Eléments de réflexion pour un projet communiste

, par  Ivan Lavallée , popularité : 3%

Une nouvelle civilisation frappe à la porte

La crise actuelle du système de production et d’échanges qu’est le capitalisme touche aux fondements même du système, à son principe vital.

C’est une civilisation nouvelle qui frappe à la porte et qui doit englober tous les aspects de la vie de la société, les relations internationales aussi, le rapport à l’environnement. Les luttes actuelles contiennent une aspiration foncièrement nouvelle, une aspiration à un autre rapport au travail, elles ne défendent pas seulement l’emploi. De même, dans l’inconscient collectif chemine l’idée qu’il faut passer à « autre chose ». Le capitalisme est désormais rejeté par une large majorité de la population. Les revendications sociétales, le désaveu de l’école par une part non négligeable des adolescents, le refuge dans la drogue, le retour de l’obscurantisme religieux, les intégrismes, les suicides, qu’ils soient d’adolescents ou au travail sont des symptômes. Cette société est en bout de course, elle rend malade, elle est mortifère. Mais attention, rien n’est donné, toutes les aventures sont possibles, surtout les pires. A nous de montrer quelles sont les clés pour ouvrir la porte qui mène à cette autre civilisation, la civilisation du « bien commun », étymologie du mot communisme. Le socle en est la réalisabilité donnée par le développement des forces productives matérielles. L’ordre du jour est la libération de toutes les capacités de la « force productive » humaine, sans entrave. Le capitalisme a assuré un développement des forces productives matérielles à un niveau tel que tous les besoins matériels de la société peuvent être couverts. Nous sommes passés d’une époque où le socialisme était possible, résultat d’une volonté subjective généreuse d’organisation de la société, mais avec les forces productives du capitalisme, d’où une contradiction majeure, à un tournant de l’histoire où le communisme est redevenu nécessaire (redevenu car l’humanité a vécu historiquement beaucoup plus longtemps en communisme, fut-il primitif, nécessaire solidarité de survie, que dans des sociétés d’exploitation).

Le communisme est aujourd’hui redevenu nécessaire, la puissance des hommes sur la nature est devenue telle qu’un petit groupe d’individus, voire un individu peuvent mettre en cause la vie de millions d’autres ou celle même de l’humanité tout entière.

La régression sociale et la dégradation de l’éco-système en cours en étant les manifestations les plus visibles. C’est ce qui rend obsolète le régime de propriété privée de ces moyens d’action.

Cette dégradation de l’éco-système par ce mode de production capitaliste donne maintenant un caractère d’urgence à cette mutation nécessaire sous peine d’un collapsus majeur. Crise de l’énergie, gaspillage et raréfaction des matières premières, surexploitation des sols et des océans...

C’est au nom de cette nécessité que la responsabilité historique du mouvement révolutionnaire est de proposer un projet de société, le communisme comme instance de dépassement du capitalisme, en en précisant les attendus, et de contribuer à l’élaboration d’un programme qui s’inscrive dans cette dynamique. Un projet communiste, ne peut-être simple incantation anticapitaliste, socialiste ni seulement anti libérale, ni simplement « ce que veulent les gens ». Le spontanéisme n’a jamais fait projet ni programme, pas plus que la vox populi.

Programme versus Projet

Qui dit programme dit immédiateté, pragmatisme. Le programme se situe dans le cadre du système existant, il revêt un caractère d’urgence. S’il n’est pas sous-tendu par un projet, il est condamné à n’être qu’une variante de gestion du système.

Anticapitalisme, antilibéralisme, socialisme ou postcapitalisme (?!) sans contenu ne font pas projet. Les luttes ne sont pas en elles mêmes porteuses de projet.

A un moment historique donné, il y a une contradiction qui s’exacerbe entre les possibles autorisés par les avancées scientifiques et technologiques, et les conditions dans lesquelles se fait l’exploitation. Si prise de conscience, il y a, alors s’ouvre une période de luttes. Tant que cette contestation reste dans un certain cadre, c’est-à-dire tant que la contradiction ne touche pas au fond du système lui-même, ne remet pas en cause l’exploitation de la force de travail, tant que le système technique est encore compatible avec les rapports sociaux capitalistes, elle est un signal d’alarme pour le capital comme quoi il lui faut se réorganiser pour pouvoir continuer à exploiter. Les réformes et la réorganisation qui suivirent les mouvements de l’année 1968 sont là pour en témoigner.

