sociaux autour de réalisations concrètes porteuses d’ambitions clairement transformatrices, attirant y compris des populations aujourd’hui idéologiquement égarées, à la recherche d’améliorations, mais qui sont parfois loin d’en distinguer les voies.

La réponse actuelle à la crise actuelle dans sa profondeur, ne peut être seulement culturelle, institutionnelle, prescriptive, protestataire, revendicative. Le chemin vers des solutions inclut nécessairement des avancées réelles, constructives, dont les premiers pas, même modestes, ouvrent à tous les participants possibles un chemin visible, réel, rassembleur. Pour écarter les dangers profonds que fait peser sur nos peuples la crise fondamentale de notre société, pour les combattre vraiment, engageons-nous dès maintenant, par de telles initiatives, à bâtir, dans ses fondements économiques et sociaux, même de façon émergente, un avenir humain de réciprocité, d’équité, de solidarité entre tous, de démocratie économique, sociale, politique, citoyenne.

Il est, selon nous, pleinement raisonnable d’estimer que la mise en place des présentes propositions dans leur cohérence pourrait favoriser un essor démocratique d’activités de l’économie sociale telles qu’esquissées ici. Leur développement pourrait, notamment en créant des emplois visiblement durables, créer un contrepoids économique significatif à la domination du capital, y compris facilitant la reprise coopérative d’entreprises. Ceci pourrait permettre, en attirant de plus en plus largement les citoyens, de restreindre significativement les champs d’activité et d’influence des groupes de capitaux aujourd’hui dominants, et engager des dynamiques sociales et politiques clairement porteuses d’avenir.

Notre proposition pour maintenant

L’ensemble des ces considérations conduit à estimer que le mouvement de promotion effective de l’économie sociale devra s’appuyer, non seulement sur des mobilisations revendicatives débouchant sur la promulgation de nouvelles lois, mais aussi, de façon importante, sur des initiatives, des expériences démocratiques concrétisant les chemins vers de réelles transformations sociales, économiques, institutionnelles, et, en appui sur elles, de vrais rassemblements politiques solides et constructifs.

Ajoutons que les expériences mondiales incitent à avancer sur la voie esquissée ici, pour la raison suivante.

Dans le monde actuel, des expériences démocratiques s’affirment, notamment en Amérique du Sud.

Les résultats socialement bénéfiques obtenus sont approuvés par des populations croissantes, qui élargissent et confirment leur soutien aux pouvoirs acteurs, témoignant de la réalité des améliorations apportées à leur vie.

Dans le même temps, des difficultés et des insuffisances subsistent, concernant essentiellement la vie économique, qui reste marquée, parfois, par les rigidités d’une gestion administrative des activités économiques courantes, ou surtout, différemment, par la persistante prééminence des acteurs marchands et capitalistes, rendant difficile l’essor solidaire, les structures de l’économie sociale peinant à se solidariser et à se renforcer. Ceci, d’ailleurs, conduit parfois les pouvoirs en place, eux-mêmes déçus, à encourager un regain d’activité marchande dans l’espoir, fallacieux, d’une meilleure animation. Un manquement important des réalisations bénéfiques partiellement obtenues est ainsi, il convient de l’admettre, l’imperfection des résultats sociaux et économiques liée à l’insuffisante cohérence du développement de l’économie sociale dans les activités économiques courantes ; ceci alors que les formes de développement de type public, collectif, certes pleinement pertinentes pour les activités de caractère non quantitatif, immatériel, non immédiat, se révèlent à elles seules insuffisantes, et non convenables pour les activités relevant de la production et de l’échange de biens et services immédiats, et sont amenées à souffrir des freins venus des activités économiques restées marchandes, qui sont dommageables pour leur mission et leur développement.

Ces éléments incitent à juger que, dans le contexte actuel, réunir à travers des coopératives, des mutualisations, des formes associatives, les conditions d’un développement concret de l’économie sociale, résolument solidarisé, est un élément essentiel d’une perspective de changement d’ensemble vers la démocratie économique et sociale efficace, à condition d’en assurer la cohérence nouvelle, résolument transformatrice.

