Notre peuple ne veut pas de moindre mal, mais une issue à la crise du capitalisme ! Réponse à Bernard Friot

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Bernard Friot, économiste communiste dont les idées du salaire universel et de la cotisation économique ont marqué des militants, donne son avis sur le vote organisé les 7, 8 et 9 mai pour la décision de la candidature aux présidentielles de 2022.

Il donne trois raisons de ne pas suivre la proposition de la conférence nationale (l’option 1 du vote validant une candidature communiste), et conclut qu’il soutient l’option 2 (qui propose de travailler à une candidature unique de rupture), la présentant comme le "moindre mal".

Curieusement, il ne donne aucun argument ni négatif ni positif en faveur de cette option 2 ni d’ailleurs en quoi elle serait un "mal", même si c’est le "moindre mal". On peut supposer donc qu’il aurait préféré encore une autre décision, mais ne l’évoque pas.

Les communistes ont beaucoup discuté depuis plusieurs mois pour préparer la conférence nationale et continuent à le faire en préparant le vote, et les raisons qui ont poussé de nombreux militants et une nette majorité de la conférence nationale à proposer une candidature communiste sont plus riches que la lecture qu’en propose Bernard Friot.

Et surtout, alors que les communistes cherchent comment prendre l’initiative dans un moment historique de grands bouleversements, que cela bouscule les clivages issus de décennies de difficultés, il ne voit pas l’enjeu de construire l’unité des communistes, bien loin des débats de courants du parti socialiste. Car on peut être pour ses propositions sur le salaire universel et penser justement qu’il faut une candidature communiste pour mener la bataille idéologique de fonds sur le développement du salariat comme modèle de société. On peut aussi critiquer son discours économique du salariat généralisé et penser au contraire que Mélenchon est le meilleur candidat de gauche possible...

Bref, Bernard Friot ne voit pas que les communistes se réinventent et qu’il devrait chercher comment ses idées peuvent contribuer à unir les communistes autour d’un projet de rupture, plutôt que d’en rester à la dénonciation des arguments des autres.

Il critique trois arguments en faveur de la candidature communiste dont il fait une lecture orientée en portant des jugements peu fraternels.

1/ la faiblesse de la gauche

Le premier est parfaitement cynique et irresponsable : aucun sondage ne donne de candidat de gauche au second tour, et si par miracle Mélenchon y était, il serait battu par Marine Le Pen compte tenu de l’effondrement du front républicain à droite, donc profitons de la tribune du premier tour de la présidentielle pour faire connaître les propositions du parti et soutenir nos candidats aux législatives.

Passons sur le cynique et irresponsable. Passons aussi sur le fait que ce ne sont pas les communistes qui inventent des sondages défavorables à la gauche. Mais il a franchement tort de ne pas reconnaitre ce constat que font les communistes depuis des années ; les difficultés du rapport de force social et politique, dans les luttes comme dans les élections. Il est même peu fraternel de réduire cette réaction des communistes au seul souci électoral des législatives. D’ailleurs, cela pousse à l’inverse certains à défendre justement le retrait de la candidature communiste pour espérer des accords plus favorables aux législatives. C’est ce qu’avait fait le PCF en 2017, abandonnant la présidentielle en espérant un accord législatif qui ne s’est pas produit, au contraire. Et c’est justement ce que ne veulent pas faire les communiste en 2022.

Le choix d’une candidature communiste est au contraire pour beaucoup de militants une tentative de relever le défi de la reconstruction d’une alternative de gauche qui tire les leçons des raisons de son affaiblissement, de sa coupure avec les milieux populaires. Comme le dit avec justesse Fabien Roussel, le problème de la gauche, ce n’est pas sa division, c’est sa faiblesse. On pourrait même dire que c’est sa faiblesse qui crée ses divisions ! Dans les années 1960, c’est la force du parti communiste qui a conduit d’autres partis de gauche a accepté l’union. Et la faiblesse de la gauche aujourd’hui résulte d’abord de la trahison par toute la gauche gouvernementale des milieux populaires... et tout le monde a sa part, du PCF au gouvernement de la gauche plurielle, aux verts qui ont fait presque tous les gouvernements, en passant par Mélenchon qui défend toujours Mitterrand et bien sûr le PS qui ne rompt en rien avec cette histoire. Personne ne peut croire comme le propose l’option 2 qu’on va résoudre cette faiblesse par la magie d’une candidature unique qui ne pourrait se faire que sur un programme en continuité avec cette gauche qui a coupé avec les milieux populaires.

2/ l’hostilité avec la FI

Le second est l’hostilité à Mélenchon, chez certains postérieure au premier tour de 2017 compte tenu des propos désastreux qu’il a tenus sur le parti, de ses égarements sur le caractère "gazeux" de FI ou de sa déclaration de candidature avant toute concertation à gauche ; mais surtout une hostilité plus ancienne par refus du Front de gauche, en majorité chez les droitiers du parti favorables à l’alliance de premier tour avec le PS (ce sont eux qui "tiennent" l’orga depuis le dernier congrès, avec Lacaze et Zamichiei), en minorité chez celles et ceux qui, à Vénissieux, Béziers ou ailleurs, en appellent au parti d’avant le congrès de 76 et au retour de Marchais.

