PSA : interview de Jean-Pierre Mercier, délégué CGT

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Article du journal Politis rédigé par Thierry Brun, le 13 juillet 2012

PSA : ce que les dirigeants et le gouvernement n’ont pas fait

Après le plan social d’une ampleur sans précédent pour le groupe PSA, bien des questions se posent sur les arguments de la direction et l’attitude du gouvernement.

Tous les moyens ont-ils été utilisés pour éviter le « choc social » programmé par l’industriel automobile PSA ? Le président du directoire de PSA Peugeot Citroën Philippe Varin, dont le groupe a annoncé un plan de suppression de 8.000 postes en France, invoque des arguments contestés par les organisations syndicales : les ventes chutent en raison de la conjoncture et la baisse massive du coût du travail est la « marge de flexibilité » indispensable pour restaurer la compétitivité du groupe. Cette dernière étant l’alpha et l’oméga des difficultés rencontrées par l’industrie française.

De son côté, le gouvernement Ayrault a entre les mains un dossier dont l’issue était connue depuis 2011. Les organisations syndicales ont en effet rappelé que le plan de PSA était attendu depuis plusieurs mois : l’ampleur des suppressions d’emplois, ainsi que l’annonce d’un arrêt d’ici à 2014 de la production de véhicules sur le site d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) avait été révélée par la CGT dès l’année dernière.

Or, explique, Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central adjoint CGT du groupe PSA, la direction a omis de présenter certaines décisions économiques, pourtant lourdes de conséquence sur l’emploi. Pour lui, le gouvernement a des moyens d’actions pour empêcher ce qui est présenté par PSA comme inéluctable.


La direction de PSA s’est préparée depuis plusieurs années à ce plan social au motif que la stratégie industrielle a fragilisé le groupe. Êtes-vous d’accord avec cette analyse ?

Jean-Pierre Mercier CGT : Je suis convaincu qu’il n’y a pas de problème de stratégie de PSA. Il faut imposer à PSA un rééquilibrage des productions entre les différentes usines pour que tout le monde travaille. La motivation de PSA pour fermer l’usine d’Aulnay-sous-Bois ne se situe pas dans le fait d’avoir mis l’accent sur le diesel et pas sur les voitures hybrides. C’est très clairement une volonté de la direction de « rationnaliser l’appareil de production », c’est-à-dire de fermer l’usine d’Aulnay et de surcharger de travail les usines de Poissy, Mulhouse et Sochaux. Il s’agit de les faire tourner 24 heures sur 24, voire sept jours sur sept selon les besoins, pour les faire monter à 130, 140 % de leur capacité. Comme ça, PSA dégagera encore plus de bénéfices. La seule motivation de la direction dans cette affaire, c’est la rentabilité financière !

Le PDG de PSA, Philippe Varin, invoque un effondrement des ventes de véhicules. Qu’en pensez-vous ?

Jean-Pierre Mercier CGT : Pour nous, c’est complètement faux. L’argument consiste à dire que PSA a perdu 240.000 ventes de véhicules entre le premier semestre 2011 et le premier semestre 2012. La direction compare l’année 2012 avec une année qui est à un niveau record de vente de véhicules, de l’ordre de 3,55 millions, sachant que 2010 a été un record historique avec 3,6 millions de véhicules vendus.

La direction omet de dire que l’État lui a interdit de vendre des voitures en Iran, une décision politique destinée à suivre l’embargo économique sur l’Iran [1]. Cela veut dire que la direction s’assoit sur une vente de 200 000 véhicules par semestre !

L’Iran, c’est 457.000 véhicules vendus par an ! C’est le plus gros marché à l’international pour PSA et c’est le deuxième juste après le marché français. Comparé à 2011, PSA aurait fait jeu égal en 2012 s’il n’y avait pas eu cette interdiction. On se rend compte que Philippe Varin ne met pas en avant cette décision parce qu’il aurait été en difficulté pour justifier l’injustifiable, c’est-à-dire la suppression de 8.000 emplois.

Philippe Varin a répété que la France a « le coût du travail le plus cher en Europe » [2] et insisté sur le fait que 44 % de la production de PSA est en France. Il faut donc baisser massivement « les charges qui pèsent sur le travail ». Est-ce une solution ?

Jean-Pierre Mercier CGT : C’est un vrai scandale ! Depuis peu, PSA ne paie plus d’impôt… N’oubliez pas que la taxe professionnelle a été supprimée sous Sarkozy. Et il ne paie plus d’impôts locaux…

Les dirigeants de PSA ne veulent plus rien payer. Aujourd’hui la revendication de Philippe Varin est de ne plus payer de cotisations sociales. Demain, cela sera de ne plus verser de salaire… PSA n’investit pas dans la recherche, car c’est le crédit impôt recherche, et donc l’État, qui finance par exemple la recherche sur le moteur hybride. Ces patrons sont des assistés professionnels !

