Quelques réflexions sur la communication du Comité central du KKE du 13.7.2015 par Alexandre Moumbaris

, par  communistes , popularité : 3%

Les mesures sociales que recommande le KKE ainsi que l’urgence de leur mise en œuvre : l’organisation sur les lieux de travail, dans les quartiers, les divers comités de solidarité…, sont plus qu’indispensables. Cela permettrait hormis la subsistance, le développement d’un pouvoir politique populaire alternatif, susceptible éventuellement d’offrir un terreau à d’autres développements à la lutte populaire.

Il est manifeste que le KKE avait bien averti et dénoncé Syriza pour son imposture, qui s’est transformée en flagrante trahison de la volonté des citoyens grecs exprimée par le vote « Non » au référendum. On comprend, surtout à postériori, l’appel du KKE à voter par un double « Non » (nul au comptage). Il semblerait que l’importance de la victoire du « Non » ait dérangé les calculs de Syriza, qui aurait été plus à l’aise dans sa politique avec une "victoire" du « Non » beaucoup plus modeste.

Il est clair aussi que le KKE, par son histoire et son activité en général, syndicale aussi, appelle à d’importantes et nombreuses loyautés au sein de la classe ouvrière et du peuple en général, mais a aussi une très grande responsabilité à assumer.

Toutefois, il faut avoir en vue les réalités d’aujourd’hui ainsi que celles de l’histoire récente. La résistance grecque EAM (Front de libération nationale) qui représentait la majorité du peuple grec pendant l’occupation allemande, avait subi à la fin de 1944 l’intervention militaire et les massacres, conduite par les « alliés occidentaux » ayant pour but l’assujettissement du peuple grec et la remise sur le trône du roi Georges II (de la dynastie danoise de Slesvig-Holsten-Sønderborg-Glücksborg) qui avait la faveur des Britanniques. On peut dès lors dire que les Grecs ont chassé les occupants allemands pour être à nouveau occupés, cette fois-ci par leurs « alliés occidentaux ». Entre 1946 et 1949 a eu lieu une guerre, dite "civile", où les "alliés" furent bel et bien impliqués. Elle a été perdue bien que les communistes aient eus quelques frontières amies, ce qui n’est pas le cas maintenant. Cette situation anticommuniste répressive a persisté des années après. En 1967 a eu lieu le coup d’état de la junte des colonels, instigué et soutenu par les "alliés" étasuniens avec la même répression qui a duré jusqu’en 1974. Un des résultats en a été l’invasion de Chypre et l’occupation d’un tiers de son territoire par la Turquie.

Nous n’entrerons pas dans le détail de la malfaisance de toutes ces luttes intestines fomentées par nos "alliés" : les morts, les emprisonnements, les exils, les dégâts… mais elles ont laissé des traces indélébiles, dans les mémoires aussi.

Considérant ce qui est dit plus haut et que l’OTAN a des bases militaires en Grèce (Souda, en Crète), au Kosovo (Bondsteel) voisin et ailleurs dans la région, que les guerres en Ukraine, en Syrie… ainsi que les provocations frontalières de la Turquie attisent délibérément une tension permanente, un changement de régime, risquerait fort de donner lieu à une intervention étrangère en conjonction avec des collaborateurs locaux.

Le KKE aux dernières élections législatives a obtenu 5,47% des suffrages, et compte à la Vouli, 15 députés sur 300. Si de nouvelles élections devaient avoir lieu demain, il obtiendrait sûrement un large vote en conséquence de la désaffection pour Syriza et d’autres partis, toutefois il serait hautement improbable qu’il ait la majorité. Ce serait moins improbable qu’il conduise une coalition, et moins encore d’y participer comme partenaire minoritaire. Une telle alliance, par sa nature même, temporaire, aurait un objectif circonscrit. Cela a été le cas en 1989/90 quand le KKE s’est allié avec la ND et avec le PASOK, un précédent qui montre qu’il n’a pas toujours été hors de question qu’il participe à un gouvernement majoritairement bourgeois si les circonstances le demandaient.

