Plaidoyer pour la reconstruction de valeurs collectives

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 1%

Hier nous avons enterré notre secrétaire de cellule, il y avait une foule qui avait souhaité l’accompagner. En rentrant j’ai acheté quelques légumes sur la place du marché devant chez moi. Mon marchand habituel dont je soupçonnais depuis longtemps les opinions m’a demandé « ce n’est pas votre heure habituelle », je lui ai répondu : « je suis allée à un enterrement ». Il a hoché la tête : « c’est celui de Ibba ? » et à partir de là, il m’a raconté sa vie, celle d’un enfant du Canet qui ne supporte pas l’injustice, le communisme pour lui c’était Gilbert, toujours souriant, toujours un tract à la main. Il a ajouté en bon marseillais, « nous avons suivi n’importe qui, un mélenchon, un socialiste, un arriviste, ce n’est pas nous ces gens-là… je préfère encore la droite avec eux au moins je sais... depuis que je suis tout petit c’est plus fort que moi dès que je vois un costaud qui frappe un petit je m’en mêle… ». Voilà de quoi est fait notre électorat, ceux qui dans leur cœur portent encore le communisme et qui se reconnaissent dans le militant. Celui dont mon mari me disait « quand le secrétaire de cellule passe même le chien remue la queue… ». Le marchand de légume m’a dit : « demain je les vois, je suis sur le marché du Canet, ils viendront tous m’acheter des légumes, c’est ma section, ma cellule, mon club de foot… ».

J’interviens rarement sur la politique française, ayant choisi volontairement à travers le blog que nous animons avec Marianne, de jeter sur les questions internationales un éclairage qui est pour le moins original vu l’état de nos médias et de nos forces politiques. On pourrait résumer notre point de vue par l’idée générale, « il faut comprendre les peuples pour éviter la guerre ». Le terme de peuple est encore trop général, nous choisissons d’aller à la rencontre de ceux que l’on condamne en France comme ailleurs au silence, les victimes de l’ordre capitaliste, impérialiste, néolibéral. Parce que nous savons qu’à l’inverse des marchands d’armes, des monopoles financiarisés qui pillent la planète, ils n’ont pas intérêt à la guerre.

A ce souci fondamental, il faut encore ajouter en ce qui nous concerne une curiosité toujours en éveil, disons anthropologique pour l’incroyable créativité des dits peuples, de leurs langues pour Marianne et de leurs modes de vie, histoire, science et arts pour nous deux.

Donc ce blog s’est fait une spécialité de la compréhension des cultures et des politiques de la planète, en rétablissant d’abord les faits souvent tronqués. Cela est notre conception aussi du communisme, car nous affirmons notre engagement non comme une cécité mais au contraire comme une vision critique et pratique. Nous sommes toutes les deux des militantes du PCF, pleinement mais sans œillères.

Donc ce travail de notre blog qui peu à peu en a fait une référence en France et dans le monde, privilégie l’analyse des faits au niveau international, le monde remue et malgré la domination du capital, cela bouge dans le bon sens. Partout on assiste au réveil des peuples que l’on aurait pu croire anesthésiés par la contre révolution, et par l’instauration d’un ordre néolibéral, creusant de monstrueuses injustices, détruisant partout les collectifs comme facteur de résistance, assortissant cette spoliation générale d’une idéologie libérale libertaire, celle du libre renard dans le poulailler.

Ce qui se passe dans le monde s’est passé en France, et l’affaiblissement de notre parti fait partie de cette vague que le capitalisme a imposé au monde quand il a cru l’avoir emporté. La manière dont les communistes ont résisté et leur choix de conserver un parti, de lui donner une nouvelle direction fait partie de cette résistance qui a donné lieu chez nous comme ailleurs à de grands mouvements qui pèchent encore aujourd’hui par l’absence d’une perspective politique qui permettrait de reconstruire un destin collectif. Un marxiste sait que l’individu est riche seulement de la multiplicité de ses relations sociales et la solitude, la concurrence, l’envie ne sont pas la voie du bonheur. Il y a des valeurs, une conception de ce que l’on doit aux siens et à notre planète commune qu’il faut reconstruire. C’est pour cela que nous avons besoin du communisme pas pour contribuer à l’individualisme général et à un monde de concurrence, d’isolement.