Bernard Friot ne fait pas confiance aux communistes en les classant par étiquette selon leur histoire et en niant leur effort pour réinventer le "parti communiste du XXIème siècle" qui était le thème central du dernier congrès. Soit il ne veut pas voir, soit il fait comme s’il ne voyait pas que la question qui agite tous les communistes, de Paris à Marseille et de Vénissieux à Toulouse, c’est justement de réinventer un point de vue communiste propre, ancré dans le monde du travail, qui porte l’ambition de changement de société, le renforcement du parti communiste, dans le cadre d’un rassemblement populaire majoritaire dont tout le monde cherche les formes, mais dont on sait tous qu’il ne peut résulter d’accords électoralistes.

Bien sûr qu’il existe une diversité de manières de poser ces questions, mais nier ce qu’elles ont en commun, c’est refuser de contribuer à sortir des pièges dans lesquels l’histoire de l’union de la gauche nous a laissé. Bien évidemment, des communistes qui se sont trouvés face à des ministres de Hollande fermant leur hôpital, ou à un candidat FI permettant l’élection d’un député LREM, ou a une alliance EELV-droite pour faire tomber un maire communiste, ou ceux qui se battent contre la droite dans des alliances larges à gauche, tous ont naturellement des réactions différentes sur les alliances électorales possibles. Mais le propre du débat sur les présidentielles, c’est que personne ne veut reproduire ni 2007, ni 2012, ni 2017 !

Et il connait bien mal les communistes quand il ne voit pas que les communistes de Vénissieux, qui s’étaient opposés au Front de Gauche, ont développé des relations fortes avec la FI locale, associée à la gestion de la ville, et que cette section a réussi à construire une majorité large de gauche pour les municipales, tout en votant très majoritairement pour une candidature communiste au dernier congrès !

Ce n’est pas fraternel d’ailleurs d’afubler des étiquettes "vieillottes" en laissant croire que Vénissieux veut revenir au parti d’avant 76, alors même que cette section interroge au contraire l’absence de bilan de l’union de la gauche décidée en 1965, et mise en œuvre principalement par Marchais justement [1] ! Le fait de regarder notre histoire les yeux grand ouverts sur nos erreurs stratégiques ne relève d’aucune nostalgie, au contraire ! La violence du capitalisme mondialisé actuel conduit à s’interroger sur le choix du 22eme congrès d’une voie pacifique au socialisme 3 ans après le coup de Pinochet sans rien dire de la violence de la bourgeoisie. Tirer les leçons de l’histoire, c’est ce que devrait faire Benard Friot quand il oublie que la sécurité sociale, qu’il présente comme un exemple de "communisme déja là" a été pas à pas détruite parceque le capitalisme lui, était "encore là" ! C’est donc la nécessité absolue de la révolution pour renverser le pouvoir d’état qui est la leçon de l’expérience qu’il ne veut pas voir, leçon y compris de ce "communisme déja là".

Dès 1967, la casse de la sécurité sociale...
Les conquis sociaux que Bernard Friot appellent "déja là" sont toujours dominés tant qu’on ne renverse pas le capitalisme et qu’il est "encore là" dans le pouvoir d’état.

3. la nécessité d’un programme de rupture

Le troisième argument est que l’échec de la gauche ne vient pas de sa désunion mais de son absence de programme de rupture, et que cette absence est largement due à l’effacement du parti, qui doit réaffirmer sa présence pour infléchir à gauche l’union de la gauche. Seul cet argument est pour moi valable, mais il ne me conduit nullement à soutenir la candidature de Fabien Roussel. Son programme n’est nullement un programme de rupture. Sa difficulté d’ailleurs à se démarquer de celui de Mélenchon se traduit dans les prises de positions équivoques contre les réunions non mixtes (avec à la clef vote des sénateurs communistes de l’amendement Unef…) et contre l’Etat employeur en dernier ressort "parce qu’il nous rappelle l’URSS et ses kolkhozes" ! Tout cela n’augure rien de bon de prochains dérapages...

C’est sans doute un point de très large accord entre communistes. Nous souffrons d’avoir trop longtemps accepté le consensus mou de la gauche qu’imposait les alliances électorales, locales ou nationales. Et ce sont les débats entre socialistes et écologistes qui sont devenus le cadre des programmes de gauche, enterrant toute rupture réelle avec le capitalisme. C’est notamment le cas dans la difficulté à faire la critique de la transition énergétique définie dans l’accord de 2012 entre PS et EELV et conduisant à une loi dite LTCEV qui n’est en fait qu’une loi de privatisation et de marchandisation de l’électricité, délaissant l’enjeu climatique urgent des déplacements !