Un choix doit donc être fait : pour le changement social, convient-il de tenter d’influer sur le système marchand capitaliste par une régulation institutionnelle, dans l’espoir que ses orientations essentielles se trouvent ainsi transformées ? Ou convient-il d’engager, sans délaisser les luttes immédiates nécessaires, une dynamique conduisant, au cours du temps, à travers l’essor d’initiatives nouvelles de plus en plus attractives, mobilisatrices, au remplacement, fût-il étalé dans le temps, d’un capitalisme de plus en plus déstabilisé du fait de ses propres distorsions, par les activités économiques et sociales nouvelles, émergentes, attrayantes, rassembleuses, permettant l’avancée de la société vers de nouveaux équilibres sociaux ? Les évolutions actuelles suggèrent que la question est dès aujourd’hui posée. N’attendons pas que les menaces actuelles se muent en ravages. Entre le pharaonisme écrasant et gaspilleur promis par les métropoles affairistes bientôt imposées aux peuples d’Europe, et les foyers d’innovation sociale, équitable, solidaire, créative, pouvant être fondés, apportons au peuple de France, et par là aux autres, la possibilité de choisir activement, de manière créative et démocratique.

C’est pourquoi notre proposition est le rassemblement d’acteurs de l’économie sociale, de responsables politiques et sociaux de tous niveaux, en vue d’œuvrer, même dans le contexte difficile actuel, à la mise en place d’un réseau, potentiellement d’ampleur nationale, visant le développement d’un ensemble solidarisé, cohérent, démocratique, d’activités de l’économie sociale, équitable, solidaire, et des solidarités sociales diverses associées, sous le nom proposé d’Arc Solidaire de France.

De telles avancées seraient bénéfiques, non seulement pour l’essor de l’économie sociale elle-même, mais aussi pour le rassemblement de populations élargies pouvant alors percevoir la possibilité de transformations concrètes, et préparées ainsi à des mobilisations significatives pour leur emploi, pour les services publics démocratisés dont le pays a besoin dans de larges domaines, à plusieurs niveaux.

Notre conclusion : notre appel

Nous concluons donc cet exposé en nous adressant aux acteurs de l’économie sociale, dont nous mesurons le besoin d’une dynamique claire, efficace, permettant à l’économie sociale de donner un plein effet à ses potentiels d’innovation, d’équilibre, de solidarité, de rassemblement, et aux acteurs des collectivités locales, dont la proximité avec de larges populations, la connaissance des multiples besoins et des potentiels concrets locaux, l’ambition démocratique et populaire sont indispensables aux avancées attendues, en leur proposant d’apporter leur concours actif à une initiative créatrice, innovante, concrète, de promotion résolue de l’économie sociale, équitable, solidaire, démocratique, en réunissant autour de ces objectifs un ensemble de collectivités locales autour du réseau évoqué de dispositifs de coopération, réseau qui pourrait se dénommer l’« Arc Solidaire de France ».

Dans le but d’animer cette initiative, un processus de mobilisation peut être suggéré, comportant, comme première étape, une invitation aux nombreux acteurs potentiels et collectivités locales susceptibles de contribuer à une telle initiative, leur proposant une participation active et démocratique à la mesure de leurs possibilités ; et un projet de manifestations publiques ouvertes popularisant largement cette initiative.

Une telle initiative pourrait, particulièrement dans la perspective des prochains échéances électorales et sociales, rassembler des secteurs élargis de la société française. Un calendrier de sa mise en place peut être rapidement défini, avec le concours des acteurs innovateurs participant à sa création.

Les premiers promoteurs de cette initiative, même si leur groupe était au début limité, pourraient se concerter lors d’un premier rassemblement dans la période prochaine.

Terminons donc par notre appel :

Acteurs des collectivités locales, des activités économiques coopératives, associatives, mutualistes, souhaitant un véritable essor de l’économie sociale, nous vous proposons de rejoindre dès maintenant l’initiative démocratique de création du réseau de coopérations, installant dans le paysage économique, social, culturel, démocratique de notre pays, l’Arc Solidaire de France, atelier populaire d’un avenir juste, créatif, humain, ouvrant dès maintenant le chantier d’un vrai changement social.

Maurice Décaillot, expert agréé en Économie sociale

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