Refuser l’instauration d’une monnaie nationale, parce qu’elle servirait à la bourgeoisie ou à l’impérialisme, implique obligatoirement le soutien passif de l’Euro. Le KKE déconsidère que celle-ci puisse servir à un autre usage. Il ne prend pas en compte le fait que la monnaie nationale est partie intégrante de la souveraineté, qu’elle constitue un de ses attributs régaliens quel que soit le régime : bourgeois, socialiste ou autre. À qui et à quoi servirait-elle, est une autre question. On ne peut pas confondre l’outil et son usage. Il en est de même pour la présence de frontières délimitant le territoire et sa gestion économique, sa langue, son histoire, sa culture, sa dignité ; tous ces éléments qui répondent à l’indépendance et à la souveraineté d’un peuple, d’une nation, valent le combat pour les obtenir. Y compris dans le cadre du système capitaliste, c’est préférable que d’être une colonie, une semi-colonie ou "territoire" sous tutelle, quel que soit le terme pour décrire sa situation d’aujourd’hui. C’est une étape intermédiaire nécessaire sur la voie du socialisme.

Donc dans cette affaire et dans le cadre de l’exploitation capitaliste, il y a deux enjeux et dans cet ordre de priorité, mais qui se confondent, la lutte du peuple entier pour la souveraineté nationale et la lutte de la classe ouvrière avec ses alliés pour le socialisme. Dans le premier cas la lutte est motivée face à la double exploitation des travailleurs : l’exploitation exercée par le capitalisme étranger en collaboration avec la couche compradore de la bourgeoisie nationale, et l’exploitation exercée par la bourgeoisie nationale. Dans le second cas il n’y a que l’exploitation des travailleurs par la bourgeoisie nationale.

Il en découle logiquement, surtout dans une situation de faiblesse du Parti que s’il tient à se battre, il est obligé de faire des alliances avec d’autres forces patriotiques y compris celles de la bourgeoisie nationale contre le capitalisme étranger et ses collaborateurs de la couche compradore de la bourgeoisie. Dans la même veine il est même nécessaire de défendre la bourgeoisie nationale et par exemple la défendre contre toute importation préjudiciable aux producteurs locaux, faire tout son possible pour que le pays devienne autosuffisant.

Au-delà des alliances nationales, il est nécessaire de se servir aussi de tous les appuis internationaux avantageux lui permettant de contrecarrer ses adversaires et de renforcer le pouvoir des forces populaires et du progrès, comme par exemple la Russie ou les BRICS.

Dans une situation qui est vraiment difficile, même existentielle, la sortie de la Grèce de l’Union européenne et de la zone-euro, pour le KKE n’est envisageable que par la voie du socialisme, et pour arriver à cette fin il y a tellement de conditions préalables, qu’on n’en voit ni le bout ni le chemin. On ne peut pas faire de vagues allusions au socialisme… et puis proposer comme voie « le renforcement du Parti comme condition préalable » en vue de « la restructuration du mouvement ouvrier » qui « revendiquerait des mesures de soulagement immédiates » du peuple, qui permettrait de « changer le rapport de forces négatif » pour « renforcer la combativité » « contre le fatalisme et la subordination de la classe ouvrièrecontre ses vieux et nouveaux gestionnaires de la barbarie capitaliste ».

Le but n’est pas, en soi, de combattre – ce qui est un processus, un moyen – mais aussi de survivre, de progresser et de vaincre !

Alexandre Moumbaris

Le 28.7.2015

Alexandre Moumbaris est un ancien militant actif du PC sud-africain et de sa branche militaire ; il a lutté de toutes ses forces contre le régime de l’apartheid. Arrêté à l’époque avec son épouse, après un an de détention préventive, il fut condamné à 12 années de prison. Après 7 ans et demi de détention, il s’est évadé en 1979 de la prison de haute-sécurité de Pretoria. Depuis, il poursuit la lutte contre l’impérialisme sous toutes ses formes, notamment comme journaliste et militant internationaliste. Après s’être installé à Paris, Alex s’est lancé dans le journalisme d’investigation en publiant la revue BIP (Bulletin d’information presse). Il s’est attelé à produire des articles à contre-courant, notamment en dénonçant la guerre contre le socialisme menée par les journalistes au service de l’ordre dominant.

Voir en ligne : Tiré des dossiers du BIP

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