Le projet est un horizon, et même un « au-delà de l’horizon », c’est la perspective historique, il donne les grandes lignes de l’avenir, il n’entre pas dans les détails de la réalisation, il trace les lignes de force, ce qui structure une société.

La deuxième internationale déjà en 1892 à propos du 1er Mai se fixait comme un de ses objectifs : se projeter vers l’avenir, construire un projet par l’image et le rêve.

L’historien Eric Hobsbawm parle du premier mai comme « la seule fête qui ne commémore rien pour ne parler que du futur » [1].

Le programme est le compromis avec le monde réel, dans le temps présent. Il doit être porté par la perspective que donne le projet. Le capital, lui, n’a qu’un objectif, qui est d’ailleurs sa raison d’être, faire le maximum de profit dans le minimum de temps, il a un projet, c’est le libéralisme triomphant à l’échelle de la planète, la dictature des marchés élevés à un statut de divinités. La bourgeoisie française a un programme, c’est de casser tout ce qui pourrait entraver la mise en place de ce projet. La contre réforme des retraites, la liquidation de l’état nation dans une Europe des landers, la mise en place d’un régime sécuritaire permettant de juguler le peuple, la fragmentation du peuple citoyen par tous moyens, désigner des privilégiés (les fonctionnaires, les enseignants, …) ou des parias (les roms, les musulmans,…), casser le système éducatif public pour ouvrir « le grand marché de l’éducation », manipuler les consciences grâce à des média formatés en cassant, entre-autres, le statut de la presse... Le sinistre Kestler l’a bien dit "détricoter systématiquement tout le programme du CNR". Tel est leur programme.

Les communistes se doivent d’avoir un projet et un parti (une organisation fortement structurée) qui ouvre la perspective historique sous peine d’être inaudibles et laisser le champ libre à un programme social démocrate de « gestion loyale » du système, ou au mieux, servir de signal d’alarme pour le capital. Projet de dépassement du capitalisme au sens du développement de forces productives non assimilables par le système capitaliste, et simultanément au sens du développement social et humain nécessaire rendu possible par ce développement des forces productives. L’un et l’autre allant de pair. Il n’y a pas de possibilité de passage à une société humaniste, c’est-à-dire dont l’humanité est le centre des intérêts, dont chaque acte de chaque citoyen est tendu par l’intérêt commun, l’intérêt de chacun devenant celui de tous, sans que chacun « y trouve son compte ». Pour qu’une telle société soit possible, il y faut un développement des moyens d’action sur la nature, des forces productives, qui libère les hommes du règne de la nécessité. De même un tel niveau de développement des forces productives n’est possible qu’avec une humanité consciente d’elle même, jalouse d’elle-même, protectrice d’elle même et de chacun de ses citoyens. Un tel projet ne peut être que global, prendre en compte les problèmes sociétaux tout en les reliant entre eux et avec le rapport social d’exploitation, en s’appuyant sur la dynamique des forces productives, l’intervention systématique des citoyens et des travailleurs dans tous les domaines. Ce qui se développe alors est la force productive humaine qui produit la société en tant qu’entité libérée de l’exploitation, libérant le travailleur et le citoyen, donnant au mot travail un sens nouveau. C’est la tension entre « le jour où les usines tourneront toutes seules » et « lorsque le travail sera devenu le premier besoin social de l’homme ».

Quand les usines tourneront toutes seules

Le capitalisme est pris dans une contradiction majeure, la valorisation maximale et dans le minimum de temps du capital. Le capitalisme crée des forces productives matérielles de plus en plus puissantes, démultipliant le travail humain. La productivité humaine per capita s’en trouve multipliée d’autant.

La course à la technique, à la technologie et à l’innovation, est une spoliation de l’humanité dans son ensemble. On n’invente rien ex nihilo, toute invention ou découverte n’est que l’aboutissement -provisoire- d’un processus d’élaboration qui porte sur des dizaines de milliers d’années, c’est tout au plus un phénomène d’émergence. Il en est de même d’ailleurs pour l’activité scientifique.

Mais cette course à la technologie, est mortifère aussi pour le capitalisme. En effet, si « seul le travail vivant produit de la valeur » alors en remplaçant le travail vivant par des machines, le capitalisme se nie en tant que tel, en tant qu’extracteur de plus-value. On entrevoit le moment où la production des objets matériels (palpables) répondant aux besoins nécessaires à la vie, pourra être réalisée de façon quasi automatique, le temps de travail contraint pour assurer ce fonctionnement devenant très faible, quasi nul à l’échelle de la société. Ces produits, n’ayant alors plus de valeur d’échange, ou très faible, ne sont alors plus des marchandises susceptibles de générer du profit. Ainsi le capitalisme non seulement se nie au niveau de son rapport social, excluant l’humain du facteur productif de plus-value, mais en plus, il crée les outils permettant de mettre en place un nouveau rapport social non basé sur l’exploitation du travail humain.

