Ne signons pas un chèque en blanc.

, par  Gilles Gourlot , popularité : 1%

Si l’on s’en réfère à la presse bourgeoise ou au débat sur les réseaux sociaux, le choix qui se présente aux communistes peut paraître simple : Melenchon or not Mélenchon. Pour le commentateur politique, la spéculation est plus qu’un art de vivre, c’est un métier dont il vit grassement. Comme tout paparazzi son obsession est de savoir qui couche avec qui...

C’est ainsi que notre question devient Mélenchon ou Montebourg ?

Car bien sûr la possibilité que les communistes puissent se doter d’une candidature communiste ne fait guère vendre le PQ qui sert de support aux piteuses analyses des dits commentateurs...

Tout ce brouillage amplement encouragé par l’attitude de notre direction participe a rendre abscons les véritables enjeux de la consultation à tous et jusqu’aux communistes eux même... Essayons d’y voir plus clair.

La question posée en réalité peu se résumer en ces termes : « rassemblement » ou Rassemblement ? Avec comme question subsidiaire mais non moins capitale : doit on signer un chèque en blanc à la direction actuelle du PCF ?

S’abstenir, ou se contenter de suivre les recommandations du secrétaire national et de nombreux élus pour l’option 1, c’est à coup sur délivrer un blanc seing.

A quoi bon signer un chèque en blanc à une direction qui depuis plus de six mois n’a pas été capable de prendre la moindre initiative stratégique offensive, et a préféré entrainer le parti dans un vortex, en multipliant appels du pied tous azimuts et coups de pieds de l’âne à Mélenchon pour finir par proposer un soutien bien ambigüe à ce dernier. La seule constante fut et reste l’incantation au « rassemblement » : la réponse positive aux sirènes des primaires, les appels divers et variés, où l’on retrouve parfois les même signataires, la pétition pour l’union à gauche qui n’a pas rassemblé à ce jour grand monde... Ces initiatives ont grandement contribué à nourrir les doutes des communistes et contribué à la division sans pour autant aboutir à quoi que ce soit : Mélenchon a accéléré sa marche vers la défaite en chantant ; les frondeurs (Montebourg inclus) ont renouvelé leur allégeance au vainqueur de la primaire du PS c’est à dire le PS lui même ; Ensemble n’en finit pas de se diviser pour savoir comment se rallier à Mélenchon...

Tel Sisyphe la direction remonte la pente...

Après la conférence nationale il ne reste plus que deux options, l’ancienne option 1 (rassemblement derrière un hypothétique candidat unique de toute la gauche) réa-parait dans la résolution proposée au vote et dans la nouvelle option 1. L’option « candidature communiste » reste ce qu’elle est, un compromis permettant de rassembler ceux qui ne veulent plus suivre aveuglément la direction dans sa course folle.

Que dit l’option 1 :

« Les communistes décident d’appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon, considérant qu’un rassemblement peut s’opérer avec cette candidature et qu’elle porte une grande partie des propositions de la gauche alternative à l’austérité. Tout en poursuivant leurs efforts pour une candidature commune, les communistes porteront cet appel en conservant leur autonomie, critique et constructive, et travailleront à un cadre collectif de campagne élargi afin d’œuvrer à la construction d’un rassemblement le plus large possible. »

La nouvelle option 1 (Mélenchon) n’est en fait que le choix d’un soutien bien précaire permettant de gagner du temps tandis que les choses sérieuses se négocient en cuisine (les paparazzis n’ont pas fini de se régaler). Bien sur la recherche du rassemblement le plus large pouvant se poursuivre indéfiniment, Mélenchon va pouvoir attendre encore longtemps "ses signatures". Il est d’ailleurs à noter qu’à ce stade les parrainages collectés ne sont que des promesses... et tant qu’il n’a pas les 500 parrainages, il ne peut lever aucun fond pour sa campagne.

L’argument souvent cité que le choix de l’option 1 serait une garantie de ne pas finir dans les pattes d’un Montebourg ne tient pas plus la route que l’affirmation que ce dernier serait le sauveur de la gauche ou de la sidérurgie made in France...