Mais si des formules de Fabien Roussel peuvent être bien sûr critiquées, il a réussi à percer en partie le mur médiatique du silence, et notre campagne pour lever les brevets des vaccins "pas de profit sur la pandémie" est un bon exemple de réussite pour le parti. On peut critiquer cette formule de Fabien Roussel sur la référence aux kolkhozes... d’autant qu’elle confond kolkhozes et sovkhozes, et que surtout, cette formule pour se différencier de Mélenchon, ne porte pas clairement notre choix fondamental de la bataille dans l’entreprise entre capital et travail et l’importance de diriger l’état pour peser sur ce rapport capital-travail. Mais s’il est utile de partager fraternellement les critiques, les réussites et les erreurs, tout le monde sait qu’on a besoin de mobilisation et d’unité, quelque soient les choix des communistes. Comme tous les communistes, Bernard Friot peut contribuer au programme sur les enjeux décisifs de la bataille politique des présidentielles ; souveraineté nationale, industrie, climat, urgences sociales, sécurité et vivre ensemble...

Mais au lieu de contribuer à donner plus de souffle au projet, d’indiquer comment mieux faire entendre le contenu de rupture de notre programme, il participe au buzz médiatique sur des sujets utilisés par les médias dominants pour masquer les enjeux sociaux comme les propositions de rupture des communistes. Beaucoup de militants sont au contraire demandeur de messages forts pour nous faire entendre des milieux populaires et gagner un vote de combat, un vote de lutte, un vote exprimant la colère populaire, donc se "décentrant" du discours de gauche dominant.

Conclusion : le moindre mal ?

Et puis une telle campagne de premier tour de la présidentielle, loin de réaffirmer la présence du parti là où il le faut - c’est à dire sur les lieux de travail - va au contraire l’enfoncer encore davantage dans les dérives électorales. Fabien n’a été présent dans le monde du travail que deux ou trois ans avant d’être dans le cabinet d’une ministre communiste de Jospin, puis député, et depuis qu’il a pris la direction du parti toute son activité est de préparer son profil de candidat à la présidentielle. Alors que ce à quoi nous devons nous attacher, c’est à actualiser le déjà-là communiste par une présence sur les lieux de travail, que pas grand-chose dans l’activité du parti ne prépare. C’est pourquoi je ne voterai l’option 2 que comme moindre mal.

On ne saura pas où est le mal, même moindre, dans l’option 2 de soutien à une candidature unique de la gauche. On sait par contre que les promoteurs de cette option 2 défendent en fait le soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon, dont tout le monde sait bien qu’elle ne sera pas une candidature unique de la gauche.

Mais surtout, chiche, renforçons la bataille menée depuis le 38eme congrès pour reconstruire notre activité sur les lieux de travail. C’est une longue bataille et un défi. Si nous n’avons plus de dirigeants issus du monde du travail, Il faut reconnaitre que Fabien Roussel depuis qu’il est secrétaire national, a consacré beaucoup d’efforts pour cette bataille, participé à des dizaines de rencontres d’entreprises, qu’il propose aux salariés de construire avec eux des mobilisations, des liens avec la bataille parlementaire, et qu’il montre ainsi l’utilité première des élus communistes et donc du vote communiste, aider à peser sur le rapport des forces entre le travail et le capital.

Mais dans sa critique, Bernard Friot laisse apparaitre le fonds de ses préoccupations qui n’est pas la présence militante dans l’entreprise mais le "communisme déja-là" au coeur de ses réflexions comme des propositions du courant dit "refondateur" défendant la candidature JLM. Il ne serait plus nécessaire de travailler à la rupture avec le capitalisme, à la rupture révolutionnaire, parce-que l’avenir communiste serait déjà là dans le réel et qu’il suffirait de le faire grandir. L’affrontement avec le capital n’est alors plus nécessaire, il suffit de donner plus de forces au communisme existant. Les militant d’entreprises font massivement l’expérience de l’idéalisme de ce discours et de son caractère inopérant dans les luttes.

Pourtant, il y a un bouillonnement théorique et politique dans le parti communiste auquel les idées de Bernard Friot ont en fait contribué, avec beaucoup d’autres. Malgré le confinement, les débats en visio-conférence sur le socialisme, sur la chine, sur la sécurité ou sur les quartiers populaires ont démontré cette créativité des communistes et notamment des nouvelles générations qui prennent la relève dans les fédérations et sections.

Le choix d’une candidature communiste est un choix d’espoir dans le développement de ce communisme renouvelé, il bouscule les étiquettes et rassemble des communistes dans leur diversité. C’est ce qui peut faire la force de la bataille de 2022, reconstruire l’unité des communistes.

[1même si l’histoire des débats internes à la direction du PCF sur l’union de la gauche et le rôle des différents dirigeants est à faire

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