La propriété foncière, celle des matières premières, c’est le vol

Le travail n’est pas seul source de richesse, "dame nature" y pourvoit aussi. C’est d’ailleurs l’enjeu du « développement durable ». Le pétrole que nous brûlons et qui aurait été nécessaire à nos petits et arrière petits enfants pour leur industrie chimique, l’uranium et plus généralement l’industrie nucléaire menée de façon inconséquente, l’eau demain, la terre, les ressources naturelles en général, la mer dont les ressources halieutiques sont en régression importante, l’air qui se charge de plus en plus des miasmes induits par la production parasitaire sont des richesses dont on peut s’emparer au point de les convertir en produits financiers ; c’est une roue de secours pour le capitalisme, en même temps que l’assurance d’aller à l’abîme en l’utilisant. Il s’agit là purement et simplement de l’épuisement des ressources naturelles, de leur stérilisation.

Le dépassement du capitalisme

Nous assistons à l’émergence de nouvelles forces productives matérielles dont les conséquences sur l’organisation de notre société seront décisives pour notre avenir, et engagent celui de nos enfants et petits-enfants. La prégnance de notre action sur la nature est telle aujourd’hui que pour la première fois dans son histoire, une société en est à poser consciemment des problèmes qui engagent l’avenir pour les centaines de générations à venir.

L’avenir dépend de la façon dont nous gérerons cette situation :

- Soit une société basée sur la propriété privée des moyens d’action sur la nature et la société par quelques-uns. Alors le critère essentiel en est quoi qu’on fasse ou dise, le profit immédiat pour les individus ou groupes d’individus propriétaires des moyens de production et d’action ; c’est le capitalisme.

- Soit une société dont l’objectif majeur est l’intérêt de la communauté humaine et sa pérennisation, c’est, par étymologie, le communisme.

Telle est la mesure de l’enjeu. Dans ce contexte, c’est l’activité scientifique dans son ensemble qui devient la force productive matérielle essentielle.

C’est là l’objectivation forte du communisme en tant qu’il signifie intérêt commun.

On peut considérer que, pour l’essentiel du moins, les forces productives matérielles sont suffisamment développées pour répondre aux besoins matériels de l’humanité. L’ordre du jour historique qui se dessine, c’est, outre la maîtrise publique, commune de ces dites forces, le développement de la force productive humaine en ce qu’elle est productive de rapports sociaux nouveaux et d’un développement sans précédent des individus, des citoyens. C’est l’humanité considérée dans son ensemble, dans sa communauté et sa diversité. « Le libre développement de chacun étant la condition du libre développement de tous » selon la célèbre formule de Marx.

L’activité scientifique devient centrale.

Dans ce contexte, si on veut bien considérer que les problèmes auxquels va de plus en plus être confrontée l’humanité sont d’ordre global, concernant l’ensemble des humains, qu’ils acquièrent de plus en plus des dimensions qui dépassent le simple intérêt d’individus ou de groupes, accédant aux temps longs de l’humanité, alors le rôle de la science devient central dans l’activité productive humaine, que ce soit pour régler les problèmes de santé publique, énergétiques ou écologiques… Les événements récents montrent que le choix et la maîtrise de l’énergie nucléaire, et les problèmes de sécurité que cela induit, ne peuvent être laissés à la loi du profit privé. De même, a contrario, la catastrophe de Tchernobyl en 1986, montre la nécessité d’une maîtrise commune démocratique de ces technologies qui, si elles sont susceptibles de libérer l’humanité des contraintes énergétiques pour une dizaine de siècles sont aussi porteuses de dangers qui s’expriment à la même échelle. Seule une activité scientifique soutenue, largement ouverte sur la société peut permettre de maîtriser les problèmes soulevés par le développement des forces productives. La question écologique ne peut faire l’économie ni du développement scientifique ni de celui du dépassement du capitalisme.

Le dépassement du capitalisme est à l’ordre du jour, il doit consister en une démarche irréversible. Sur le fond ce dépassement doit créer une société qui rende impossible le retour au capitalisme, contrairement à ce qui s’est fait à l’est de l’Europe. C’est bien ce qui s’est produit avec la révolution bourgeoise, même si des formes monarchiques peuvent subsister (comme en Grande Bretagne par exemple) ou réapparaître. Ce qui fonde la société, la façon dont les marchandises sont produites et échangées, ne permettrait pas un retour à l’ancien régime, au-delà, des formes du pouvoir.

