L’agenda arabe en Syrie est très clair Par Pepe Escobar

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Les monarchies réactionnaires qui dirigent la Ligue Arabe ont envoyé 160 observateurs en Syrie. Mais le rapport qu’ils ont remis dément la version sur laquelle comptait l’OTAN pour, comme elle l’a fait en Libye, préparer le terrain à une intervention directe. Le rapport affirme catégoriquement que la répression meurtrière n’est pas organisée par le gouvernement syrien contre des manifestants pacifiques. Au lieu de cela, il parle de bandes suspectes responsables de la mort de civils et d’environ un millier de soldats syriens, à travers l’utilisation de méthodes terroristes, telles que placer des bombes dans les autobus, dans les trains transportant des civils, dans les cars de la police, sous les ponts ou encore dans les égouts.


Nous pouvons constater une dérive accélérée dans les machinations « démocratiques » de la Ligue Arabe, ou plus précisément du CCG (Conseil de Coopération du Golfe), puisque le pouvoir effectif dans cette organisation panarabe est exercé par deux des six monarchies du Golfe Persique qui composent le Conseil de Coopération du Golfe, connu aussi comme le Club de la Contre-révolution du Golfe : le Qatar et la Monarchie Saoudienne.

Le CCG a créé un groupe au sein de la Ligue Arabe avec pour objectif essentiel de contrôler ce qui se passe en Syrie. Le Conseil National Syrien, qui a ses représentations dans deux pays membres de L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Turquie et France), a salué avec enthousiasme cette initiative. Il est révélateur à cet égard que le Liban, pays voisin de la Syrie, ne l’ait pas fait.

Quand les plus de 160 observateurs, après un mois d’enquêtes, ont remis leur rapport… surprise ! Les conclusions de leur rapport ne corroboraient pas la ligne officielle du CCG, qui soutient que le « diabolique » gouvernement de Bashar al-Assad assassine de façon indiscriminée et unilatérale son propre peuple et qu’un changement de régime est donc à l’ordre du jour.

Le Comité Ministériel de la Ligue Arabe a approuvé ce rapport par quatre voix pour (Algérie, Egypte, Soudan et un membre du CCG, l’Oman) et une seule voix contre : devinez qui ? Le Qatar – qui préside actuellement la Ligue Arabe, l’émirat ayant racheté son tour de présidence à l’Autorité Palestinienne.

Le rapport a donc été consciencieusement ignoré (par les grands média occidentaux) ou impitoyablement réduit en miettes par les média arabes, virtuellement tous financés soit par la Monarchie Saoudienne soit par le Qatar. Il n’a même pas été débattu, le CCG ayant fait en sorte qu’il ne soit pas traduit de l’arabe en anglais et qu’il ne soit pas diffusé sur le site web de la Ligue Arabe.

Jusqu’à ce qu’il finisse par être divulgué. Il est publié dans son intégralité sur Internet.

Le rapport est catégorique. Il n’y a pas eu de répression mortelle organisée par le gouvernement syrien envers les manifestants pacifiques. Au contraire, le rapport désigne des groupes armés suspects comme responsables de la mort de centaines de civils syriens et de plus d’un millier de soldats de l’armée syrienne au travers d’opérations meurtrières comme le bombardement de bus civils, de trains transportant du combustible diesel, d’autocars de la police, de ponts et de pipelines.

Mais encore une fois, la version officielle de l’OTAN/CCG sur la Syrie est qu’il s’agit d’un soulèvement populaire écrasé par les balles et les chars. A l’inverse, des pays membres des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud, ndt) comme la Russie et la Chine, ainsi que de larges secteurs des pays en voie de développement considèrent que le gouvernement syrien affronte des mercenaires étrangers lourdement armés. Le rapport confirme en grande partie ces soupçons.

Le Conseil National Syrien est pour l’essentiel une émanation des Frères Musulmans, disposant du soutien tant de la Monarchie Saoudienne que du Qatar, avec le soutien tacite et embarrassé d’Israël. La légitimité n’est pas vraiment sa tasse de thé. A l’image de l’Armée Syrienne Libre, il peut exister en son sein des déserteurs et des opposants bien intentionnés du régime d’Assad, mais ils sont en grande partie infestés par ces mercenaires étrangers armés par le CCG, en particulier les groupes salafistes.

Mais les desseins de l’OTAN/CCG, pour l’instant bloqué dans son intention d’appliquer à la Syrie son modèle prêt-à-porter de promotion de la « démocratie » par le bombardement du pays et l’élimination du maléfique dictateur honni, ne sont pas pour autant abandonnés. Les leaders du CCG, la Monarchie Saoudienne et le Qatar, ont abruptement enterré leur propre rapport pour aller droit au but : imposer le changement de régime voulu par l’OTAN/CCG par le biais du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

L’actuelle « initiative arabe pour mettre fin pacifiquement à dix mois de soulèvement en Syrie » menée aux Nations Unies n’est donc rien d’autre qu’une grossière opération de changement de régime. Les suspects habituels, Washington, Londres et Paris, se sont donc vus contraints de faire profil bas pour garantir à la véritable communauté internationale qu’il ne s’agissait pas de délivrer un autre mandat de bombardement à L’OTAN, comme en Libye. La Secrétaire d’Etat Hilary Clinton l’a décrite comme « une voie pour une transition politique qui préserve l’unité de la Syrie et ses institutions ».

Mais les membres des BRICS, La Russie et la Chine, la voient pour ce qu’elle est. L’autre membre des BRICS, l’Inde, tout comme le Pakistan et l’Afrique du Sud ont soulevé de sérieuses réserves au projet de résolution présenté aux Nations Unies par l’OTAN/CCG.

Il n’y aura pas d’autre zone d’exclusion aérienne comme en Libye ; après tout, le régime d’Assad n’est pas vraiment en train de déployer des MIG’s contre les civils. La Russie et la Chine bloqueraient à nouveau une résolution à l’ONU demandant un changement de régime. Même le camp de l’OTAN/CCG avance dans le désordre, car chaque bloc d’acteurs, Washington, Ankara ainsi que le duo Monarchie Saoudienne et Doha – a un agenda géopolitique différent à long terme. Sans parler de l’Irak, voisin crucial et partenaire commercial de la Syrie. Bagdad est officiellement opposé à tout changement de régime.

Ceci étant, voici donc une suggestion à l’adresse de la Monarchie Saoudienne et du Qatar : Puisque vous êtes à ce point séduits par l’implantation d’une « démocratie » en Syrie, pourquoi ne pas utiliser tout l’armement états-unien dont vous disposez afin de l’envahir en pleine nuit – comme vous l’avez fait à Bahrein – pour imposer vous-mêmes un changement de régime ?

Pepe Escobar, le 7 février 2012

correspondant itinérant du « Asia Times online ».

Sur le site ODiario.info ; adresse originale de l’article Asia Times

Traduction Pedro Da Nobrega

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