Les portiques, le 44 tonnes, le rail et les wagons isolés...
De Quimper à Carhaix, les conditions du rassemblement...

, par  pam , popularité : 2%

Ce samedi, deux manifestations vont se faire entendre en Bretagne, les opposants à l’éco-taxe, notamment agriculteurs et transporteurs, à Quimper, et les salariés, notamment de l’agro-alimentaire, à Carhaix dans une manifestation qui au fil des jours est présentée par certains comme une "contre-manifestation".

La crise qui frappe l’emploi en Bretagne comme ailleurs provoque périodiquement des coups de colère, mais les militants savent d’expérience que la bataille des idées, des représentations, des objectifs fait rage au cœur des luttes, et plus encore des révoltes. Ce sont les luttes de classes qui font l’histoire nous dit le manifeste du parti communiste, mais les luttes de classes se mènent sur tous les fronts, sociaux, économiques, politiques, théoriques...

L’écotaxe illustre à quel point nous sommes enfermés dans un brouillard théorique et politique qui permet toutes les manipulations, et qu’il faut absolument éclairer pour ne pas laisser le système tirer les marrons du feu social. Car faut-il, pour ne pas se retrouver avec les petits patrons bretons, défendre une écotaxe inventée par Sarkozy, sur la base du pillage de l’état par un prestataire privé et d’un péage routier électronique, nouvelle avancée du flicage informatique... ?

A l’évidence, le patronat local et les forces de droite qui ont pourtant inventé et négocié cette écotaxe, utilisent sa mise en œuvre pour faire monter la colère contre le gouvernement socialiste, et continuer à défendre un modèle économique fondé sur la mise en concurrence des territoires, et donc leur "spécialisation intelligente" comme disent les "experts", ce qui conduit à faire rouler des camions pour transporter des porcs élevés en Bretagne, abattus en Pologne, et conditionnés de nouveau en Bretagne... tout en contraignant des milliers de travailleurs polonais à émigrer pour chercher du travail, et en imposant les reculs sociaux aux travailleurs de France...

Mais le gouvernement socialiste et écologiste parle d’autant plus de la nécessité de privilégier le train sur le camion, qu’il poursuit la politique de démantèlement du fret ferroviaire de tous les gouvernements depuis 30 ans, qui fait que la part du rail dans le transport des marchandises est en chute libre, remettant en cause l’équilibre économique de l’activité [1]. La SNCF a abandonné toute activité dite "wagon isolé", autant dire toute activité en direction des PME-PMI ! Et moins on transporte par le rail, plus le coût du rail est élevé compte tenu du coût d’entretien et de développement des infrastructures [2], alors que les infrastructures routières sont massivement financées par les usagers et les contribuables... [3]

Les écologistes insistent d’autant plus sur cette écotaxe et la dénonciation des industriels productivistes qu’ils pèsent sur le débat public depuis leur compromis du Grenelle avec Sarkozy pour accélérer le démontage des services publics, développer ce capitalisme vert qu’ils parent de toutes les vertus, en même temps qu’ils sont les principaux défenseurs politiques, y compris et malheureusement à gauche, des réponses "de marché", des taxes diverses - transport, carbone, tarif de rachat éolien ou photovoltaïque... - qui toutes, aggravent les inégalités sociales, des mécanismes de quota qui permettent de nouvelles bulles spéculatives et attirent les grands financiers... Et ils se sont félicités, il y a quelques mois, de cette "commission mobilité" qui, au nom des équilibres budgétaires, a reporté de grands investissements d’infrastructures, dont le contournement ferroviaire de l’agglomération Lyonnaise pourtant indispensable à tout développement du fret dans le Sud-Est Lyonnais... sans proposer aucun projet pour permettre le développement du fret en Bretagne [4] !

Les syndicalistes, les militants progressistes, doivent absolument se dégager de ces impasses politiques en refusant de choisir un camp contre l’autre, mais en partant au contraire des intérêts des travailleurs, de leur autonomie d’action et d’organisation, et ouvrir en grand le chantier de la critique du capitalisme pour ouvrir la perspective du socialisme. Car il est impossible de sortir du modèle économique actuel en cherchant des réponses dans le cadre de ce système capitaliste, dans le cadre de la mondialisation capitaliste.

Quelques éléments de réflexion pour y contribuer :

Oui, le capitalisme organise la concurrence mondialisée. Pour cela, il peut investir massivement pendant 10 ans dans un secteur, le plus souvent mobilisant de larges financements publics pour cela, puis casser ces investissements en en reportant une partie ailleurs, en réorganisant sa "chaine logistique", pour toujours minimiser la part de la richesse produite reversée en salaire et maximiser la part de profit mis à la disposition des actionnaires. Mais qui peut dire aux travailleurs de l’agroalimentaire breton que pour rompre avec ce modèle, il faut fermer leurs usines qui ont été conçues pour ce modèle ? Pour les communistes, au contraire, nous proposons d’utiliser le développement des forces productives qu’imposent le capitalisme pour nous les approprier et les orienter alors selon les besoins. Nous proposons d’utiliser y compris le développement des échanges imposés par la mondialisation pour organiser de nouvelles coopérations, en les libérant de la guerre des monnaies et de la guerre des salaires...

