Nous ne pouvons plus continuer comme avant ! Premières réflexions personnelles après les municipales

, par  Marie-Christine Burricand , popularité : 1%

Ces élections municipales ont sans aucun doute été une des batailles les plus difficiles que j’ai eue à mener dans ma vie militante, mais aussi une des plus instructives. Il m’a fallu un peu de temps pour tout simplement me poser et réfléchir. Cela étant fait, j’ai pris la décision de verser à la réflexion collective trois articles personnels.

Dans ce premier texte, j’amène un certain nombre de réflexions du point de vue des municipales. Dans un second, j’aborderai au travers de la métropole lyonnaise la question de notre place dans les institutions.

Dans un troisième, je donnerai mon opinion personnelle sur l’appel qui nous a été envoyé par Charles Hoareau et plus globalement sur notre travail avec les camarades qui ne sont plus ou pas au PCF et continuent de revendiquer la nécessité d’une organisation politique.

Dans le Rhône, nous avons perdu 3 villes communistes sur 5, deux pour la droite (Grigny, Pierre-Bénite), une pour le PS (Vaulx en Velin). Seules Vénissieux et Givors ont résisté.

Le PS lui même a perdu quasiment toutes ses villes dans l’agglomération à l’exception de Lyon, Villeurbanne et Bron. Au passage bien sur, de nombreux élus communistes sont passés à la trappe.

Nationalement, le nombre et l’importance des villes perdues caractérisent une défaite pour le PCF, mais aussi pour le mouvement populaire qui s’est en quelque sorte tiré une balle dans le pied en permettant à la droite et au FN de s’emparer d’un nombre important de communes.

L’abstention de l’électorat de gauche, la poussée de la droite et du FN, loin d’arrêter le gouvernement, aboutissent aux annonces de Valls, soit l’accélération d’un super plan d’austérité, de la casse de la sécurité sociale, des services publics, des collectivités locales et de la nation. En même temps, ces élections ont été révélatrices des forces à l’œuvre dans la société française, des dangers et des reculs, mais aussi des courages et capacités d’engagement individuels et collectifs.

A l’assemblée des animateurs de section d’octobre 2013, Jacques Chabalier, au nom de l’exécutif du PCF, caractérisait ainsi les municipales :

« Les électeurs ne confondent pas les scrutins et répondent toujours à la question qui leur est posée : cette élection, pas plus que l’élection européenne qui la suivra, ne débouchera sur une nouvelle majorité politique dans le pays et ils le savent.

Certes un sondage du JDD de la semaine dernière précise qu’un nombre de français plus important qu’en 2008 sera motivé par un vote sanction à l’égard de la politique gouvernementale. Rien d’étonnant dans le contexte actuel de popularité de l’exécutif en chute libre... Mais 61 % disent qu’ils se prononceront prioritairement en fonction des réalités locales.

Les questions que les gens vont donc se poser de plus en plus à l’approche de l’échéance sont : « qu’est-ce qu’il est possible de faire aujourd’hui dans le domaine du logement, des transports, de l’éducation, de l’accès aux services publics, à la santé, à la culture et aux loisirs dans ma ville ? Comment y parvenir ? Que peut-il sortir de bon pour moi de cette élection ? »

Cette affirmation, qui ne s’est pas vérifiée, était confortée par une étude en direction des électeurs du Front de Gauche, confirmant qu’ils se prononceraient d’abord en fonction d’enjeux locaux. Tout cela permettait de conclure des accords avec le PS quand cela semblait la meilleure manière de gagner, sans être trop gêné par la politique gouvernementale... les fameux accords à la carte.

Il faut bien dire que 15 jours avant le scrutin, les instituts de sondage continuaient à distiller l’idée que les enjeux locaux seraient dominants et que le maire était l’élu préféré des français. Il faut donc en conclure que les sondés mentent ou changent d’avis, ou bien que les instituts ne posent pas les bonnes questions, ou qu’ils participent à la manipulation de l’opinion.