Pour nous, mais je parle essentiellement en mon nom, un espoir est né lors de notre dernier congrès, une nouvelle direction a pu être désignée avec Fabien Roussel et presque aussitôt nous nous sommes lancés dans une campagne des européennes pour la première fois depuis 14 ans sous notre drapeau, avec un représentant d’une grande qualité Ian brossat, une liste qui nous faisait honneur. On dit que les résultats n’ont pas été au rendez-vous. C’est faux, après tant d’années d’effacement, alors que des générations entières n’ont plus entendu parler des communistes, le résultat fut positif et les communistes l’ont estimé comme tel. Une ombre au tableau : notre faible impact dans la classe ouvrière et dans le monde du travail, 1% des ouvriers ont voté pour le parti.

Fabien Roussel, il me semble, s’est alors préoccupé de cette question essentielle et d’une autre non moins essentielle, l’état du parti. Il l’a fait en multipliant dans les médias une présence qui a offert son véritable visage au communisme français, celui d’un grand bon sens, proche justement de ce monde du travail, refusant les pièges et les dévoiements médiatiques pour rester sur le fond des revendications légitimes, qu’il s’agisse des retraites, des pompiers, de la SNCF, des hôpitaux, il ne cesse de dénoncer les pièges tendus à l’opinion publique pour qu’il ne soit jamais question du fond. Il rassemble au lieu de diviser et les communistes s’y reconnaissent enfin.

Mais il faudra du temps pour remonter ces vingt années où notre parti sous l’influence de directions erratiques et inconséquentes qui ne croyaient plus elles-mêmes en ce dont elles avaient prétendu diriger, ne se sont plus préoccupées du parti que pour en détruire l’organisation et ont fait porter tous leurs efforts sur des unions de la gauche dans lesquelles nous étions vassalisés, humiliés, ignorés tout en étant les fantassins des campagnes électorales, voire en assurant leur financement.

Il faudra du temps pour recréer un parti, pour construire ensemble une stratégie pour le socialisme, mais nous ne pouvons que remercier Fabien Roussel, ceux qui le secondent dans sa tâche, les élus qui ont le courage d’affronter une telle tâche. Il faut que cette équipe mesure qu’en peu de temps elle a acquis la confiance du parti et que celui-ci ne veut plus de dévoiement d’aucune sorte. Plus de forces qui œuvrent en son sein pour poursuivre la liquidation ; le parti appartient à tous et il n’est pas question de traquer les opinions, mais il faut tous que nous œuvrions dans le même sens parce que ce n’est pas simplement de nous qu’il est question, la France, le monde ont besoin de cette voix originale qui est en train de peu à peu redevenir audible.

Mais, car il y a un mais, chacun mesure bien que partout sur la planète les peuples protestent comme le fait le peuple français, qu’ils reçoivent les mêmes réponses, la répression, l’organisation en leur sein de guerres civiles et les leurres médiatiques qui vont en ce sens, celui de diviser pour régner. La planète crie grâce, personne ne peut plus tolérer la destruction et le pillage capitaliste, nous avons besoin de dialogue, d’échange et de combats communs. La France, ses gouvernements successifs, partout ont choisi la vassalité, l’abandon de souveraineté pour notre peuple comme pour les autres, des sommes énormes sont déversées dans les armes et les expéditions néocoloniales, on attise les haines. Ce contexte là ne peut être ignoré, trop de choses en dépendant, en Europe comme dans le monde.

C’est à ce titre que parce que nous soutenons la nouvelle direction de notre parti, nous demandons à ce que soit mis en conformité avec l’effort entamé au 38ème congrès, une politique internationale digne de ce nom, à commencer par un retour au dialogue avec les partis communistes du monde entier. Il ne s’agit pas d’une question secondaire même si nous approuvons le choix prioritaire du secrétariat de notre parti de recréer les liens avec les couches populaires, la classe ouvrière française.

Danielle Bleitrach

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