Donc, non, la réponse n’est pas fondamentalement le retour aux "circuits courts", même si leur développement est légitime et nécessaire. Aucun développement local n’est possible sans s’insérer dans des échanges régionaux et mondiaux, sans rechercher des coopérations, le partage et donc la répartition des investissements nécessaires. Répondre à la mondialisation capitaliste par une relocalisation en circuit court, c’est refuser de s’attaquer à ce qu’est profondément la mondialisation capitaliste, non pas le "village monde", mais la "concurrence monde" .

Oui, il faut réduire le transport routier, mais pas dans l’illusion qu’on peut réduire massivement les échanges, même s’il est bien sûr nécessaire de faire la chasse aux transports inutiles, et à tous les gaspillages que la mondialisation fondée sur la concurrence impose. A partir du moment ou les coopérations sont dégagées de la guerre économique, alors il faut organiser la logistique qui leur correspond, en la sortant du modèle du flux tendu qui impose pratiquement la route, en créant les outils de planification logistique qui permettent de définir des règles de choix du mode de transport selon les produits, les volumes... Il est évident que des yaourts ne se transportent pas comme des équipements électroniques...

Donc, non, il ne faut pas "taxer" encore plus le transport routier, qui contribue déjà avec la TIPP à une des premières ressources fiscales. Non, il ne faut pas légitimer cette écotaxe prélevée par Godman-Sachs et Benetton avec un système technologique qui est une gabegie ! Les communistes qui se battent contre les péages routiers et la privatisation des autoroutes ne peuvent se compromettre avec le gouvernement socialiste-écologiste dans ce scandale issu de Sarkozy ! Il faut par contre en urgence un plan de relance du fret ferroviaire, avec un plan d’investissement massif dans les infrastructures du réseau ferré, dans les trains et les systèmes de transfert rail-route pour les livraisons locales. Ce sont les milliards que l’état accorde aux grandes entreprises en crédit-import, dégrèvement de charges, de cotisations sociales, qui doivent être réorientés vers les infrastructures et les services publics.

Non, il ne faut pas opposer les petits patrons bretons, les petits transporteurs, les agriculteurs, et les travailleurs de l’agro-alimentaire, il faut au contraire travailler à unir autour de la classe ouvrière la plus grande part possible des couches sociales non oligarchiques ! Nous pouvons subvertir ceux qui ont tenté de faire du symbole des bonnets rouge un symbole réactionnaire et s’en saisir au contraire comme symbole de rassemblement populaire contre le système. La CGT de Bretagne a raison de ne pas laisser le patronat instrumentaliser la crise de l’emploi agro-alimentaire pour faire défiler les travailleurs licenciés derrière le patronat et la droite sur l’écotaxe, mais, vu de loin, et donc dans le respect des décisions militantes sur place, j’ai le sentiment que l’objectif devrait être à l’inverse de prendre la tête du mouvement des bonnets rouges, en imposant l’intérêt des travailleurs et des familles bretonnes comme question centrale de ce mouvement. D’autant qu’il ne faudrait pas permettre au gouvernement non plus de manifester avec les victimes des restructurations, restructurations qu’il laisse faire, au mieux, et de toute façon, auxquelles il contribue avec sa politique économique et européenne.

Il y a deux conditions du rassemblement :
- poser jusqu’au bout et de manière concrète les questions d’une autre société, non capitaliste,
- affirmer l’autonomie et le rôle central des travailleurs organisés, indépendamment des institutions et du patronat.

[1Il a autorisé la circulation depuis le 1er janvier 2013 des camions de 44 tonnes, alors que les études disent qu’avec ces 44 tonnes dans la zone euro, 35% du fret ferroviaire irait sur les routes.

[2Rapport SNCF de 2009 : « L’effondrement des trafics de 40% depuis début 2009 a fait augmenter le coût moyen par wagon de 70%. Pour que cette activité soit rentable pour la SNCF, il faudrait que ses volumes augmentent de 65% ».

[3La filiale historique de transport ferroviaire de la SNCF, Geodis, est passée de 55 milliards de tonnes kilomètre transportées en 2000 à 21,1 milliards en 2012. Certes, c’est la crise, mais pendant ce temps, l’activité routière de Geodis BM est passé de 600 millions d’euros en 2007 à 827,6 millions d’euros en 2012 !

[4Cette "commission mobilité" a bien validé deux projets d’autoroute ferroviaire, mais pour répondre aux besoins de transit internationaux notamment européens nord-sud, sans rien pour le développement des territoires en France

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