Au final, il s’est passé l’inverse de ce qui était annoncé : la gauche perd un nombre considérable de villes, des maires appréciés au bilan solide sont battus et la droite progresse dans tout le pays, particulièrement l’UMP et le FN.

Je n’ai jamais cru à la prédominance du local dans ces élections. J’ai toujours pensé que la situation nationale serait dominante, à la fois dans la colère contre le gouvernement et l’approfondissement de la fracture politique, sociale et républicaine, tout simplement parce que c’est la leçon des 30 dernières années !
J’ajoute que la situation internationale – rejet de l’UE, guerres multiples et sentiment croissant d’insécurité quant à l’avenir du monde – ont sans aucun doute pesé lourd dans les consciences au moment du vote.

Il faut donc se poser une première question.

Pourquoi le PCF, en tous cas son Conseil national, n’a pas mesuré et ce pratiquement jusqu’au bout de la campagne, le rejet gouvernemental et l’approfondissement de la crise sociale et politique et le danger que tout cela représentait pour nous ?

Et, il faut voir une première conséquence de cet aveuglement : il n’a pas permis aux communistes de caractériser l’enjeu pour le capital et l’Union européenne, de rayer les villes communistes de la carte, parce qu’elles symbolisent une conception de l’action publique profondément liée au "jours heureux", un autre possible. Surtout, nos villes sont à la pointe du combat contre l’effacement des communes et le capital veut effacer les communes pour effacer la nation. Cela explique aussi que la violence de la bataille, souvent menée de concert par la droite et le PS, ait parfois surpris les communistes.

Et vient une deuxième question : la prédominance donnée à la place dans les institutions et aux accords de sommet sur le modèle ancien de l’Union de la gauche – qu’il s’agisse du PS ou du Front de gauche – le refus de mener franchement la bataille pour la nation, l’intégration aux objectifs politiques du PGE et enfin l’affaiblissement des forces organisées du PCF dans les quartiers populaires, dans le monde du travail, notamment ouvriers et techniciens, n’ont-ils pas été des obstacles essentiels pour mener au mieux cette bataille ?

Si une conférence nationale doit avoir lieu à la rentrée, comme cela est annoncé, c’est d’abord de ces questions stratégiques qu’elle doit débattre.

Le PCF a-t-il le bon positionnement politique aujourd’hui pour être compris et utile au peuple ? Le rassemblement et les alliances doivent découler de notre positionnement stratégique et non pas en tenir lieu, comme c’est le cas depuis presque 20 ans.

Il ne faut donc pas se tromper de question ; l’essentiel n’est pas de savoir si le PCF doit continuer ou pas le Front de gauche, certains ne voyant pas d’autre issue que le retour à la gauche plurielle (plusrien), mais bien : le PCF peut-il continuer sur la ligne découlant de Martigues et confirmée avec quelques aménagements au dernier congrès ?

Je réponds évidemment non. Nous avions raison au dernier congrès d’appeler à des ruptures stratégiques (cf notre texte "Unir les communistes"), et elles sont devenues urgentes.

Ces choses essentielles étant dites, je souhaite faire part de notre expérience vénissiane. J’ai pris connaissance de la discussion du Conseil national sur les municipales, auquel je n’avais pas pu participé. Il est désespérant de n’y trouver aucun élément plus précis sur ce qui s’est passé dans nos villes. J’aimerais vraiment entendre les camarades de Bobigny ou de Villejuif...

Un mot sur les conditions de la bataille à Vénissieux ; nous avions 9 listes en présence aux municipales : 5 listes de gauche, dont les premiers étaient tous issus de la majorité municipale, 3 de droite (UMP, UDI, Identitaires du FN) et une liste dite "Identitaire-Dieudonnée" qui au second tour appellera à voter pour la droite.

Perte du député dans le cadre de la vague rose de 2012 et du redécoupage de la circonscription, nouveau maire... nous avions toutes les raisons d’être inquiets, même si notre bilan était largement positif du point de vue des services publics et des engagements pris en 2008.

