Bien sûr traquer et punir les coupables. Mais poser publiquement la question : comment se fait-il qu’ils aient pu (...)
Leurre du Rhin Une réaction de Patrice Carvalho
Sarkozy, lors de son intervention « urbi et orbi » sur neuf chaînes de télévision, a cité 28 fois l’Allemagne comme le modèle à copier. Et comme si nous n’avions pas bien compris, nous avons eu droit, lundi soir, à une interview croisée avec Angela Merkel sur France 2.
Mais qu’est donc cet exemple qui aurait terrassé le chômage, garanti la compétitivité de l’économie, la croissance, les exportations ?
Quel est donc le secret de cette « réussite » ?
En réalité, le tableau n’est pas aussi idyllique que l’on nous le présente. L’Allemagne a subi une purge sociale depuis près de 10 ans.
Le social-démocrate Schröder a entamé le processus entre 2003 et 2005 avec les réformes Hartz, du nom de leur inspirateur, qui était le Directeur du personnel de Volkswagen et qui avait négocié les accords du constructeur automobile sur la flexibilité des horaires de travail.
Ces quatre réformes successives ont consacré l’installation de la précarité, la réduction à 12 mois de l’indemnisation du chômage. Bref, tout ce dont rêve Sarkozy lorsqu’il évoque la réduction du coût du travail et la compétitivité des entreprises.
Mais quel est le bilan Outre-Rhin ?
Les chiffres du chômage sont à leur plus bas niveau depuis vingt ans et s’établissent à 7,1% de la population active contre près de 10% chez nous. A ceci près que sur les 41,6 millions d’actifs en postes, un quart sont des emplois précaires non soumis à cotisations sociales. Parmi eux, les « mini-jobs » payés 400 € par mois qui concernent 5 millions de salariés, les jobs à un euro de l’heure exercés par les chômeurs n’ayant plus droit aux indemnités de chômage.
Dans un pays qui ne dispose pas de salaire minimum interprofessionnel, 1,2 million de personnes percevaient, en 2010, un salaire égal ou inférieur à 5€ brut de l’heure (8,5 € avec le Smic en France). Le nombre de travailleurs pauvres et le taux de pauvreté explosent.
L’an dernier, un rapport de l’OCDE a mis en avant le creusement des inégalités de revenus depuis l’an 2000, en raison notamment de la montée du travail à temps partiel.
Et qu’en est-il de la croissance ?
Au cours de la décennie écoulée, elle a été inférieure à celle de la zone euro et de la France.
Ajoutons à cela une dette publique supérieure à la nôtre et une démographie en berne.
Alors, il est vrai que l’Allemagne a eu le souci de défendre et de préserver sa tradition industrielle, ce qui lui garantit ses succès à l’exportation quand nous avons, en France, liquidé 750 000 emplois industriels en dix ans.
Mais la politique de purge sociale poursuivie par Angela Merkel crée elle-même les limites de ces atouts productifs, car la baisse de la consommation intérieure et celle que la chancelière veut imposer aux peuples de l’Europe et de la zone euro en particulier risquent fort de tarir les débouchés des produits allemands. Qui seront ses clients quand ils seront devenus insolvables ?
Nous touchons là à ce fondement de l’austérité, vantée des deux côtés du Rhin, qui se révèle, jour après jour, non comme un remède mais comme un poison.
Patrice Carvalho
Tiré de son blog