Ce qui caractérise les sociétés humaines c’est la façon dont les produits de l’activité humaine y sont produits, partagés ou échangés. C’est du travail des hommes qu’il faut partir pour comprendre les logiques internes des sociétés.

Les expériences socialistes européennes du XXe siècle ont échoué, elles ont été battues dans la guerre froide, et les tentatives actuelles sont fragiles. A aucun moment, elles n’ont, au sens du développement des forces productives et des rapports de production ainsi induits, dépassé le capitalisme.

Le capitalisme a dépassé l’ancien système féodal grâce à la révolution industrielle qui a cassé le mode de production et donc d’organisation de la société basé sur la terre. Ce nouveau mode a nécessité la libération de la force de travail pour pouvoir créer un marché sur lequel le prolétaire puisse aller vendre cette force. Le prolétaire moderne coûte moins cher au capitaliste qui l’exploite que ne coûtait le serf, ou l’esclave. Le capitaliste n’a pas la "responsabilité" de la vie du prolétaire. Le capitaliste achète de la force de travail sur un marché quand il en a besoin, la rejette quand il n’en a plus besoin.

Aujourd’hui, le travail change de nature, la révolution industrielle est, dans nos pays, pour l’essentiel, terminée, les forces productives matérielles passent du travail de la matière palpable au travail de conception, d’organisation et de service. Le prolétariat se diversifie, il s’identifie, pour l’essentiel, au salariat. La logique du mode de production capitaliste consiste à réduire sans cesse le rôle du travail vivant dans la composition du capital en accumulant tant et plus de capital constant. Dans la mesure où toute valeur est déterminée par le temps de travail vivant, c’est le principe même qui régit le système qui est mis en cause. Dans la composition du capital, le temps de travail tend à jouer un rôle de plus en plus négligeable par rapport à l’ensemble du capital matériel, (ou capital fixe).

Mesurer alors la valeur en temps de travail revient à mesurer l’éternité en secondes !

Si « L’histoire de l’humanité c’est celle de ses forces productives » alors l’objectivation forte du communisme tient au développement des dites forces.

Le rapport de l’humanité à la nature est en train de changer, la prise en compte de la globalité des situations est en route. La mondialisation capitaliste, la puissance des forces productives fait que les actions humaines concernent maintenant l’ensemble de l’humanité. Le sort des uns dépend de celui des autres. C’est pourquoi on ne peut poser le problème de la gestion rationnelle des ressources de la planète dans le cadre du capitalisme.

On est ainsi passés du socialisme possible au communisme nécessaire. Le problème majeur qui est aujourd’hui posé est celui de savoir ce qu’il convient de faire, comment, pour qui et pourquoi. La perception et la conscience en sont encore occultées par le poids du passé certes, les reculs momentanés et les incompréhensions, les remises en cause qu’ils induisent, mais surtout par l’idéologie de la classe qui domine, la bourgeoisie, qui fait passer ses intérêts immédiats avant ceux, immédiats et à plus long terme, de l’ensemble de la collectivité humaine.

Quand le travail sera devenu le premier besoin social de l’homme

Dans cette citation de K. Marx, il s’agit d’une conception subvertie du mot « travail » au sens ou aujourd’hui on l’entend.

Il y a un phénomène qui illustre bien cet aspect de travail « premier besoin social de l’homme », c’est tout le travail gratuit qui existe dans nos sociétés. Tant le travail des retraités qui, pour l’essentiel échappe à la circulation marchande au grand dam du capital, que celui des associations.

Le but de la production capitaliste est le profit, pas la satisfaction des besoins, c’est fondamental. La course aux profits ne connaît pas de limite. Il n’en est pas de même de la satisfaction des besoins. A courir après toujours plus de profits dans un monde fini, on en atteint un jour ou l’autre les limites. Bien sûr pour vendre un produit et donc le faire entrer dans le cycle de la marchandise, il faut qu’il ait une valeur d’usage, c’est ce qui va lui donner la capacité d’être échangé. La valeur d’échange est potentialisée par celle d’usage. Cela signifie que le produit doit répondre à un besoin dont la satisfaction est précisément l’usage de la marchandise considérée. Mais comme le but est de faire du profit et non la satisfaction des besoins, le capitalisme crée des besoins pour vendre les marchandises qu’il sait produire. La grande distribution appelant la grande production, il lui faut les ressources en matières premières et en énergie correspondantes, d’où aussi le gaspillage massif de ce mode de production et son impact sur l’écosystème. C’est pourquoi, il faut renverser la problématique de prévision des besoins en énergie ou matières premières. La méthode classique consiste à extrapoler ce qui existe et les tendances qui se sont manifestées sur le dernier siècle par exemple et à les prolonger sur les décennies à venir. Au lieu de cela qui consiste en fait à entériner le mode de développement capitaliste, il serait plus judicieux de partir des besoins.

