Quel avenir pour le PCF ?

, par  André Gerin , popularité : 1%

La campagne de l’élection présidentielle, son déroulement et les résultats qui en découleront les 22 avril et 6 mai, doivent conduire les communistes à prendre date.

Par défaut de candidat du PCF, Jean-Luc Mélenchon, avec le Front de Gauche, apporte une bouffée d’oxygène incontestable pour des dizaines de militants engagés socialement, syndicalement, politiquement et pour un grand nombre d’électeurs.

Le charisme et la dimension tribunitienne du candidat sont très forts.

L’hypothèse d’un résultat à deux chiffres est sérieuse.

A quatre semaines du 1er tour, Jean-Luc Mélenchon est peut-être en mesure de fédérer la gauche du PS jusqu’aux trotskistes et altermondialistes frustrés par l’absence de mobilisation depuis le référendum de 2005.

En 1995, alors que Robert Hue obtenait un score de près de 9 %, la gauche de la gauche représentait alors 14 % en totalité.

Aujourd’hui, Besancenot n’est plus en scène, Laguiller a passé la main, les Verts laissent en déshérence l’électorat écologique.

Jean-Luc Mélenchon ramasse la mise. Une dynamique indéniable existe.

Mélenchon, la stratégie d’effacement du PCF

A cet ancien trotskiste, durant 31 ans dirigeant du PS, Ministre de Jospin avec Marie-George Buffet et Jean-Claude Gayssot, nous avons offert la candidature à la présidentielle, préparée de longue date avec Marie-George Buffet dès l’année 2008. Une proposition apportée sur un plateau d’argent.

Les dirigeants du PCF s’inscrivent dans cette recomposition entamée avec Robert Hue. Il s’agit toujours de constituer un grand parti de gauche, le Front de gauche, en l’espèce sous la direction de Pierre Laurent, en se débarrassant du mot « communiste ». Pour les députés à l’Assemblée nationale, c’est déjà fait depuis juillet 2007 sous prétexte d’un groupe technique qui s’appelle GDR (Groupe de la gauche démocrate et républicaine).

Ainsi se poursuit la longue entreprise de dévalorisation du PCF, de son organisation, de son statut de parti politique, de son histoire et systématiquement tous les symboles, toutes les références historiques sont minorés voire abandonnés.

Ce travail a été inspiré par les refondateurs, en 1989 avec Charles Fiterman, Guy Hermier et bien d’autres.

Robert Hue lui a donné un coup d’accélérateur en abandonnant les fondamentaux idéologiques sous le prétexte d’une « mutation », qui a trompé des dizaines de milliers de communistes et était destinée à marcher dans les pas du Parti Socialiste.

A son initiative a été créé le parti de la gauche européenne (PGE) pour se démarquer totalement du combat, des révolutionnaires, des communistes européens.

Marie-George Buffet a poursuivi cette dissolution du PCF dans les collectifs antilibéraux. Elle a participé, dès 2008, à la mise sur orbite de Jean-Luc Mélenchon.

Le PCF est à un tournant de son histoire depuis sa création en 1920. Fêtera-t-on encore son centenaire en 2020 ?

En 2002, avec le résultat de Robert Hue, j’avais annoncé le dépôt de bilan de Colonel Fabien. Tout compte fait, ce n’était pas si mal vu. Robert Hue mène aujourd’hui la campagne de François Hollande.

En 2007, avec le résultat de Marie-George Buffet aux présidentielles, j’avais parlé de mise en faillite du PCF. Maintenant, avec Jean-Luc Mélenchon, nous pouvons assister à une OPA sur le PCF, par Front de Gauche interposé et avec mise en orbite d’un groupuscule, le Parti de gauche, qui ne doit son apparition dans la lumière qu’à la direction du PCF.

Et après les présidentielles ?

Le résultat du 22 avril, s’il confirme les sondages, sera une base de lancement de ce projet politique depuis longtemps sur le métier et qui tend à l’effacement du Parti communiste français et surtout qu’il joue un second rôle.

Quelle est, en effet, la volonté des dirigeants du PCF ? Ils ont renoncé à une candidature communiste et promu, dès le départ, celle de Jean-Luc Mélenchon. Ils vivent aujourd’hui dans l’éblouissement du tribun devant lequel ils s’effacent.

