Il s’appelait Mike Brown, il pourrait porter un autre nom
Sur l’assassinat du jeune afro-américain Mike Brown : les statistiques du racisme ordinaire aux Etats-Unis Chronique d’Antonio Santos, pour le journal communiste portugais Avante !

, par  communistes , popularité : 2%

Brecht mettait en garde sur le fait que dans une période de confusion sanglante, de désordre institué, d’arbitraire planifié, d’humanité déshumanisée, rien ne doit paraître naturel, rien ne doit passer pour immuable. Il faut se méfier du plus trivial et étudier surtout ce qui semble habituel.

Ce 9 août était assassiné un jeune afro-américain à Ferguson, dans le Missouri, aux Etats-Unis. Non, non ce n’est pas du déjà vu : j’ai déjà écrit ici sur le sujet, que les lecteurs me pardonnent ces répétitions si gênantes. Seul le nom est différent.

Les médias de la classe dominante ne commirent pas la même erreur que moi : ils ont bien perçu que l’histoire était la même depuis toujours et ils ne s’y intéressèrent même plus.

Le scénario est toujours le même : un jeune sans armes sur le chemin de la maison. Il est intercepté par la police sans aucune raison. Il finit le corps criblé de balles. Parce qu’il était noir.

Contrairement à Trayvon Martin, le nom de Mike Brown ne méritait ni les gros titres ni la une, le public était déjà habitué à cette histoire et, très sincèrement, lassé d’avoir à l’entendre. Il n’y a, en effet, pire habitude que celle à laquelle nous nous sommes déjà habitués.

Ceci n’est pas une chronique sur les statistiques

Mais il serait pour le moins étrange pour nous communistes, à l’instar des serviteurs du Dieu-argent, d’accepter de ne pas répéter les mots que nous disons depuis toujours, quand la répétition des vieux crimes est toujours aussi choquante.

Michael Brown est mort. Et il continuera à mourir avec tant d’autres noms bien plus anonymes tant que nous ne connaîtrons rien de leur sort. C’est pour cette raison qu’ils peuvent tuer.

Depuis janvier seulement, plus de 400 hommes noirs sont morts sous les balles de la police nord-américaine, une statistique considérée comme normale dans le paradigme capitaliste de la démocratie et de la liberté.

Mais Michael Brown n’était pas une statistique et cette chronique porte sur lui.

Mike avait 18 ans et la semaine prochaine il allait entrer pour la première fois à la fac, un fait que sa mère, en larmes, criait aux policiers : « Vous savez combien il fut difficile pour moi de le garder à l’école jusqu’au bout ? Vous savez combien d’enfants noirs parviennent à rentrer à la fac ? ».

La réponse terrible est : moins de 15%, mais nous n’allons pas parler de cela, car Michael Brown n’était pas une statistique.

Ce jour-là, Michael Brown rentrait à la maison de sa grand-mère dans une banlieue ouvrière de la ville quand une voiture de patrouille se gare à ses côtés et lui demande de s’arrêter, la routine à Ferguson, où 87,5 % des personnes auxquelles la police demande de s’arrêter sont noirs. Mais comme cette chronique ne porte pas sur des statistiques, avançons.

Aujourd’hui, nous savons que Michael n’était suspect d’aucun crime, mais les policiers voulaient quand même le contrôler : un de plus, quand 92,3 % des personnes contrôlées à Ferguson sont noires. On en finit avec cette petite partie statistique dans la chronique.

Selon divers témoignages, Michael refusa d’être interrogé et contrôlé. A ce moment-là, un policier a tenté de le pousser à l’intérieur de la voiture, Michael a réussi à se libérer et a couru. Le policier a alors tiré un coup pris qui l’atteint aux côtes.

Tout cela se produisit à 14 h, et les différents témoignages concordent sur ce qui a suivi : quand il a reçu ce coup de feu, Michael a levé les bras pour se rendre mais le policier est monté dans la voiture, et à une distance de moins de 10 m, a tiré de nouveau sur Michael Brown. Plus de sept fois.

Sur l’identité du policier assassin, nous ne connaissons que la couleur de peau : il était blanc comme 94 % des policiers d’une cité à 67 % noire. Cette chronique ne porte pas sur des statistiques, elle porte sur Michael Brown, mais ce sont les statistiques qui l’ont tué.

A fleur de peau

A l’heure de la publication de cet article, les commentateurs des grands journaux nord-américains se demandaient indignés, tous en chœur, pourquoi les noirs du Missouri embrasent les rues.

Comme nous ne pourrions ici que répéter des statistiques que tout le monde connaît déjà, nous allons faire en sorte de répondre à leur question.

  • Ferguson s’embrase parce que le corps de Michael est resté pendant plusieurs heures au milieu de la route et parce que, quand une veillée s’est formée avec des photographies et des bougies à la main, plus de 200 policiers de choc ont fait irruption, avec des matraques et des fusils à la main.
  • Saint-Louis s’embrase parce qu’en 2014 des enfants et adolescents noirs ont été assassinés par une police qui méprise leurs vies.
  • Le Missouri s’embrase parce que c’est encore un jeune afro-américain de plus qui est assassiné par ce système inhumain et structurellement raciste, et parce qu’encore les médias s’occupent de criminaliser l’image de la victime.
  • Les États-Unis s’embrasent car, comme l’écrivait Martin Luther King, quelques semaines avant d’être assassiné : « la révolte est le langage de ceux qui n’ont pas de voix ».

Une voix accablée de larmes, de tant d’injustice et d’une telle oppression.

Voir en ligne : Traduction AC pour Solidarité-internationale-PCF

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