Un mode de production et d’échanges basé sur la réponse aux besoins serait nécessairement une société économe en ressources naturelles, ne serait-ce que parce que cette économie est un besoin social. Ce qui alors est intéressant c’est le résultat de la production en tant qu’elle répond aux besoins individuels et sociaux et non la production pour elle-même. L’économie de ressources étant un de ces besoins, majeur s’il en est car lié à la pérennisation de l’espèce, du moins à l’échelle de l’espèce humaine, ce que le capitalisme, fut-il vert, ne peut intégrer.

La pérennisation de l’humanité, nécessite une vision et une gestion commune et à long terme des ressources de la planète pour le bien commun, c’est là l’objectivation forte et l’étymologie du communisme. Il ne s’agit pas là de concepts moraux, il s’agit ici de nécessité. Le communisme, primitif, il y a très longtemps, celui à venir, est une organisation des rapports sociaux et de la production placée sous le signe de la nécessité.

Le travail comme premier besoin social

Si le travail, ou disons l’activité productive, ne sert plus qu’à répondre aux besoins, la division sociale du travail tombe d’elle-même (mais pas la division technique). Le rapport social se crée alors dans la relation, besoin-satisfaction. Comme le besoin est exprimé par une personne ou un groupe social et que sa satisfaction est réalisée par une personne ou un groupe, la relation sociale est créée.

Division sociale, division technique, dépassement du travail

Le capitalisme a fondamentalement changé le travail, son contenu, son but, le rapport social qu’il engendre. Le but du travail, de la production, pour le capitaliste, c’est la valorisation du capital, le profit et rien d’autre, la satisfaction de besoins n’étant qu’un moyen, pas un but.

De plus en plus apparaît dans les revendications des travailleurs la préservation certes de l’emploi, mais aussi du travail au sens de la qualification qu’il représente, valorisant ainsi socialement celui qui l’exécute et en possède le savoir faire.

La complexification de la production a conduit à une situation plus complexe dans la réalité d’aujourd’hui [2]. Paradoxalement, c’est ce processus d’aliénation du travail qui permet de dépasser le travail humain en ce qu’il permet une automatisation du processus. Ce sont la technologie et la science qui donnent les moyens de cette libération, mais si la technologie et la science en tant que telles sont relativement neutres, leur utilisation ne l’est pas, et leur développement est aussi régit par les rapports sociaux. La contre-réforme engagée dans l’organisation de la recherche et de l’enseignement supérieur en Europe, en est un exemple caricatural. Les développements scientifiques et technologiques donnent aujourd’hui les moyens de libérer l’humanité de la production "palpable", seul le système de production et d’échange basé sur la valorisation maximale et rapide du capital, dans lequel nous sommes empêche cette libération.

Communisme fiction

Une telle société aux forces productives très hautement développées et orientée uniquement vers la satisfaction des besoins nécessite un investissement massif dans le travail scientifique, ne serait-ce qu’en vue de la gestion rationnelle des ressources naturelles (énergétiques certes, mais aussi minérales, biologiques et humaines ou autres, écologiques au vrai sens du terme) et du travail social au sens du travail nécessaire au bon fonctionnement de la société, ce qui in fine représente en fait beaucoup de travail. Qu’on imagine simplement l’entretien des infrastructures, routes, voies ferrées, réseaux électriques, centrales… Le travail social devenant la règle avec tout le travail dit de service, assurant le fonctionnement de la société, l’essentiel des objets nécessaires étant produits quasi automatiquement. La production des objets superflus ou artistiques (qui ne sont pas superflus !) retournant à une forme d’artisanat, bien sûr à un autre niveau d’organisation. Les avancées technologiques en cours, imprimantes 3D, fab labs, machines autoproductrices... ouvrent des voies nouvelles. Dans une telle société, le temps de travail contraint (la vente de sa force de travail) sera réduit à sa plus simple expression, quelques heures tout au plus par semaine par exemple. Mais alors, cela signifie que le travail non contraint devient la règle, création artistique ou scientifique, ou artisanat de plaisir, services.

