« Nous, les Sud-Africains, nous n’avons aucun doute sur le fait que les Palestiniens obtiendront un jour justice »

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Entretien avec Donnie Kasrils, compagnon de route de Nelson Mandela, membre fondateur de la branche armée de IANG, Ronnie Kasrils a combattu I’apartheid en Afrique du sud dès le début des années 1960, alors qu’il.était âgé de 20 ans. Homme politique, écrivain [1], il livre une dernière bataille : faire reconnaître les droits des Palestiniens à leur terre. Petit-fils d’immigrés juifs, il affirme que la cause du peuple palestinien est juste.

Interview publié dans l’Humanité Dimanche du 31 juillet au 6 août 2014.


HD : Vous faites souvent la comparaison entre l’apartheid que vous avez vécu en Afrique du Sud et la situation du peuple palestinien, pourquoi ?

Ronnie Kasrils : Les deux peuples autochtones de ces deux pays ont été dépossédés de leurs terres par des personnes mues par un projet colonial. Le fait de s’emparer des terres conduit nécessairement à créer une résistance au sein de
la population, et donc à des répressions.

Mais la répression subie par les Palestiniens est pire que celle que l’on a connue. Tous ceux qui ont lutté en Afrique du Sud contre l’apartheid et qui visitent la Cisjordanie ou la bande de Gaza reviennent choqués et disent que c’est "comme l’apartheid", avant de se reprendre et d’ajouter : "C’est même pire !" Bien sûr, il y a eu des massacres en Afrique du Sud (Soweto et Shaperville), mais jamais nous n’avons subi, comme à Gaza, des raids aériens, des bombes, des missiles, dans des zones densément peuplées.

HD : Alors pourquoi, selon vous, ce drame palestinien n’est pas perçu par la communauté internationale comme aussi intolérable qu’en Afrique du Sud ?

R.K. : Je pense tout d’abord qu’il y a une certaine sympathie pour les juifs, après ce qu’ils ont subi pendant l’Holocauste. Mais la seconde raison qui explique cette différence de traitement, c’est que les puissances occidentales considèrent qu’Israël joue un rôle stratégique très important dans le contrôle de leurs intérêts au Moyen-Orient. La complicité des grandes puissances permet donc à Israël de violer toutes les résolutions de I’ONU.

HD : Est-ce que le fait que nos dirigeants politiques présentent le conflit en renvoyant "dos à dos" Israël et le Hamas, ne nous éloigne pas justement de cette
perception d’apartheid ?

R.K. : Oui tout à fait. C’est inexcusable pour votre président, François Hollande, d’avoir cautionné l’offensive israélienne alors que des enfants et des femmes étaient massacrés comme à la boucherie. Les hommes politiques ne sont pas les seuls responsables de cette situation, les médias occidentaux relayent aussi cette propagande sioniste, fabriquée de toutes pièces. Mais cette machine de
propagande est en train de "craquer". Les grandes manifestations en faveur du peuple palestinien dans le monde et la croissance du mouvement de boycott, prouvent que l’opinion n’est pas si crédule qu’on le pense.

HD : En Afrique du Sud, la lutte avait un visage, celui de Mandela, n’est-ce pas le problème des Palestiniens qui manquent peut-être d’un leader. Certains sont
morts, d’autres, comme Marwan Barghouti, en prison...

R.K. : Et c’est bien pour cela que des Palestiniens sont tués ou emprisonnés. C’est pour empêcher la naissance d’un meneur de troupes. Maintenant, d’autres leaders vont émerger, car c’est dans la lutte qu’éclosent les leaders. Mais ne faites pas I’erreur de penser qu’en Afrique du Sud, nous n’avions que Mandela. Lui-même insistait pour dire que "ceux qui font l’histoire, ce sont les masses".

HD : Vous êtes militant de la campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions)contre Israël, pourquoi ?

R.K. : En Afrique du Sud, nous avions "4 piliers" : la lutte armée, la lutte souterraine, la lutte politique au grand jour et le boycott. Ce n’est sûrement pas à moi de dicter aux Palestiniens ce qui, à tel ou tel moment, est le moyen de lutte le plus pertinent. En revanche, ce que je sais, c’est que, dans toutes les situations, il y a deux éléments qui sont vitaux : la résistance de la population opprimée et la solidarité internationale. Et si, justement, cette résistance est soutenue par un mouvement de boycott qui grandit au niveau international, je suis convaincu que la lutte du peuple palestinien sera victorieuse. Cela prendra du temps, mais ce n’est pas le moment de désespérer, car lorsque nous luttions contre l’apartheid, personne ne croyait que nous allions gagner. Et pourquoi nous avons gagné ? Parce que notre cause était juste, parce que nous avons utilisé différents moyens de lutte et parce que nous avons bénéficié de la solidarité internationale. Nous, les Sud-Africains, nous n’avons aucun doute sur le fait que les Palestiniens obtiendront un jour justice.

Entretien réalisé par Émilie Denètre, l’Humanité Dimanche

[1Ronnie Kasrils a écrit, notamment, "David et Goliath : qui est qui au Moyen-0rient", publié par I’ANC en 2007.

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