Aussi, nous voulions aller à une liste de large rassemblement comportant toutes les forces de la majorité sortante. Nous voulions aussi une liste renouvelée, représentative de la diversité de la ville, ouverte à des citoyens. Pour autant nous ne voulions pas lâcher sur la critique gouvernementale et sur la mise en place de la métropole lyonnaise, projet que nous combattions. Au delà de la règle à calcul, cela nous a conduit à refuser de céder aux exigences exponentielles du PS quant à leur place sur la liste et à refuser la tutelle de Gérard Collomb, Maire de Lyon et patron du Grand Lyon, que la fédération du PCF essayait de nous imposer.

Le PS local était tenté de partir seul. Nous avons peu à peu compris qu’il était soutenu dans cette démarche par la fédération du PS et, après le vote des communistes lyonnais en faveur d’une liste Front de gauche, par Gérard Collomb.

Lorsque la fédération du PS nous a dit qu’il était hors de question que nous critiquions la métropole et le gouvernement dans cette campagne si nous faisions liste commune, nous avons dit stop parce que nous pensions qu’une telle attitude nous ferait perdre.

Personne ne peut s’imaginer que la population souhaite qu’une ville soit dirigée par le seul PCF et nous sommes pour le pluralisme politique. Nous n’avons donc pas abandonné l’objectif d’une liste qui fasse vivre un large rassemblement progressiste et citoyen.

Notre liste s’est finalement construite, au delà du PCF, avec EELV, le PG, le MRC, des militants socialistes en rupture avec la décision officielle de leur parti, des personnalités associatives ou syndicales engagées dans la ville. Elle a bien fonctionné et tenu le choc. Chacun a respecté ses engagements et nos partenaires se sont battus sans compter pour gagner. Il y a eu une vraie bataille collective de la liste qui a rendu visible et concret le rassemblement sans gommer les différentes composantes. Cet effort a été décisif pour gagner.

Les médias on beaucoup parlé de la vague bleue.

La première vague, celle qui fait le résultat, est pourtant celle de l’abstention. On trouve dans cette abstention des électeurs qui ont décidé de sanctionner le Parti socialiste. Et il faut bien s’interroger sur le fait que cette sanction nous touche,aussi bien que nous ne participions pas au gouvernement. Mais, dans sa masse, cette abstention est grise, elle a la couleur du renoncement, du désespoir, de l’impuissance à changer le cours des choses, que le peuple nous renvoie en pleine tête parce qu’il faut bien que quelqu’un paie pour ce trop plein de déceptions et difficultés.

Il faut prendre au sérieux ce qui nous est dit dans cette campagne et qui traduit la fracture politique : "La place doit être bonne puisque vous la voulez tous" ou bien cette phrase qui revient de plus en plus souvent "Qu’est ce que vous me donnez si je vote pour vous ?". Au début, on prend cela pour de l’humour, mais on comprend vite que la question est au premier degré. Une partie du peuple en est donc là, prête à se vendre au plus offrant !

La deuxième vague, celle qui permet la poussée de la droite et du FN, est brune. Ses gagnants se sont faits les ardents défenseurs de l’intérêt particulier, et de l’idée "qu’il y en a marre de payer pour les autres", le pauvre, le chômeur, le rom, l’immigré et pourquoi pas le vieux, le malade... Les vainqueurs de cette vague sont souvent patrons et s’en vantent, expliquant qu’ils dirigeront les villes comme ils ont dirigé leur entreprise, sans faire de politique. Une partie du peuple est donc prête à s’en remettre aux gagneurs, aux aventuriers, nous renvoyant finalement à la faillite des idéologies et la perte de sens de l’action politique.

Comme si cela ne suffisait pas, il y a les profiteurs, ceux qui pensent que la perte de repères peut leur permettre d’être du côté des gagnants. C’est la posture du parti socialiste dans nombre de nos villes.