Il s’agit d’un projet à l’échelle d’une humanité nouvelle. La mondialisation, opérée par le capitalisme prédateur à travers le développement technologique sauvage, conduit à ce qu’un projet communiste, l’au-delà de l’horizon, soit posé à l’échelle de l’humanité. Il s’agit d’une société du « en commun » d’un type radicalement nouveau. Ce monde nouveau pointe partout, du Chiapas au Sahara, de Reykjavík ou Lisbonne à Athènes, de Londres au Wisconsin… Il tarde à émerger, il cherche des voies nouvelles. Il revient aux communistes, à leurs organisations, au Parti Communiste, d’organiser cette émergence, de lui permettre de se structurer, de se penser, d’être par d’autres pensée, et de devenir une pensée-monde.

Attention car dans l’entre deux du système qui tarde à mourir et du nouveau qui met du temps à apparaître, peuvent naître des monstres.

Un programme, pour le Communisme, la Liberté et la France

Pour le Communisme

Par exemple un programme de baisse du temps de travail contraint d’une heure hebdomadaire par an sur dix ans à production égale mais structurée et orientée différemment, et consommation d’énergie non-renouvelable en baisse irait dans ce sens et serait mobilisateur, tant pour les travailleurs que pour la modernisation de l’outil de production et l’écosystème. Une telle situation marquerait une rupture nette avec la logique du capital. Une telle baisse du temps de travail contraint ouvrirait la porte à une relance du travail social et à la démocratie citoyenne, au temps citoyen, à la liberté, à l’expression de besoins qualitativement nouveaux. Ce serait l’enclenchement d’un processus révolutionnaire de dépassement du capitalisme par négation de son fonctionnement. En effet, produire automatiquement les produits de consommation courante, c’est leur ôter quasiment toute valeur d’échange puisque seul le travail vivant (hors la nature) produit de la valeur. Dès lors la loi marchande ne s’applique plus à ces produits, ou très peu. Et on touche là à ce qui fonde le cycle de production/reproduction du capital.

De plus, un tel programme de baisse drastique du temps de travail pose, en lui-même, le problème de la propriété des moyens de production et d’échange.

Pour la Liberté

Le concept de liberté est une construction humaine. La liberté n’existe pas ex nihilo son contenu dépend du temps et du lieu, des rapports des hommes à la nature, c’est-à-dire du niveau de leurs forces productives matérielles, des rapports des hommes entre eux, des rapports de production. Le terme "liberté" sous la plume de Saint Thomas d’Aquin, de Descartes de Robespierre, ou de la présidente du MEDEF, n’a pas la même signification, pas plus que le concept de droits de l’homme, lesquels en système capitaliste consistent pour l’essentiel en le droit d’exploiter son prochain. C’est le droit dit « de la libre entreprise » autrement dit la concurrence libre et non faussée ; ce qu’a rejeté le peuple français le 29 mai 2005. Il appartient au Parti Communiste de tracer les grandes lignes de ce que pourrait être une liberté renouvelée, intégrant tout ce que les luttes de classe et de libération ont apporté à ce concept et rejetant toutes les perversions qu’en on fait les idéologies jusqu’ici dominantes. Il s’agit d’une bataille idéologique de très haut niveau qui ne peut se mener que dans un débat et une construction continus au sein du peuple français lui-même, en liaison avec d’autres. La libération du temps de travail proposée ci-dessus donnant le temps de cet acte de construction citoyenne.

On ne peut parler de liberté sans parler des conditions de vie des individus. Il n’y a pas de réelle liberté sans logement, sans place dans la société, sans droit de parole et d’action, sans culture. Aborder le problème de la Liberté c’est nécessairement aborder celui du savoir, de la culture. Être libre c’est choisir, mais choisir c’est aussi renoncer. Pour choisir il faut donc connaître. Il s’agit là d’un enjeu fondamental de la citoyenneté. Une conception renouvelée du système scolaire et de l’Université doit s’inspirer de cette conception citoyenne. Avant même de former des producteurs, le rôle de l’école est de former des citoyens, au sens plein du terme. On est loin là de « l’employabilité » chère à un ex ministre français de droite.