Or, il y a une stratégie industrielle payante qui a été écartée : embaucher des jeunes, faire partir les anciens dès 55 ans et augmenter les salaires. On pouvait aussi maintenir tous les emplois : en l’espace de 5-6 ans, PSA a supprimé 20.000 emplois en France tout en vendant le même nombre de véhicules. Cela veut dire que les marges ont explosé. Je le répète : il n’y a pas eu d’erreur de stratégie. La preuve ? Les ventes sont au rendez-vous !

Le gouvernement semble dans l’acceptation du plan social de PSA. Pouvait-il agir ?

Jean-Pierre Mercier CGT : Quand j’entends le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, dire que le plan social de PSA n’est pas acceptable "en l’état", ce n’est pas "en l’état" qu’il n’est pas acceptable. Il n’est pas acceptable du tout ! Comment peut-on autoriser un groupe multimilliardaire comme PSA à fermer une usine et à licencier 3.000 salariés à Aulnay-sous-Bois et 1.400 salariés à Rennes ! Comment peut-on autoriser en pleine crise économique ce genre de politique ! On est en droit de demander au gouvernement qu’il intervienne. Qu’on ne nous dise pas que l’État ne peut pas intervenir parce que PSA est un groupe privé ! L’exemple de l’interdiction de vendre des voitures en Iran veut dire que l’État, par moment, a des possibilités d’intervention pour la bonne marche d’une entreprise privée. Si l’État est capable d’imposer à PSA de sacrifier son premier marché international, il doit pouvoir aussi interdire des licenciements.

Il a des moyens législatifs. Il suffirait que Montebourg dise à PSA : si vous fermer l’usine d’Aulnay, si vous licenciez les salariés de Rennes, je rétablis la taxe professionnelle ! En revanche, entrer dans le capital n’est pas une bonne méthode : cela veut dire de la dépense publique pour un groupe privé. Or, l’État détient 15 % du capital de Renault, cela n’a pas empêché les suppressions d’emplois…

Et quand PSA annonce qu’il va réussir à créer 1.500 emplois sur le site d’Aulnay, alors qu’on sait pertinemment que la Seine-Saint-Denis détient le record du chômage en France et qu’il n’y a que peu d’emplois créés dans ce département, nous disons à PSA : vous avez les moyens de créer 1.500 emplois, faites-le ! Et donnez le boulot à 1.500 chômeurs de la Seine-Saint-Denis. Nous, on a du boulot, on a de quoi fabriquer la C3, parce qu’il y en a 450.000 à fabriquer jusqu’en 2016. On garde notre boulot à Aulnay et donnez le boulot aux chômeurs qui en ont besoin !


Des dirigeants et une famille qui ne connaissent pas la crise

PSA a-t-il des problèmes de rentabilité ? Alors qu’un plan stratégique était élaboré depuis plusieurs années (une note de travail confidentielle de la direction datée de 2010 en témoigne), les dirigeants de PSA, dont le PDG, Philippe Varin, ont vu leur revenu s’envoler en 2010. Le président du directoire de PSA « a quasiment triplé sa rémunération, à 3,25 millions d’euros », a révélé le quotidien La Tribune. « Sa part fixe est restée la même qu’en 2009, soit 1,3 million d’euros. Il a, de plus, perçu une coquette part variable de 1,65 million. Et l’heureux patron a reçu, en outre, une gratification exceptionnelle de 300 000 euros ! ».

De son côté, la famille Peugeot, qui détient 30 % du capital de PSA, a certes vu sa fortune fondre ces dernières années, en raison des aléas du marché de l’automobile. Elle est cependant évaluée à 1,35 milliard d’euros en 2012, ce qui la place au 36e rang des grandes fortunes françaises, selon le classement du magazine Challenges. Robert Peugeot et sa famille est aussi une des 37 familles françaises les plus riches dont le patrimoine est à l’abri dans le paradis fiscal suisse, selon le bimensuel suisse Bilan, qui établit chaque année un classement des grandes fortunes.

[1Indépendamment de son alliance avec General Motors, signé fin février, PSA avait décidé en février dernier de « geler son activité » avec l’Iran, suivant la politique de sanctions internationales menée à l’encontre de l’Iran. En revanche, Renault a poursuivi ses ventes de véhicules et a doublé celles-ci l’année dernière.

[2Dans une enquête publiée récemment, l’Insee contredit les affirmations du PDG de PSA : « Dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros. L’écart se montait à 49 % en 1996 et a donc diminué depuis. Néanmoins, il reste fort important, alors même que le secteur automobile contribué dans une large mesure à la dégradation du solde commercial de la France ».

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