Une période d’incertitude s’ouvre pour savoir si, oui ou non, il y a un avenir pour un grand parti politique national qui s’appellerait toujours Parti communiste français.

Que se passera-t-il après le 6 mai dans l’hypothèse d’une victoire de François Hollande ? L’ambition affichée par Jean-Luc Mélenchon est de construire une force politique capable d’aiguillonner à gauche le parti socialiste.

Tout est fait pour que l’attelage du Front de gauche puisse se substituer au PCF, participation ou pas au gouvernement. Nous verrons bien ce qui se passe avec le résultat des législatives. Depuis plusieurs semaines déjà, on parle d’un groupe Front de gauche à l’Assemblée nationale, comme d’ailleurs dans un certain nombre de collectivités aujourd’hui alors que le Front de gauche est un rassemblement avec plusieurs forces politiques.

Je croyais que nous avions tiré les leçons de notre démarche d’union avec le programme commun de gouvernement et que nous avions appris que, quels que soient les démarches et les dispositifs mis en place, il n’y avait rien de bon à se fondre et à se confondre, sinon de devenir une filiale du parti socialiste.

Comment les députés communistes vont-ils exister s’il n’y a pas de groupe communiste ? Et qui aura autorité pour négocier avec le Parti socialiste ?

Car c’est bien Mélenchon qui occupe la place tribunitienne que Robert Hue a incarnée en 1995. Ensablée dans la gauche plurielle et le gouvernement Jospin, la flamme tribunitienne s’était éteinte.

Les dirigeants du PCF ont pensé la ranimer en s’effaçant au profit d’un ex-dirigeant trotskyste puis socialiste, Jean-Luc Mélenchon, qui porte un discours radical en tacticien électoraliste chevronné. Mais le diable est souvent dans le détail, car derrière « le bruit et la fureur » se dissimule une approche réformiste face à l’ultralibéralisme, l’acceptation d’une économie de marché, l’ambition illusoire d’un capitalisme civilisé.

Quelle représentation pour les classes populaires ?

Le 22 avril, la messe ne sera pas dite. Il y aura encore beaucoup de surprises d’ici là car il reste à savoir comment les classes populaires vivent cette campagne électorale, notamment les ouvriers et les employés, qui, en l’occurrence, ne s’apprêtent pas à voter pour Mélenchon.

Quel sera le niveau de l’abstention, du vote FN ? S’adresser à ces hommes et à ces femmes est fondamental pour réduire la fracture politique avec la France profonde.

Clouer au pilori Marine le Pen, porteuse du néo-populisme, est une chose. Mais il en est une autre de faire l’effort de comprendre, d’entendre l’appel au secours, la souffrance de millions de gens, qui ont l’impression d’avoir été abandonnés et qui, pour un certain nombre d’entre eux, sont ex-électeurs communistes.

Comment s’adresser en priorité à ces femmes et à ces hommes, à ces familles populaires ? C’est tout de même l’une des clés pour changer la société. Car c’est le terreau de la paupérisation économique, sociale, morale qui nourrit les racismes, anti-arabes, anti-France, antisémites.

Nous devons combattre tous les prédateurs, tous les charognards, qui se nourrissent du malheur des gens, tous ceux qui mènent un combat contre notre culture, notre art de vivre, notre mode de vie.

Dans mon livre « les ghettos de la République, encore et toujours », je parle aussi bien de la fracture sociale qu’ethnique, qui existe dans certains territoires. C’est une question qui interpelle toute la gauche et les communistes en particulier.

Notre société, une marmite en ébullition

Durant cette année 2012, vont s’opérer de grandes manœuvres de transformations sociales car le capitalisme, son mode de production sont à bout de souffle. Le capitalisme occidental a fait son temps. Sa crédibilité mondiale est atteinte. C’est bien ce qui explique pourquoi il devient de plus en plus cynique et sans pitié.

La maison France vacille. Les institutions républicaines sont attaquées. La démocratie, la souveraineté populaire, nationale sont en danger, alors que se profile la perspective d’un nouveau traité européen destiné à placer les Nations sous tutelle.