La liberté à créer est celle qui articule, individu, citoyen et société. Une société n’est pas une juxtaposition d’individus ni d’individualités (encore moins de clients ou de consommateurs). En fait le capitalisme tend à nier la société humaine comprise comme ensemble des liens individuels et sociaux, le seul lien restant in fine étant un lien marchand. Le citoyen doit être l’élément de base de la société, il est l’individu producteur de rapports sociaux non aliénés, avec ses pairs pris individuellement, et avec l’ensemble du corps social, comme producteur d’institutionnalité.

Dans un premier temps, une nécessité absolue est de réformer les institutions pour donner aux citoyens le pouvoir législatif et exécutif que le régime présidentiel actuel leur a ôté. Redonner ce pouvoir signifie bien évidemment aussi le pouvoir économique, c’est-à-dire donner au peuple les moyens de son indépendance économique en lui donnant ou redonnant la propriété des moyens de production – les forces productives - stratégiques, nécessaires à l’exercice du pouvoir. Et ce problème de la propriété publique des moyens de production et d’échanges ne se pose pas qu’à l’échelle nationale, il faut avancer le concept de biens inaliénables de l’humanité, de service public planétaire.

Sur l’organisation même de la démocratie, au-delà de la mauvaise farce qui consiste à faire passer nos mascarades électorales pour le nec plus ultra de la démocratie, laissons parler Montesquieu :

« Le peuple qui a la souveraine puissance doit faire par lui-même tout ce qu’il peut bien faire... »

Ça signifie qu’on peut concevoir une organisation à différents niveaux, limitant au minimum nécessaire la délégation de pouvoir, laissant partout où c’est possible les citoyens décider et éventuellement faire eux-mêmes.

Pour la France

La nation reste le lieu par excellence de l’articulation du local à l’universel, elle est encore pour longtemps la matrice de notre démocratie, de notre culture, l’espace privilégié des luttes. La nation française a une longue histoire, mais surtout une histoire très riche des luttes du peuple pour l’émancipation du travail

Nous sommes les héritiers des Jacques, des sans culottes, des communards qui montaient « à l’assaut du ciel », de Guy Moquet et de Fabien, de Isaac Manouchian, de Maurice Audin et de Yveton.

La France est une grande nation, par son histoire et par sa culture, sa voix pèse lourd sur la scène internationale. Le non de la France à la guerre en Irak a résonné à travers la planète, le non du peuple français au projet de constitution européenne n’a pas encore fini d’interpeller les peuples, et pas seulement en Europe. La France n’est pas soluble dans l’Europe.

Une grande politique internationale pour la France

En même temps, l’espace économique et géopolitique France ne peut être autosuffisant. Il n’est pas question de se retrancher derrière les murs d’une forteresse. La France, le peuple de France ont beaucoup à recevoir et à donner au monde, aux autres peuples. Notre rôle de communistes est précisément de montrer comment doit s’organiser la place de la France dans le monde, ce qui ressortit à des accords avec des pays d’Europe, avec une organisation des rapports de pays européens, des accords internationaux, en tant que nation souveraine.

L’une des premières mesures à prendre serait une déclaration « de paix aux peuples et nations du monde entier » et un appel à la coopération. Coopération et paix doivent être les maîtres mots d’une politique extérieure de la France. L’une des premières mesures à prendre, outre le retrait des troupes françaises des théâtres d’opérations où elles n’ont rien à faire en dehors des mandats de l’ONU (et encore...), et le retrait immédiat de l’OTAN et de l’alliance atlantique, c’est le renoncement unilatéral à l’arme atomique et plus généralement aux armes de destruction massive qui sont des armes terroristes et tournées contre les peuples.

En même temps, il s’agit de ne pas être naïf, l’expérience de l’URSS au XXe siècle doit servir de leçon. Guerre civile, intervention extérieure, sabotages en tous genres, guerre mondiale, guerre froide, course aux armements. Tout a été fait pour ruiner une tentative de sortie du mode de production et d’échanges capitaliste. De même une France cherchant une voie de dépassement du capitalisme serait en butte aux menées de l’impérialisme. Il s’agit donc de chercher là les alliances susceptibles de desserrer un possible étau. Prendre des initiatives pour donner aux peuples et nations la possibilité de leur réelle autonomie en se dégageant du dollar, par une monnaie mondiale commune, à commencer par une monnaie commune en Europe et des monnaies nationales assurant les souverainetés des états ; soutenir toute initiative dégageant les peuples de l’emprise du monde capitaliste, s’appuyer et appuyer toutes les expériences allant dans ce sens à l’échelle internationale.

