SNCF : le rapport Spinetta dézingue Philippe Par Jacques Littauer de Charlie Hebdo

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Même si Charlie Hebdo n’est pas notre tasse de thé, j’ai été surpris par cette analyse réalisée par "l’économiste" de ce journal, Jacques Littauer. Tout d’abord, je ne savais pas que Charlie Hebdo pouvait présenter des analyses économiques, mais surtout que ce journal humoriste anticommuniste issu de la petite bourgeoisie, s’essayait à la défense des services publiques ! Dont acte. En tous cas, l’auteur a l’art de relever les contradictions du rapport Spinetta qui n’a pas pu masquer un certain nombre d’arguments en faveur de la SNCF et de ses cheminots, ainsi que des usagers.
PB

Le gouvernement a réussi un double tour de force. D’abord, nous convaincre que la situation de la SNCF est catastrophique, alors que ce n’est pas le cas. Ensuite, nous expliquer que tout est de la faute des cheminots, quand les problèmes viennent surtout du « tout TGV ».

« Ce qui est dangereux pour la SNCF, ce qui est inacceptable pour les Françaises et les Français, c’est le statu quo. C’est lui qui est dangereux. ». Edouard Philippe a été clair : c’est notre système qu’il faut revoir, à commencer par le statut des cheminots, cet ensemble de droits qui les empêche d’être flexibles, cet impératif tellement macronien. Et puis la SNCF coûte cher, et les déficits, il n’aime pas ça, Philippe.

Pour convaincre, le gouvernement s’appuie sur le rapport sur "L’avenir du Transport ferroviaire" de Jean-Cyril Spinetta, qui a occupé des fonctions de direction chez Air France, AREVA, Alcatel, Saint-Gobain et Engie, toutes entreprises de service public bien connues. Certes, dans son rapport, Spinetta fait de la concurrence toujours et partout la dernière conquête en date de l’humanité.

Mais sa lecture réserve quelques jolies surprises. En effet, si on est prié de tout casser, c’est après avoir montré que le train français ne marche pas si mal, et qu’il coûte nettement moins cher que les systèmes ferroviaires de pays voisins. Ainsi, le prix moyen pour le passager serait en France de 8 euros pour 100 kilomètres, contre 30 euros au Danemark et en Suisse. Est-ce que l’on aurait pu s’arrêter un instant sur cet écart vertigineux en notre faveur ?

Par ailleurs, le rapport indique que le niveau de satisfaction des Français à l’égard du train « est au-dessus de la moyenne européenne ». Un constat franchement surprenant au regard de la dégradation de la qualité de service, avec l’accumulation de retards (un train sur dix a plus de 5 minutes de retard) et les trains bondés ou annulés, mais comme l’enquête a été effectuée par la Commission européenne, on la croit.

Et surtout, le rapport Spinetta rappelle cette évidence qui change tout : « Dans tous les pays européens, le transport ferroviaire est financé en grande partie par des subventions », qui dépassent partout 40 % du coût total. Le rapport dénonce d’ailleurs le « sous-investissement massif » de l’Etat dans le réseau ferroviaire français, en raison de la priorité donnée au TGV. Donc la dette, ce n’est pas la faute de la SNCF, mais de l’Etat. Ce qui change tout, non ?

En effet, aucune activité de transport ferroviaire ne peut être rentable si elle doit financer les infrastructures, bien trop chères. Or il faut un réseau ferroviaire dense et de qualité pour désenclaver les régions isolées, et, évidemment, limiter la pollution (un voyageur en TGV émet 50 fois moins de CO2 qu’en voiture).

Mais tout cela ne coûterait-il pas trop cher au contribuable ? Selon Gérald Darmanin, qui aime les galipettes comptables, la SNCF coûterait chaque année 340 euros à chaque Français adulte. C’est très malin de se faire peur de la sorte. Allons-y : l’éducation nationale nous coûte 1.000 euros par an, l’armée 700 euros… Au secours !

Oui mais après, leurs services sont gratuits, non ? Et puis ma boulangère me coûte 600 euros par an pour une baguette par jour et deux croissants le dimanche, est-ce un scandale ? Et en plus, Darmanin ment. Car selon le rapport Spinetta, le coût pour le contribuable n’est que de 200 euros, à supposer même que ce chiffre ait un sens.

Dernier fait rigolo : selon le « Railway Performance Index » du BCG, qui mesure la qualité globale des systèmes ferroviaires, la France se classe 4ème, au même niveau que l’Allemagne et la Suède, et devance les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne et l’Italie, et bien sûr le Royaume-Uni, qui sont, on le sait, des pays sous-développés…

Comment oser proclamer après ça, comme le fait Edouard Philippe, que « la situation est alarmante, pour ne pas dire intenable » ? Sa stratégie est classique. 1. Dresser un tableau apocalyptique du service rendu. 2. Faire flipper tout le monde avec la « dette ». 3. Invoquer « l’urgence » comme si tout allait s’effondrer demain faute de « réforme ».

Et la solution à tous nos maux : précariser les futurs cheminots sur l’autel de la réforme, histoire de paraître « moderne » et « équitable ». Alors que rien dans le rapport Spinetta ne montre que leur sacrifice résoudra tous les problèmes.

Jacques Littauer
Article paru dans Charlie Hebdo du 7 mars 2018

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