Notre système politique est obsolète. La grande bourgeoisie, les décideurs économiques et financiers avec les grands médias redoublent leur combat contre notre modèle social et d’intégration de tous avec les forces politiques à leur service dans une bipolarisation PS/UMP.

Une réorganisation, une recomposition de structures politiques sont en cours. De nouvelles répartitions et alliances s’opèrent.

Le Parti communiste s’inscrit dans cette recomposition avec le Front de gauche et nourrit son délitement, son effacement comme force politique nationale, prive d’une représentation politique les classes populaires, ouvrières et les employés pour le plus grand profit de l’abstention et du vote FN.

Nous vivons une situation inédite au niveau géopolitique, pleine de périls, pleine de possibles aussi, avec un capitalisme prédateur et l’exigence qui monte d’un changement de société.

Un projet du socialisme de notre temps

N’oublions jamais que le capitalisme produit l’anticapitalisme, ce qui remet à l’ordre du jour les valeurs et les idéaux du socialisme et du communisme toujours renaissants.

Être marxiste aujourd’hui nous impose l’urgence d’une dynamisation de la pensée pour définir, voire redéfinir, un projet du socialisme de notre temps. Car nous croyons plus que jamais que les idées communistes ont de l’avenir.

Dans et hors du parti communiste, nous assistons à une bataille, à une confrontation idéologique, qui devient centrale pour le peuple de France et dans toute l’Europe, car nous vivons le temps de la décomposition, des convulsions et des révolutions pour « sortir de la préhistoire de l’Humanité », pour reprendre une formule de Marx.

Nous devons penser l’après juin pour remettre au cœur du combat avec le peuple, les pratiques de classe qui ont été évacuées depuis des années, relancer la pensée théorique complètement négligée et faire monter l’exigence de stratégies novatrices pour tous les communistes.

Pas de nouveau possible sans un parti communiste

Rien de tout cela n’est envisageable sans un Parti communiste au cœur des grandes confrontations et déflagrations qui marquent cette période et dont chacun sent bien qu’il faut que du nouveau surgisse face à une idéologie dominante qui empêche toute perspective de développement et d’essor humains. Cette volonté des forces du capital de maintenir à tout prix le couvercle sur une marmite en ébullition est lourde de dangers. Elle fait le lit de tous les totalitarismes, intégrismes, fascismes, qui, en définitive, n’ont pour objectif que de perpétrer le même ordre social sous la contrainte. Voilà qui est lourd de conflits potentiels et d’explosions, de tensions à l’échelle de la Nation, de l’Europe et la planète.

Le rassemblement des communistes doit être porteur de propositions innovantes, théoriques et politiques. Le prochain congrès du PCF doit se situer au niveau des enjeux de la période historique que nous vivons.

Un besoin exigeant d’élaboration, de réflexion, d’étude dans l’action est indispensable pour promouvoir un rassemblement inédit de l’union du peuple de France, un rassemblement pensé pour nourrir l’idée communiste.

Nous devons définitivement tourner la page du programme commun de gouvernement dont Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche ne sont que la queue de la comète.

Car les communistes ont vocation à s’adresser au peuple tout entier avec l’objectif central : les classes populaires, la classe ouvrière, le monde du travail et de la culture. L’union du peuple de France doit devenir notre axe du rassemblement bien au-delà de ce que préconise un front de gauche.

Nous devons élaborer de nouvelles idées, formuler des orientations stratégiques afin d’esquisser un ensemble de propositions politiques pour l’avenir de la France et sa place dans le monde.

Nous avons besoin d’une vision nouvelle, audacieuse, renforcée par un travail théorique, philosophique, social et culturel qui redonne tout son sens à l’élan d’un combat révolutionnaire.

Je suis persuadé que ce travail, nous devons le faire sans attendre, sinon nous serons handicapés pour reprendre l’offensive dès le mois de juillet. Nous avons besoin de nous concentrer, de nous mobiliser pour préciser le contenu de la construction du socialisme en France au 21ème siècle (en nous efforçant, si possible, de sortir des raisonnements à court terme, tactiques et électoralistes).

Nous devons donc redéfinir la logique d’un projet du socialisme comme processus de rupture avec le modèle capitaliste pour construire une société nouvelle et un monde nouveau.

André Gerin

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