Internationalisme

La tradition du PCF est internationaliste, nombre des grands révolutionnaires du XXème siècle se sont formés dans les écoles du PCF, que ce soit Ho Chi Minh, Vo Nguyen Giap, Pham Van Dong, Deng Xiao Ping, Zou en Lai et nombre de dirigeants progressistes africains (presque tous assassinés).

Les campagnes pour la paix en Algérie, la solidarité avec le peuple vietnamien en guerre, les luttes contre la guerre du Maroc avant… ont créé une culture communiste de solidarité de classe qu’il convient de réactiver et de cultiver.

Vive la nation

Les nations occidentales se sont constituées comme forme sociale permettant un type de fonctionnement de la structure capitaliste et de la gestion de ses contradictions. Cette construction ne s’est pas faite à partir de rien, mais à partir d’un état existant, un territoire, et un peuple, lui même héritier de son histoire. La nation, par son caractère de classe, par l’histoire dont elle hérite et est porteuse, est par définition porteuse de contradictions et de conflits. Elle est homogénéisée par les institutions représentées par l’état qui est une forme historique concentrée des rapports sociaux et une matérialisation de l’unité sociale. L’État est la forme d’organisation qui permet l’homogénéisation de la nation, que ce soit par le droit, la force brutale ou l’idéologie, ou un combiné des trois. Bien que le capitalisme soit commercialement mondialisé depuis plusieurs siècles, la nation peut-être interprétée comme une étape dans l’histoire de l’enracinement territorial de la production, de la consommation et des techniques. Les fonctions de production et de consommation ont été mises en œuvre de façon différenciée dans l’espace mondial par des bourgeoisies autonomisées au sein de nations. Ces bourgeoisies ont eu besoin, pour se consolider, se développer de manière interne et mener entre elles, sur le fondement de nations, la concurrence des capitaux.

Bien que le format occidental de la nation [3] puisse apparaître en première analyse, comme une forme sociale capitaliste, la classe exploitée, le prolétariat, sans toutefois remettre en cause la domination du capital, a pu par ses luttes investir les infrastructures de production et de financement de la nation (services publics, nationalisations) tout en améliorant sensiblement sa position dans la consommation individuelle et collective, jouant ainsi indirectement sur la répartition de la valeur créée [4]. Sur la base même de la citoyenneté mise en place par la bourgeoisie, les catégories populaires et les « classes moyennes » ont conquis une place dans la nation, contribuant ainsi à la réorientation du format capitaliste initial du phénomène national. De larges fractions de la population se sont appropriées le fait national, qu’elles ont contribué à démocratiser et à défendre (par exemple, l’adoption du programme du CNR à la libération). La nation a joué en quelque sorte, au plan politique et économique le même rôle que la raison au plan de la connaissance. Toutes deux « inventées » par la bourgeoisie, elles ont été transformées par les luttes en armes de sa critique. C’est ce qui fait que la nation est une forme sociale moderne et progressiste, potentiellement appropriable par les classes exploitées. Elle peut devenir le terrain privilégié de création sociale et devenir ainsi un bien collectif.

Et puisqu’il s’agit pour certains ici et ailleurs de ré-écrire une constitution européenne, rappelons que, dans la période historique que nous vivons, l’Europe n’a pas vocation à devenir nation et n’a donc pas besoin de constitution et que, concernant les traités européens… ou autres, « il est un fait, sans qu’il soit besoin pour cela de constitution européenne, que les traités entre états, régulièrement ratifiés et approuvés ont, sous certaines réserves toutefois, une autorité supérieure à celle des lois » c’est l’article 55 de la constitution qui le dit, alors...

Ainsi, dans l’espace européen et mondial, si des transferts de compétences sont possibles et probablement souhaitables, ils ne sauraient en aucun cas entraîner des transferts de souveraineté. La vocation des institutions françaises est de concourir à la formation d’une citoyenneté basée sur des valeurs forgées au cours de l’Histoire ; le service public, le droit du sol, la laïcité, etc.

La « citoyenneté européenne » instituée par décrets européens est un OPNI, (objet politique non identifié) et le restera encore longtemps. La nation française est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et de l’universel.

Lu sur congres.pcf.fr

[1Cité par D. Tartakowsky Journal Libération 30 avril 2012.

[2Lire à ce propos Cyber Révolution, Le Temps des cerises - 2002.

[3Les nations asiatiques, la Chine, la Corée ou le Japon ne se sont pas formées suivant le même schéma.

[4Quoique, depuis la défaite de l’URSS dans la guerre froide, il y ait une nette tendance à la régression en ce domaine.

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