Cette option ne donne aucune garantie d’autant plus qu’elle ne prévoie explicitement aucune consultation en cas d’évolution de la position de la direction.

En effet il est serait bien plus facile de retirer ce soutien qui n’est qu’une parole que de retirer un candidat communiste ne serait ce que à cause des implications pratiques que cela induit. Il serait par contre aisé de prétexter n’importe quel débordement du brouillant tribun pour s’en délester d’autant plus que celui ci ne fait pas l’unanimité chez les militants... Mais ce qui garantit à coup sûr une explosion en vol de l’attelage déjà bien plombé par des mois de tergiversation, c’est bel et bien que conforté par le vote de l’option qu’elle soutient, la direction va poursuivre sa démarche de rassemblement à la carte pour les scrutins suivants. Ceci ne manquera pas de ranimer les braises et emporter tout le monde au fond du vortex...

Le PCF pourrait alors se voir contraint à se « radicaliser », non pas comme l’entendent certains camarades proche du PRCF sur ses fondamentaux de classe, mais plutôt « radicaliser » au sens du parti radical de gauche...

Notre direction n’as eu qu’une seule stratégie depuis plus de 2 ans : empêcher le parti de présenter un candidat et se replier sur ses positions dans les conseils municipaux notamment tout en tentant de peser sur la recomposition a gauche. Soutenir l’option 1 c’est une façon comme une autre d’accompagner cette stratégie.

C’est une position de repli niant l’utilité du PCF dans le débat national.

Que dit l’option 2 :

Les communistes décident de présenter une candidature issue de leurs rangs, considérant qu’elle est le moyen de porter dans le débat nos propositions et notre démarche de rassemblement. Des camarades sont disponibles. Cette candidature pourrait, si la situation l’exige, sur la base d’un accord politique et après consultation des adhérent-e-s, se retirer au profit d’une candidature commune d’alternative à l’austérité telle que nous le proposons. Si cette option est retenue, le Conseil National soumettra le choix d’une candidature à la ratification des communistes.

L’option 2 permet aussi théoriquement de changer son fusil d’épaule. Mais dans les faits personne ne veut prendre le risque de soutenir ouvertement le baltringue Montebourg qui de toute façon a à peu près autant de chance de décrocher l’investiture du PS que de gagner le prochain concours miss France ou même d’atteindre le second tour de la présidentielle... Et encore moins de chance de l’emporter dans une consultation interne au PCF tant ce dernier est impopulaire chez les militants. En tout état de cause on peut dire que cela donnerait lieu à un remue méninge assez cocasse. Rappelons que statutairement ceci exigerait une nouvelle consultation qui, si elle avait lieu, opposerait cette fois ci une option soutien à Montebourg et la candidature d’André Chassaigne, cela aurait au moins l’avantage de réconcilier aussi sec les communistes pro et anti Mélenchon et de marginaliser définitivement le maigre carré des partisans d’une telle option.

Donc à moins que Mélenchon ne mette de l’eau dans son vin et accepte d’abandonner la "France insoumise" et de devenir le candidat du PCF et d’autres forces de gauche rassemblées,(on peut douter que Mélenchon ne lâche son projet de recomposition impliquant la disparition à terme du PCF au profit d’une nouvelle force sociale démocrate) le retrait de la candidature communiste n’est pas à l’ordre du jour. C’est un peu le même constat que fait Pierre Laurent lui même dans son article de blog intitulé « construire un vote utile à notre peuple » Sauf que lui, semble considérer qu’une candidature communiste ne peut avoir aucune utilité intrinsèque.

