Tunisie : après avoir chassé le tyran, le peuple continue la lutte

, par  Jean-Paul Le Marec , popularité : 1%

Source : collectif Polex

Le peuple tunisien a obtenu une victoire historique en chassant le tyran Ben Ali qui les opprimait depuis 23 ans. Il a ouvert la voie, d’abord aux peuples des pays arabes, mais aussi à tous les peuples du monde en démontrant qu’un peuple qui surmonte sa peur et affiche sa détermination est invincible. Le peuple tunisien a donné raison au poète tunisien Abou El Kacem Chabbi : « Si le peuple veut un jour la vie, il finit par prendre son destin en main (…). La nuit finira par s’éclaircir et les chaînes par se briser ».

Dans toutes les villes de Tunisie, les manifestations populaires, où les jeunes ont joué un rôle essentiel, d’abord pour l’emploi et le pouvoir d’achat, ont rapidement avancé des revendications politiques fustigeant le pouvoir du despote et la corruption de sa famille. Le mot d’ordre « Ben Ali casse-toi » était scandé dans toute le Tunisie mais aussi en France dans les manifestations de soutien. Cette conscience politique n’est pas surgi du néant et ne s’est pas construite en quatre semaines. Elle a mûri pendant la dictature avec "l’accumulation de frustrations, de colères et de haines de ce régime", comme le souligne la militante Olfa Lamloum dans "l’Humanité" du 20 janvier. Puis, elle s’est exprimée avec force dans le bassin minier de Gafsa en 2008-2009 où la révolte de toute une population pour le droit au travail a été violemment réprimée. C’est aussi le résultat du travail de longue haleine des défenseurs des droits de l’homme, d’avocats et magistrats, d’étudiants, de syndicalistes et de certains opposants politiques. Travail mené en Tunisie malgré la répression - au prix du harcèlement permanent, des arrestations, des emprisonnements, des tortures - et en Europe, notamment en France, par les associations tunisiennes des droits de l’homme dont certains responsables, comme Kamel Jendoubi, président de CRDLHT, viennent enfin de pouvoir retourner en Tunisie après des années d’exil. Comme l’a reconnu le journaliste tunisien Taoufik Ben Brik dans "l’Humanité" du 20 janvier : "Ce sont ces hommes et femmes de cœur qui ont réussi l’ exploit de faire sortir la Tunisie de sa léthargie".

En France, le gouvernement et les principaux médias ignoraient ou méprisaient ces associations et apportaient sans réserve leur appui au dictateur tunisien en « mettant un mouchoir » sur les atteintes aux droits de l’homme. Le silence coupable des journalistes qui, ces dernières années, ont rarement rendu compte de la situation réelle en Tunisie, a connu en quelques heures une véritable conversion. Aujourd’hui, ils applaudissent le départ du tyran, consacrent les émissions spéciales à la Tunisie et vont jusqu’à donner des leçons de démocratie ! Ils veulent sans doute pouvoir continuer à passer leurs vacances à Djerba ! Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui ne disent pas un mot des violations des droits de l’homme au Sahara occidental. Quand ils arrivent à Marrakech, souvent tous frais payés, ils ne voient pas, n’entendent pas le peuple sahraoui qui clame dans le désert son droit à l’autodétermination. Ces journalistes ne sont pas les seuls à se retrouver à Djerba ou Marrakech, ils y rencontrent des intellectuels "droitsdel’hommistes" ou des membres des gouvernements. Comme Chirac, Nicolas Sarkozy passe régulièrement ses vacances au Maroc invité par le roi. Lors de ses séjours en Tunisie, il a souvent rendu hommage à son "ami" Ben Ali (qu’il a soutenu jusqu’à la dernière minute) et l’a félicité pour la progression de "l’espace des libertés". L’ambassadeur de France à Tunis est allé jusqu’à écrire : "La Tunisie n’est pas une dictature et ses leaders sont vraiment à l’ écoute du peuple. Le gouvernement fait des progrès sur les droits de l’homme et la liberté". Ce n’est donc pas étonnant qu’un des principaux slogans des manifestations en France fût : « Ben Ali assassin, Sarkozy complice ! ». Un participant aux dernières manifestations de soutien au peuple tunisien s’étonnait que le responsable du Parti socialiste ait été sifflé jusqu’à être inaudible. Il a fallu lui rafraîchir la mémoire : le soutien du gouvernement Jospin à Ben Ali, les déclarations de Dominique Strauss-Kahn en novembre 1988 après avoir reçu des mains de Ben Ali la médaille de « Grand officier de l’ordre de la République » : « L’économie tunisienne va bien (…) et la politique économique est saine (…). La Tunisie est un modèle pour les pays émergents ». Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui claironne aujourd’hui son soutien à la lutte du peuple tunisien, déclarait il y a quelques mois : « La Tunisie est non seulement sur la bonne voie mais elle réussit mieux que les pays comparables ». Et, cerise sur le gâteau, l’Internationale socialiste a attendu le 18 janvier 2011 pour rompre toute relation avec le RCD, le parti de Ben Ali, (qui en était membre depuis 1970) et l’exclure de ses rangs !

N’oublions pas non plus les dirigeants de l’Union européenne qui, après avoir imposé à la Tunisie un accord d’association fondé sur des rapports de domination au profit des multinationales, se préparaient à lui octroyer un « statut avancé » après l’avoir accordé à Israël et au Maroc, deux pays colonisateurs et répressifs.

Dans ce bal des hypocrites, ils sont nombreux aujourd’hui à occuper le devant de la scène pour afficher leur récente conversion en essayant de faire oublier leur lâcheté et leur silence coupable quand ce n’était pas leur complicité. Mais les peuples n’oublieront pas car ils ont de la mémoire !

Au prix de plus de 100 morts et de centaines de blessés, le peuple tunisien a brisé ses chaînes et chassé Ben Ali. Il a ainsi fait vivre son hymne national qu’il a très souvent chanté dans les manifestations : « La nuit va se dissiper et la lumière va apparaître ». Mais il est conscient qu’il lui faut continuer la lutte pour se débarrasser du système Ben Ali que les caciques du RCD, sans doute avec l’appui des pays occidentaux et la complicité de certains « ralliés », voudraient maintenir. Le peuple tunisien a donc encore besoin de notre soutien, d’abord pour conforter sa victoire en garantissant la liberté et la démocratie, mais aussi pour que leur victoire devienne dans tous les pays arabes une onde de choc qui libère leurs peuples et balaie leurs dirigeants corrompus liés à leurs maîtres impérialistes occidentaux.

Jean-Paul Le Marec

Lu sur le site du collectif Polex

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