Irak, Iran, Lybie, Syrie...
Pourquoi il n’y avait pas d’autre solution que de refuser la présence de Tony Blair

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Mgr Desmond Tutu, 82 ans, prix Nobel de la paix en 1984 pour l’ensemble de son œuvre, a refusé, la semaine dernière, de participer à une conférence à Johannesburg, au côté de Tony Blair. « C’est lui ou moi », a-t-il dit aux organisateurs. Ce fut lui, évidemment, les dirigeants sud-africains n’allaient pas décommander l’ancien Premier ministre britannique. Hier, l’ancien archevêque anglican s’est expliqué, dans une tribune publiée par le quotidien sud-africain The Observer que nous traduisons ici. Une telle prise de position concerne bien sûr l’immoralité de l’invasion de l’Irak sur la base d’un mensonge mais elle marque également le refus moral d’une invasion sur des bases tout aussi mensongères de l’Iran et l’actuelle guerre civile provoquée en Syrie.

Danielle Bleitrach


Je ne pouvais pas m’asseoir près de quelqu’un qui a justifié l’invasion de l’Irak par un mensonge.

L’immoralité des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans leur décision d’envahir l’Irak en 2003, invasion basée sur le mensonge attribuant à l’Irak des armes de destruction massive, a déstabilisé et polarisé le monde plus que tout autre conflit dans l’histoire.

Au lieu de reconnaître que le monde dans lequel nous vivions, avec des communications de plus en plus sophistiquées, des transports et des systèmes complexes d’armement pourrait être partagé par l’ensemble de la famille mondialisée, les leaders des EU et du Royaume-Uni de l’époque ont fabriqué des motifs pour se comporter comme les durs de la cour de récréation qui avanceraient dans des véhicules séparés. Ils nous ont amenés au bord du précipice où nous sommes maintenant, avec le fantôme de la Syrie et de l’Iran devant nous.

Si les dirigeants peuvent mentir, alors : qui est-ce qui doit dire la vérité ? Quelques jours avant que George W. Bush et Tony Blair aient ordonné l’invasion de l’Irak, j’ai appelé la Maison Blanche et j’ai parlé à Condoleezza Rice, qui à l’époque était conseillère pour la Sécurité Nationale, pour réclamer que les inspecteurs des Nations Unies aient plus de temps pour confirmer ou pour infirmer l’existence des armes de destruction massive en Irak. Ils doivent être capables de confirmer l’existence de ce type d’armes, ai-je argumenté, et le démantèlement de la menace disposerait de l’appui de pratiquement tout le monde. Rice a contredit mon argument et elle a dit qu’il y avait trop de risques et que le président ne pouvait pas ajourner la décision plus longtemps.

Sur quelles bases pouvons-nous décider que Robert Mugabe doit passer devant la Cour Pénale Internationale, que Tony Blair devrait se joindre au cercle des orateurs internationaux du Sommet, que Ben Laden méritait d’être assassiné, que l’Irak devait être envahi, alors qu’il ne possédait pas d’armes de destruction massive -comme le disait monsieur Bush, commandant en chef, et comme monsieur Blair l’avait confessé la semaine passé-, est-ce que cela valait le prix payé pour se défaire de Saddam Hussein ?

Le coût de la décision de libérer l’Irak de son leader a été écrasant, en commençant par l’Irak lui-même. L’année passée, une moyenne de 6,5 personnes sont mortes dans ce pays chaque jour, dans des attaques suicides et des voitures piégées, conformément au projet Body Count de l’Irak. Plus de 110.000 Irakiens sont morts dans le conflit depuis 2003 et des millions de personnes ont été déplacées. À la fin de l’année passée, près de 4.500 soldats américains étaient morts et plus de 32.000 blessés.

Pour ce seul motif, dans un monde cohérent, les responsables de ces souffrances et de telles pertes de vies devraient être en train de suivre le même chemin que certains de leurs pairs africains et asiatiques, qui ont eu à répondre de leurs actions à La Haye.

Il faudrait rappeler, en plus du coût de ces actes, celui de leurs conséquences au-delà des champs d’extermination, visibles dans l’endurcissement des cœurs et des esprits chez les membres de la famille humaine dans le monde entier.

Qui est-ce qui peut affirmer que les attaques terroristes ont diminué ? Dans quelle mesure avons-nous obtenu que le monde musulman et judéo-chrétien se rapproche et en quoi a été semée la graine de la compréhension et de l’espérance ?

La gouvernance et la moralité sont en principe indivisibles. Les bons dirigeants sont les gardiens de la morale. La question n’est pas de savoir si Saddam Hussein était bon ou mauvais ou combien de gens de son peuple il a massacré. La question est de savoir si M. Bush ou M. Blair devaient se permettre de s’abaisser à un tel niveau d’immoralité.

S’il est acceptable pour les leaders de prendre des mesures drastiques sur la base du mensonge, sans le moindre repentir quand ils sont informés de la vérité : qu’allons nous enseigner à nos enfants ?

Ma demande à monsieur Blair est qu’il ne parle pas d’un leadership, mais qu’il le démontre. Vous êtes un membre de notre famille, la famille de Dieu. Vous devriez respecter la bonté, l’honnêteté, la moralité, l’amour, de la même façon que nos frères et nos sœurs en Irak, aux États-Unis, en Syrie, en Israël et en Iran.

Était-il opportun d’avoir cette discussion au Sommet "Discovery Invest Leadership", à Johannesburg, la semaine passée. À mesure que la date approchait, je sentais un malaise qui s’approfondissait à l’idée d’assister à un sommet sur les dirigeants avec monsieur Blair.

Que les organisateurs du Sommet, les orateurs et délégués acceptent mes excuses les plus sincères et les plus humbles pour ma décision de ne pas y assister.

Traduction du texte de Desmond Tutu paru dans The Observer par Danielle Bleitrach pour Histoire et société

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