A Vénissieux, ils commencent par expliquer que puisqu’ils dirigent tout, du pays au Grand Lyon, ils seront plus efficaces que nous pour la ville. Comme la population ne semble pas bien comprendre, ils deviennent plus concrets : "ils ont le bras long, peuvent donner des boulots et des logements". Et puisque cela ne suffit pas, ils finissent par hurler comme la droite et le Front national qu’il faut mettre fin à 80 ans de communisme municipal ! Leur bataille dans nos villes va nourrir celle de la droite, parfois jusqu’aux alliances de second tour comme à Vaulx-en-Velin par exemple ou à Villejuif... Ils ne reculent devant rien : SMS par centaines appelant les frères et sœurs à voter pour leur candidat car la maire aurait l’intention de fermer les mosquées (procédés identiques que ceux utilisés pour la soi-disant loi du genre), tentative de manipulation du vote dans certains bureaux avec distribution de tract devant les bureaux, transports collectifs, voitures sonos pourtant interdites par la loi, la rumeur évoque même la distribution de billets... La "voyoutocratie" s’en mêle... Quand certains quartiers, certaines allées se transforment en zone de non-droit, quand le trafic de drogue se fait sans crainte au vu de tous et que la peur d’être tout simplement le plus faible fait baisser les yeux, faut-il s’étonner que la république ait du plomb dans l’aile ?

Au soir du premier tour, si le rapport de force entre le PS (15%) et nous (30%) ne laisse aucun doute et nous sommes en tête de toutes les listes, nous n’en comprenons pas moins que la situation est grave et que la vague de droite va enfler partout. Au cœur de la résistance, il y a bien sûr le PCF. Au point où nous en sommes, la ligne politique n’ayant pas varié et la fusion avec le PS s’étant révélée impossible et dangereuse, la question est simple : combien de militants dans combien de quartiers pour aller convaincre les électeurs, et nous vérifions qu’il vaut mieux dans ces cas là, avoir une organisation solide. Nos partenaires ne ménagent pas leur peine. Mais surtout il y a ces citoyens qui vont se mobiliser autour de quelques idées fortes : refuser que la vague bleue efface l’acquis populaire que représente Vénissieux et le bilan des équipes sortantes, défendre l’intérêt général et le vivre ensemble, ne pas céder au communautarisme, faire le choix du courage plutôt que celui de l’adaptation au système, affirmer un choix républicain et de défense de la commune. Il y a donc des citoyens qui se repolitisent, font le choix du courage, du combat et de la résistance. Comment continuons-nous le chemin avec eux ?

Le PCF va-t-il regarder tout cela en face, mesurer l’ampleur et la dureté de l’affrontement de classe présent et à venir, et en tirer les conséquences quant à la nécessité de renforcer le PCF en terme d’organisation et de puissance idéologique ?

Va t-il prendre les décisions permettant d’aller à la rencontre du peuple, pas tel que nous l’imaginons mais tel qu’il est aujourd’hui ?

Va t-il affronter les questions comme elles se posent dans les têtes quitte à modifier son discours ?

Depuis, l’élection de François Hollande, nous avons appelé à plusieurs manifestations, la dernière étant celle du 12 avril. Je ne remets pas en cause leurs succès et leur bénéfice pour ceux qui y ont participé. Mais ces initiatives sont-elles de nature à empêcher le peuple de s’enfermer dans l’abstention et de se tourner vers la droite ou l’extrême droite ? Je ne le crois pas et les élections municipales l’ont montré. Or, si nous ne ramenons pas vers nous et nos propositions une partie de ces électeurs, ce sera la fuite en avant vers le pire.

Passons moins de temps à régler nos rapports de force avec les directions politiques des partis et un peu plus à travailler le rapport de force dans la société et les consciences.

Enfin, alors que les marges de manœuvre des communes se réduisent considérablement avec l’acte 3 de décentralisation et les annonces de Valls sur les collectivités locales, allons-nous avancer sur ce que peut être une gestion de lutte aujourd’hui et l’exigence d’un telle bataille pour les communistes et leurs élus ? Si nous ne le faisions pas, nous risquerions bien de transformer nos maires en fusibles de la colère populaire.

Pour terminer, ces élections municipales ont montré que la France était une poudrière et confirmé que la colère explose aujourd’hui du côté de la droite. Nous ne pouvons plus continuer comme avant !

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