Mais quelle peut bien être l’utilité d’un vote utile à gauche, au moment où le débat politique est très clairement dominé par des idées droitières fortement teintées de néo-libéralisme, et alors même qu’une partie non négligeable de la gauche a pris fait et cause dans cette dérive. Le problème n’est pas la question tactique des candidatures qui agite le marigot politique, depuis des mois, dans une sorte de primaire implicite. Le problème c’est plutôt le centre de gravité politique franchement à droite. Peut on mettre tous nos œufs dans le même panier, bien fragile, que représente JLM 2017 et sa France Insoumise. Après tout si celui ci est vraiment capable de rassembler en vue d’une victoire au second tour, il peut très bien se passer du maigre apport en voix des communistes. Nous le soutiendrions bien sûr sans hésiter face à la droite ou l’extrême droite. Mais il semble bien de l’aveu même de ce dernier que sa course se limite à la compétition pour la place de « troisième homme ». Un pari, certes intéressant, mais terriblement risqué, car il est loin d’être sûr qu’il ne soit coiffé au poteau par Macron, ou même le candidat du PS, pour peu que ce ne soit pas le capitaine de pédalo. En effet les électeurs de l’aile droite de la sociale démocratie, tentés par le vote utile à droite, pourraient bien revenir au bercail si le PS leur propose une alternative à leur goût. La recomposition à gauche ne peut se faire au prix de l’effacement du PCF du paysage politique national, pour un résultat plus qu’incertain.

Ne serait il pas plutôt le moment que les communistes fassent entendre leur voix ? De nombreux électeurs communistes ou de gauche écoeurés du PS ne trouvent pas leur voie dans les pas de Jean Luc Mélenchon, qui a son propre électorat peu enclin au vote PCF. Nous avons pu le constater lors des dernières législatives. Le PCF ne profite pas forcément de l’effet d’entrainement de la candidature JLM. La “carte” des votes n’est pas la même et le comportement électoral non plus. Un candidat communiste tel que André Chasaigne pourrait être plus audible d’une France péri urbaine et campagnarde que JLM laisse froide. C’est justement dans ces zones que le FN trouve son réservoir de voix. C’est là que nous devons aller le débusquer village par village, maison par maison, sans démagogie contre productive mais avec des propositions communistes. L’implication très visible du député communiste contre la loi travail pourrait offrir un prolongement à cette lutte et remobiliser. Quelle meilleure façon de donner de la visibilité au travail de nos parlementaires et mobiliser en vue des législatives ? Plutôt qu’une campagne misant tout sur le renversement par la présidentielle avec comme discours : “votez pour moi je m’occupe du reste”, nourrissant à son tour le fatalisme en cas de défaite.

Faisons une campagne communiste de terrain, appelons à la résistance.

C’est dans les luttes et ce que nous pouvons construire avec la population que nous fabriquerons nos victoires.

Avant de terminer écoutons un instant l’avocat du « diable » rouge : Certains me diront que le programme actuel du PCF (qui certes mérite d’être revu) ne fait pas le poids face aux promesses de JLM sur l’Europe... mais ces promesses sont bien peu crédibles de la part d’un homme dont le parti appartient toujours au PGE et dont les embrassades avec Mr Tsipras, rançon de la gloire oblige, sont bien plus connues que celles de notre secrétaire national. Mélenchon ne fera que la démonstration de son opportunisme sur la question. D’autres nous diront que les positions de Mélenchon sont plus claire sur l’international (non pas la chanson...) en comparant les interventions de Mr Chassaigne à l’assemblée nationale et les prises de positions et vote du député européen Mélenchon sur la Libye... Rien ne paraît moins clair....

D’autres encore nous diront « mais le programme du PCF n’est pas assez communiste... » A moins de considérer, que le copié collé vaguement ponctué d’ajouts, plus esthétiques que marxiste, de la version 2017 de l’humain d’abord soit à minima à la hauteur du programme commun... Il n’y a guère de raison de préférer celui de la FI.

Que certains camarades et anciens camarades aient comme stratégie de reconstruire un nouveau parti en faisant table rase, cela les regarde. Mais alors, qu’ils l’assument publiquement et prennent bien la mesure de la division insurmontable qu’il risquent d’engendrer.

Plutôt que jouer à qui perd gagne avec le promoteur d’un congrès de Tours à l’envers, unissons nous tels les participant du congrès fondateur sur l’option 2.

Ne signons plus de chèque en blanc, hissons le drapeau rouge.

L’émancipation des communistes qui auront pris la décision historique de reprendre leur destin en main et la génération montante des jeunes communistes décomplexés sont peut être bien les premiers messagers d’un retournement historique.

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    Un film
    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

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    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

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    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

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